-C'est un vrai palais ce temple, non ? Ces hommes te suivent où que tu ailles ?
Waor affublait son jeune frère de questions. Ayant vécu toute sa vie loin des temples, en arpenter un était une expérience inédite pour lui. Il avait fallu deux jours pour que le woran neige soit remit sur pattes. Sa convalescence (trop courte selon les guérisseurs) demeurait une perte de temps pour le champion, dont la magie était de nouveau opérationnelle. Malgré quelques courbatures et une fatigue plus présente, Aztai tenait à partir très vite, et il en serait ainsi. Durant son alitement, Octave l'avait tenu informé des agissements de l'armée en place. La tentative d'assassinat subie par le fauve n'avait pas retardé le départ des renforts, un bon point. A présent, Aztai devait détacher un contingent de sa garde et rattraper les Fils de la Flamme. Habitué à voyager seul depuis quelques années, se déplacer avec les Fils de la Flammen avec la même détermination, serait une expérience grisante. En chemin pour le Nord-Ouest, Les troupes apporteraient un soutient défensif en vue des assauts sur les alentours d'Oranan. Selon l'Archiprêtre Moerio, plus de renforts encore les rejoindraient au cour des prochains mois. Et Waor serait du voyage, que demander de plus ? Zénith lui-même reconnaissait que sa présence pour une première bataille serait bénéfique à son protégé. Actuellement ils arpentaient les couloirs en direction des casernes. Le woran roux ne cessait de jeter des regards aux gardes du corps de son frère.
-Ces hommes assurent ma sécurité, deux d'entre eux sont tombés il y a trois nuits. Il est normal que je rende visite à ma garde. J'aimerai également que tu rencontres le Lieutenant Serjin, sa maîtrise des armes fut précieuse durant mon entraînement. C'est lui qui m'a suggéré...
-Un lieutenant obéit à tes ordres ? Coupa Waor.
-De son plein gré ! Se défendit Aztai. Je me suis beaucoup entretenu avec lui et c'est un allié inestimable, mieux : un humain de confiance. Sa vision des choses est similaire à la nôtre sais-tu ? Celle de tous les soldats également, ajouta-t-il avec évidence.
Waor ne semblait pas convaincu. Aztai, quant à lui, aurait rêver intégrer son frère au sein des Fils de la Flamme. Éradiquer la tristesse de Waor était impossible, mais la vengeance pouvait apaiser ses maux.
Une fois dehors, ils traversèrent plusieurs cours, saluèrent quelques fidèles et soldats sur leur passage et se dirigèrent vers les écuries. Alan Serjin, cuirasse vêtue, se tenait non loin d'une arche en pierre en compagnie d'un soldat. Il distribuait à la hâte des ordres, son homme partit au pas de course après avoir salué le Champion, de loin. Serjin tourna la tête dans cette direction.
-Lieutenant ! Appela Aztai.
-Les hommes attendent, Seigneur ! Scanda l'officier en accueillant son champion.
Aztai vit les yeux de son frère s’écarquiller devant cette appellation, il ne dit rien.
-Nous partons cette nuit, annonça Aztai.
Serjin fut surpris, le départ était prévu pour le lendemain.
-Nous n'avons que trop attendu, notre retard n'est pas tolérable, expliqua le woran neige. A fond, il n'en pouvait simplement plus d'attendre. De plus, reprit-il, vos hommes...
-Les vôtres, Seigneur, corrigea Serjin.
-Oui... mes hommes désirent me voir au combat très vite, un désir partagé vous le savez. Combien de soldats est-il coutume d'emmener, Lieutenant ?
-Hum... Je dirais une cinquantaine, nous verrons par la suite. De la cavalerie, voilà ce qu'il nous faut. Le temple fournira sans problème les chevaux et nous devrions rattraper le capitaine Neiffert.
Neiffert était à la tête des Fils de la Flamme en route pour le Nord-Ouest. Aztai désirait ardemment arriver au but à ses côtés. Même s'il n'avait rencontré l'officier qu'une seule fois, lors de son arrivée au temple, le fauve ne doutait pas de la loyauté et de la force de cet homme. Petit mais trapus, ç'aurait été une erreur de sous-estimer un tel officier, ses nombreux adversaires vaincus auraient sûrement pu en témoigner...
-Va pour les chevaux. Nous irons au Nord dans un premier temps et couperons vers l'Ouest à la lisière de la forêt.
L'officier opina du chef mais fit la moue :
-J'aurais personnellement choisi votre monture, Seigneur, mais votre... carrure, et le temps qui nous manque, vont me poser des difficultés. Pour ce voyage et seulement ce voyage je vous trouverai un cheval imposant, mais pas entraîné à la guerre. Une fois sur place je me chargerai de trouver un destrier digne de ce nom !
-Lieutenant vous en choisirez deux.
Aztai fit un pas de côté et tendit la patte vers Waor, en retrait.
-Mon frère nous accompagnera.
-Meno soit loué, murmura le lieutenant en tendant sa main, le frère du champion...
-...et son premier maître, termina Waor, sa patte enserrant largement la main de Serjin.
-Lieutenant, mon frère partage les mêmes convictions que moi, et actuellement il vaut mieux l'avoir dans notre camp, plaisanta le fauve.
Serjin jeta un coup d’œil à la hache à deux pattes du woran roux.
-Je n'en doute pas. Votre impatience est contagieuse, Seigneur, ce départ avancé n'est qu'une preuve de votre détermination : vos hommes apprécierons !
-Je m'en vais les encourager, lieutenant, accompagnez-moi ? Proposa Aztai, enthousiaste. Si Waor se bat à leurs côtés, ils se doivent de savoir qui il est. Comme il l'a justement relevé, c'est tout de même mon premier professeur.
-Navré, Seigneur, je me dois de refuser. Il serait mieux que vous y alliez sans moi, à la veille du départ.
-Après tout, ajouta Waor avec un regard appuyé, ils s'agit de tes hommes.
Mais à sa grande surprise, Aztai ne reconnut aucun cynisme dans ces mots,. Son frère avait accepté ce statut de Champion, il fallait que ça dure...
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