Le semi-elfe se redresse rapidement avec un regard indifférent et se dirige vers la porte, puis me signifie qu'effectivement, nous en avons terminé.
« Tu as une bien étrange manière de sceller une entente, l'ami. Je vais te dire les choses avec plus de précision puisqu'il semble que cela soit nécessaire. Il n'y a pas de Nous qui tienne. Quand nous nous retrouverons à Illyria ou ailleurs, si tu as des informations à échanger, parfait ! Dans le cas contraire, cela m'ira tout aussi bien. »Il ne montre aucune animosité à mon égard et semble calme. Mais de toute évidence, il n'a pas pris mes mots dans le sens que je leur donnais. Il me semble pourtant que c'est ainsi que se comportent les « mâles » entre eux. Si j'avais parlé à un barbare, ma phrase aurait peut-être portée ses fruits. Son sang elfique doit lui octroyer quelques subtilités qui me sont encore inconnues.
Cet entretien s'achève alors qu'il me souhaite une bonne nuit et ferme la porte derrière lui.
La fatigue me guette, mais je décide de prendre un dernier verre pour calmer l'anxiété qui s'installe. Je suis pourtant bon à ce jeu là d'habitude. Je cerne les gens, leur dis ce qu'ils ont besoin d'entendre et c'est ainsi que je créés des rapports sociaux. Jamais mes talents ne m'ont fait défaut. C'est donc sur un échec que j'avale l'entièreté de mon verre en une grande gorgée et que je me hisse non sans mal de ma chaise.
A présent assis sur mon lit de roi, ma plume dans la main, je commence mon rituel habituel.
Ma main empoigne cette dernière et d'un geste, je la plante dans mon torse nu. La douleur me surprend quelque peu mais ne me dérange pas. A côté de l'impact trônent nombre de cicatrices semblables à des petits points ou des lignes déchirées, vestiges d'autres nuits.
Quelques gouttes de sang perlent sur mes abdominaux musclés et je réitère mon geste deux fois, calmement. Chacune de mes souffrances ainsi faite me rappellent celles que j'ai enduré par le passé, celles que je n'ai pus éviter. Mais ce n'est que peu de chose. Une expiation à la hauteur de ma lâcheté.
Ce n'est qu'après cette cérémonie que je cède et m'allonge dans mes draps agréables pour m'endormir.
Un bruit léger m'extirpe de mes cauchemars et c'est l'esprit embrumé que j'ouvre mes yeux. Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, mais je suis persuadé de ne pas avoir assez dormi. Mes nuits se révèlent toujours agitées et n'ont de réparatrices que l'adjectif.
Je suppose que le Général Jillian nous gratifie de sa présence matinale pour nous offrir gracieusement son précieux entraînement.
Je noue donc ma serviette autour de ma taille pour saisir, sur le guéridon qui se trouve à l'extérieur de la pièce, mes vêtements à présents propres. Le guerrier est dos à moi, scrutant une tapisserie.
Je ne m'y attarde et retourne dans ma chambre pour m'habiller. Je le rejoins ensuite, à peu près au même moment que Korë et l'entend commenter l’œuvre qui orne le mur.
« Un aarë. Je n’ai jamais eu la chance d’en voir un, mais certains élémentaires ont eu cette joie, ce sont des créatures magnifiques. »Il est vrai que si cette chose existe, quiconque l’aperçoit pourra aisément qualifier ce moment de « joie » et ce ne sera qu'euphémisme.
La qualification qui me vient en premier est simplement « dragon arc-en-ciel ». Une créature ailée aux multiples couleurs et aux écailles brillantes. Une tête qui semble enflammée par l'astre divin qui baigne ce monde de sa chaleur et offre aux cieux un doux réconfort. Les nuages eux-même semblent accompagner l'animal dans son périple aérien.
Korë acquiesce les propos du Général et ce dernier nous gratifie d'une remarque sur notre nuit, espérant qu'elle se soit bien passée. Le semi-elfe lui répond favorablement tandis que je me contente d'un hochement de tête. Je dois dire que je ne suis pas matinal pour ma part. J'aurais d'ailleurs pensé manger quelque chose avant que l'on se rende vers la salle d’entraînement, mais le chevalier semble en avoir décidé autrement et nous nous dirigeons immédiatement vers celle-ci.
Sans Séréna cependant, celle-ci étant atteinte d'un « mal du fluide », chose qui n'est pas rare pour les personnes qui voyages à travers les mondes d'après Jillian.
Un soigneur Ishtar est à son chevet nous dit-il et je me demande alors de quoi encore sont-ils capables, ces élémentaires de Niyx.
Nos pas nous mènent au travers de nombreux couloirs jusqu'à une grande salle où plusieurs sylphes s’entraînent, contre des mannequins de pailles, en groupe ou parfois seul, effectuant des mouvements gracieux et agiles dans une danse étrange où air et matière se mêlent. D'autres les observent et quelques uns détournent le regard afin de nous faire un signe de tête, auquel je répond de la même manière.
Nombreux sont les râteliers d'armes dans cette pièce, à tel point que je ne peux les dénombrer. Du marteau lourd à l'arc, de la rapière à la claymore, tout y est. Chaque type d'arme y est représenté.
De grandes fenêtres habillent l'un des murs et je peux voir à travers de celles-ci les jardins ou semble se poursuivre le terrain d’entraînement.
Jillian poursuit cependant jusqu'à une salle d'arme où trônent nombre de tables d'expositions, de mannequins à armure et râteliers. Il nous amène près d'une table où repose plusieurs armes, comme des arcs, des épées et des poignards, mais aussi des pièces d'armures légères diverses, qui n'auraient que peu de chance d'être assimilées aux sylphes. Ce sera donc parfait pour notre mission.
Le Général nous signifie que nous pouvoir nous servir et prendre ce que l'on désir, en fonction de nos préférences.
Un problème subsiste me concernant. Je n'ai jamais touché une arme, je n'ai jamais combattu. Ma vision de ce qui m'est donné de faire avec mes dix doigts est donc tronquée. Je décide donc de m'équiper du mieux que je le peux, préférant avoir trop d'équipement plutôt que pas assez.
Je commence donc par enfiler l'une des armures de cuir présentes, légère et agréable à porter, mais tout de même renforcée par quelques plaques de métal afin d'optimiser la protection qu'elle octroie. C'est bien la première fois que je dois porter telle chose et c'est non sans mal que je m'en équipe.
Je noue une paire de poignets de force sur mes avants bras, eux aussi fait de cuir de bonne qualité et m'empresse de trouver une paire de bottes à ma taille.
Une fois dedans, je ne peux que regretter mes chaussures souples. Cependant, le manque de mobilité est compensée par un appui plus solide et un maintien de la cheville renforcé.
Il n'y a aucun miroir dans lequel je peux m'admirer, mais je suis fort content d'avoir eu la présence d'esprit de ne pas emporter avec moi mon haut de forme, qui me donnerait pour sûr un air tout à fait comique.
Je m’attelle ensuite à l’acquisition d'armes diverses. Un arc ne me semble pas approprié. Si d'aventure j'arrivais à décocher une flèche, celle-ci s'enfoncerait certainement dans un allié ou même, avec un peu de chance, dans l'un de mes pieds.
J'attrape donc l'une des deux épées qui trônent sur la table et l'agite quelque peu, afin de juger son poids. A ma grande surprise, elle n'est pas difficile à manier. Sobre et épurée, il ne s'agit ni plus ni moins d'une lame à double tranchant avec une garde simple et un manche entouré de fines lanières de cuir brunes. J'accroche son fourreau dans mon dos et l'y glisse soigneusement puis poursuis mon regard jusqu'à une série de poignards en tout genre.
Aucun ne me paraît plus meurtrier qu'un autre et je cède à l'aléatoire pour faire mon choix. Par pur aspect stratégique, je décide qu'il est opportun d'en prendre deux, à lames de tailles différentes. L'un se rapproche plus d'une épée très courte, tandis que l'autre est bien plus petit et sera approprié en cas de combat de proximité.
La sobriété est encore une fois au menu puisque ni l'un ni l'autre n'a de signe particulier, si ce n'est une lame affinée et brillante. Le plus long possède tout de même une lame à deux tranchants, tout comme l'épée. Je l'accroche à ma ceinture, contre ma cuisse droite, tandis que je mets l'autre à ma gauche.
Korë semble avoir fini depuis quelques secondes quand j'arrive enfin à lier le dernier, peu habitué à avoir autant d'équipements sur le dos. Il a également opté pour une armure, des bracelets et des bottes mais a été différent dans son choix des armes. Il a préféré à l'épée, un arc en bois qui semble solide et puissant. J'espère qu'il saura mieux s'en servir que moi et qu'il ne me tuera pas avec. Quoi que, après notre conversation d'hier, il serait bien capable de me décocher une flèche dans la tête tout à fait consciemment.
Un sourire vient accompagner mon visage à cette pensée humoristique et une fois totalement équipé et fin prêt, je me tourne en direction du Général.
« Et bien voilà. Je ne sais pas vraiment ce que je vais bien pouvoir faire avec tout ceci, mais mon choix est fait. En espérant que votre entraînement porte ses fruits. Dans tous les cas, je vous remercie pour tout, sir Jillian.»(1560 mots)
((Une paire de bottes, une armure en cuir légère renforcée, une paire de poignets de force, une épée longue, une dague longue et un poignard.))
((Mon "haut de forme" n'est plus équipé. ^^))