Pas à dire, Fred avait une notion très particulière et très large de ce qu'était de la bière... Azra vida sa chope avec une espèce de fascination morbide. Elle n'était pas bonne. Elle était même franchement infâme. Mais tellement infâme qu'on avait envie d'en reprendre rien que pour bien réaliser qu'elle était capable de l'exploit d'être aussi infâme.
La salle lugubre ne changeait pas : toujours aussi noircie et glauque, elle persistait envers et contre tout à être un ramassis de pirates et de brigands dans les profondeurs de la mythique cité blanche.
Cela arracha un sourire ironique au jeune homme. Mythique cité blanche, oui... car ses pérégrinations l'avaient conduites ici dans l'espoir de la découvrir et il n'avait trouvé qu'un tas de crasse encore plus dangereux que la campagne. S'en aller ne serait pas un déchirement. Du moins ça ne l'aurait pas été s'il avait pensé trouver mieux ailleurs...
Mais il lui restait une dernière chose à faire avant de partir. Et il lui fallait des alliés pour ça. Il attendait donc, en s'efforçant de rester sobre malgré cette bière hypnotique dans son horreur incomparable.
Une femme d'age mûr, grande et brune, à l'apparence plutôt soignée par rapport aux autres clients, s'approcha de lui.
« Dit-donc, beau gosse... Tu viens chercher de la compagnie ? »Azra lui dédia un regard d'incompréhension. Il la regarda de haut en bas. Il remarqua son décolleté plongeant et décida de sauter par dessus lorsque sont regard repartirait dans l'autre sens, sous peine de se ridiculiser en adoptant une figure rouge brique.
Restait une question au sujet de cette prostitué. Pourquoi était-elle désespérée au point de se rabattre sur un avorton comme lui ? À moins qu'il ne s'agisse d'un piège pour lui voler son argent...
Il prit une pièce et lui lança d'un geste en disant :
« Je prierais pour toi ma sœur... Que Phaïtos veille sur ton âme. »Il avait remarqué une chose : les gens ne restaient pas longtemps dans les parages quand un pur disciple de Phaïtos se pointait. Cela ne rata pas : la femme s'en alla, mais son regard passait du yus au garçon avec une lueur d'incompréhension. Au bout d'un moment, elle lui lança le regard réservé d'habitude aux débiles mentaux et s'en alla.
Azra était fier de s'en être débarrassé. Les voleuses sournoises, il les expédiait comme d'un rien !
Au bout d'un moment, la porte de la taverne s'ouvrit pour laisser passer les énormes épaules de Rendrak. Le liykor s'approcha du garçon, attirant sur eux les regards de tous les clients, et s'assit à sa table.
« Bon, alors, tu as dis qu'il y avait de l'argent à se faire ? » grogna-t-il.
Le fanatique hocha la tête avec un sourire :
« Et pas qu'un peu ! J'ai découvert l'auteur de la malédiction de Kendra Kâr, un monstre qui vit dans les égouts... Imagine la récompense si nous l'éliminions ! »Il raconta son expédition et cela fit frissonner l'homme-loup.
« Cette chose a l'air redoutable. Crois-tu que nous pourrions la vaincre ? »« Elle est seule, si nous y allons assez nombreux, elle ne pourra pas avoir tout le monde. »« Ce que tu décris là n'est pas un combat très honorable... »« Et essayer de rançonner une femme sur les quais, c'était honorable ? »Le liykor hocha la tête. Il se laissa bientôt convaincre. Certes il perdrait de ses hommes mais il avait beaucoup à y gagner personnellement ! Azra appuya par quelques commentaires pour dédramatiser, signaler que tout ceci serait vite fait et la récompense facile (alors qu'il était terrifié par le roi des rats et que rien n'indiquait que le roi Solennel de Kendra Kâr leur donnerait quelque récompense que ce soit).
Finalement, le liykor se laissa convaincre et accepta de mener ses bandits à l'assaut de la terreur des égouts. Azra cacha son sourire carnassier : il avait son armée... il avait ses indispensables boucliers !
Ils se levèrent donc tous les deux pour sortir de l'auberge. Rendrak déclara :
« Tu es bien sûr de ce que tu veux ? Tu ne préfères pas l'aide de la milice ? »
« Ne t'inquiètes pas, tout va bien se passer... »Acquisition de bottes...