Le nombre fait la force. Il n’y avait pas de doutes, c’était en partageant nos idées que nous allions y arriver. Rosie ne fit pas la sourde oreille à ma remarque et suggéra d’attacher les renégats le temps qu’on réussisse à les raisonner. La capitaine Charkere, visiblement obnubilée par le carnage en cours sur la plage, consentit à quitter temporairement son divertissement pour aller quérir ce qui lui avait été demandé.
Je me tournai vers la princesse qui découragée par la faiblesse de ces hommes pâles esclaves du Thiir, pleurait et criait en vain. J’aurais aimé la consoler, mais ce n’était point le temps et j’étais également anxieux et sur les nerfs.

Pendant ce court temps de réflexion, un tas de cordes et filets atterrit à mes pieds. Sans délicatesse, mais avec une efficacité certaine, la belle capitaine avait accomplie la tâche suggéré.

C’est à ce moment-là qu’Egregor fit une suggestion des plus sensées en proposant de vider temporairement le sang des hommes déchainés. Ayant vécu l’expérience à un niveau moindre et un court moment, j’étais bien placé pour savoir que son action risquait d’être fort efficace. Je le regardai, une lueur d’espoir dans les yeux, et lui répondis :

« Votre idée est excellente ! Par contre, s’il vous était possible de vider plutôt le sang de leurs membres, ou simplement de les affaiblir, il nous sera plus facile de les capturer sous le filet sans risquer inutilement leur vie. »

Habité à nouveau de l’espoir de nous en sortir, je pris à mon tour un pan du filet, tel que venait de nous le suggérer le capitaine Hirotoshi.

Il nous suffisait d’attendre qu’Egregor affaiblisse les hommes-pâles, pour ensuite jeter le filet sur les brigands dès que le capitaine nous en aurait fait signe.

Sirop perdit une nouvelle fois son souffle lorsque l'Orque abattit de nouveau sa botte sur son dos.
La roublarde stratégie du Hobbit ne sembla pas avoir fonctionné et c'est le souffle coupé que le Sinari put constater que la bataille en face de lui ne faisait qu'empirer de minutes en minutes. Les Hommes Pâles semblaient être habités par une folie meurtrière et incontrôlable les faisant s'entretuer sans pitié et la présence de rustres comme ce gros taré de manieur de hache n'arrangeait pas les choses. D'un puissant coup de son arme, ce mastodonte envoya bouler Karin dans le sable.
Sirop ne pouvait distinguer que peu de choses de là où il était, c'est à dire au même niveau que les insectes. Des plantes lui gênait la vue et son ouïe, bien que satisfaisante, ne lui permettait pas de tout comprendre. Par exemple que devenait Rosie ? Et ce bon vieux Mathis ? Et Chihiro et sa Princesse ? Cette dernière devait bien être en peine devant ce carnage, elle qu'il savait si sensible.

(Quelle foutue impuissance !) pesta le Hobbit en son for intérieur et en serrant les poings sur la mousse spongieuse du sol.

L'image de la Princesse désemparée et de ses compagnons d'aventure en danger lui donna la force retenter quelque chose :

"Eh l'ami, on est dans le même camp donc si tu pouvais..." Mais il s'arrêta net dans sa phrase.

Ébahi, le petit Hobbit piétiné vit avec une surprise non dissimulée que le temps sembla tout à coup s'être arrêté tout autour de lui et que dans une lueur, un drôle d'individu venait de faire son apparition devant le fantôme géant, là-haut, dans le ciel nuageux. Sirop ne put le distinguer assez pour le décrire mais il put aisément l'entendre lorsqu'il parla d'une étrange voix qui semblait retentir jusque dans son esprit. Une voix étrange, calme mais ferme qui résonnait dans le soudain silence de la scène, d'ailleurs surnaturel de part sa pureté. Le nouvel arrivant disait leur offrir un cadeau et un petit sifflet d'argent apparut bientôt de façon plus qu'impromptue dans la main gauche d'un Hobbit si médusé que ses sourcils formaient deux "u" à l'envers.
Par on ne sait encore quel fichu miracle le Sinari de Shory sut immédiatement quelle était l'utilité de ce nouveau petit gadget. Et alors que la créature volante se tournait vers l'ectoplasme, Sirop risqua un coup d’œil derrière lui autant que lui permettait la semelle de l'Orque plantée dans son dos. Ce dernier ne semblait évidemment pas seul. Qu'il y ait ou non des chances qu'il ait crût au mensonge de Sirop, il ne faisait pas bon pour le Hobbit de s'attarder ici. De plus, la situation semblait perdue ici. Autant se barrer puisqu'il en avait la possibilité. Mais où aller ? À Esseroth la fameuse ville qu'ils devaient finalement rejoindre ?

(Et puis crotte !)

Sirop porta le sifflet à ses lèvres et alla souffler dedans comme un sauvage au moment où ses yeux suivirent une jeune femme nue et un loup tombés dans le fleuve. Était-ce la fidélité qu'il avait envers son petit groupe ou les belles formes de la donzelle ? Lui-même ne saurait dire mais il ne put se résoudre à siffler.

C'est alors que le temps sembla se suspendre un instant. Une entité extraordinaire apparut, affirmant leur offrir un cadeau. Un être à la fois sombre et étincelant, qui matérialisa d'étranges sifflets. À chaque aventurier d'Aliaénon, il fit don de ces objets, permettant de voyager à travers le monde...

Un instant, tout resta en suspens. Puis, la voix de Chandakar se fit entendre :

(Bon, d'accord. Hum... oui. C'est le moment, je pense. Je vais tout simplement me retirer et tu me préviendras quand le monde sera redevenu normal, hein ?)

Et sa présence s’évanouit. Le monde reparti et le sort se lança. Mais encore une fois, malgré la tentative de retenue du jeune homme, il sembla prendre des proportions gigantesques. Une main ténébreuse jaillit et enveloppa tous les combattants, les empêchant de se battre plus longtemps. La magie était-elle donc si puissante ici ? C'était démentiel ! En un sens, c'était effrayant quand au fait qu'Oaxaca avait des magiciens bien plus puissants encore ! Mais pour l'instant, l'essentiel de son esprit était accaparé par la puissance qu'il détenait. Pas étonnant que Chandakar aime cela. C'était... tellement merveilleux ! Il avait l'impression qu'ici, il pourrait réellement prendre son destin en main, plus personne ne pourrait le regarder de haut, ni le traiter comme un gamin...

À demi ivre de pouvoir, Azra laissa échapper son premier rire de nécromancien. Sa voix résonna en échos teintés d'une joie mauvaise, adressée directement à Seok :

« Pauvres idiots ! Vous n'avez donc aucune mesure, aucune compréhension de ce qui vous arrive ? Voici le pouvoir que vous allez devoir affronter ! Rien d'autre que l'unité ne pourra vous sauver d'Oaxaca... certainement pas vos murs pitoyables ! Ils ne sont rien, un peu plus de pouvoir et même moi je pourrais les réduire en miettes ! »

Il les souleva alors de terre comme des poupées :

« Alors cessez vos enfantillages, tous ! Cessez de vous battre, ou je vous briserais, je mettrais vos âmes à la torture et laisserais vos os brûler à l'ombre de mon pouvoir ! »

Rendrak gloussa :

« Éh éh... pas mal... le pire c'est que je crois que tu en serais capable... mais retient toi, quand même, on pourrait encore en avoir besoin ! Et puis, il me semble qu'il y a plus urgent... »

Il désigna une forme dans le courant. La fille fantôme ! L'être étrange qui leur avait donné les sifflets lui avait rendu la vie ! Mais elle était du même coup tombé à l'eau et s'y débattait. Un petit sourire suffisant aux lèvres, Azra relâcha le groupe d'hommes :

« Si vous permettez, je reviens à vous dans une minute... »

Il dirigea alors sa main ténébreuse, ombre de fumée noire, vers la fille et son loup à l'étrange pelage rouge. Aussi délicatement que possible, il les enveloppa d'ombre, les rassembla et les souleva pour les ramener à bord...

Quelle puissance ce Azra ! Il ne payait vraiment pas de mine et pourtant il ne semblait rien devoir envier à Egregor, maintenant la référence de Sirop en terme de magie, d'horreur et de crainte. Afin de voir toute la scène le petit Hobbit avait écarté quelques plantes à l'aide de ses bras, tenant toujours dans un de ses poing le sifflet. Il lui servirait sans doute dans pas très longtemps si la situation réussissait à empirer pour lui. Puisque pour les autres elle semblait calmée.
Il n'aimait pas la magie, comme tous Hobbit cependant il semblait qu'être possesseur de fluides pouvait se révéler vraiment pratique et le Sinari de Shory, depuis le début de cette aventure un peu abracadabrante commençait de plus en plus à se dire que c'était dommage qu'il soit dénué de tous pouvoirs.
Là, devant ses yeux habitués maintenant aux choses les plus improbables, il regardaient avec des yeux brillants l'immense main de ténèbres qu'avait matérialisé le nécromancien arrêter tous les combattants saoulés de rage et de Thiir soit tous les Hommes pâles, le gros à la hache et enfin les quelques hommes de ce dernier en les enfermant dans son énorme poing. Mais ce ne fut pas tout. La gigantesque paluche les relâcha après une remontrance d'Azra qui claquait pas mal pour voler au secours de la jeune femme tombée à l'eau.

Ce serait beaucoup plus facile pour lui de devenir un héros célèbre et vaillant avec de tels pouvoirs et un peu de jalousie pointa logiquement le bout de son nez. À bien y réfléchir c'était de la triche !
Alors Sirop perçut un mouvement sur sa droite. Une branche venait de craquer lorsqu'un des de plus en plus nombreux Orque présents à ses côté dans la jungle encocha une flèche. Un autre fit de même puis un autre. Ils étaient beaucoup ces abrutis !
Aussitôt le Hobbit fut prit de panique et cela se fit ressentir dans sa voix soudain trop aigüe, son cou tordu au maximum pour pouvoir regarder le Garzok qui le maintenait au sol :

"Eh, attendez qu'est-ce que vous faites ? C'est bon là, ça se calme pour le moment ! Oubliez pas qu'on est pas n'importe qui, Oaxaca à fait appel à nous pour l'aider donc si vous faites n'importe quoi adieu les gars, vous irez dire bonsoir à Phaitos !"

Sirop ne connaissait pas vraiment les intentions de ces monstres ni à quel degrés ils croyaient à son histoire mais il ne voulait prendre aucun risque. Amoché comme son groupe l'était, une foule de costauds et belliqueux combattants en plus à affronter risquait de faire trop bien que les mages présents dans leurs rangs semblaient puissants et en forme...

Notre plan était dressé, nous étions en position, il ne manquait plus que l’intervention d’Egregor et nous jetions les filets sur les hommes-pâles pour les capturer…. Mais le temps s’arrêta.

Un phénomène si particulier se produisit que je n’y aurais jamais cru si je ne l’avais moi-même vu. Alors que l’immobilité s’était installée tant sur la berge que dans les trois bateaux, un être probablement venu de l’au-delà apparut. D’une taille supérieure à la mienne, plutôt mince sans être décharné, il nous parla d’une voix à la fois douce et ferme. Mais ses paroles ne sortaient pas de sa bouche puisqu’il n’en possédait pas, pas plus que des yeux ou d’un nez. C’était en fait un homme sans visage ou peut-être bien une femme qui sait ? La forme triangulaire prédominait chez cet individu dont il était impossible de définir une appartenance à une quelconque race connu. La peur aurait dû nous envahir mais tel n’était pas notre cas, puisqu’il dégageait une aura positive de bien-être. Tout en l’examinant de la tête au pied, je laissai ses paroles pénétrer mon esprit. Il nous faisait le présent d’un objet précieux d’une utilité inestimable. Et puis il disparut comme il était venu et le sablier du temps reprit du service. Dans ma main et dans celle de tous les yuimeniens se trouvait un petit sifflet en argent. Aucune explication fut nécessaire, dès que j’en avais fait possession, j’avais instantané su que le sifflet permettait d’appeler un cheval ailé qui nous porterait où l’on voudrait.
Je me remettais à peine de cette manifestation surnaturelle qu’un plouf sonore retentit dans l’eau de la rivière et l’ombre géante et son loup avait disparus.

Contrairement à ce que j’aurais pu croire, ce n’était pas la fin des phénomènes étranges. Sortie d’on ne sait où, une gigantesque main noire, tout fait d’ombre, s’approcha des renégats et les étreignit. Dès lors, moi et le capitaine relâchâmes le filet, il ne s’avérait plus nécessaire. Et puis, la voix du jeune nécromant résonna, s’adressant aux hommes pâles sur la plage, le menaçant. C’était donc Azra qui contrôlait cette immense poigne. Malgré l’antipathie que ce jeune homme m’inspirait, je dois avouer que cette fois, j’étais bien content d’être dans le même clan que lui.
Alors que la main relâchait ses prisonniers pour aller repêcher je ne sais quoi, j’aperçus les trois hommes qui faisaient faces à Rosie et je les apostrophai d’une voix qui se voulait forte et directive !

« Vous attendez quoi ? Un gigot pour diner ? Soumettez-vous immédiatement avant que la main ne revienne et ne vous contraigne à votre tour. »

Puis me tournant vers mes compagnons, je les regardai tour à tour. Nos sifflets nous permettaient de mettre fin à cette traversée sur le fleuve et nous rendre rapidement à destination : Esseroth. Mais nous n’en possédions pas tous et je ne pouvais embarquer qu’un passager avec moi sur le destrier. Il y avait Egregor, le capitaine Hirotoshi, la capitaine Cherkere, la garde du corps Chiroko ainsi que l’aimable, ravissante et douce princesse Honoka. Le choix était facile.

Je me tournai donc vers la personne élue pour lui offrir de m’accompagner :

« Je ne sais plus quel Dieu nous devons remercier. Mais ce sifflet est un cadeau du ciel qui va nous permettre de se rendre beaucoup plus rapidement à destination grâce à l’appel d’un cheval ailé. Accompagnez-moi, Egregor, il est plus que temps pour vous de retrouver les vôtres. »

J’aurais évidemment pus choisir la princesse qui s’était avérée plus aimable que ce rustre qui avait osé m’humilier en me vidant de mon sang devant témoin. Mais on s’était expliqué, et je lui avais pardonné. Et puis, lui rendant ainsi service, il se trouvait en quelque sorte redevable à mon endroit.

Sifflet en main j’attendais la réponse du concerné ainsi que des autres avant d’appeler le fier destrier ailé.

Mathis tenta de raisonner les hommes-pâles encore à bord. Azra l'aurait bien aidé, sur ce coup-là, car ils étaient en train de prendre Rosie en otage ! Mais il avait déjà une jeune femme en danger sur les bras...

Il déposa aussi délicatement que possible la femme et son loup sur le pont... et lorsque les ténèbres de sa main s'éloignèrent... il réalisa qu'elle était entièrement nue.

Le cerveau du jeune homme s'arrêta. Il la fixa, les yeux ronds. C'était bien ça. Elle n'avait... rien... vraiment rien sur elle. Elle était très jolie avec sa peau blanche comme la neige... ses yeux rouges étaient un peu perturbants, mais en fait moins que ses formes si féminines et voluptueuses, propres à enflammer le cœur d'un...

… Reprise du début. Bien sûr, une telle femme n'existait que dans son imagination, hein ? Des filles nues à ses pieds, c'était le genre de chose qu'il ne voyait que dans des rêves coupables sur lesquels il ne révélerait jamais rien, même sous la torture. N'empêche, qu'elle était vraiment belle. Il en avait, de la chance, de faire des rêves comme ça...

… Reprise du début. Le temps se remettait en route et il sentit le rouge lui monter aux joues. Il détacha la cape de Gaber et la tendit d'un air gêné.

« Euh... bah... tenez... mademoiselle. »

Il allait mourir. Forcément. Il était impossible de survivre à autant de honte, hein ? Les dieux devaient bien avoir préparé quelque chose pour ce genre d’événement. Une désintégration instantanée, une combustion spontanée... il était assez chaud pour ça, d'ailleurs.

C'est à ce moment là que les flèches commencèrent à pleuvoir. Plusieurs hommes-pâles tombèrent, morts. Rendrak réagit aussitôt pour se placer devant Azra, bouclier brandit, faisant rempart de son corps.

« Ah ! Moi qui avais encore peur il y a dix minutes de m'ennuyer comme un loup mort... Voilà ce que j'appelle vraiment du sport ! Aller, tout le monde se rassemble sur les bateaux ! On va leur montrer... »

Mais ses imprécations guerrières furent coupées par la voix d'Azra, devenu d'un aiguë presque gamin.

« Protège la, elle ! Elle n'a aucune protection ! » s'écria une voix.

Azra refusait d'admettre que ça pouvait être lui qui ait dit une telle absurdité débordante de mièvrerie. Mais Rendrak était assez grand pour leur fournir un semblant de couverture, même imparfaite, à tous les deux.

Alors, dans un hurlement, une horde de garzok chargea ? Une vingtaine... beaucoup trop... À moins que... Il se dépêcha de maintenir sa main sombre qui menaçait de s'évaporer. Il ne pourrait pas la retenir éternellement ! Mais au moins en attendant... Il rabattit la visière crâne de son casque. Il était prêt au combat.

Se décalant légèrement de Rendrak, quitte à s'exposer, il la tendit pour attraper un paquet de garzok aussi gros que possible, comme il avait fait pour les hommes pâles. L'ombre énorme s'étendit, encore et encore, jusqu'à s'abattre sur les rangs ennemis. Sans dire un mot, il tenta de les soulever bien haut... cinq mètres ? dix mètres ? Peu importait, assez haut pour qu'ils se fracassent sur leurs compagnons en dessous !

(((donne la cape de Gaber à Adweinna, Rendrak se met en position pour bloquer la charge et les flèches devant Azra et Adweinna. Azra attaque les Garzoks avec sa main de ténèbres.)))

À vouloir trop en faire à la fois, on finit par tout bâcler me disait ma mère. Et une fois de plus, elle avait raison. J’avais voulu à la fois protéger Rosie et quitter ce coin de pays. Le résultat n’était donc pas surprenant, les hommes qui avaient hésité un petit moment, auraient peut-être obtempéré, si je n’avais pas changé de sujet aussi rapidement en m’adressant à Egregor. Mon impatience de quitter ces lieux m’avait coûté cher, car les renégats profitèrent de cette inattention de ma part pour s’emparer de Rosie et la désarmer. Lorsque je m’aperçus de mon erreur, j’eus un hoquet de surprise. Immobile, je réfléchissais à l’action que je devais poser lorsque l’un des trois brigands, celui qui portait une barbe courte et des habits gris-bleu, me fit une proposition. Si je voulais qu’il libère Rosie, je devais les laisser partir avec le troisième navire. Cette proposition me paraissait honnête, s’il la respectait. Les navires ne m’appartenaient pas et puis nous allions quitter cet endroit par d’autres moyens d’ici peu.

D’une voix autoritaire, je répondis :

« D’accord ! Libérez-la et moi et les jeunes dames vous laisserons partir avec ce navire. »

Sans quitter les trois hommes des yeux. Je parlai à voix basse à Chikiro et Honoka qui se tenaient près de moi : « Assurez-vous que Rosie sois sauve, et puis elle pourra à son tour vous aider. »

C’est à ce moment qu’une volée de flèches, provenant de la forêt, arriva. L’une d’elles transperça la poitrine de l’homme pâle qui m’avait adressé la parole.

Je n’en dis pas plus aux jeunes dames, je n’en avais pas le temps, je devais quitter cet endroit avant de me faire tuer à mon tour. Je soufflai donc sans attendre dans ce sifflet.

Me tournant vers Egregor qui m’avait rejoint, je lui répondis en désignant le sifflet :

« Je n’ai cette petite merveille que depuis peu. Je vous expliquerai davantage en chemin. »

Rosie était soulagée de retrouver le sabre qu’elle avait honteusement jeté. Son soulagement fut toutefois éphémère car à l’instant où elle leva les yeux, trois hommes se dressaient devant elle et clairement, elle leur barrait le passage, un sabre à la main.

« Messieurs... » Commença t’elle d’un ton lent, baissant légèrement son arme. « Nous n’avons pas à être enn… »

Soudainement, les mots se figèrent dans sa gorge. La jeune femme avait l’impression de n’être qu’une conscience dans un temps gelé ou même le temps de réflexion n’avait pas sa place. Une créature incroyable apparut dans une lumière perturbante. Une voix résonna alors dans l’esprit de la femme en rouge, se répercutant dans son crâne comme si c’était de là qu’elle provenait. Ce n’était certes pas la première fois qu’on s’adressait à elle d’une façon aussi irrégulière, mais chaque fois c’était un choc que de se sentir forcer d’entendre. Il était difficile de dire combien de temps l’intervention avait duré alors que la lumière disparut, redonnant aux secondes et aux heures leurs mouvements.

« …emis... »

La fin du mot franchit ses lèvres sans qu’elle en ait vraiment le contrôle, désormais complètement perdue dans ses idées. Elle sentie alors entre ses doigts un petit objet froid qui n’y était pas l’instant d’avant. Déconcertée, elle le leva devant son visage pour contempler ce qui semblait être un sifflet. Bien qu’elle n’ait jamais vu un tel objet, l’impression demeurait qu’elle savait exactement quoi en faire, ce qui s’avérait encore plus curieux. Hypnotisée par l’évènement, elle en ignora complètement les trois hommes et rapidement, se retrouva encore une fois démunie sur sabre. C’est dans un sursaut qu’elle retrouva ses esprits pour se voir a nouveau dans une situation de soumission. L’un d’eux parla, mais Rosie n’écoutait plus. Elle ferma les yeux de honte.

(Tout ca c’est de ma faute.)

Elle aurait dû se taire sur le bateau et laisser les hommes tendus continuer à prendre leur mal en patience. C’était bien elle qui avait déclenché une première attaque par ses mots mal lancés.Ce faux-pas se concluait maintenant dans un bain de sang et cette fois, c’était son tour de payer de sa vie. Ses hommes pâles, elle aurait dû les tuer pendant qu’elle le pouvait encore. Au tout début dans la forêt. Ils pensaient tous gagner des hommes ainsi, mais au bout du compte, ils ne firent qu’en perdre. Était-ce de l’ambition ou de la prétention que de croire qu’on l’on pouvait guérir l’esprit de ces hommes?

Puis, comme une brise mortelles, un volée de flèches sifflantes fendirent l’air et abattirent plusieurs hommes sur la berge déjà miroitante de sang. Rosie ouvrir les yeux juste à temps pour voir l’un de ses assaillants s’écraser devant elle, transpercé par l’un des projectiles.

Mérové n’était pas resté tranquille. Il piétina longtemps lorsqu’il vit la petite acculée ainsi par les hommes malveillants, se sentant encore une fois obligé de retenir ses envies sauvages. La gamine avait autant le don de se mettre dans le pétrin que de faire en sorte qu’il ne puisse pas non plus lui venir aide. Il jaugea les trois hommes, puis se leva sur ses pattes, déterminé à en baffer un ou deux plus vite qu’ils ne pourraient blesser Rosie. Mais comme l’un d’eux se fit abattre violement, l’ours n’eut pas à réfléchir plus loin pour tout simplement se reposer et tenter de bousculer les deux autres de sa masse imposante afin qu’ils goûtent un peu au sol. Rosie, machinalement, tenta d’agripper le poil du cou de la bête comme celui-ci passait tout prêt d’elle pour tenter de se projeter sur son dos et déguerpir ensemble. Les flèches n’étaient évidemment pas un avantage pour elle et lui.

C'était comme si Sirop pissait dans un violon. Les Orques se ruèrent à l'attaque après avoir ôter plusieurs vies avec leurs flèches, faisant totalement fi de ses misérables jérémiades. Le petit Hobbit impuissant se retrouva brinquebalé sous un des bras musculeux du Garzok qui l'avait maintenu à terre depuis un bon moment. Bien qu'il tenta de se débattre, gesticulant et hurlant, il voyait ses compagnons de voyage se rapprocher rapidement à mesure que les Orques progressaient.

"Mais qu'est-ce que vous branlez par Kubî ?" gémit furieusement Sirop, maintenant au bord des larmes avant de continuer dans son pittoresque mensonge. "Vous allez voir, vous allez le regretter, Oaxaca va vous punir ! Vous entendez, vous allez... ARRÊTEEEEEEZ !"

Son cri se perdit parmi le boucan des colosses verdâtres à présent lancés à plein régime vers les bateaux, les Yuméniens et les autres d'Aliaénon.
Le Sinari, désespéré, humilié et inutile ne voyait pas comment il pouvait faire quelque chose permettant d'aider dans cette situation qui s'amusait à s'empirer à chaque instant. En vérité, il savait quoi faire. Pour devenir un héros, un fier aventurier, il avait toujours su comment agir. Mais il n'avait que très rarement eu la force de passer à l'acte. Ce sentiment d'impuissance et de désespoir se transforma malgré lui en une violente colère, notamment lorsqu'il aperçut la princesse Honoka, semblant si désemparée, elle qui ne voulait que sauver son monde du chaos.

(Salopards d'enfoirés d'Orques.)

Comme de nombreux Hobbit, Sirop avait une peur bleue des Garzoks. Ils étaient gros, repoussants, costauds et brutaux. Mais aujourd'hui, il ne pouvait pas laisser la peur le paralyser.
Il dégaina donc tant bien que mal son petit glaive malgré les soubresauts dû à la course de son "porteur" et songea d'abord à le planter dans les côtes nues de l'Orque. Mais même malgré tout, Sirop ne pouvait pas faire ça... C'était trop...pas lui. De toute façon il n'y avait pas assez d'espace entre lui et sa cible pour qu'il puisse porter un coup efficace. Il choisit donc d'essayer de taillader au hasard les guiboles de son "porteur", hurlant en continu et les yeux bien fermés.