Le semi-elfe ouvre enfin la bouche et me gratifie d'un regard qui en dit long. Il semble également avoir le ventre qui le tiraille et la gorge sèche et le fait savoir à notre chère souveraine.
Son ton et son élocution inspire la confiance et la sympathie. Mon sentiment à son égard se profile quelque peu.
Il propose ensuite que nous nous présentions, avant de marquer une pause et reprendre dans un flot de questions à l'attention de la reine et du général. A la première, il soumet quelques interrogations dont la disparition des sindeldis qui correspond avec la période mentionnée par celle-ci. Au second, il demande des informations sur les autres aventuriers présents pour cette mission. C'est perspicace de sa part et je salut la performance. A nous deux, je pense que nous avons couvert l'ensemble des questionnements importants.
J'observe la scène avec attention, attendant mon tour. Cette fois c'est celui de Aaria'Weïla, qui nous répond, après nous avoir offert son plus grand sourire.
Elle commence simplement par s'excuser pour son manque de courtoisie et nous invite à nous servir au buffet, en prenant cependant garde au liquide vaporeux qui s'y trouve, un alcool quelque peu violant semble-t-il.
Je n'attends pas d'y être convié une seconde fois et me dirige immédiatement vers la table en question, accueillant nombre de mets savoureux. Le tout est très hétérogène, allant de petits pains cuisinés aux légumes forts singuliers. Mon regard parcoure l'ensemble, cherchant encore et encore.
(Et la viande ?! La charcuterie ?! Y'a qu'ça ?! Ils sont végétariens ici ou quoi ?)Quelques cuisses de volailles et autres morceaux de je ne sais quoi. C'est bien pauvre mais je m'en contente. Je prends soin de verser quelques gouttes du liquide visiblement réservé aux personnes averties dans un délicat verre dont l'éclat ferait pâlir la peau du plus bel elfe et m'empresse d'y goûter, avec prudence.
La puissance de l'alcool est autrement supérieur à ce que j'ai connu jusque là et ma gorge le ressent également. Une toux me prend un instant, avant de se calmer lorsque je la nettoie avec de l'eau, boisson bien plus sûre et rafraîchissante.
(Elle mentait pas la bougre !)Après m'être confortablement rassasié, je me retourne en direction de nos hôtes, les invitants à poursuivre. C'est malgré tout la mine chaude et le teint rougeâtre que je les écoute, la liqueur m'ayant quelque peu altéré.
La suite de son discours est des plus surprenante. Il y a de ça mille-neuf-cents ans, les dieux sont morts. Son air avenant s'est effacé lorsqu'elle prononce ces mots et elle nous fixe droit dans les yeux chacun notre tour.
Les races jadis présentes sur Elysian étaient semblables aux nôtres, possédant fluides et magie. Mais les dieux commencèrent à se battre, emportant tout ce qui se trouvait sur leur route. C'est à la mort de Ankh Onaka, divinité de la magie que les fluides quittèrent les êtres vivants et se déchaînèrent sur le monde. L'équilibre étant rompu, nombre de catastrophes eurent lieux, comme l'éruption du volcan Erta Ale qui décima les sindeldis jusqu'au dernier.
Durant un siècle, la guerre divine fit rage. Caelès, épouse de Ankh Onaka et déesse mère de la terre confectionna un artefact qui canalisa les fluides. Elle s'en servit ensuite, combiné à ses pouvoirs pour créer les élémentaires qui sauveraient Elysian à sa place. Ce qu'ils firent en ramenant l'équilibre et en veillant dessus jusqu'à aujourd'hui.
Elle nous explique pour finir que les humains les tenaient pour responsables de la perte de leur magie et refusaient tout contact avec eux jusqu'à il y a peu. C'est ensuite au tour de Jillian de prendre la parole, tandis que l'élémentaire se sert un verre de ce qui pourrait ressembler à du rhum brun, version sylphe certainement.
Le guerrier suppose la même chose que moi, à savoir que l'artefact a été retrouvé et est utilisé dans le but de drainer la magie des élémentaires. C'est cependant aisé comme conclusion et je ne me félicite pas pour celle-ci. Ils ignorent tout de ce dernier cependant, nous laissant complètement dans le flou. Il précise malgré tout que les Ishtars sont capables de mesurer ce drainage, ce qui peut être important pour la suite.
Il poursuit son discours, cette fois sur l'identité de nos collègues de mission. Ils sont au nombre de huit, dont quatre elfes, deux hommes et un semi-elfe. La dernière étant une lutine du nom de Guasina. L'un des sindeldis porte un nom qui m'est étrangement familier, mais je ne saurais dire où est-ce que je l'ai entendu. Il s'agit du Sergent Cromax. La façon dont le général le présente semble indiquer qu'il est normal de le connaître.
Aaria reprend la parole et j'esquisse un grand sourire, trouvant cette situation quelque peu cocasse. L'on aurait pu penser qu'ils se lançait une balle chacun leur tour. Il va sans dire que le breuvage bu quelques instants auparavant joue un rôle important dans la façon dont je réagis. Il me faudra faire plus attention à l'avenir.
Elle nous parle maintenant d'Illyria, seule cité humaine avec laquelle ils entretiennent des liens. Les autres étant soit trop éloignées, soit préférant rester loin des sylphes.
Il s'agit d'un carrefour commercial et c'est la cité la plus puissante économiquement pour cette raison. Elle semble cependant en mauvaise posture politique, due à l'entêtement d'un roi mourant qui refuse de nommer de successeur.
Elle nous propose de commencer par là, une fois le muutos maîtrisé. Il est vrai que c'est certainement l'un des points à traiter en priorité, car il serait compliqué de traiter avec des gens dépourvut de magie et prenant les élémentaires pour responsables en étant soit même sous un état flagrant de débordement de fluide.
La cité humaine nous offrira un bon point de départ pour commencer nos investigations, ouvrant d'autres portes par la suite et nous aurons un statut avantageux au sein de celle-ci, chose impossible ailleurs.
Elle finit par nous donner quelques conseils sur la suite des événements, précisant que nous sommes maîtres de la situation et conclue sur le fait que les hommes sont prompt à oublier les événements passés et que la guerre des dieux et ses événements doivent être à présent un lointain souvenir.
Je me rapproche alors de la table et juge la carte afin de mieux cerner où se dirigent l'earion, l'humain et la lutine. Une main sur le menton, je réfléchis et m'adresse finalement à l'ensemble des participants de la réunion.
« Tout d'abord merci Dame Aaria'Weïla pour toutes ces explications, ainsi qu'à vous mon Général. Je vais maintenant vous donner mon avis sur la question. Il est décidément établi que cet alcool est bien trop fort pour ma petite gorge, pourtant habituée à ce genre de breuvage. De plus, cela semble en effet la meilleure idée que de commencer nos investigations à Illyria. D'un point de vue stratégique déjà, il sera important de conserver vos liens avec cette cité et cela pourrait être compromis si un état extérieur venait à en prendre possession, profitant de la faiblesse actuelle de sa politique. »Je marque une pause durant laquelle j’observe mes compagnons d'armes. J'adresse un sourire au semi-elfe et regarde la rousse, quelque peu absente depuis le début de cette entrée en matière.
Je m'approche du premier et tend la main, en gage de présentation.
« Enchanté de faire votre connaissance, camarade. Je me nomme Sullyvan Hope, mais vous pouvez me surnommer Sully. »Je fais de même avec la guerrière et m'empresse de retourner au fond du problème.
« J'espère que la maîtrise du muutos ne prendra pas longtemps. Cela m'exaspère légèrement de décliner en plusieurs contraste je dois dire. Ensuite... Il nous faut rencontrer le roi d'Illyria, ou au moins quelqu'un capable de nous faire entrer en contact avec lui. Un entretien avec ce dernier pourra peut-être nous mener à une solution diplomatique. Je suppose que votre influence vous permettra cela. La priorité sera de mettre un nouveau dirigeant sur le trône, qui conservera des liens privilégiés avec Ilmatar, si ce n'est les renforcera. Il me semble aussi qu'il serait inutile de recruter plus d'une dizaine d'aventuriers si chacun d'eux agit dans son coin. Il faudrait donc peut-être retrouver certains d'entre eux au moins, afin d'aviser de ce qui va suivre. Deux vers Barkhane, un vers Elivagar. Où vont les autres ? Où sont-ils actuellement ? Diviser nos forces afin d’œuvrer en plusieurs endroits en même temps, c'est très bien. Encore faut-il être coordonné. »Je marque une nouvelle pause, me rapproche quelque peu de Jillian et pose mes mains sur la table avec un air sérieux.
« Une question subsiste cependant, Dame Aaria'Weïla. Avez-vous entrepris d'autres actions en dehors de celles que nous allons mener ? Vous m'avez l'air pacifiste, mais je suppose tout de même que vous disposez d'un minimum de force militaire. Preuve en est faite avec notre Général ici présent. N'avez vous rien tentée outre le fait de faire appel à nous ? Et autre chose. Vous n'avez pas encore répondu à ma question première sur le début du drainage. Depuis quand fait-il effet ? »Je m'arrête une nouvelle fois et me redresse. Je me rend compte que je m'adresse à une reine, avec une désinvolture qui frise le non respect et mon visage arbore maintenant un air gêné.
« Je suis navré ma Reine. Je vous assaille de questions et ne vous laisse même pas le temps de répondre. Mais comprenez bien qu'en tant qu'aventurier tout nouveau sur ce monde, nos questions pourraient tenir sur un livre de mille pages. »Je me tourne vers Jillian afin de lui demander un service.
« Mon Général, pour finir, j'ai un requête à vous faire. Voyez vous, je n'ai que peu d'atout en ma poche. Je ne sais ce que le muutos va nous permettre de faire, mais j'aimerais quérir les services d'un grand soldat comme vous afin de m'initier à l'art du combat, ou tout du moins de la défense. Une épée ne me siérait guère, mais je suis certain de pouvoir manier une petite arme ou me servir de mes poings. Si bien sûr, vous me faite l'honneur de m'apprendre. M'est d'avis que la suite de notre mission deviendra quelque peu dangereuse et j'aimerais y être un minimum préparé. Rien de trop long, juste quelques mouvements suffiraient. »(1711 mots)