Après avoir constaté qu'il était toujours en vie malgré sa petite "absence" intellectuelle, Sirop Papum de Shory avait tout de même fini par profité de la chance que lui offrait la vie. Véritable héros, l'Homme Pâle au gros nez s'était jeté entre les Orques furax et lui, sauvant ainsi sa minable existence inutile bien que le connaissant à peine (et c'est déjà beaucoup dire). Sans demander son reste et sans piper mot pour une fois, Sirop s'éclipsa à toute jambes vers la jungle, n'ayant que le temps d'entendre son sauveur se tordre de douleur sur le sol spongieux. Ne se laissant pas le temps de mourir de culpabilité, il courait aussi vite qu'il le pouvait de ses petites jambes tremblotantes et humidifiées.

Mais fuyait-il seulement les Orques ou également le regard de ses compagnons quand il se rendraient compte de son... pisseux état de trouillard ? Il ne saurait dire mais il n'allait sûrement pas s'arrêter avant un moment. Pas avant qu'il soit sûr qu'on ne le retrouve jamais.


Sirop s'enfuit vers la jongle dans le but de s'y enfoncer profondément.

Rendrak arriva à toute allure pour attaquer les garzok, mais il rata son coup. Il sembla bientôt en difficulté, mais Rosie et son ours arrivèrent à son secours. En deux assauts, les créatures furent abattues.

« Ouf ! Merci demoiselle ! Et merci, l'ami poilu ! Gnnnn... » lança le liykor en tirant férocement sur son fléau qu'il avait ridiculement coincé.

Azra fit un geste négligeant et le liykor se désintégra avec un glapissement de surprise, désinvoqué. Il n'était plus coincé comme ça... Le plus ennuyeux était qu'il ne trouvait pas cette maudite sacoche. Pendant ce temps, tout le monde parlait. Trifalgin le chirurgien insistait sur l'importance de ramener Seok au plus vite. Hirotoshi précisait que Charkere était aussi au plus mal, et qu'il fallait prévenir Astidenix de l'invasion.

(Il a raison, lança Arek. L'information est importante en temps de guerre...)

Chandakar dit exactement la même chose au même moment, achevant de tirer un grognement au nécromancien. Ce dernier revint vers les navires, tandis qu'Honoka insistait sur la nécessité de se renseigner sur la rapidité étrange de l'armée et sur la présence de magiciens. Enfin, Hirotoshi demanda quoi faire des cadavres. Azra leva les mains en signe d'apaisement.

« Tant pis pour cadavres et navires. Le plus important est de partir. Problème, nous manquons de chevaux... et si j'ai bien compris, ils ne pourront servir qu'un petit nombre de fois. »

Il regarda pensivement les navires. Puis, se tourna vers Honoka :

« Le plus urgent est de vous mettre en sûreté et de soigner Seok, qui a pris pire qu'un vilain coup de trique... Il faut ramener tout le monde à Andel'Ys et prévenir Astidenix de l'attaque. Mais nous n'avons pas assez de chevaux. »

Il ramassa alors un filet... oui... son esprit pragmatique de paysan allait lui servir pour une fois ! Il était assez fier de l'idée qui germait dans son esprit, même si elle restait incertaine.

« Mais il y a peut-être une solution. Si nous attachons ces filets aux chevaux, ils pourraient contenir quelques passagers de plus ! Ce serait inconfortable, mais un bon moyen d'économiser nos montures, non ? Une fois en sûreté, nous pourrons conseiller à Astidenix d'envoyer des éclaireurs pour étudier l'armée... Moi, je pense que je vais emporter Karin vers une autre destination... là où on pourrait trouver de l'aide, quelle qu'elle soit... En attendant, venez m'aider. »

Tout en disant cela, il commença à attacher cordes et filets pour essayer de former un harnachement à même de se fixer à un cheval...

Du sang giclait hors du cou de l’orc qui s’écrasa lourdement avec les autres. Aux premières loges, Rosie ne put échapper aux éclaboussures et son visage se tacheta de rouge. Un rouge beaucoup plus sombre que celui qu’elle avait l’habitude de porter. Suite son apparent succès, elle se retourna pour voir la situation du côté de Mérové qui tenait sa victime en respect. Les crocs profondément enfoncé dans sa chair, la seule façon pour lui de se défaire de l’emprise de l’ours était de le laisser partir avec son bras. Sans perdre un précieux instant de plus, Rosie s’approcha de lui pour l’achever de la même façon que le dernier, glissant sa lame contre la gorge du garzok.

« Pas de prisonnier cette fois. »

Rosie entendit les remerciements du liykor d’Azra et se retourna vers lui alors qu’il disparaissait déjà sans qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit. Elle regarda la situation, un peu déstabilisée, prenant conscience de la mort de certains ou de l’apparition de la jeune femme avec son loup rouge. Aux appels de Trifalgin dont elle avait oublié la présence, elle s’écria d’un air absent :

« J’ai une trousse de premier soin dans mes affaires si ça peut aider mais ce n’est pas grand-chose… »

Se disant, elle continuait de détailler les pertes du regard.

« Je suis d’accord avec Azra. Nous devons tous d’abord retourner en sécurité auprès d’Astidenix et lui en faire rapport. Nous pourrons voir ensuite ce qui serait préférable de faire. Si nous n’utilisons pas les bateaux, brulons les… ou plutôt, coulons les avec les cadavres, la fumée c’est une mauvaise idée. »

Rosie doutait de l’idée d’Azra mais que pouvait-elle suggérer de plus. Peut être étais ce mieux qu’elle ne les accompagne pas. Mérové était trop complexe à transporter. Y réfléchissant, Elle s’approcha de l’homme pâle pour l’aider à se relever. Il avait tout de même sauvé la vie de Sirop en mettant la sienne en danger. Elle allait le remercier, mais quelque chose ne tournait pas rond.

« Sirop? »

Elle avait pourtant regardé toute la scène et y repensant, le hobbit n’y figurait pas, ni mort ni vivant. Il n’était tout simplement plus là.

« Sirop!? » S’écria-t-elle avec détresse dans l’espoir de le voir surgir de sa cachette.

Hirotoshi, le dernier soldat d'Andel'Ys et le dernier bandit aidèrent le jeune homme dans son entreprise, avec succès. Ils avaient maintenant un filet, et il restait encore un peu de matériel. Le jeune homme hocha la tête.

« Parfait... »

Plus loin, Honoka rendait son sifflet à Rosie, affirmant qu'elle en aurait plus besoin, et qu'il fallait partir au plus vite. Le nécromancien hocha la tête :

« Rosie, vous pouvez déjà utiliser votre sifflet pour envoyer deux personnes en sécurité... Par exemple Seok, et Gayit, en utilisant ce filet. Il faudrait que quelqu'un les accompagne pour expliquer la situation à Astidenix. Princesse... vous êtes sûr de vouloir rentrer à Fan-Ming ? Astidenix vous écouterait peut-être plus que nous, et ensuite, vous quitteriez la ville par voie de terre... Je... je ne voudrais pas que vous restiez dans une cité assiégée par cette armée de types plus que louches... »

Les derniers mots étaient sorti tout seuls, sans que le jeune homme puisse les retenir... Il baissa la tête pour cacher la rougeur qui lui montait aux joues. Il continua :

« Il y a de quoi faire encore quelques filets. J'utiliserais le mien pour Ombos... les autres pourront servir à déplacer le loup et l'ours ! Mais en attendant... »

Il utilisa donc l'étrange objet magique, avant de se remettre au travail sur un deuxième filet. Le plus important était de mettre rapidement Honoka et Seok en sûreté.

(((invocation du cheval et commencement de la création d'un deuxième filet)))

Le cheval se matérialisa aussitôt, en tout point semblable à celui de Mathis. Honoka invoqua le sien dans la foulée, avec le sifflet de Rosie. Elle se disait prête à se rendre n'importe où si cela pouvait aider la cause. Le nécromancien hocha la tête :

« Malheureusement, vous n'êtes pas une guerrière. Le mieux que vous puissiez faire serait de convaincre Astidenix de l'imminence de la menace. Vous avez eu une bonne idée de chercher les capacités magiques de l'armée d'Oaxaca... il pourrait envoyer des éclaireurs pour se renseigner, tout en préparant la défense de la cité... quoiqu'il en soit, laissez le sifflet ici, il pourrait nous servir. Et ne vous attardez pas plus que nécessaire à Andel'Ys ! Si vous vous faites prendre, ils vous utiliseront pour faire tomber Fan'Ming... »

En même temps, Gayit, le guerrier homme-pâle, estimait que son chef ne pourrait monter et qu'il faudrait un filet. Azra fit la grimace :

« J'aurais besoin d'un filet pour mon loup... et Adweinna aussi. Soit, prenez-en un et partez avec Trifalgin et Seok. »

Avant d'ajouter à Chihiro, qui s'échauffait :

« Il y a deux places sur chaque cheval, vous pourrez vous installer sur celui de la princesse... »

Disant cela, il termina avec l'aide de la fille blanche le deuxième filet. Il devait rester assez de matière pour un troisième... il leva les yeux vers sa compagne et rougit légèrement. Pourquoi fallait-il qu'il perde ses moyens dans ce genres d'instants ? Il y avait bien mieux à faire !

« Hum... vous devriez aussi vous rendre à Andel'Ys... les hommes-pâles pourront vous donner... de l'équipement... En attendant, n'oubliez pas votre sifflet. Il faut aussi transporter Charkere et cet homme. »

Il désignait le dernier des brigands de Karin, dont il ignorait le nom.

Enfin, il se tourna vers Karin lui-même :

« Quand à moi, il me faut déterminer ma destination. Je comptais me rendre à Jesuir mais... sur la carte, il y avait une ville nommée Arothiir. Karin, pourrions-nous y trouver du thiir pour toi ? Et peut-être de l'aide pour Andel'Ys ? »

Tout en disant cela, il se lançait dans la création du troisième filet.

Bientôt, Seok et Honoka furent partis en sécurité avec leurs compagnons. Azra sentit un léger point quitter ses épaules, mais ils étaient loin d'être sorti d'affaire. Adweinna avait réussi à composer un filet supplémentaire, finalement. Il lui lança :

« Vous devriez au moins faire un tour avec votre cheval pour emmener Charkere et Hirotoshi, la capitaine est blessée... Et puis, il reste encore... ce monsieur. Vous pourrez partir après. »

Il avait parlé de l'homme pâle, le dernier des brigands, dont il ne connaissait pas le nom. Karin s'approcha :

« Arothiir est la ville d’où l’Homme vient. Et le thiir y est produit. Les Thiiriens n’aideront pas, si l’Etranger n’a rien à échanger… »

Azra fit une grimace. Il fallait bien s'y attendre, mais il n'avait plus grand-chose à échanger ! Pourtant, il fallait du Thiir... Avec une grimace, il repartit à la recherche de la sacoche. Quelque peu excédé, il plaça une tirade qui réussissait à grande peine à rester polie et raisonnable :

« Bon sang, je voudrais me rendre à Jesuir ! Mais quand je vois la dichotomie induite par cette maudite substance dans le comportement de vos compagnons, Karin, je me dis qu'il est hors de question de vous emmener comme ça ! Vous êtes mieux placé que moi pour résoudre ce problème, alors aidez-moi à trouver cette foutue sacoche ou proposez une solution, mais faites quelque chose ! »

Adweinna s’exécuta et il ne resta bientôt qu'Azra et Karin sur place. On respirait mieux, déjà... Il ne restait que Rosie, qui était curieusement apathique. Le jeune homme releva sa visière et se tourna vers l'homme-pâle, toujours silencieux. Celui-ci tira alors de son manteau... la sacoche de Thiir ! Il l'avait récupéré et caché, sans doute pour que l'autre bandit ne la voit pas. Azra lui adressa une grimace qu'il expliqua parfaitement en ces mots :

« Je ne sais pas si je dois hurler de rage ou rire de vos turpitudes ! Nous voilà au moins délivré d'un problème. Allez donc chercher des vivres dans les navires, prenez tout ce que vous pouvez je prépare Ombos... »

Il alla trouver le loup noir et souffla dans son sifflet. Aussitôt, le cheval ailé apparu et le loup gronda.

« Aller, ne fait pas ton jaloux, mon grand... ça ne va sans doute pas être agréable, mais ça passera vite... aller, monte là-dedans. »

Il désigna le filet, mais il lui fallut des trésors de conviction pour pousser le jeune et pourtant énorme loup, toujours aussi épris de liberté. Mais finalement, il parvint à le convaincre et à attacher le filet comme il pouvait au grand cheval. Une fois que ce fut fait, il attendit le retour de Karin avant de faire signe à Rosie :

« Je vais à Jesuir, en espérant en retirer quelque chose... Sinon... je ne sais pas, j'essaierais d'être là pour la bataille d'Andel'Ys. Bon courage ! »

Il ne restait plus qu'à attendre Karin et pour se mettre en route.