Péripéties de Rascasse - Chapitre XXVPéripéties de Rascasse
Chapitre XXVI
Son sort n'avait pas l'air de les presser plus que ça, Nahöriel et Snori s'affairant sur la bestiole qui avait blessé l'autre folle.
L'humoran, cerné d'ennemi, ne faisait quant à lui pas le fier. Le crabe approchait doucement avec d'étranges pas de côté, il semblait avoir du mal à gérer l'inclinaison du navire naufragé. Mais les langoustes étaient dangereusement proches.
"La première qu'avance, j'la défonce !", menaça Mercurio comme si elle pouvait comprendre un traître mot de ce qu'il disait.
Et bordel, elles avançaient quand même.
Bon, si son destin était de crever dans un combat contre des fruits de mer géant tout ça parce que ses compagnons de guerre avaient préféré suivre l'appel de la verge et aller plutôt sauver une barge de première, autant le faire avec un minimum de panache.
La force du désespoir aidant, il envoya une salve de fluide de lumière sur le costraca le plus proche et se rua sur un second, ne cherchant pas à faire dans la dentelle et frappant encore et encore comme un demeuré sur ce qui lui servait de tête. Ça avait bien marché tout à l'heure, pourquoi pas maintenant ?
Un coup, deux coup, trois coup. La bête se tenait encore debout alors que sa tronche s'était mise à ressembler à de la confiture de figue. Pourquoi il pensait à de la confiture de figue ? Il avait dû en manger une seule fois dans sa vie ! Dégagez les idées parasites, pas le temps ! En même temps, elle n'était pas au meilleure de sa forme, la bestiole. On la devinait totalement aveugle et paniqué à déplacer ses pattes dans tous les sens et frappant le vide de ses pinces. Oh et bordel ! Ses petites amies venaient l'aider. Avancé entre les deux pinces folles du homard mourant, un autre commençait à tenter de le faucher par les jambes. Heureusement que les mouvements de ces créatures n'étaient pas des plus rapides, sinon il n'aurait jamais pu l'esquiver en sautant sur la carapace de face-de-figue. Mais c'était une idée à la con. La bête affaibli s'effondra sous son poids en se brisant les pattes et Mercurio manqua de se péter la face au sol. Les autres langoustes étaient là maintenant et n'avaient aucun remords à laisser lourdement tomber leurs pinces contre la carapace de la blessée et, avec ses petits katars, il était bien difficile de pouvoir les atteindre. C'est alors que l'humoran eût une idée étrange. Il frappa rapidement de plusieurs coups la base de ce qui servait de bras à face-de-figue jusqu'à pouvoir l'en amputer, sauta au sol et envisagea de ramasser le membre pour s'en servir comme d'une arme. Il remarque bien vite qu'il s'agissait encore d'une idée à la con, la pince était bien trop lourde !
Sans défense à cause de son ânerie, l'un des deux costracas avait eu tout le temps de lever sa pince pour lui assener un grand coup. Voilà, c'était fini. Il allait mourir comme un débile. Se figeant en fermant les yeux et en grimaçant, il attendait le coup fatal qu'il ne pourrait pas esquiver lorsqu'un claquement de métal se fit entendre. Il rouvrit les yeux pour apercevoir Mythanorïe, épée solidement serrée entre ses doigts étranges.
Elle l'avait... sauvé ? Bref, on verrait ça plus tard. L'humoran dégagea la place, permettant alors à l'oudio de continuer son mouvement jusqu'à diriger la pince de la créature dans un mouvement lourd vers le pont qui trembla sous le poids.
Ah ! L'autre costraca était encore là, essayant de le frapper dans son manque d'attention ! Il eut le bon réflexe de se voûter sur le côté et de lui envoyer une salve de fluide.
Tout à coup, bonne nouvelle !
"Les chaloupes sont là !", hurla la capitaine.
Oui, c'était à en oublier qu'il y avait encore un équipage entier sur la Rascasse Volante qui devait avoir vu la scène. Il était temps qu'il se bouge le croupion ceux-là !
Mercurio commençait sérieusement à fatiguer. Il ne pouvait plus lutter au corps-à-corps contre ses immondes saloperies. Autant jouer la prudence. Il continua un instant à lancer ses fluides en s'éloignant à bâbord de l'épave, là où les chaloupes allaient les rejoindre, s'approchant par la même occasion de la prêtresse et de ses deux princes de luxe. Et puis... Non. Il rêvait. C'était pas vrai. Elle avait commencé à gratter la lyre. Putain, il déconnait, tout à l'heure, lorsqu'il pensait à leur jouer une petite gigue ! Il ne pensait pas sérieusement que c'était bien ce qu'elle ferait !
Elle s'interrompit alors qu'un costraca s'approchait d'elle, lui tranchant les antennes de sa dague et lui plantant dans la face. L'humoran passa à côté de cette langouste presque morte, l'achevant au passage d'un coup de katar en plus et se disant encore une fois que la tronche blessée de ses créatures ressemblait vraiment à de la confiture de figue.
Il était à côté d'elle maintenant. La zone était plus ou moins dégagée, les crustacés continuant d'escalader la paroi opposée étant relativement éloigné. Il profita de ce répit pour souffler un peu, regardant au passage la capitaine à l’œuvre. Elle s'agitait dans tous les sens, grimaçant et faisant des gestes bizarres avec ses bras. Nous voilà bien garni, elle avait craqué, elle aussi ? Elle posa sa main sur le pont comme si elle voulait déclencher un tremblement de terre. Évidemment, ça n'avait pas marché. Mais elle réitéra. Et là, il se passa quelque chose d'étrange. De véritables geysers sortis dont-ne-savait-où ont littéralement jailli sous les crustacés, les projetant à plusieurs mètres du sol avant de les laisser retomber de tous leurs poids sur le pont. Les pauvres créatures qui avaient été épargné se prirent leurs collègues dans la poire ou furent entraînés vers le bois brisé en bas. C'était elle qui avait fait ça ? Alors comme ça, elle aussi elle savait utiliser la magie de l'eau ? Putain mais il lui faudrait l'apprendre aussi, à ce rythme-là ! Si le moindre con de crabe savait l'utiliser, pourquoi pas lui ? Puis c'était vrai que ça avait quand même son utilité lorsqu'on passait sa vie sur un bateau !
« Moura ! », cria soudainement la prêtresse maintenant très proche de lui, le faisant presque sursauter.
Non mais ça n'allait pas ou quoi ? Fallait pas gueuler comme ça sans prévenir !
Elle continua de plus belle à lui hurler le nom de la déesse dans les oreilles, lui donnant vraiment envie de la faire taire d'un bon coup dans les dents lorsqu'une vague impressionnante apparut de nulle part pour aller faire s'empaler les fruits de mer en brochette sur les lames de bois brisées. Décidément, il avait sous-estimé ces deux péronnelles. Elles faisaient des ravages au combat.
"Partons avant qu'ils ne se rassemblent.", finit-elle.
C'était ce qu'il avait entendu de plus sensé de la journée. Ils n'allaient de toute façon pas faire mu-muse avec ce flot continu de contenue d'assiette de fruits de mer pour titans jusqu'à en dépeupler tout l'océan.
Il se rua sur le bastingage bâbord, furetant un endroit assez profond entre les récifs pour que tout le monde puisse y plonger en sécurité. Il aurait été idiot que quelqu'un se pète une jambe au dernier moment.
"Là ! Faut sauter !", clama Mercurio en trouvant l'endroit propice.
Il remarqua rapidement que Leyna aurait peut-être du mal à suivre cette consigne alors qu'elle boitait encore du coup de pince à la cheville qu'elle avait reçu. Il envoya brièvement quelques fluides en direction de la blessure. Il n'avait ni le temps ni la concentration nécessaire pour la soigner, mais il pouvait au moins la soulager de sa douleur le temps qu'on l'embarque sur une chaloupe. Arrêter l'envoi des influx nerveux sur une petite zone était maintenant quelque chose d'instinctif pour lui.
"Snori ! Nahö ! Bougez-vous l'cul putain !", hurla-t-il, attendant que tout le monde ait bien évacué l'épave pour la quitter à son tour. Après tout, s'il y avait un blessé de dernière minute, lui seul pourrait y faire quelque chose, que ce soit trimballer un corps inconscient à bout de bras ou soulager d'autres douleurs malvenues qui auraient pu les ralentir.
L'oudio luttait encore, semblant elle aussi attendre que tout le monde se soit barré pour le faire à son tour.
"Cap'taine ! Faut y aller maint'nant merde !"Péripéties de Rascasse - Chapitre XXVII