En un éclair, le jeune maître d'arme et son compagnon arrivèrent à l'endroit qu'ils avaient indiqué à la monture ailée. Celle-ci les laissa à une certaine distance du fameux fleuve, si bien que ne l'ayant jamais vu auparavant, Ziresh ne comprit pas immédiatement, au sein de la forêt, qu'ils étaient pourtant à côté de leur objectif. Ce n'est qu'après quelques secondes d'attention qu'il comprit enfin qu'effectivement, ils étaient exactement là où Sirop l'avait suggéré.
Dès que les deux compères eurent quitté leur monture, celle-ci disparut aussi magiquement qu'elle était apparue et le loup d'argent se concentra alors pour mieux observer la situation. C'était incroyable qu'il ne l'ait pas remarqué immédiatement, mais au bord de ce fleuve, une ligne de garzoks, innombrables, semblait marcher vers le nord, très certainement là où devait se trouver Andel'Ys. Cette vision conforta Ziresh dans l'idée qu'il était déjà certainement trop tard pour retrouver la princesse Honoka ici. Elle devrait être soit présente dans la ville, ou bien elle était morte ici bas... Mais dans tous les cas, ce qu'il avait prédit était arrivé. Andel'Ys allait être très bientôt assiégée. Ces adversaires n'étaient qu'à deux pas.

En observant un peu mieux, il vit des navires qu'il reconnut immédiatement comme étant ceux des alliés. Mais impossible de savoir s'il y avait encore des survivants à l'intérieur. Finalement, c'est encore autre chose qui attira son regard. Parmi toute cette armée qui n'était heureusement pas rangée de façon guerrière, il remarqua un amas d'orcs entourant des personnes qu'il n'avait pas rencontrées auparavant. Des humains, gradés, pourvus d'armures qui les faisait transpirer d'un charisme et de compétences bien différentes de ceux qu'ils dirigeaient ostensiblement. L'un, aux cheveux étrangement violets, semblait serein, laissant le liykor imaginer qu'il s'agissait du chef, tandis que l'autre, peut-être une phalange de Fenris observait les alentours. Quand son regard passa justement vers la zone où se trouvaient Sirop et Ziresh, ce dernier se mit à la hauteur du semi-homme qui était justement naturellement dissimulé par un buisson, juste devant lui.

"Bon sang... Un goéland ne pourraient pas suivre ces navires sans êtres fléchés à vue." confia-t-il en pensant au nombre impressionnant (quoique moins impressionnant qu'à Esseroth) d'ennemis présents ici.

"Regarde bien, ajouta-t-il, comptant sur la connaissance de Sirop au sujet de ce terrain. Tu reconnais ces ennemis ? Ils ont tout l'air d'être des gradés."

Même en les reconnaissant, toutefois, c'était encore difficile de pouvoir affirmer avoir la capacité de les vaincre. Surtout qu'il ne voulait pas risquer la sécurité de son compagnon qui était trop peu sûr de lui. Mais à voir ces chefs juste devant lui, il se fit une réflexion qui saurait sauver Fan Ming et Andel'Ys, tout au moins pour un moment... S'ils étaient bien les chefs de cette garnison, les vaincre ralentirait l'armée et ils seraient en sécurité plus longtemps. Ils pourraient affaiblir très certainement l'armée d'Oaxaca pour la lutte finale de leur avant-poste.

"Ce sont des chefs, très certainement. Les vaincre sauverait Andel'Ys et Fan Ming, ou en tout cas ralentirait l'armée... En revanche je ne vois pas la Princesse et je ne crois pas qu'ils l'auraient aveuglément tuée. Peut-être a-t-elle réussi à fuir, ou est-elle arrivée en ville. Quoiqu'il en soit, on a plusieurs possibilités... Chercher un moyen de ralentir l'armée d'ici même, se rendre à Andel'Ys et prévenir la ville tout en essayant de retrouver la princesse... Ou bien aller ailleurs si tu en as une idée... En ce qui me concerne, je pense qu'il faut agir ici-même si l'on veut efficacement aider tout le monde."

Ziresh laissa encore dépasser son museau pour mieux observer les alentours du petit groupe entourant les deux combattants. Il se souvint bien vite de la créature qui lui avait rendu la vie. Il ne fallait qu'il considère sa vie avec plus de préciosité, surtout qu'il ne connaissait pas ces ennemis là. Mais sans doute étaient-ils moins puissants que Vallel. Il n'avait pas de gigantesques étendards parmi eux. "Seulement" une garde... Avec un peu de chance, avec le bon matériel, il pourrait frapper fort. Et puis il y avait ces navires alliés. Il devait bien y avoir quelque chose à l'intérieur qui puisse les aider...

"Tu as été à bord de ces navires ? Pourrions-nous y trouver notre compte ? Nous avons aussi nos sifflets, nous pourrions y entrer discrètement et instantanément."

Sirop avait eu l'audace de penser que cette histoire serait réglée en deux temps trois mouvements. Que ça allait être aussi simple que le cerveau de son frère : Soit la princesse leur sautait dans les bras à leur arrivée soit, et ça lui donnait la nausée rien que d'y penser, ils retrouveraient son corps sans vie dans la bouillasse. Avec celui des autres.
Seulement voilà, lorsque le cheval ailé les déposa lui et son compagnon poilu dans les fourrés de la forêt près des berges du fleuve, quelles ne fut pas leurs stupeur lorsqu'ils découvrirent une flopée, un troupeau, une armée d'Orques progressant lentement et droit devant eux, remontant le fleuve. Le souffle bloqué au fond de la gorge par une boule de trouille et de tristesse, Sirop s'accroupit inutilement dans les feuillages. Il avait aperçut les cadavres des bateaux sur lesquels lui et son défunt groupe avait brièvement voyagé. Il n'avait plus d'illusions maintenant, le Sinari se laissa emporter sans résistance par le désespoir.

Alors que Ziresh le sommait de se concentrer sur les deux seuls non-Orques de la file d'ennemis devant leurs yeux, Sirop se laissa lourdement tomber sur les fesses en soufflant, le poids de la désespérance du monde entier semblant peser sur ses petites épaules.

"J'en sais rien moi je les ai jamais vu ces deux guignols !" gémit-il en plongeant la tête dans les mains.

La suite des paroles de l'Homme-Loup quant à son opinion sur ce qui était advenu de la princesse Honoka le réconforta un peu...pendant environ deux secondes.
Les yeux exorbités, le Sinari lui lança un regard épouvanté.

"Oh Ziresh ? lui chuchota-t-il. Ici Sirop, le Hobbit qui a envie de vivre tu me reçois ? Je ne pense pas que se faire tuer ici servirait grandement les intérêts de tout le monde ! Ils sont des milliers là ! Comment tu peux penser qu'on arriverait à quoi que ce soit d'utile ici ? Il faut rentrer c'est tout ! Je..."

Sirop se tut. Sa nature trouillarde reprenait le dessus, prenant même le pas sur la honte et le désespoir. Et il ne pouvait plus la laisser faire. Comme l'avait dit le Loup, la princesse n'était sûrement pas morte. Jamais Azra, Egregor, Mathis ou Chihiro ne permettraient qu'il lui soit arrivé quoi que ce soit. Il fallait être lucide un petit peu, ils avaient dû utiliser leurs sifflets. Et sûrement bien plus efficacement que lui... Néanmoins devait-il risquer sa vie pour autant ? À quoi cela lui servirait-il ? Il s'était dit qu'il devait repartir pour Yuimen à la première occasion alors à quoi bon ?
Les yeux dans le vague, fixés sur un point le Hobbit eut comme une révélation. Pourquoi partirait-il ? Ici, il avait exactement le genre de vie qu'il rêvait ! À lui d'être à la hauteur !

Il se pencha vers son acolyte et formula une phrase qui le surprit encore plus que le ton assuré qu'il réussit à prendre :

"Bon tu as raison essayons d'agir. On pourrait attirer leur attention et se barrer avec nos chevaux en cas de pépin qu'est-ce que tu en dis ?"

Le cœur de Sirop se manifesta soudainement. Il se remit à battre furieusement la chamade et il ne fallait guère plus que la formulation de ces téméraires paroles pour remplir à nouveau son organisme d'adrénaline.
Le Hobbit crevait de peur et d’appréhension mais ne se laissait pas regretter. Il était un aventurier et avait choisi la bonne voie ! Il en était convaincu. Il fallait qu'il en soit convaincu !

Ziresh ressentait bien l'intensité du danger, d'autant plus que Sirop le lui faisait allègrement remarquer, d'abord entièrement conscient de la folie que ce serait d'attaquer un tel convoi, mais comprenant par la suite à quel point cela aiderait tous ceux qu'ils voulaient tous les deux protéger. Cependant, ils n'eurent pas plus de temps pour réfléchir à une meilleure stratégie. Celui là même que le liykor avait pris pour cible n'était plus le même. Il se métamorphosa. Un phénomène qu'il n'avait jamais pu observer auparavant. Mais le pire, c'était ce en quoi il s'était changé : un gigantesque dragon mauve, qui battit des ailes pour s'envoler vers l'est, sans qu'il ne puisse savoir précisément vers où il se dirigeait. Au moins il n'allait pas vers Fan Ming, ni vers Andel'Ys, mais l'idée même qu'une telle créature vienne survoler l'avant-poste où se trouvaient ses amis faisait frémir le loup d'argent.

"Par le Père et la Mère..." eut-il murmuré, à la fois effrayé et impressionné.

Mais une telle vision lui rappela que le temps pressait. Ils allaient en avoir très peu pour trouver un moyen de ralentir cette armée. Et bien qu'il avait eu un aperçu de la puissance de l'ennemi, il jugea que s'il devait faire quelque chose, il devait le faire ici. A quoi cela le mènerait-il d'aller à Andel seulement pour prévenir l'arrivée d'une armée qui finirait de toute façon par arriver ? S'il pouvait les ralentir au moins, ou les affaiblir, là seulement, ce serait une chance inouïe pour tous ses alliés.

"Bon... le dragon est parti... On a bien fait de ne pas attaquer au premier abord, mais il faut quand même faire quelque chose, sinon, Andel'Ys sera quand même attaqué. Il reviendra sans doute dans très peu de temps. Voilà ce que je te propose... Tu trouves un moyen de ralentir leur progression, que ce soit avec les navires ou leurs contenus. Tu pourrais utiliser ton sifflet sur une courte distance pour les atteindre, ou alors tu peux peut-être essayer de trouver autre chose aux alentours. Moi, je peux me battre. Attirer leur attention. Provoquer même ce chef en duel s'il le faut. On ne se perd pas de vue et si l'on est en danger, on s'entraide. Si on est en difficulté, on se le signale et dans tous les cas, si on doit utiliser le sifflet, on se dirige vers Andel'Ys. C'est un mission périlleuse, mais vertueuse. Et les vertueux que nous sommes trouveront toujours un moyen de s'en sortir."

Ziresh était loin d'être sûr de ce qu'il avançait, mais il ne voyait aucun autre moyen d'aider efficacement ses alliés. Et ses compétences n'étaient ni dans la discrétion, ni dans la stratégie. Il était intelligent, mais son véritable talent était le combat. Longtemps, il avait douté de lui-même, mais sa capacité se battre sur le mur d'Esseroth lui rappela qu'il était bien plus capable que ce qu'il imaginait. Et qu'aussi, il était fait pour protéger ceux qui lui étaient chers. Sirop semblait avoir commencé à proposer cette idée d'attirer l'attention des ennemis, mais il n'était pas formé pour le combat contrairement au loup. S'ils voulaient être efficaces, ils allaient devoir se diviser.

"Je vais me rapprocher... Je ne te lâche pas des yeux. Dès que tu penses avoir trouvé quelque chose qui puisse t'aider, tu me fais signe et j'attaquerai directement. Tu devrais avoir quelques minutes pour saboter leur progression, puis dès que tu as fini où que tu sens que tu n'y arriveras pas, tu siffles. J'entendrai et on partira tous les deux. D'accord ?"

Le loup d'argent regarda son compagnon. Il avait pleinement confiance en lui, surtout que malgré ses erreurs passées, il avait bien voulu le suivre dans son entreprise de retrouver la Princesse Honoka. Maintenant, ils allaient pouvoir tous les deux pouvoir renverser la tendance, s'ils arrivaient à bien le faire. Mais Sirop n'était pas assez armé, il le craignait. Aussi, il jugea qu'il devait l'aider lui-même. Avant de partir dans les fourrés pour se rapprocher un peu plus de l'homme pâle, il fouilla dans son paquetage. Très vite, il en ressortit une bien veille arme. Cela faisait plusieurs mois qu'il ne s'en servait plus, mais il eut un élan de nostalgie en la voyant. C'était une épée bâtarde, équilibrée juste comme il faut pour l'utiliser avec une deuxième arme en main. Elle serait assez légère, assez tranchante et assez maniable pour le jeune sinari qui n'avait encore qu'un petit glaive de fortune. Il lui tendit son arme, sans non ressentir un petit pincement au cœur.

"Tiens. Tu en auras plus besoin que moi. J'ai déjà beaucoup d'armes et tu auras besoin de quelque chose qui puisse suffire face à leurs armures. Prends-en soin, c'est l'une de mes premières armes. J'y tiens énormément. J'espère que tu n'auras pas à t'en servir, cela dit."

Enfin, il conclut ses paroles en s'éloignant doucement vers sa cible.

"Courage, Sirop !"


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Prêt d'équipement :
-Épée bâtarde équilibrée (For +9 Maîtrise AA +5)

Ces derniers temps Sirop Papum de Shory croyait être devenu un véritable blasé de la magie. Entre Egregor, Azra et les poneys volants il était persuadé qu'il ne verrait plus grand chose de magique qui réussirait à l'impressionner dans le court laps de temps qu'il lui restait à vivre. Ce n'est que lorsque l'Elfe à la chevelure violette se transforma en dragon avant de s'envoler vers l'est qu'il réalisa à quel point il se trompait.
Médusés, Ziresh et lui en restèrent pantois :

"Par la sainte bière de Kubî..." murmura le Hobbit en même temps que son compagnon.

Mais au grand dam du Sinari cet inédit nouvel évènement ne désarçonna pas le Liykor bien longtemps. Au contraire, cela sembla même avoir eu l'impossible conséquence de renforcer ses convictions. Il parlait dorénavant d'aller se battre au milieu de ce tas d'Orques !
Avant que Sirop ne puisse dire quoi que ce soit, l'Homme-Loup sortit une épée qu'il lui tendit. Il s'agissait d'une de ses premières armes apparemment. Il y tenait beaucoup et il la lui prêtait sans hésiter. N'ayant eu qu'une seule lame dans toute sa vie, le Hobbit comprenait à quel point il devait être difficile pour Ziresh de s'en séparer, surtout qu'il ne la confiait pas à n'importe qui mais au plus inutile combattant du cosmos. Le Sinari comprit que son acolyte lui faisait pleinement confiance et cela lui donna le vertige et la nausée. Il était convaincu qu'il ne la méritait pas, la confiance comme l'épée.
Après une dernière parole d'encouragement Ziresh s'éloigna doucement, laissant un Sirop sur le point de paniquer seul.

"Courage Sirop, courage Sirop... En fait ton secret c'est que tu ne tiens pas à la vie c'est ça ?" railla celui-ci dans le vide avant de baisser les yeux sur sa nouvelle arme.

Légère, équilibrée, elle était un peu longue mais parfaitement maniable même pour lui. Il poussa un soupir. Il s'était encore fourré dans un beau merdier... Le Sinari se remémora les dernières paroles du Loup.
Lui, un Hobbit d'un mètre vingt devait saboter la progression d'une armée d'Orque ! Un plan simple et parfaitement normal en somme !
Il pesta tout seul :

"Mais il est taré ce mec ! Comment ? Comment je suis censé faire ? Il lui manque une case c'est pas vrai ! Ou alors il a l'intelligence d'une limande je sais pas !"

La colère finit même par lui faire voir dans ce don d'arme un acte calculé par l'Homme-Loup dans le but de l'empêcher de s'enfuir, de le forcer à rester et de le suivre dans sa mission suicide.
Et si c'était le cas, c'était réussi. Sirop ne pouvait pas encore abandonner, pas après les récents évènements. Il allait attirer l'attention des Orques comme il l'avait fait quelques temps plus tôt ici même et il sifflera son cheval à ailes au moindre ombrage de la météo. S'empêchant à tout prix de penser à l'Homme Pâle au gros nez qui lui avait sauvé la vie, il jeta un coup d’œil en direction de la file d'ennemi avant de prendre une profonde inspiration. Il lui fallait du courage liquide.
Il sortit une des outres d'alcool de son sac avant de la porter à ses lèvres mais s'arrêta lorsque le goulot les atteignit avant de contempler le récipient avec interêt. Un embryon de sourire apparut sur sa trogne de Hobbit. Le plus doucement possible, il souffla dans son sifflet magique et lorsque son destrier arriva, il lui chuchota :

"Salut. Aussi discrètement que possible je veux que tu m'emmène sur le plus gros bateau là-bas."

Il avait une idée mais allait-elle marcher ? Et allait-elle suffire ? Le petit Sinari se contentait pour l'instant de la rassurante et rare ces temps-ci impression qu'il savait où aller et quoi faire.

***

Je me suis basé sur l'image des bateaux à ce post. Si j'ai fait une bourde dit le moi 9 je modifierais. Et bien sûr Sirop prends l'épée que lui a gentiment donné Ziresh.

Ziresh était prêt. En descendant, même en connaissant les risques, il était prêt à se battre contre les innombrables ennemis si cela pouvait lui permettre de ralentir sensiblement l'armée d'Oaxaca. Mais arrivant vers le buisson qui allait lui permettre de conserver encore sa discrétion, tout changea autour de lui. De la même manière que lorsqu'il était arrivé à Fan Ming, le temps avait changé. Il le voyait bien autour de lui. Mais le plus terrifiant, ce n'était pas tant de voir une telle distorsion temporelle... Non, c'était de voir que l'ennemi avait avancé d'un coup, sans qu'il ne puisse rien faire. L'homme pâle n'était plus là et la file avait pratiqué une avancée exceptionnelle, manifestement.
Car déjà, au-delà du danger qu'il commençait à estimer, il découvrit l'arrière d'une armée qu'il n'avait pas même pu encore observer jusqu'ici. Des gobelins (arbalétriers de surcroît), créatures qu'il n'avait pas encore vues auparavant à Esseroth. Mais cela, ce n'était rien à côté de l'autre race qui prenait place dans cette section de la file jusqu'à Andel'Ys. Des géants étaient là. Gigantesques, beaucoup trop nombreux pour ne pas inspirer la terreur, et déjà, le loup d'argent les imaginait, sur les murailles beaucoup trop petites de Fan Ming.

"Oh bon sang... jura le loup en les voyant. On ne peut pas laisser passer cela."

Certes, l'armée avait avancé, mais ils ne pouvaient plus reculer face à cette mission qu'ils s'étaient donnée. Surtout en voyant quels ennemis faisaient partie de cette armée. Andel'Ys était peut-être déjà face à ses adversaires. Épargner les géants à cette cité la sauverait partiellement d'un trépas déjà peut-être inévitable. Et cela épargnerait forcément Fan Ming. Ses alliés auraient un peu moins d'ennemis. C'était dérisoire face à l'armée conséquente de cette déesse, mais c'était déjà cela. Et à voir les colosses d'obsidienne qui avaient suffi à vaincre tout Esseroth, il était de leur devoir d'empêcher ces créatures d'atteindre leur but.

"On a assez d'ennemis comme ça. Je ne vais pas laisser une foutue courge géante ruiner mon monde."

Mais l'ennemi avait changé. Il ne craignait aucunement un combat au corps à corps, même contre moult ennemis. Mais ici, il y avait beaucoup trop d'arbalétriers. Il réussirait sans doute à vaincre quelques gobelins, mais il finirait criblé de carreaux. Et pour tuer de tels géants, il serait contraint d'escalader au moins le chef. Ce qui se solderait nécessairement pas l'encaissement de tout un tas de projectiles.
Plusieurs stratégies passèrent dans sa tête. Il pensa un instant à se rendre invisible et comme il l'avait fait pour le Dieu-Pieuvre, il escaladerait le chef à barbe rousse et finirait par porter le coup final. Mais ici, il n'avait aucun allié pour l'attaquer et permettre à Ziresh de se frayer un chemin. Non, le meilleur moyen pour l'instant était d'attaquer à distance, puis, éventuellement d'aller au contact de l'ennemi. Au moins, la journée étant passée, il pourrait encore profiter du pouvoir de la Fleur de Lys.

Il n'était pas extrêmement bon aux armes de jets, mais il avait encore un autre recours : il pouvait toujours lancer une de ses armes de combat. Pas ses reliques : il y tenait trop. Mais il y avait encore une chose dans son paquetage qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'utiliser et qui, pourtant, serait particulièrement utile ici, surtout si elle était encore insufflée de la petite force qu'il espérait conserver en elle : En fouillant dans son paquetage, il en sortit un croc d'insecte géant, enroulé dans un petit tissu gris. Un croc de scolopendre qu'il possédait depuis maintenant plusieurs mois. L'un de ses tous premiers butins de sa toute première quête, dans les mines de Lebher. Elle n'était pas particulièrement dangereuse, mais elle avait une infime chance de paralyser sa cible. Et paralyser un géant aussi incroyable, ce serait une chance inespérée d'en finir plus facilement avec une partie de l'armée.

"Allez Ziresh... On croit en toi. Reste juste discret et vise bien. Tu n'auras pas deux essais."

Afin de mieux viser, il retira son casque. Puis tout en restant derrière les fourrés, il s'orienta du mieux possible vers sa cible. Il prit un moment pour concentrer son ki afin de former une courbe qui viendrait frapper la créature exactement dans sa chair et au mieux possiblement, au plus près de sa tête. Le bras droit loin derrière sa nuque, le gauche tendu vers le géant roux, les jambes bien ancrées sur le sol, c'est dans un souffle bref qu'il expulsa sa force au maximum, afin de faire parcourir l'arme aussi loin possible, sans qu'elle ne soit arrêtée par un obstacle appartenant à l'armée.
Au moment même où il eut attaqué, il remit son casque et empoigna ses deux armes, dans l'éventualité qu'on ait réussi à le repérer. Mais il restait encore à voir s'il avait bien réussi à frapper comme il le souhaitait...

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Apprentissage de CCAA :
Lancer : Faisant circuler votre énergie interne à l’intérieur de votre bras au moment où vous attaquez, votre arme de poing s’élance littéralement de votre main avec une force et précision redoublée, l’inconvénient de cette attaque à distance étant que vous devez ensuite récupérer l’arme utilisée (For+1/lvl)

Le cheval n'a guère hésité quand la panthère lui a indiqué notre destination, même si moi je n'étais pas convaincue. Mais, après un trop rapide survol de la forêt, je me retrouve sur le bord du fleuve avec, sur l'autre rive, une armée, gigantesque. Du dragon mauve ? Aucune trace. D'une fille elfique ? Difficile à dire vu la taille.

(Le chaton, va trouver la fille !)
(Non !)
(Allezz, Anouar. Tu peux bien nous faire ça ?)
(Et prendre le risque d'être enfermée dans une cage ? Non, non, et encore nom. C'est hors de question !)
(Enfermée ? Toi ? T'es même pas solide !)
(Oui, moi. Et non, j'irais pas seule chez l'ennemi !)

Bon, manifestement, nous n'arriverons pas à la faire changer d'avis, même si Astinor s'obstine. Ne désirant pas rester sur place, j'en profite pour prendre possession de notre corps et pour me diriger, pas à pas, vers l'avant de la garnison. Ejude disait que le dragon mauve menait les troupes, il doit donc être devant. Le seul point négatif, c'est que remonter une telle armée à pied, discrètement, à travers la forêt, ça va me prendre des heures.

(Remonter ? Tu vas vers où ?)
(Plein Nord, droit vers Andél'Ys en fait.)

Nul besoin de précision supplémentaires, pour aucune de nous trois. Nous savons toutes ce que ça signifie et l'implication. Je m'arrête et réfléchis à ce que je vais faire.

(Fais-leur peur. Comme chez toi !)
(Surtout pas !)
(Pourquoi ?)
(Les Garzoks croieraient que ce sont les elfes et tueront Kithra.)
(Sauf s'ils savent que c'est Yuimen qui agit.)
(Ou s'ils croient que c'est dû à la nature !)
(Vous pensez à quoi ?)
(Une p'tite faille ? Comme un tremblement de terre. Tu coupes l'armée en deux. Ca ralentit l'attaque et avec un peu d'chance, le reptile il se pointe pour voir. Au pire, ça fout l'bordel le temps qu'on trouve l'dragon et la fille !)
(Une petite faille ?)
(Juste assez grande pour couper l'armée en deux ! Après, je peux tenter de me faire passer pour Yuimen.)
(Et tu fais ça comment ?)
(Sort d'hallucination. Ca risque d'être drôle !)

Vu ce qu'a produit un simple changement de forme, je n'ose pas imaginer ce que pourrait donner une faille terrestre, mais quoiqu'il arrive, dans une optique de mettre le chaos, ça va être redoutable ! Je concentre mes fluides dans ma main gauche et pose un genou à terre, visant du regard un Garzok quelque part au milieu de l'amas humanoïde de l'autre coté du fleuve. Une fois ma cible choisie, je pose la main au sol et lance mon sort, espérant ne pas causer trop de dégâts collatéraux...

(((HRP : Je lance le sort : -Faille terrestre : Le sol se fissure sous les pieds de la cible du sort, la blessant aux pieds. (Mag+1/lvl, lvl/4 tours, la cible perd lvl/4 à toutes ses esquives et perd toute la possibilité de fuite).
Je tente de le moduler, vers le niveau 20/25)))

Pour une raison inconnue Sirop avait toujours su que ces sifflets magiques pouvaient créer des anomalies temporelles lorsqu'ils étaient utilisés fréquemment de la même façon qu'il avait automatiquement appris leur utilité. La journée en étant tout à coup à la fin de la matinée, l'armée avait dû bien progresser mais le Hobbit n'eut toutefois pas le temps de se préoccuper de cela. Tout d'abord paralysé par sa propre audace (il se demandait toujours ce qui lui avait prit de demander à son cheval de l'emmener sur ce bateau) c'est ensuite la vue des nouveaux ennemis que leur dévoilait cette partie de la troupe qui le figea. Il s'agissait de géants. Six mètres et trognes patibulaires au possible ils avaient la peau épaisse et tenaient d'énormes armes toutes plus cauchemardesques les unes que les autres. Ils servaient de perchoirs à des Gobelins ricanants armés d'arbalètes et cela acheva de glacer le sang du Sinari. S'ils doutaient que les mastodontes soient assez rapides pour nuire à sa survie facilement, il en était tout autre pour un carreau.
Fébrilement et avec la même sensation que s'il s’apprêtait à monter sur scène devant des milliers de gens, Sirop ouvrit son sac et en sortit toutes les gourdes d'alcool qu'il avait ramassé sur les cadavres des Hommes pâles des plaines enneigées au début de cette mascarade de plus en plus sinistre. Après quoi il les disposa sur le bastingage avant de grimper sur le bec du bateau. Puis prenant une profonde inspiration, il beugla en s'efforçant d'imiter les marchands ambulants qui passaient quelque fois par Shory :

"Écoutez-moi messieurs géants, Gobelins et autres fiers guerriers ! Je ne suis pas médecin mais je ne pense pas que partir à la guerre la gorge desséchée soit vivement conseillé ! Regardez ce que j'ai là, les meilleurs alcools de tout Aliaénon venant de sa plus prodigieuse brasserie rien que pour vous. Ce sont des échantillons et s'ils vous plaisent, il y'en a des caisses qui vous attendent ! Gratuitement !"

Il se tut une fraction de seconde avant d'ajouter :

"Je peux remplir vos estomacs certes, mais je peux aussi vider vos bourses si vous voyez ce que je veux dire... Je viens de vous parler de caisses de vinasse mais j'ai aussi des réserves d'Orquesses, de Gobelines et de géantes toutes fraîches qui n'attendent que vos attentions viriles ! Si vous êtes intéressés, venez me voir !"

Sirop devait attirer l'attention, il espérait que ce serait chose faite. En même temps, il était prêt à siffler dès qu'une odeur de mort imminente s'infiltrerait dans ses narines. Et il avait le pressentiment que ce serait pour bientôt.

Alors que l'arme de Ziresh était projetée vers le géant, il lui sembla que tout avait pris un tournant auquel il ne pouvait évidemment pas s'attendre. Déjà, il avait raté sa cible. Mais au moment même où l'arme passa à côté de la créature (trop gigantesque pour être ratée, ce qui valut bien évidemment un grand sentiment de honte pour le liykor), il entendit Sirop entamer un discours auquel il ne s'attendait pas. En fait, il n'attendait pas de discours tout court : ce qu'il avait imaginé, c'était que ces navires seraient pleins de combustibles, d'armes, de poudre, des choses susceptibles d'arrêter la progression de toute l'armée. Et même, lorsqu'il serait dessus, Sirop aurait conduit le navire de façon à s'écraser sur la berge et emporter les adversaires sur le moment où il se serait échoué. Mais non... Voilà qu'il propose à quiconque souhaitait l'entendre de boire de l'alcool et de se reproduire sur son navire ! Et le pire, c'était qu'il y arrivait ! Les sektegs avaient formé un attroupement au plus près du bateau !

Ziresh réprima un soupir en voyant la réussite improbable de son compagnon et en constatant son propre échec dans la frappe d'un ennemi. Mais voilà qu'une chose toute nouvelle vient les aider... Ou peut-être au contraire les empêcher de mener leur combat. Une fissure gigantesque, comme il n'en avait jamais vues, vint fendre le fleuve, mais aussi le chemin que remontaient les troupes d'Oaxaca. Des sektegs par dizaines moururent en trébuchant dans la fente béante et quelques géants, même, tombèrent sans pouvoir se rattraper. Les choses étaient arrivées si rapidement qu'il se demanda même si son arme n'avait pas atterri dans le fleuve et touché... Quelque chose qui aurait pu causer ce séisme.

Mais déjà, alors que tout prenait une tournure qu'il ne semblait pouvoir gérer, Ziresh se retrouva spectateur d'un évènement qu'il n'aurait jamais cru voir un jour. Lui, qui avait été ressuscité, qui avait tué une créature déifiée, qui a avait rencontré même des entités capables de lui faire braver la mort. Lui qui avait déjà vécu tant d'aventures, il se retrouvait face à un spectacle qui valait bien la métamorphose de dix dragons pourpres. Un pan de terre s'était soulevé, soutenu par de gigantesques racines noueuses qui formaient peu à peu une forme anthropomorphe. Ou du moins, une forme inspirant suffisamment la vie, ou une entité vivante, majestueuse et enragée. Un titan forestier. Il n'imaginait même pas que de telles créatures pouvaient exister, même sur un monde tel que celui d'Aliaénon. Et pourtant, alors qu'il se sentait terrifié, il ressenti pouvait une lueur d'espoir. Ce n'était pas un titan d'ombre. C'était une créature au sein même d'un groupe monstrueux qui s'apprêtait à détruire une ville.

"Par le Père et la Mère... Je n'y crois pas... Les dieux sont peut-être bien avec nous..."

Ziresh remit son casque alors que cette forêt ambulante, d'une hauteur gargantuesque de cinquante mètres de haut, commençait tout juste à se réveiller. Était-ce bien elle qui était à l'origine de cette fissure ? Cette fissure même qui l'avait épargné lui, juste au sein de cette troupe immense. Vers où ce titan allait-il se diriger, seulement ? Il était en aval du fleuve, mais allait-il se diriger vers l'amont, épargnant ainsi Andel'Ys, ou allait-il s'y diriger ? Avait-il une pensée propre qui le guiderait instinctivement pour sauver la ville, ou bien serait-il aveuglé par une rage qui le pousserait à tout détruire ? Ce titan valait au moins l'armée d'Oaxaca, et pendant un instant, Ziresh eut une idée folle... Et s'il pouvait mener ce titan jusqu'à Esseroth ? La ville était tombée, mais il pourrait détruire une quantité astronomique de ses ennemis. Ce titan pourrait changer la donne.

L'idée de tuer un général lui importait peu désormais. De même que celle de vaincre le chef des géants. Là, maintenant, il y avait un titan. Et s'il était un ennemi, ce serait avant tout de lui dont il faudrait se méfier.
Puisque tout était devenu chaos autour de lui, il se dirigea sans se cacher vers Sirop, entouré par les gobelins apeurés.

"Sirop ! On ne sait pas où ira ce titan, mais je sens qu'il peut soit détruire Andel'Ys, soit la sauver. Je vais dessus ! La terreur a déjà pris possession de nos ennemis, on peut encore trouver comment sauver cette ville ! Je ne sais pas vraiment comment je vais faire, mais déjà, je crois qu'on sera plus en sécurité à son sommet qu'en dessous !"

Ce disant, puisqu'il possédait encore quelques charges dans son sifflet, il souffla dans ce dernier pour invoquer de nouveau la monture ailée et se diriger sur le dos ou la tête de ce qui était maintenant beaucoup trop grand pour être simplement appelé "géant".

Je vais pour relâcher mes fluides quand mon attention est captée par un discours assez étrange venant d'un des navires sur le fleuve. Ce langage commun est reconnaissable, il vient de Yuimen. Que ferait un marchand de vie humaine ici, sur un fleuve perdu dans un autre monde ? Je ne comprends pas tout ce qu'il raconte, mais son discours semble intéressé les Sektegs qui se rassemblent tous. Un éclair traverse le ciel, non loin d'un géant, une lame ? Une flèche ? Il me suffirait de me concentrer pour savoir, mais j'ai autre chose à faire. Les géants sont trop dangereux pour que je les laisse traîner ici et mes fluides démangent toujours dans mes doigts. Je les laisse filer dans la terre que je sers dans la paume de ma main gauche où brille le ruban de Sarya.

Je sens la magie qui se dégage et prend de l'ampleur en remontant le lit du fleuve jusqu'au pied d'un des monstres, le plus proche de la nuée de Sekteg. Désormais ma diversion est en place, je n'ai plus qu'à la laisser agir seule. Un grondement annonciateur de mauvaises nouvelles pour le camp en face se faire ressentir, prémisse d'une terre qui s'écarte et se fend sous la pression de mes fluides.

Puis vient le craquement, déchirant, monstrueux, bien plus intense et profond que tout ce que j'ai pu créer jusqu'à présent. Sur la rive en face c'est le chaos, la faille que j'ai ouverte s'ouvre sur plus de dix mètres de long et, loin de faire une largeur digne d'un pied, fut-il de géant, elle pourrait engloutir une maison.

(Je sais désormais comment stopper Oaxaca, dans le pire des cas !)

Réduire Fan-Ming en poussière pour protéger le portail ne devrait pas être plus difficile que de crever le sol en cet instant. Je suis l'envoyée de Yuimen, je suis celle qui manipule la terre, je suis celle par qui la terre et la forêt se défendent !

"Je suis Lothindil 'tir Lisha! Je suis CELLE-QUI-EST-CRAINTE ! Je suis celle qui créer les CATASTROPHES ! Je suis la TERRE ! Je suis celle que Yuimen a choisi pour vous anéantir ! Je suis celle qui détruit les armées !"

Un puissant sentiment d'invincibilité me prend, me poussant à sortir du couvert des bois en hurlant tandis que le fleuve se soulève pour combler la faille que j'ai crée. Mais je m'écroule après deux pas, la terre tremble toujours.

(Qu'est-ce que tu as encore fait ?!)

La colère de ma faera me refroidit brutalement tandis que je cherche autour de moi la présence d'un autre mage ou de n'importe quoi pouvant expliquer ce qu'il se passe.

(Rien, c'est pas moi !)

Astinor profite de mon instant de doute pour récupérer le contrôle du corps et pour s'accroupir dans les fourrés que je n'ai finalement pas eu le temps de quitter.

(C'est pas moi. Je vous jure les filles !)

Je ressens la même chose que lors de mon altercation avec Iso Karhù, quand il était parvenu à me sortir de mon propre sort, de ma propre magie. A nouveau, nous faisons face à quelque chose d'autre, de plus puissants, bien plus puissants que moi. Le genre de créature ou d'évènements capable de faire perdre la foi à n'importe qui.

"C'est quoi c'bordel ?"

La voix d'Astinor est teintée d'une crainte respectueuse qui n'arrive jamais chez elle. Je lève la tête de mon recoin de cerveau pour user de ses sens et capter, à travers ses yeux, la réalité inimaginable du monde.

(Anouar. C'est quoi, ça ?)

La terre se soulève du sol, emportant les pierres, les arbres et même un morceau de rivière. Du bois se met à grincer, comme si quelqu'un ou quelque chose cherchait à modifier le sens des fibres, à mes pieds, le fleuve s'agite, mais je ne parviens pas à quitter des yeux ce monstre de bois. Iso Karhù est minuscule en comparaison et sa puissance n'est rien, comparée à ce qui se dresse en face de mon regard.

Le silence de ma faera en dit long sur son incompréhension de ce qui se passe. Est-ce moi qui ait réveillé ce truc ? Je voulais foutre le bordel dans l'armée, certes, mais là, est-ce mieux, est-ce pire qu'avant ? Au moins ça devrait rameuter le dragon et son chevaucheur. Ou le faire fuir d'ailleurs. Je reste tétanisée, tandis qu'Astinor semble récupérer quelque capacité à agir.

(Qu'est-ce que j'ai fait ?)
(Le bordel ! Maintenant, faut trouver Kithra !)

Courant hors de l'abri, Astinor fonce vers la plage et plonge dans le fleuve. Son intention est claire, profiter du chaos pour traverser la petite dizaine de mètres qui nous séparent de l'armée, tant que celle-ci n'est pas en tant de réagir. Le ruban de ma soeur devrait nous permettre d'éviter de nous noyer, du moins je l'espère, vu les remous crées par les deux failles.

(((Tentative de traverser le fleuve à la nage. En comptant que le ruban me permet au besoin de respirer sous l'eau)))

La stratégie de Sirop fit un carton et ce dernier ne savait pas réellement s'il devait en être étonné ou non. Toujours est-il qu'une foule de Gobelin se pressa devant le bateau en piaillant bruyamment, paralysant l'avancée des troupes. Mais plus cette cohue grossissait plus l'angoisse du petit Hobbit grandissait. Il avait attiré leur attention c'était bien joli mais mais maintenant ? Il se baissa à la hâte pour éviter qu'une de ses précieuses outres ne chute avant de se redresser, une boule dans la gorge. Par miracle, les géants ne semblaient pas s'intéresser à lui. Ils continuaient à avancer de leur démarche lente, presque tranquillement.
Mais avant que Sirop n'ait eu le temps d'imaginer la suite des évènements en ce qui le concernait, la terre se mit à trembler brutalement. De là où il était, le Hobbit mit du temps à comprendre ce qui se passait mais une fois des dizaines de Gobelins disparut, il apprécia la vue qu'il avait de l'immense faille qui venait de s'ouvrir sous leurs pieds, les avalant. Deux géants furent également pris au piège, l'un chutant tandis que l'autre se rattrapa de justesse. Mais cette balafre n'engloutissait pas seulement les méchants, bien sûr elle absorbait aussi le fleuve. Et les bateaux avec. Or un petit Sinari malchanceux se trouvait sur l'un d'eux. Lorsque les embarcations se heurtèrent avec violence, lui et son alcool volèrent avant de s'étaler sur le sol du bateaux.
Sirop se redressa rapidement et précipitamment ignorant la douleur qu'avait causé cette chute. Il avait vu. Il avait vu que son bateau avait été entraîné tout près du géant qui avait échappé à la mort dans le trou. Cependant, il n'eut pas le temps de s'en occuper puisque contre toute attente, ce n'était pas encore le pire. Il était à venir.
La terre se remit à trembler de plus belle, de plus en plus fortement. Sirop geignit :

"Bon c'est fini ou quoi... ?" mais sa voix s'éteignit en un couinement aigu.

Atteint de tremblements incontrôlables sur tout le corps, le petit Hobbit contemplait fébrilement ce qui se mettait à grandir devant lui, la suivant des yeux. Un effrayant truc sortait de terre. Soulevait la terre, ou était la terre, qui savait ?! Les arbres, les cailloux, on aurait dit qu'un continent s'envolait. Une partie du fleuve lui-même participa à cette ascension. En un éclair, ce qu'avait dit le Capitaine Hirotoshi lors de leur première nuit à Aliaénon dans les plaines enneigées lui revint en mémoire. L’officier avait parlé de bestioles légendaires dormant sous terre ou quelque chose d'approchant. Avec la chance de cocu qu'ils se coltinaient, il aurait été étonnant qu'ils n'en rencontrent pas au moins un !
Répandant sa démesurée ombre sur tout le monde, le monstre qui atteignait presque les nuages poussait un terrible grondement indescriptible. Malgré cet insupportable son, Sirop ne se boucha pas les oreilles. Pas plus qu'il ne prêta attention au géant près de lui. Il ne se préoccupait plus de rien. La tête levé vers le ciel, ou plutôt vers le colossal monstre qui en obstruait complètement la vue, Sirop chuta lentement en arrière, perdant connaissance avant même de toucher le sol.

Trop c'était trop.