Péripéties de Rascasse - Chapitre XLIPéripéties de Rascasse
Chapitre XLII
"Pfff... Putain, j'espère qu'y va pas falloir faire la l'çon à chacun d'entre eux.""Tu en as jamais fini, de râler ?""Ça m'tiens en forme ! Non mais sans dec', tu va pas m'dire qu'c'est pas déprimant, tout ça... C't'équipage, c'est des putains d'touristes qui y connaissent rien à rien ! Y a rien d'organisé style clair et propre et c'est pas not' chère cap'taine qu'arrange les choses. On court droit dans l'mur, à c'te vitesse !""Tu sais quoi ? Tu fais chier Mercurio !""Comment ça, j'fais chier ?""T'arrêtes pas de te plaindre sur les autres, mais tu es sûr d'y connaître quelque chose à la vie de pirate, toi ?""J'te suis pas, là.""Tu m'suis pas... Bon, écoute. La vie de pirate, c'est sensé être l'aventure non ? Alors ouais, à l'aventure, on peut se retrouver dans des situations de merde. Avec un équipage d'incapables, un capitaine qu'on aime pas vraiment et un contexte pourri voire dangereux, ça fait parti du jeu. Et crois-moi que ça aurait pu être pire, on aurait pu tomber sur un putain de tyran en tant que capitaine, des matelots qui se tombent dessus par surprise et tout ça sur une épave retapée à l'arrache après trois guerres. On est des pirates, par Moura, des pirates ! Le danger, c'est normal ! Et si ce que tu veux, c'est un truc carré et discipliné, mais bordel, barre-toi et va t'engager dans la marine !""Plutôt crever qu'd'aller dans la marine.""Bon, alors on est d'accord. Ecoute, la situation est pas si naze. Il faut juste laisser à la capitaine le temps de s'habituer à son rôle. Elle m'a pas l'air con, c'est juste qu'elle manque d'expérience et ne sait pas comment s'imposer. Et puis écoute, grâce à elle on a quand même déjà récupéré un trésor non ? Pour un début c'est pas si mal, je trouve. Et puis franchement, Mercu, c'était pas une mauvaise idée de former et encadrer ces p'tits gars. Faut continuer ça ! Mais sans t'énerver, en restant patient..."L'humoran n'aimait pas qu'on lui fasse la leçon de la sorte, mais Snori n'avait pas tord. Il avait quitté son cabinet parce qu'il n'en pouvait plus de son train-train ennuyeux au possible. Et maintenant qu'il ne savait pas de quoi demain serait fait, il se plaignait encore. Peut-être fallait-il qu'il se détende. Peut-être fallait-il qu'il se vide la tête. Mercurio s'était toujours vu comme une force tranquille, mais il ne pouvait que se rendre finalement compte que depuis son départ de Dahràm, il avait toujours été tendu. Qu'il prenait tout beaucoup trop au sérieux. Ce n'était pas bon. Pas bon du tout.
C'était donc dans cet état d'esprit qu'il vécu les jours suivants, en évitant de se focaliser sur ce qui avait tendance à rapidement l'énerver pour plutôt profiter de l'instant. Il ne savait pas où le navire se dirigeait et ce que la capitaine allait faire du trésor ? Peu importait au fond, ce n'était pas son problème. Lui il était là, peinard, à ne pas avoir à beaucoup se fouler durant ses journées. Il s'occupait des quelques petits bobos à soigner avec légèreté, aidait quand il y en avait besoin ou discutait avec les autres membres d'équipage sans oublier de leur proposer de fréquentes rasades de rhum. Il évitait cependant Samrik, Leyna et Eliwin, qu'il ne sentait pas vraiment. Samrik semblait toujours lui en vouloir pour la façon dont il s'était occupé de lui et était vraisemblablement un solitaire qui toisait toujours tout le monde de haut, pas le genre de gars à qui il se voyait faire la causette pendant des heures. Et bien qu'elle n'ait jamais été méchante, Leyna restait pour lui une folle par bien des aspects. Entre sa crise sur l'épave, ses relations mélo-dramatiques, ses théories farfelues et sa capacité à s'isoler seule pendant des heures chaque jour que les dieux font... Il était pour lui clair que quelque chose clochait là-dedans. Eliwin quand à lui semblait depuis le début vouloir rester le plus discret possible, certainement à cause de son handicap, et restait souvent collé à la capitaine. Des rumeurs absurdes s'entendait un peu à son sujet dans l'équipage, la rançon de son comportement mystérieux. Il songeait qu'au prochain port, il devrait sérieusement tenter de trouver quelque chose qui pourrait lui arranger cette gueule.
Bref, à part ces trois exceptions, il sympathisait avec tout le monde sur ce navire et ça lui faisait du bien. Il commençait même à se créer de petites habitudes avec certains. Lydia et Naho se relayaient fréquemment à la vigie, de façon à ce que le poste ne soit pratiquement jamais vide. Souvent, à l'heure des repas, l'humoran montait avec du singe pour tenir un peu compagnie au pauvre bougre coincé ici, pendant que tout le monde taillait le bout de gras en cuisine. Il aimait bien grimper là-haut. Ça lui faisait un peu d'exercice, lui permettait de prendre un peu le frais (On ressentait souvent un peu plus de vent en hauteur) et il trouvait la vue de l'horizon marin de toutes part plutôt reposante. En plus, il était aux premières loges si quelque chose d'intéressant pointait le bout de son nez vers eux. C'était ainsi qu'il put apercevoir des bateaux de pêches au loin, signalant qu'ils commençaient à s'approcher d'une terre.
Peu de temps après qu'il fut descendu, Lydia l'avait d'ailleurs en vue.
Il n'était pas mécontent de pouvoir se dégourdir un peu les pattes sur la terre ferme, mais il appris bien vite, alors que l'équipage se rassemblait sous l'impulsion de la capitaine, qu'il s'agissait là d'une crique de Sangs-Pourpres.
Il ne put s'empêcher, sur l'instant, de penser à voix haute :
"P'tain, j'y crois pas. D'tous les coins du monde où on aurait pu poser l'cul, faut qu'on tombe sur un trou d'peaux-bleues. Bordel.", avant de rajouter plus discrètement à Molrak qui se tenait à côté :
"Remarque j'dis ça mais un trou d'peau-bleue, j'cracherais pas d'ssus en arrivant à terre !"Un bon compagnon, ce Molrak. Pas très futé et assez naïf, il avait la capacité appréciable de ne contredire personne et de rigoler franchement aux blagues les plus pourries qu'il pouvait entendre. Bref, se tourner vers Molrak, s'était s'assurer qu'on aurait un soutien spontanée dans les moments où on craignait de se sentir un petit peu seul. En plus, il était certain qu'il ne rechignerait pas à faire le tour des tavernes et des bordels. Pour Mercurio, c'était une qualité en soi.
La capitaine voulait régler quelque chose avant de faire escale, attribuer la responsabilité de maître d'équipage par vote à ceux que ça intéresserait.
Il ne savait pas si c'était en toute connaissance de cause, mais elle avait certainement choisi le pire moment pour demander ça. Ils venaient de passer plusieurs jours à s'ennuyer comme des rats morts en n'ayant pratiquement rien à faire et elle choisissait le moment où tout le monde était excité comme des puces de pouvoir faire escale pour décider de quelque chose d'aussi important. Personne n'avait la tête à ça, à ce moment-là. De plus, maître d'équipage, en mer c'était une chose, en escale c'en était une autre. Il s'agissait quand même d'être responsable de toute une bande de bandits indisciplinés et de leur dire de ne pas foutre le bordel.
Alors forcément, ça n'allait pas attirer beaucoup de monde comme poste, et surtout pas maintenant.
"Nan mais c'est bon, on va pas perdre trois plombes à ça. On a pas b'soin de p'tits chefs en plus hein ? On lui dit qu'on va s'gérer et pis voilà.", disait Mercurio aux quelques membres d'équipage autour de lui.
Péripéties de Rascasse - Chapitre XLIII
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi