Péripéties de Rascasse - Chapitre XVIIIPéripéties de Rascasse
Chapitre XIX
L'humoran se réveilla avec une sensation étrange.
Il savait avoir cauchemardé. Un cauchemar tardif, dans lequel il revivait la torture des marais sans fin d'Omyrhy et du danger saurien qui était là, toujours présent, mais qui ne se révélait jamais. Quelques détails avaient cependant changé. Ce traumatisme passé, il le revivait avec la présence de Heartless, Leyna, Iguru, Klaus et la fille des dunes de l'équipage de Garriar. Pourquoi eux et pas d'autres ? C'était sans doute inconscient, mais une réponse instinctive le frappa. Chacun était là pour une raison différente. Chacun, à sa façon, l'avait choqué. La peau-bleue semblait faire tâche là-dedans. Il ne la connaissait pas depuis longtemps. Elle n'avait rien fait pour mériter une place particulière dans sa mémoire... Mais son esprit, emprunt des frais souvenirs de la bagarre de la veille, devait avoir jugé bon de l'incorporer dans cet étrange songe.
Il était étrange de faire ce rêve si tard après les évènements. Ceux-ci l'avait choqué, il n'y avait pas de doute, mais c'était la première fois qu'il les revivait en rêve. Pourquoi maintenant ?
De plus, le rêve en lui-même n'eut pas le temps de s'achever et ne se termina d'aucune façon. Il avait été réveillé par la quinte de toux matinale de Molrak et avait bien du mal à retrouver ses repères, les vapeurs de la veille n'aidant pas non plus. Aussi, il fut étonné par la fraîcheur du temps à son réveil. Il n'avait pas encore mis le pied dehors qu'il sentait déjà le temps extérieur de sa couche. Les remous du navire était un peu plus fort qu'à l'accoutumée, il faisait une humidité froide à s'en glacer les os et l'on entendait un vent peu violent mais constant siffler sans arrêt.
Il s'assit avec précipitation sur le rebord du hamac avant d'être pris d'un grand frisson dans le dos. Bien qu'il ait largement fait sa nuit, il lui semblait presque n'avoir aucunement dormi.
Apparemment, il s'était levé à peu près en même temps que tout le monde. Aux premières minutes du réveil, tout le monde était un peu dans le gaz et ceux qui émergeait faisaient de leur mieux pour faire ce qu'ils avaient à faire sans réveiller les autres mais fait était de constater que tout le monde avait commencé à ouvrir l’œil. Et les derniers qui se tournaient dans leur hamac en poussant de petits souffles ou gémissements ne faisaient que retarder l'échéance de quelques minutes. Après tout, ils étaient déjà réveillés.
Il fit un saut dans son cabinet pour constater que le semi-orque y était toujours, et toujours endormi. Oh, et encore cette odeur de vomi qui empestait... Au réveil c'était vraiment le genre de flagrance dont on se passait. Il allait le laisser dormir, mais il n'était pas question de laisser auprès de lui toutes ses affaires. Il alla dissimuler sa bourse de yus dans un coffre de haricot plus loin et récupéra le katar-dragon avant de monter sur le pont.
Des nuages gris et noirs assombrissaient un ciel, s'écartant les uns les autres au gré du vent. Ils semblaient prêts à partir en tempête à tout moment. Le soleil était presque invisible derrière l'épaisseur nuageuse si ce n'était ce halo rond de luminosité qui se détachait de tout cela. Ce temps, ça puait. Ça puait bien la mort même.
L'équipage, presque au complet, se retrouvait là, sur le pont, médusé par cette météo matinale et la vigie, Lydia, venait d'annoncer terre en vue avant de se rendre compte qu'il s'agissait en fait d'un haut-récif sur lequel s'était brisé en deux un grand navire marchand.
Qu'avait-elle fait, cette foutue capitaine ? Elle avait osé prendre le risque de les emmener ici quand même ?! Mercurio s'angoissa soudainement. Alors il était proche de l'Ynorie. Proche de la guerre. Proche d'Oaxaca et de ses horreurs. Son sang ne fit qu'un tour. L'oudio était folle de les avoir emmener ici, elle ne se rendait pas compte. Ils n'avaient rien à faire là. Rien. Et personne ne semblait s'en rendre compte.
Ils étaient tous là, tout content d'aller chercher bonheur dans un bateau de commerce éventré par les rocs et par les eaux. Bande d'inconscients de merde !
L'humoran désespérait de cette situation, se trouvant encore le seul être sensé de ce putain d'équipage. Il aurait bien été tenté d'en vouloir à la capitaine mais depuis hier, sa petite histoire avait circulé parmi les hommes et les femmes de ce navire quand même. Et tout le monde savait où on allait. Et personne n'a bronché. C'était... fantastique. Pas un pour rattraper l'autre. Pas une prise de conscience, pas un brin de bon sens, non, rien. Quoi ? La guerre du côté de l'Ynorie avec l'armée d'Oaxaca et des monstres légendaires, le pire de la raclure interspatiale que ce monde ait jamais porté ? Rien à foutre ! Allons en zigzaguant sur les hauts fonds risquer nos vies pour fouiller un bateau dont on n'est même pas sûr de l'état juste à kilomètres de la pire guerre du siècle avec le très faible espoir d'y récupérer quelques yus ! C'est vrai que le jeu en vaut foutrement la chandelle, bordel !
Le spectacle lui parût d'autant plus absurde en voyant les peaux-bleues, tout contents, se jeter à la flotte avec un enthousiasme enfantin. Ils n'avaient encore rien trouvé que des chaloupes étaient en route pour rapporter des supposés trésors qui, évidemment, n'auraient pas eu la bonne idée d'aller se noyer au fond du gouffre. Il se ruait là-bas comme s'ils savaient que le légendaire coffre caché de Barbécru s'y trouvait.
Abasourdi par cette absurdité, Mercurio resta un instant figé. Il ne savait plus quoi faire.
Il sentait juste que le mieux était pour le moment de continuer à fermer sa gueule et d'accompagner les hommes. Surtout, qu'on ne le prenne pas pour un lâche ou un incapable. Mieux, ce serait certainement dans les instants de péril qu'il aurait le plus de chance de pouvoir escamoter le commandement de Mythanorië...
Il plongea alors dans l'eau. Elle était gelée et le vent d'ouest rendait la natation difficile, mais ils s'approchaient...
Péripéties de Rascasse - Chapitre XX
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Playlist de Mercurio
A propos, j'ai trouvé la morale de la fable que ton grand père racontait,
celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué...
C'est la morale des temps nouveaux.
Ceux qui te mettent dans la merde, ne le font pas toujours pour ton malheur
et ceux qui t'en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur.
Mais surtout ceci, quand tu es dans la merde, tais-toi !
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Jack Beauregard (Henry Fonda), Mon nom est Personne, écrit par Sergio Leone, Fulvio Morsella et Ernesto Gastaldi