<<Les rues de Kendra Kâr

Explications et révélations. Ou comment le noir et le rouge finissent par s’épouser.

La tasse de thé noir parfumé à la fleur d’oranger qu’Ismelda avait préparé pour Blast et pour Sire Hadelberg était à peine versée que déjà son odeur bienfaisante et relaxante emplissait les narines de l’Apostat. Il était assis dans le salon privé de la chambre de Benlor. A leur arrivée, il avait cependant noté deux ou trois détails qui l’avaient piqué. Il y avait des chevaux dans les écuries, Bo-Kahn était introuvable et Ismelda était très pressée. Directement, Benlor l’avait entraîné dans sa chambre avec Azdreval de Myldron et il avait demandé un thé que le haut-prêtre de Thimoros avait poliment décliné. Affalé dans une banquette confortable, Blast avait fermé les yeux. Le cœur n’y était plus. Une fois entre les murs du monastère, il avait senti une fatigue l’envahir. Celle d’une rude matinée de bataille et d’embêtements.

Benlor lui faisait face et Azdreval était debout devant la fenêtre qui donnait sur la courre intérieur du temple. Il avait retiré ses manchons cloutés et caparaçonnés de harnois et sa cotte de mailles pour ne garder que sa chemise. Benlor avait entassé dans un coin, religieusement, les pièces de son armure sacrée fracassée par les assauts de Valedra et de Talmeort. Blast soudain l’interrogea du regard. Il était avide de savoir et à la fois trop faible pour le demander directement. Benlor poussa un soupir et se lança alors.

« Il faut que tu saches une chose. Je t’ai caché certains aspects de ma mission ici. Et je l’ai fait parce que jusque là, tu n’avais pas gagné ma confiance. Mais ces dernières heures ont changé beaucoup de choses. Guillerme, Sylbus et moi nous avons été engagés en effet pour récupérer entre les mains de Talméort le socle et l’orbe que nous prenions pour de bêtes reliques. Mais par la suite, Valedra m’a convaincu de travailler pour elle dans le secret avec les meilleurs artisans qu’elle pu trouver et ensemble nous avons confectionné une simple lame. La plus fine et la plus tranchant possible. Elle fut par la suite enchantée par les adeptes de Yuia pour en faire une épée redoutable une fois assemblée au socle et à l’orbe. La lame des vierges. » Il posa sur Azdreval de Myldron un regard gêné. Ce dernier était perdu dans la contemplation des massifs de plantes dans le jardin.

« Lorsque nous nous sommes rendus compte de la puissance de ce que nous avions créé avec l’aide de Valedra, nous avons décidé de la briser et de la séparer en trois pièces. Nous l’avons réparti entre nous. Je pensais que nous avions enfin enterré à jamais ce lourd secret. » Il enfouit son visage dans ses mains. Il respirait fort. Azdreval vint les rejoindre autour de la petite table. Il continua.

« Je suis pour ma part sur les traces d’une organisation secrète qui noircie le temple même de Thimoros. J’ai traqué ses adeptes à travers tout le continent. Mais il y a quelque temps, je me suis focalisé sur un de leur chef. C’est lui qui a adressé à Valedra la commande de la lame et il lui a donné les ordres qu’il fallait pour que Talméort se retrouve en possession de toutes les pièces de la lame. Au cours de mes investigations, j’ai eu la preuve que cette personne a aussi commandé à Talméort de créer l’orbe et le socle. Il lui a même donné toutes les clés et les moyens pour le faire. Cette personne, c’est Herle Krishok. C’est un dangereux nécromancien, réputé pour ses expériences sur les morts. Mais jamais nous n’avons pu faire le lien. Pas sans l’aide de mon employeur. Ton père, Volrick Lancaster.» Benlor s’avança d’un coup, calmement. Il prit une inspiration.

« J’ai été contacté par ton père. Volrick avait flairé un sale coup lorsque des plaintes venant de certains notables de Kendra-Kâr lui sont arrivées. Sylbus avait prit goût au pouvoir de l’orbe. Après de nombreuses pressions sur Guillerme et des nuits de torture, il avait décidé de créer le sien. Il a capturé et massacré des vierges. Les cadavres ont été retrouvés dans les canaux. Pour Guillerme, c’est la solitude qui l’avait perdu. Et si ce butor n’avait pas tué mes deux camarades, ils seraient aujourd’hui jugés et exécutés. » Azdreval avait été piqué par le terme de butor. Il posa un instant les yeux sur Benlor et regarda à nouveau Blast.

« Guillerme avait en effet subi la solitude des années durant. Il n’avait pu trouver de femme et jamais il n’avait été père. Pire encore, aucune des familles de Kendra-Kâr n’avait voulu lui donner un fils ou une fille à élever. Talméort lui proposa par l’intermédiaire de ses sbires de lui ramener un enfant. Guillerme avait repéré un petit très prometteurs. Mais ses parents et ses cinq frères et sœurs faisaient Obstacle. Il avait accepté de donner l’Orbe à Talméort contre le petit. Sa famille a été sauvagement assassinée et Bo-Kahn a été offert en échange. J’ai longtemps négocié avec l’Archiprêtre pour le faire recouvrer ses esprits. Mais rien à faire. Je n’avais plus le choix. L’orbe ne devait jamais tomber entre les griffes de Talméort. » Benlor posa sur lui un regard circonspect. Et il continua.

« Depuis trois semaines, alors que je suis parti de Mertar, j’ai su que je devais faire équipe avec le meilleur enquêteur de l’ombre. Azdreval et moi avons collaboré. Et toi, tu as participé à nos efforts avec une telle ardeur que tu fais aussi partie de notre groupe, maintenant. Mais nous avons échoué. La lame est assemblée et Talméort a le pouvoir à portée de main. »

Blast se renfonça dans son fauteuil. L’œil perdu, l’idée de collaboration, de trahison et de fausse route lui percuta si durement l’esprit qu’il était complètement égaré. Il n’éprouvait plus de haine aussi fort pour le haut-prêtre de Thimoros, maintenant. Juste du ressentiment. Pas pour ses morts, mais pour son silence. Il savait pourtant qu’il avait tout fait pour le protéger et pour protéger sa couverture et aujourd’hui, ils étaient tous trois perdus. Puis, les pensées de Blast se focalisèrent sur le seul et unique point qui restait à éclaircir et son cœur se dirigea vers son petit frère.

- Et Bo-Kahn ?
- Ne t’en fais pas. Depuis mon arrivée ce matin, nous avons longuement discuté. Il est prêt je pense à accepter l’idée qu’aujourd’hui, il vivra avec son grand frère et que ce dernier prendra soin de lui.

Blast se tourna comme un fou. La voix qu’il venait d’entendre, familière et chaude, calme et forte il l’avait entendu depuis toujours. Elle lui avait manqué et il se sentit soudain gonflé de fierté et de joie. Il vit le large sourire qui illuminait se visage orné de la tiare de flammes de l’Archiprêtre de Meno. Ses longs cheveux grisonnants tressés sur la robe à flammes d’or de l’archiprêtre. Derrière cet homme, Bo-Kahn avait le regard emprunt de sérénité et de lucidité. Il savait tout à présent sur ses parents et sur son enfance et il était heureux de revoir Blast. L’apostat se leva, d’un regard, il embrassa les deux personnes qui lui faisaient face.

- Petit-frère… Père.


Fin de la première partie: La naissance de la lame des vierges
A suivre: L'avénement de Sombreflamme

L’avènement de Sombreflamme

Réunis.

Cela faisait trois jours que Blast avait presque passés à dormir. Il était fourbu, détruit. Ses contusions et ses entailles le tiraillaient et l’ennuyaient presque à dessein. Il sentait la rigueur des combats qu’il avait menés lui broyer les os et lui contorsionner les muscles. Le matin il s’était levé et s’était affaissé dans le chaud réconfort d’un bain bouillant. Il était resté dans la grande salle de bains du temple. Il allait mieux tout de même. Mais pas encore au maximum de sa forme. Il s’était vêtu uniquement de ses bottes et de son pantalon. Extirpé de sa chambre étriquée, il avait cherché en vain son arme. Son épée flamboyante avait du rester dans le réfectoire. Il remonta calmement le couloir, frottant son crâne lisse. Ses pas claquaient dans le couloir. Il était presque à mi-chemin quand il entendit une voix l’interpeler dans une des petites alcôves destinées à la détente. Un banc de pierre en demi cercle au dessus duquel, une niche ornée d’une effigie de Meno.

- Alors ? Ca y est ? Tu es revenu de ta chevauchée solitaire ? Dans le timbre de Bo-Kahn on sentait encore un petit reste de ressentiment. Blast vint s’asseoir en face du gosse qui tenait un bouquin sur ses genoux.
- Oui… Je crois. Tu m’en veux non ?
- Bien-sûr, qu’est-ce que tu crois ? Tu t’es enfuit droit devant. Tu m’as laissé en arrière.
- Tu te serais fais déchiqueter dans le temple de Thimoros. Moi-même je me demande comment je m’en suis sortit en un seul morceau. Tu me comprends au moins ?
- Oui… Ca me surprend aussi, mais je te comprends. Je ne t’en veux même pas parce que j’aurai fait pareil. Messire Volrick m’a entretenu de beaucoup de choses. Il m’a expliqué pour mes parents, pour les accords passés avec Talméort et avec mon père. Mais je veux que tu me promette une chose. Son visage venait de se charger de mélancolie et son regard s’était embué de larmes.
- Dis-moi ? Il se sentait mal à l’aise.
- Ne me laisse plus jamais tomber. Tu es la seule personne qui pourra veiller sur moi. Je veux apprendre de toi. Il lui tendit au bout de ses doigts un anneau d’or sculpté avec une tête de renard. Incrusté à son côté, un rubis était enchâssé dans un carcan d’or fin. Dans son cœur, une flamme bougeait calmement. Petite et magnifique. Blast posa la main sur la petite patte de Bo-Kahn. Son pouce et son index saisirent la pièce de métal précieux et il le glissa à sa main gauche.
- Je te le promets.Tu seras toujours dans mon sillage, petit. Il sentit son annulaire se mettre à chauffer et la bague à palpiter un peu. Elle était magique, sans aucun doute. Il afficha un sourire amusé au petit. Tu viens ? Il se redressa. Passa les mains sur son pantalon pour l’épousseter. Je dois remettre la main sur mon sabre.
- Ah oui, J’ai vu Benlor se diriger vers la forge avec un sacré paquet de breloques, ton bouclier et ton épée. Il doit avoir un truc en tête.

Ils se mirent tous les deux en marche direction la forge. A peine avaient-ils passé le coin du petit couloir qui menait à l’atelier des ferronniers, ils entendirent des coups portés sur du métal. Une vague de chaleur suffocante les cueillit comme des fleurs au passage. Blast sentit son corps se couvrir d’une fine pellicule de sueur. Il pénétra dans l’atelier et repéra rapidement Benlor torse nu, un énorme marteau dans sa grosse patte d’ours. Il avait posé sur une enclume devant lui, le bois du bouclier de Blast. Deux pièces de métal étaient posées face à face sur les bords du bouclier. Fixés avec de grosses pointes, ils étaient ornés de flammes. Le métal de base était blanc et les flammes étaient en métal cuivré. A chaque coup que Benlor portait dessus les flammes de cuivre luisaient d’un éclat puissant et surnaturel. Lorsque Blast entra avec le petit, Benlor plongea le tout dans une barrique d’eau qui emplit directement la pièce de fumée. Lorsque le crépitement fut terminé, il avait ressortit le bouclier de l’eau et ce dernier était terminé.

Benlor leur fit face, trempé de sueur et taché de suie. Il Lança un sourire à l’Apostat. Fit tressauter dans ses paluches le bouclier orné de ces deux pièces de métal symétriques. Il passa le bras dans l’attache et resserra la courroie. Il s’approcha du mur lui faisant face. Saisit un paquet long d’un mètre cinquante au minimum d’où sortait une poignée ouvragée en métal doré et parée de cuir. Le forgeron, haut-paladin, se tourna vers les deux jeunes chiens fous et avec un sourire de prédateur, il pointa se long paquet de toile vers eux. Dans ses yeux, une lueur de malice passa comme un éclair. Le paquet prit feu. Blast cru qu’il s’étouffait. Il reconnu la garde et une partie de sa lame de son sabre flamboyant. Mais tout avait changé. La lame avait été augmentée. Elle était large de vingt centimètres, longue d’un mètre cinquante. Percée de découpes artistiques au bout de sa masse, elle paraissait légère. Sa forme ressemblait à un amas de flammes sauvagement coléreuses. Au bout du manche de trente centimètres, une chaîne d’or portait un orbe de flamme en ornement. C’est lui qui enflammait la lame d’un feu qui consumait encore la toile qui l’enveloppait. Le feu s’estompa autour de la lame. Benlor se tourna alors d’un quart de tour, présentant le bouclier. Les flammes de cuivre, elles aussi envoyaient des éclairs de feu assez puissant pour éclairer la pièce dans son ensemble.

Il fit virevolter la lame dans sa patte droite et l’encastra à l’arrière du bouclier où il y avait un fourreau intégré. Il retira le bouclier et lança le tout à Blast qui l’attrapa avec célérité. Il fut choqué par la légèreté. Aucune entrave sur ce matériel. Blast semblait ne pas comprendre.

- Tu risques d’avoir besoin de quelque chose à la fois costaud et qui représente un peu ton appartenance à Meno. L’épée et le bouclier sont ornés des restes de mon armure qui a éclatée sous les coups de Valedra et de Talméort. Elle a été enchantée par les artisans de Mertar. AH !

Il se tourna et attrapa un objet sur la table. Le chapeau de voyage de Blast. Il l’avait renforcé avec d’autres pièces de son armure. Il était orné de flammes de métal. Plus costaud maintenant.
- Au fait… j’ai cru comprendre que ton paternel voulait te voir. Tu devrais te dépêcher. Azdreval est avec lui. Blast posa ses yeux sur Bo-Kahn. Il avait remarqué chez le petit une pointe de terreur et surtout un grand inconfort.
-J’y vais. Bo-Kahn… tu veux venir ? Le petit bout d’homme gonfla la poitrine et opina du chef avec conviction. Alors en avant !

Le conseil du père.

Blast et son petit frère étaient en marche dans les couloirs du temple de Meno. Leurs pas résonnaient et leurs rires se fracassaient contre les murs. Les deux jeunes gens discutaient ensemble. Blast racontait ce qui s’était passé dans le temple de Thimoros et la verve qu’il y mettait était égale à la fureur des combats et à la détresse qu’ils avaient éprouvée lors de la sortie du temple. Ils parlaient de Valedra, de Talméort. Blast lui décrivait les sentiments qu’il avait éprouvés lors de leur rencontre et des affrontements. Puis ils arrivèrent devant une grande porte en bois massif frappée de l’emblème de la flamme. Le bureau de l’Archiprêtre avait changé de place, Volrick voulait être plus près de ses moines que des fidèles lors des périodes de creux. Blast frappa avec douceur à la porte. Les coups résonnèrent avec un son modéré dans la pièce. La voix posée de Volrick s’éleva alors derrière le bois. « Entrez, mes enfants. »

Blast poussa la porte et arriva dans une grande pièce. Une banquette sans dossier faisait face à un grand bureau de bois rougit par un vernis. Sur le bois, des pièces de parchemin, des gobelets d’or, des encriers et des plumes. Volrick portait la tiare dorée comme le devait le protocole. Elle ceignait simplement son crâne. Ses cheveux de noir et de gris descendaient sur ses épaules avec indolence et son visage était illuminé d’un large sourire. Debout à la fenêtre, Azdreval leur tournait le dos. Toujours perdu dans l’admiration du jardin. Décidément. Blast et Bo-Kahn s’assirent sur la banquette. A la vue du prêtre de Thimoros, Bo-Kahn se renfrogna un peu. Un goût amer dans la bouche certainement. Volrick parla le premier.

- Je suis content que vous soyez là. Je me dois de vous expliquer ce qu’il se passe en ce moment. Nous sommes en période de crise ici. Comme vous le savez, l’équipe de choc que nous avions chargé de récupérer l’artefact appelé la « Lame des vierges » a échoué dans sa mission et aujourd’hui, cette arme redoutable se trouve ni plus ni moins entre les mains de la seule personne qu’il fallait à tout prix éviter. En fait, nous craignons des représailles rapides et surtout une sorte de… baisse du niveau de vie les prochains temps à Kendra-kâr.
« Aussi, Il va falloir réagir rapidement. Réagir pour récupérer l’épée des mains de Talméort. Le souci étant que, politiquement, nous ne sommes pas en guerre. Et surtout, nous ne voulons pas que le conflit dégénère. Il faut que nous contenions tout cela derrière les murs de nos temples. Aussi, j’ai décidé de monter une équipe. Une équipe qui se rendra dans une petite retraite que je garde en cas de nécessité. Un petit temple de campagne dédié à Meno, pas très loin de Kendra-Kâr, il y a là bas un de mes proches amis. Il sera impératif pour ce petit groupe de trouver le moyen de reprendre l’épée.

- En d’autres termes, Blast, tu n’es pas assez aguerri pour t’opposer à l’ordre de Thimoros, et même si c’était le cas, ni toi, ni moi, ni personne pour l’instant n’a la moindre idée de la conduite à adopter. Azdreval ne se tourna qu’à la fin de cette phrase. On est perdus dans nos propres temples. Belle ironie, non ? Volrick a pensé qu’un moment dans les bois à nous détendre et à nous entraîner nous laisserait le temps au moins de trouver un plan d’action. On part tous les trois. Il posa son regard sur le petit bonhomme. Son sourire se figea dans une expression à mi chemin entre la détresse et la volonté d’apaiser. Bo-Kahn, tu seras du voyage.
- Vous partez dans l’heure. Sire Benlor et moi-même nous resterons ici pour assurer l’intendance et pour nous opposer si jamais il y avait des signes de vie de Talméort et de sa clique. Mais Kendra-Kâr est devenue trop dangereuse pour le moment. Surtout pour les serviteurs de la Flamme. Blast….

Sa phrase resta en suspend. Il avait une mine déconfite et l’Aposta avait les larmes aux yeux, mais en même temps son visage affichait un sourire.

- Je comprends père. L’heure est grave et nous devons nous préparer. Je prendrai soin de mon petit frère. Je déplore seulement de devoir m’éloigner de vous alors seulement que nous nous retrouvons. La route sera longe, je pense. Il vaut mieux se préparer.
- Je prendrai des livres et des traités de magie. Je dois savoir ce que cette lame cache de si particulier et ce qui pourrait la contrer. Ou la détruire. Bo-Kahn posa sa main sur l’épaule de Blast. Ne t’en fais pas. Nous reviendrons.

En route !

La vie a ses détours. Blast était amusé de se dire qu’en une certaine manière, il reculait. Il avait dans la tête un dénouement bien plus excitant que cela. Il était à présent dans sa chambre, il avait à nouveau ses affaires empaquetées. Son bâton à la main. Son sac était jeté par-dessus son sac à dos et sa grosse épée était en travers de l’intérieur du bouclier, la garde vers le bas. Il vissa son chapeau sur sa tête et libéra sa cellule. Il traversa une dernière fois le couloir du temple de Meno, ses pas laissant une empreinte sur le sol et une résonance dans les murs. Sa main droite frottait une paroi pour emporter un peu de cette poussière avec lui. Il avait apprit à aimer cette maison. La chambre de Bo-Kahn, la salle de bains, le petit jardin intérieur, le patio, la nef et le cœur du temple. Il passa les braseros et les statues de Meno et le voilà qui arrivait à l’entrée, sur le parvis dans la rue.

Tenant par la bride un cheval à la robe brune Volrick conversait avec Azdreval. Le prêtre de Thimoros était juché sur un percheron d’une robe noire luisante comme de la soie ou du velours de nuit. Il avait revêtu un nouveau Harnois. Il avait du le récupérer dans ses quartiers ou dans une maison qui lui appartenait. Une cape de cuir lourd, ornée de chaînes et de fourrure lui couvrait les épaules et enroulait l’ensemble de sa silhouette au sommet du percheron faisant du lui une véritable vision de cauchemar. Blast eut un mouvement de recul à peine perceptible, une sorte de frisson lui parcouru l’échine. Il s’approcha de son père. Lançant un salut de la tête à Azdreval.

- Père. Je suis prêt. Volrick le regarda avec une bienveillance dans les yeux qui était presque palpable.
- Par Meno. Où est le petit homme que j’ai tiré des murs de cet orphelinat il y a quinze ans ?
- Il est toujours là, père. Il a un peu peur.
- Il ne faut pas, mon fils. Azdreval est avec vous, il a toute ma confiance. Je ne craindrai pas de lui confier ma propre vie. Je sais que votre rencontre a été… mouvementée. Mais tu peux me croire, il est votre meilleure assurance vie.
- Je le sais. Mais … Il posa sur le prêtre de Thimoros un regard un peu gêné. C’est que tout est encore un peu confus pour moi.
- T’en fais pas, jouvenceau. On aura le temps de faire la causette jusqu’au temple de Sombreflamme. Blast posa les yeux sur son père avec incompréhension. L’archi-prêtre entraîna l’Apostat à part. Confiant les rennes du cheval à Azdreval.


- Ecoutes. Nous avons discuté longuement Azdreval, Benlor et moi cette nuit. Il faut dresser un mur complet contre la mal. Tu vas devoir faire équipe avec Azdreval. Il faut que vous vous aidiez mutuellement à avancer. Mais pour pouvoir avancer, il nous faut aussi l’appui du temple du seigneur des ombres. Aussi, nous allons nous allier avec eux. Un nouvel ordre. Meno et Thimoros intimement liés dans un même combat. Avec la même destinée. Tous deux tendus dans un seul élan de purification. Sombreflamme sera le nom de cette union. Une confrérie plus particulièrement. Il faudra avancer ensemble. Les rouges et les noirs. Tu me comprends ?
- Oui… je crois. Nous nous battons côte à côte. Mais père…. Il hésita… est-il digne de confiance ? Si ma lame doit le protéger ou se dresser dans le même axe que la sienne, je veux savoir s’il est digne de ma confiance.
- Cela, Blast, il n’y a que toi qui pourras le dire. Il faudra vous chercher. Vous apprivoiser. Vous connaître. C’est pour cela que je vous pousse vers cette retraite. Une fois sur place, tu trouveras un autre allié. Bo-Kahn, Azdreval et toi êtes dores et déjà attendus par le gardien du temple. Balisandre. Un original mais qui a tant à vous apprendre.

Blast et Volrick se tournèrent à nouveau vers les chevaux. Debout près d’Azdreval, du haut de son mètre soixante, Bo-kahn, perché sur ses plaquettes de marche, un bandana orange et rouge au signe de la flamme sur le crâne, portait sur le dos une sorte de bibliothèque portable. Un meuble de soixante centimètres de haut, composé de trois étagères et deux tiroirs, large comme son dos et profond comme un petit volume. Des sangles servent à serrer les livres et les parchemins sur le fond de la boîte. Il avait chargé sur le cheval de Blast deux sacoches. Les deux hommes s’étreignirent une dernière fois et Blast se hissa en selle et aida le petit à monter en croupe.

- Prenez garde, le chemin des vertueux est parsemé de ténèbres.
- Ne vous en faites pas pour les ténèbres, Lancaster. Je me chargerai de les sonder. Azdreval lâcha un énorme sourire et enfouit le bas de son visage jusqu’à son nez, sous la cape de cuir noir.
- Nous serons prudents. Et nous attendrons de vos nouvelles.
- N’oublie pas Blast. Profites-en. Evolue et reviens nous.

En piquant légèrement les chevaux, les trois voyageurs se mirent en route. Il traversèrent les rues et s’en furent vers les portes de la cité. En moins d’un quart d’heure, le vent frais caressait les visages et égayait les naseaux des bêtes. La plaine était baignée par le soleil. Azdreval fit un signe de la tête vers l’est et fit bifurquer le percheron.

- Par ici, les gars. On en a pour deux heures.

Les terres cultivées près de KK>>

Le temple de Meno était vraiment impressionnant. Un magnifique portail en fer, à la fois simple, mais ouvragé avec les pointes du grillage en forme de flamme. Un petit chemin de pierre était encadré d’un bac à feu. Le temple resplendissait çà la lumière du jour, les aciers recouvrant les murs extérieurs du temple reflétaient la lumière de l’astre du jour. Il ne fallait pas être bien futé pour se douter que c’était le monastère du dieu du feu et des métaux.

Alors que Nark se perdait dans la contemplation du temple, un homme incroyablement grand et musclé nommé Miniteb se présenta comme un prêtre de Meno. Il demanda ce qu’eux la petite troupe voulait, et avant que notre héros ne réponde, son nouveau capitaine, qui ne semblait pas très intelligent, demanda qui était Meno. Mais quel idiot ! Rien de tel pour énerver un prêtre que de lui demander qui était le dieu qu’il vénérait. Mais pourquoi donc le jeune milicien s’était il donc engagé dans l’équipage du borgne ?

Bien évidemment, la montagne de muscles apprit qui était Meno, mais Heartless finit KO, la tête coincée dans le grillage. Miniteb s’excusa, puis amena le marin dans l’édifice. Ses compagnons le suivirent, mais, après quelques pas, Miniteb leur montra une salle où ils pourraient attendre la fin de l’exorcisme. Après quelques instants, on commença à entendre les cris de douleurs de leur ami, qui soufrait le martyr. Gorilla ne semblait pas supporter les appels désespérés de son supérieur, se leva, et dit d’une voix déterminée :

« Je n’en plus, Heartless va mourir, je vais arrêter ça ! »

Je me levai à mon tour, sachant que s’il faisait ça, il interromprait l’exorcisme, qui durerait encore plus longtemps. De plus, il reviendrait avec défiguré par le prêtre. Non, il était inutile que le gros homme interrompe ce qui se passait.

« Gorilla ! Inutile de faire ça. Si tu interviens, la séance de torture sera encore plus longue. Tu risques aussi de revenir dans un sale état. »

Sa voix avait été ferme, froide, et sans appel.

Miniteb, le prêtre, avait fini son exorcisme. Il vint à leur rencontre, pour les emmener dans la salle où Heartless s’était endormi, plein de sueur, qui n’était pas dû à la malédiction de Meno, mais bel et bien à la séance de torture effectuée par le serviteur du dieu du feu. Un vieil homme aussi était présent, ressemblant aux caricatures des vieux sorciers, avec son nez crochu et ses cheveux argentés. Il était sérieux, son visage ridé refermé. Il se présenta : Tiber Samon, exorciste depuis de nombreuses années, expérimenté, peut être l’un des meilleurs du monde. Il devait être le supérieur de Miniteb, d’une part à son charisme et à l’aura qu’il dégageait, étrange pour homme aussi âgé et ratatiné, mais aussi par le silence étrange du fidèle. Par ailleurs, les deux religieux étaient tout le contraire l’un de l’autre : l’un immense, plein de vigueur, extraverti, assez idiot, un homme qu’on devinait simple garde du temple, alors que son aîné était petit, vieux, ratatiné, refermé.

Puis l’étrange petit homme leur annonça une bonne et une mauvaise nouvelle : ils avaient bien fait de venir, ou la maladie aurait pu être fatal à leur capitaine. Mais, pour chasser le mal présent dans le corps du borgne, il devait procéder à un exorcisme dangereux et risqué pour le pirate, qui pouvait leur révéler de informations qu’il n’aurait pas désiré dévoiler ; mais une issue plus dramatique était envisageable : Heartless pouvait mourir. Après que le vieux prêtre ait annoncé cette tragique information, le gros Gorilla fondit en larmes. Cela pouvait paraître étonnant, l’énorme homme semblait à premier abord rugueux, sévère, et agressif. Il devait très bien connaître le mourant, et le capitaine devait compter pour lui. Quant à lui, le jeune milicien ne pouvait rien décider, ne connaissant pas assez le protagoniste de cet exorcisme. Seul Gorilla pouvait le faire.

« Thunderhead, de nous tous, tu es celui qui le connaît le mieux. La décision te revient. »

Le marin retint et sanglots et dit d’une voix qui se cassa en plein milieu de la phrase :

« S’il…si il y a la moindre chance de sauver Heartless…je veux qu’elle soit tentée…qu’importe les conséquences… »

« Bien, acquiesça le sorcier. Vous pouvez rester ici si vous le souhaitez »

Personne ne quitta la salle, voulant aider leur capitaine à surmonter l’une des épreuves la plus difficile de sa vie. L’exorcisme commença.

L'exorcisme avait été particulièrement effrayant et étonnant. Tilber Salmon avait tout d'abord fait un cercle de sang de chèvre autour de la table où Heartless était allongé, puis avait allumé quelques cierges, fait à partir d'encens, qui diffusait un odeur particulière. Il avait ensuite recommandé à tout le monde e reculer de quelques mètres, s’ils ne voulaient pas mourir. Nark sentait que ce moment aller être crucial pour la suite de leur aventure. Le petit homme avait commencé à invoquer Meno, et, après quelques instants, ses yeux s’étaient révulsés, et d’étranges paroles étaient sorties de sa bouche. Le capitaine, qui était déjà victimes de spasmes, commença à convulser et à parler tout seul, comme s’il répondait à un ennemi. D’après ses dires, une femme était question de la discussion avec son adversaire. A côté du jeune combattant, Gallion tremblait comme une feuille, devinant que l’exorcisme allait être capital pour la survie de son ami.

« Ne t’inquiète pas Gorilla, tout va bien se passer »

Nark avait dit ça autant pour tenter de rassurer le grand pirate que pour s’auto convaincre.

Le séance dura plusieurs minutes, avant que le borgne ne se réveille, encore plus transpirant qu’avant. Il demanda ce qu’il était arrivé. Il semblait en pleine forme, même s’il puait toujours autant. Bien sur, nul ne le savait. Miniteb répondit à sa question :

« Un seul moyen de la savoir. »

Il s’approcha du mur pour la mettre juste à côté de la longue table de pierre. Il la leva. A ce moment, tous comprirent ce qu’il allait faire : il allait la lâcher. Si Heartless était toujours sujet à la malédiction, le flambeau allait basculer vers son côté et le brûlerait. Cette fois, c’était quitte ou double, ça passe ou ça casse. Avant que le capitaine n’est le temps d’ouvrir la bouche, le grand fidèle de Meno laissa tomber le boute de bois enflammé. Le temps sembla ralentir, comme s’il s’arrêtait. Nark ne pouvait bouger, comme paralysé. La torchère passa à côté du malade, sans la toucher un seul instant, sans être attirer. Toute la salle poussa un soupir de soulagement.

Tilber Salmon, qui avait repris ses esprits, dit à Heartless, avec un léger sourire :

« Monseigneur, vous êtes soigné. Ce fut difficile, mais j’ai réussi ! »

C’était la fin de cette malédiction. Tout le groupe pouvait prendre la mer.

C'est avec un mélange de dépit et de soulagement que je relâche mon souffle en embrassant du regard la pièce qui se trouve devant moi. Certes, pas de Père Cohel en vue, ce qui est désappointant mais en même temps, aucun escalier à l'horizon, juste une porte sur le mur d'en face.

(J'vous jure, il n'y a pas intérêt que ce soit encore une volée de marches sinon je mets le feu à tout le bâtiment pour le bonhomme se montre...)

D'un point de vue aménagement, cette sorte d'antichambre pourrait presque être une chambre de nonne, avec son simple bureau de bois rougeâtre pour seul aménagement. A première vue ce pourrait être du merisier ou de l'acajou, mais n'étant pas ébéniste je préfère reporter mon regard vers la bonne sœur qui me fait face et qui n'a pas du tout l'air d'être ce qu'elle est... moi qui croyais qu'il n'y avait que des prêtres et prêtresses dans ce temple, me voila fort rassurer. A voir son allure stricte et en même temps sexy, avec son corsage pigeonnant et sa jupe fendu sur longueur assez importante pour laisser apparaitre les formes de ses cuisses, je pourrai facilement, rien qu'en fermant un instant les yeux, l'imaginer balayant tout ce qui se trouve sur le meuble pour monter dessus et se mettre à danser langoureusement...

Je m'égare et la demoiselle pose depuis le début un regard interrogateur sur moi... Elle finit tout de même par m'adresser la parole pour me demander la raison de ma présence, arrêtant par la même occasion sa tâche et m'arrachant à mes rêveries. Faisant mine d'éternuer pour vérifier discrètement que je n'ai pas de bave au coin des lèvres, puis me redressant pour la surplomber de mes un mètre soixante-quinze, je me racle la gorge et lui répond :

"Pardon de vous déranger, Madame... euh Mademoiselle, pardon... Je suis ici pour voir le Père Cohel. On m'a envoyé pour lui remettre un message de la plus haute importance et que je ne peux lui donner qu'en mains propres. Pourriez-vous me dire où je pourrais le trouver. Un de vos confrères du rez-de-chaussée m'a dit de prendre cet escalier infernal qui se trouve derrière moi et me voici... Euh soit dit en passant, faudrait peut-être penser à le raccourcir, parce que franchement, j'ai cru mourrir avant d'arriver en haut..."

Message PNJ

La secrétaire flamboyante de ce cher Père Cohel décroisa puis recroisa ses jambes avec circonspection, te regardant par-dessus ses lunettes. Elle semblait t’analyser, et ceci dura un instant, avant qu’elle ne te réponde avec une expression moqueuse :

« Je me demande ce que vous leur avez fait en bas pour qu’ils vous refusent l’accès à l’ascenseur fluidique du Temple. Vous possédez des fluides de feu, il vous est donc praticable… »

Elle indiqua dans un coin de la pièce un cercle dessiné de cendre incandescentes sur le sol, dans lequel avait été tracé un pentacle et une flamme symbolique qui luisaient tous deux faiblement.

« Le Père Cohel vient justement de l’emprunter pour descendre faire sa prière à Meno… »

Après un petit temps d'attente que je mets à profit pour reluquer plus amplement la danseu...la secrétaire, qui ne cesse de croiser et décroiser ses longues jambes comme pour m'aguicher, cette dernière ouvre enfin la bouche, coupant cours à ma séance de matage et m'annonce de but en blanc que c'est sans aucun doute de ma faute si on m'a dit de prendre les escaliers plutôt que d'utiliser le moyen bien plus rapide et moins fatigant pour grimper à cet étage appelé "Ascenseur fluidique"...

(Quel drole de nom... j'aurais plutôt appelé ça un "sans-efforceur fluidique" mais bon...En tout cas, ca va barder!)

"Hein? Quoi?! Dites-moi que vous plaisantez !!"

Déjà à moitié en rogne parce-que l'autre zigoto s'est ouvertement foutu de moi, voila en plus que la jeune femme m'annonce que le Père Cohel vient justement de descendre par là pour aller faire sa prière... A croire que quelqu'un là-haut en a vraiment après moi !

Bouillant comme une cocotte, je remercie la secrétaire comme je le peux, la salue puis re-part par les escaliers, dévalant les marches quatre-à-quatre comme une furie. Bizarrement, il m'a fallu près d'une heure pour les monter mais cela ne va me prendre que quelques minutes pour me retrouver en bas... Malheureusement, vous savez ce qui arrive souvent aux gens qui courent comme des dératés pour descendre d'un étage... tout se passe bien jusqu'aux dernières marches et alors qu'il n'en reste plus qu'une petite dizaine VLAN!! On s'emmêle les pieds et on fait le reste en roulant en boule... Et bien c'est ce qui m'arrive, me faisant un croc-en-jambes à moi même et me retrouvant projeté contre la porte du bas avec une vitesse telle que le choc est très puissant et surtout très bruyant...

Quelqu'un de normalement constitué s'en serait tenu là et serait rester sur place jusqu'à ce qu'une autre personne vienne l'aider, mais pas moi! Me relevant tant bien que mal, avec une douleur fulgurante à la cheville, j'ouvre la porte et m'élance à travers le hall du temple en boitillant comme un grand-père pour essayer de retrouver mon infortuné informateur qui va s'en prendre plein la figure ! Tous les regards sont tournés vers moi, certains horrifiés, d'autres étonnés mais un seul homme, me reconnaissant, se met rire ouvertement de mon malheur.

"Toi mon gars, tu va passer un sale quart d'heure !!"

Faisant une petite pause avant de me mettre à poursuivre le prêtre et me massant le pied, je prends le temps d'observer chacune des personnes présentes afin de voir si j'aperçois un bonhomme plus imposant que les autres quand une idée germe dans mon esprit. En me débrouillant bien, et surtout en mentant bien au père Cohel , je pourrais sans doute faire punir cet effronté à qui je dois mon ascension par les escaliers et ma chute dans ses derniers...

(Bon, voyons si notre homme est là...)

Message PNJ

Comme il t’a été indiqué, le bonhomme que tu recherches est à genoux devant la flamboyante statue de Meno. Il correspond parfaitement à la description qu’on t’en a faite : les cheveux roux, plutôt clairsemés sur son crâne rubicond, une bonhommie que d’aucun ne se refuserait d’appeler obésité, et des yeux verts intenses. Ta brusque arrivée ne semble pas déranger sa concentration…