=====> Place du marché
Il fait nuit. Je cherche à entrer dans le palais royal mais recherché comme je suis, cela ne se fera pas par la porte d'entrée. Je commence à longer la maigre muraille, me faufilant dans chaque coin d'ombre, chaque feuillage, chaque recoin. De mémoire, je sais que ma chambre est dans l'aile Ouest.
Alors que je me déplace lentement le long du mur Ouest, je m'arrête net, c'est ici qu'est ma chambre, en haut, cette chambre d'hôtes est d'une richesse telle que la fenêtre donnant sur mon côté de la cour fait presque ma taille, faite de verre hobbit.
Je me mets à grimper doucement, ce qui n'est pas tâche aisée, au vu des murs de marbres lisse et sans défaut, seules les baies vitrées forment un soupçon d'irrégularité, et un balcon est visible au plus haut du mur, au delà de mon objectif. Je tente de sauter pour atteindre le premier rebord de vitre, en vain.
Je me recule, il faut prendre plus d'élan. J'inspire et je coure du mieux que je peux, puis je prends appui de mon pied sur le mur, et parviens à sauter plus haut que la dernière fois. J'attrape de très peu le premier rebord. J'escalade du mieux que je peux et me retrouve debout sur un coin de quelques centimètres à peine, la pointe de mon pied n'en occupe que les trois quarts.
Je saute encore une fois pour m'agripper à une baie vitrée. Je remonte, me retrouvant en face du verre, ce n'est pas ma chambre, ça doit être celle plus haut.
Me tenant sur la fenêtre, les mains sur la vitre, j'aperçois la chambre derrière, et je constate à mon grand malheur qu'elle est habitée par une jeune femme, voire plutôt une grande fille, occupée à faire je-ne-sais-quoi sur un bureau de bois aussi détaillé que le reste des meubles recouvrant le mur rouge et brillant de la pièce.
Mon sang fait soudain un tour subite qui se ressent dans mes veines, mes sens s'excitent, signe de danger. Mon pied droit glisse sur la paroi et je manque de peu une mauvaise chute en m'agrippant de toutes mes forces au rebord supérieur de ma main droite.
Le couinement qui s'ensuit est celui de ma main gauche qui se frotte au verre. Ce couinement est entendu de la personne en face de moi qui se retourne brusquement et me constate avec un sentiment plus proche de la surprise que de l'effroi.
"N-Ne criez pas !"Je lui fais des signes un peu brouillons de ma main gauche, elle met sa main devant sa bouche. Elle s'approche, naïvement craintive, de la vitre :
"Qui êtes vous ?"Je tente de la calmer par tous les moyens possibles, quitte à jouer franc-jeu en se voilant d'humour.
"Juste un voleur qui cherche ses propres affaires, madame."Elle me reprend d'un ton sévère :
"Mademoiselle !"Des gouttes de sueur commencent à couler de mon front, je joue mes dernières cartes, qui sont par contre assez limitées :
"O-Oui d'accord, mademoiselle !"Nous nous fixons un instant, sans que je n'ose faire le moindre geste. Puis :
"Me laisseriez-vous entrer ?"Elle me répond avec le sourire, amusée par une telle demande de la part d'un intrus :
"Vous laisser entrer ? Pourquoi ferais-je cela ?""Et bien.... parce que je ne suis pas dans la meilleure position pour vous parler.""Me parler ?""Enfin, vous parler.... Juste ne plus être en danger de mort au bord du gouffre.""Je vois que vous n'êtes pourtant pas en position de négocier, monsieur, peut être devrais-je crier au voleur ?""Si vous le vouliez vraiment, ne l'auriez-vous pas déjà fait ?" lui dis-je, avec un ton un peu plus assuré que le sien, pour tenter de l'impressionner.
Ma tentative a fait mouche, la jolie jeune fille... Tiens, c'est vrai, je ne m'étais pas rendu compte qu'elle était aussi jolie de mon côté du verre, avec ses cheveux roux ardents, ses yeux bleus qui contrastent d'une teinte marine et son teint clair, presque blanc comme neige...
Enfin ,je m'égare...
La jeune fille donc, reste pensive un long moment, du moins, il l'était pour moi. Quelques seconde, un minute qui me parut une heure vint à s'écouler avant qu'elle ne se décide à me dire :
"Vous savez, vous n'avez qu'à pousser le volet.""Quoi ?"J'appuie plus fort de ma main gauche, la baie vitrée s'ouvre comme si elle était une porte. Cette entrée d'une facilité déconcertante n'est pas sans me faire me sentir ridicule envers mon interlocutrice qui rit silencieusement derrière le dos de sa main. Je me place devant elle, qui me regarde sans crainte dans les yeux, me permettant de profiter pleinement de son regard envoûtant, effrayant, bleu à l'infini...
"Qui êtes vous donc ? A part un voleur ?""Et bien.... à vrai dire... je n'en ai aucune idée.""Et votre nom ?""Jubaïr.""Est-ce un mensonge ?""Je le saurais. Et vous, vous avez un nom ?""Comme chacun en ce monde.""Et lequel est-ce ?"".... Julia. Cela vous plait-il ?""Je suis exaucé.""Très bien.""Au revoir." dis-je précipitamment dans le but de lui échapper en bon séducteur.
Mais elle m'arrête immédiatement.
"Attendez ! Vous comptez vous enfuir en me laissant derrière vous, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas de manière plus galante de vous reti...." Elle est interrompue par ma main prenant la sienne. Je la porte doucement à mes lèvres, elle me laisse faire, et je baise sa main comme un noble galant.
"Mes respects, mademoiselle."Et je me retire sans demander plus, ma réaction subite a eu le don de l'interpeller au point qu'elle en perdit ses mots, ce qui a pu me laisser le temps de sortir de la pièce, de filer, en quelque sorte.
Je me retrouve dans l'enceinte même du château, fait de marbre et d'escaliers bordés d'un tapis rouge. Je monte discrètement les escaliers et me retrouve devant ma chambre. La porte n'est pas fermée, j'entre dans un léger grincement.
Dans la pièce, je retrouve mes affaires que j'avais laissées, mon arc, mon armure de cuir, et quelques Yus de ma bourse. Je me rhabille et me retourne pour m'enfuir par la fenêtre, mais une voix rauque, sévère et d'un calme terrifiant me stoppe net dans mon élan :
"Cavalier noir, rends-toi ou meurs."Je me retourne brusquement, et je vois mon interlocuteur.
Le maître paladin ! En armure avec son énorme sabre en main, il a sans doute eu vent de mes méfaits et de la prime sur ma tête !
"J'ai dit : rends-toi ou meurs. Je me fiche si je te livre toi ou ta tête."