Shoergek tente de me rassurer, comprenant manifestement que sa présence dans mon esprit n'est pas ma situation préférée pour des retrouvailles, surtout quand il y a une bête d'ombre qui semble plus mal à l'aise que moi en cadeau:

"Ne vous inquiétez pas, je ne viens que pour vous donner quelques instructions... de toute manière, même avec l'aide d'Hymni, c'est assez crevant d'entrer dans l'esprit de quelqu'un, et ça met Adram mal à l'aise."

"Il n'y a pas que lui que ça met mal à l'aise."

Un grondement timide se fait entendre, contrastant avec celui puissant qui avait suivi mon regard. Shoergek va alors calmer la bestiole d'ombre tandis qu'Astinor se redresse, tête droite, poil lisse. Il prend même le temps, calme, de se laver une patte, sans doute une habitude de son ancienne vie.

Le vieux maître tente de m'expliquer, entre deux remarques désobligeantes de sa faera, qu'il faudrait que je fasse un combat avec l'âme de mon épée pour la lier à moi. Je lance un regard à ma panthère qui cesse de laver ses griffes pour me rendre un regard calme, l'air de dire "on verra après.

Shoergek regarde tout autour de lui puis regarde son avant-bras, que Lirelan regarde avec insistance comme si elle s'attendait à y voir un bracelet particulier.

(Bien vu, je me demande s'il n'y a pas une montre en fait.)
(Une quoi?)
(Ecoute au lieu de dire des bêtises.)

J'entends juste la fin de la phrase, signant le départ de Shoergek manifestement:

"signe à Harand pour qu'il vous réveille.

En effet, le maître d'armes part, disparaissant comme il est apparu, me laissant là, à devoir combattre mon épée.

"Bon, on fait quoi?"
"On se fait une petit combat, ça me fera pas de mal un tit défoulement sous cette forme."
"Vas-y doucement, je sais pas la répercussion que des blessures dans cette réalité aurait dans l'autre."
"La même qu'ils ont dans tes comas avec Yuimen."
"Justement, j'ai vu des évènements se répercuter d'un univers à l'autre, la disparition de ma cordelette, la réparation du bracelet,..."
"T'en fais pas, tu risques rien..."
"Tu m'inciterais pas à me battre?"
"Oui, juste pour voir ce que ça va donner."
"On se croierait dans une arène."
"Bon, on y va."

Je ne sais pas si à ce moment précis, ce qui m'inquiète le plus, c'est le fait d'être désarmée face à une panthère, le fait que cette panthère ait la queue qui batte la mesure ou encore qu'elle se lèche des griffes assez aiguisées.

"Si vous y tenez tous les deux..."
"Tu as déjà joué au chat et à la souris?"
"Y a longtemps..."
"Bah va falloir que ça revienne rapidement."
"Pourquoi?"
"Je suis le chat ici."
"Je crois qu'il veut dire par là que... tu es la souris."

J'ôte alors rapidement ma cape, pour être plus à l'aise, la lançant sur ma panthère, dans un geste adroit. Celle-ci se débat dedans, s'en tirant d'un grand coup de griffe à travers le tissus et vient se ruer sur moi. D'un bond agile, je m'écarte de la trajectoire de la bête. Elle se reçoit derrière moi et ne tarde pas à reprendre sa course. Je l'esquive à nouveau, trouvant la bestiole très rapide l'air de rien.

"C'est tout ce que tu peux faire?"

Dans un feulement, elle se retourne et me charge, je l'évite à nouveau, l'aggripant au cou et la faisant chuter. Nettement plus agile que moi, elle se redresse et me griffe le bras, laissant sur mon bras quatre filets de sang, qui cicatrice presque immédiatement. Je me relève, et lui saute dessus, mais glisse sur sa fourure, n'ayant ni griffe, ni croc pour m'y accrocher. Je me réceptionne un peu plus loin, me retrouvant un genou à terre.

"Finis de jouer maintenant."
"Ca va commencer à être drôle."

(Ca serait quand même plus simple avec une arme.)
(Suffit que tu te donnes une arme pourtant.)
(Parle plus clairement!)
(T'es dans ta réalité, espèce de folle.)

Heureusement que les discussions avec ma faera sont presque instantanés, parce qu'Astinor n'attend pas, lui. Je l'évite de justesse et m'encours, tentant d'oublier la panthère qui me suit d'une foulée tranquille pour visualiser une arme correcte pour ce genre de combat.

Un cliquetis à mes mains me rassure, j'ai réussi. Je me retourne soudainement et me rue à mon tour, toutes griffes dehors sur l'animal qui semble pas comprendre ce revirement soudain de situation. Elle échappe de justesse à mon attaque avant de se coucher en sphynx. Lirelan vient se poser entre nous deux avant que j'ai eu le temps de me relancer, encore à moitié à quatre pattes, presque aussi animale qu'Astinor.

"Qu'est-ce qui se passe Astinor?"
"C'est pas du jeu. Elle a des armes!"
"T'as tes griffes d'abord, maintenant on est à armes égales!"
"Les tiennes sont plus longues que les miennes!"
"T'as peur c'est ça?"
"Ah non, j'ai pas peur, c'est juste que t'en as des plus grandes et que c'est pas du jeu."

Elle semble bouder, attendant le verdict de Lirelan.

"Elle a raison, diminue un peu la taille quand même."

Je me concentre rapidement et diminue la longueur de mes griffes qui se retrouvent à faire plus que cinq centimètres de long.

"Ca vous convient mieux?"
"C'est parti alors."

Elle me rue dessus, me prenant par surprise, me griffant le torse et me jettant au sol. Dans le même mouvement, je l'envois valser un peu plus loin, lui laissant une jolie marque sur les flancs. Nous nous retrouvons tous les deux, lui poils dressés, moi plus animale que d'habitude, malgré l'absence de poils.

(Tiens, la magie marche pas ici?)
(T'as bien assez de pouvoirs comme ça!)

Laissant la place à mes instincts les plus primaires, je me relance, utilisant toute ma force pour faire basculer la bête sur les flanc, elle ne cherche pas à éviter mon attaque, mais m'envoit une patte dans la figure à mon arrivée, m'arrachant un cri et quelques bouts de peau. Mon attaque se brise sur les cotes du fauve, lui arrachant un hurlement de douleur.

"Mais ça va pas, si tu me tues, ça va pas t'aider, vas-y doucement quand même!"

Je me retrouve plus surprise qu'autre chose à rire tandis que le combat se finit dans un méli-mélo de poils et de cheveux. Tels deux chatons jouant ensemble, nous roulons, nous battant gentiment, ne cherchant plus à blesser l'autre, juste à savoir lequel des deux immobilisera l'autre.
C'est finalement moi qui gagne, me retrouvant à quatre pattes sur ma panthère qui m'offre son cou, signe de soumission. Je m'écarte alors d'un bond souple et me rassied sur mes talons. Astinor se redresse et applique sa langue doucement sur ses flancs meurtris, soignant ses plaies.

"Je crois qu'on peut y aller non?"
"Je vais prévenir Harand, j'arrive!"

Se changeant en boule verte, Lirelan traverse la couche de brume me séparant du monde réel.

Il ne me faut guère de temps pour retrouver une réalité plus traditionnelle. Astinor sagement à coté de moi, de retour dans ma lame. J'ai encore un peu mal au bras et contrairement à ce que je m'attendais, je reviens à croupis, face à Harand au lieu de couchée au sol.

"Qu'est-ce qui... oh et puis non, je préfère ne pas savoir."

Je ne préfère pas répondre, je ne doute pas que se battre à mains nues contre une panthère face tout à fait partie de la formation prévue à l'origine. Le maître m'aide malgré tout à me relever non sans regarder mon visage où je soupçonne la présence d'une marque de griffes.

"Rassurez-vous, je vais bien. Nous pouvons continuer l'entraînement."

Je ne suis pas certaine de l'avoir vraiment rassurer, j'ai l'impression qu'il me prend pour une folle au même titre que Shoergek, ce qui ne serait fondamentalement pas si faux au final.

"Bon. Shoergek m'a dit que vous seriez en harmonie avec... Astinor, c'est ça? A votre réveil. Faites donc circuler votre énergie dans votre arme. Ne forcez pas la dose pour le moment: tenter un Giga Break dans l'immédiat ne serait pas prudent."

Il me fixe alors avant de me laisser de la place.

(J'ai comme l'impression qu'il doute que tu puisses être prudente.)
(Serait-ce une pointe de moquerie dans ta pensée?)
(Non... au contraire... je suis tout à fait d'accord avec lui.)
(Et qu'ai-je fait d'imprudent?)
(Tu veux une réponse qui couvre quelle période? Ne serait-ce que depuis hier, tu en as fait pas mal d'imprudences.)

"On y va Astinor?"

Un ronronnement calme sort alors de mon épée. Je souris et reprends mon entraînement où j'en étais avant mon passage rêveur. Doucement, je concentre ma puissance dans ma main avant de la distiller doucement dans mon épée. Celle-ci tout comme les billes brille doucement, les rayures noires devenant dorées tandis que la partie de pure métal gagne un brillant identique à celui des épées récemment forgées.

Cependant, cette lueur n'est pas assez puissante pour permettre une quelconque décharge, ni quoique ce soit d'autre que cet effet pour ainsi dire inutile.

(C'était pas mal, mais prends le temps pour te concentrer avant d'envoyer dans l'épée, il faut plus d'énergie.)

Je me remets alors au travail. Fermant les yeux pour mieux me concentrer, essayant de focaliser mon énergie sur ma main pour l'envoyer dans mon épée. Je tente alors d'envoyer mon ki dans mon pommeau, mais je sens un blocage, comme un mur entre moi et mon arme.

(Tu sais que si tu gardes les yeux fermés, tu vas te faire tuer avant de lancer ton attaque?)
(C'est toi qui bloque mon énergie?)
(Non, je bloque que ton esprit, je sais pas faire plus...)

Rageant, je dissipe mon ki avant de reprendre, une fois de plus, les yeux ouverts ce coup-ci. Ma main me démange légèrement, je commence à connaître cette sensation que le membre fourmille littéralement de vie. J'envois le fruit de ma concentration vers la poignée de l'épée qui à nouveau change de teinte, dans une réaction très particulière, presque unique. J'en viens à me demander si Adram brille des mêmes teintes ou si ça dépend du possesseur, ou de l'esprit, ou des deux.

"Reste calme, Astinor."
(Relâche ton énergie alors, ça va être dur pour lui de pas décharger!)

Suivant le conseil avisé de ma faera, je diminue la pression énergétique, déchargeant petit à petit mon épée. Ce retour de force est presque bénéfique pour moi, très calmant tout en étant motivant. Je regarde alors Harand, sûre de moi et assez fière il faut l'avouer.

"On peut passer à la suite je pense."

Harand semble d'accord avec moi et me guide à travers le temple jusqu'à une grande cour à l'air libre. Deux files de trois monolithes, marqués par le temps ou tout autre chose nous entourent. Le lieu en est impressionnant, sans pour autant être oppressant.

"Voilà: vous avez compris le principe, il ne reste qu'à le mettre en application, regardez:"

Il sort alors sa rapière et fait face à une des roches. Il se concentre en se mettant en position d'attaque, prêt à bondir tel un chat sauvage en présence de sa proie. Au fur et à mesure que son ki s'échappe vers son épée, celle-ci verdoie et semble s'enflammer. Sa puissance est effrayante et me fait frissonner de la tête au pied. D'un bond puissant, il saute sur le rocher et décharge brusquement son énergie, traversant la roche tel un baton qui creuse la terre. Le maître rengaine alors et semble recupérer de l'effort fourni.

"A votre tour... et faites attention, l'explosion d'énergie non-contrôlée d'un Giga Break peut aller d'une simple inefficacité à un véritable désastre.
Et aussi, souvenez vous de faire corps avec votre épée, c'est tout ce que j'ai d'autre à vous dire, le reste dépend de vous."

Mon épée toujours dégainée, je passe doucement mes doigts le long de la lame, dans une caresse subtile et rassurante. D'un geste simple, je la tends et commence à concentrer mon énergie, celle-ci se rassemble dans mon bras. Petit à petit, je l'envois dans mon épée, celle-ci prend un ton doré sur les rayures tandis que le métal brille d'une lueur d'argent, tel l'alliance du soleil et de la lune.

Astinor vibre, j'ai du mal à la contrôler. L'énergie que j'ai envoyée est trop puissant, trop vive pour être maîtrisée par moi.

(Lothindil fait attention!)

Ce signal d'alerte arrive en même temps que le danger duquel il m'avertit, trop tard donc. La décharge qui suit est puissante, mais trop proche et mal ciblée. Une véritable boule dorée explose à raz de moi, me donnant l'impression d'être à l'intérieur de l'explosion qui a dû démolir l'aynore kendran sur Verloa. Une chaleur intense, mais surtout l'effet d'une giffle ou plutôt d'un coup de poing géant qui étouffe et brise. Le ki se retourne en effet vers moi de toute sa puissance. La puissance brute m'envoit voler en arrière, me projetant contre un pilier où mon dos craque étrangement. Mon bras est totalement engourdi, je peine à le bouger. J'ai la vision trouble et galère à me redresser, à genoux au pied du monolithe de pierre grise.

(Lothi ça va?)
(Je plains l'adversaire qui se prend ça dans la tronche.)

Je ferme les yeux et appelle les âmes de soutien de mon corps de me soigner, tout en invoquant les âmes que j'ai prise en leur demandant de me donner l'énergie de me relever et de réussir. La respiration difficile, je sais qu'il me faudra plusieurs minutes pour récupérer et laisse le temps faire ce qu'il doit.



Harand se précipite près de moi, alors que la chose dont j'ai le plus besoin, c'est de calme à ce moment précis, mais bon. Il m'aide à m'allonger, m'appuyant contre la pierre. Il tâte alors mon dos et mon bras, vérifiant mon état, le visage extrêmement sérieux.

"Bon... vous n'avez pas de fracture, c'est déjà ça: rien de grave... enfin, façon de parler. Rien qui laissera des séquelles en tout cas, mais il va vous falloir du repos pour accuser le coup."

(Comme si je ne le savais pas que je n'avais pas de fracture. Je connais mon corps quand même.)
(Certes, mais c'est plus prudent quand même.)

Il me fait boire un liquide avec un goût acidulé, qui semble être une potion de soin, ou assimilé. A défaut, la douleur se calme tandis que mon corps se soigne tout seul, la potion aidant aussi.

"Voulez-vous que je fasse demander un médecin?"

Je le regarde et souris.
"Non ça ira. Par contre si vous pouviez me trouver des feuilles de n'importe quelle plante, ça m'aiderait déjà."

(Faudra que tu penses à prendre de la salade quand tu iras sur Naora, ça te sera utile!)
(Tu comptes me faire traverser le désert?)
(Le traverser non, y aller, forcément.)



"Des feuilles?"

Il hausse les épaules et d'un bond, il va me chercher mes feuilles sur le muret avant de me les rapporter.

"Voilà alors... mais pour quoi faire au juste?"

Je rigole, ne m'attendant pas à ce qu'un maître tel que lui n'ai jamais vu un druide se soigner.
"Attendez, je vais vous montrer."
(Tu sais, les druides sont assez discrets en général, ils préfèrent les forêts aux villes.)
(Moi aussi, je préfère les forêts, mais les villes sont quand même intéressantes.)

Je ferme les yeux et me concentre sur les feuilles, elles se mettent alors à briller d'une lueur dorée qui finit par s'éteindre, laissant aux feuilles une apparence d'or pur.
"C'est un sort de soin druidique. Il est aussi puissant que le soin utilisé traditionnellement par les guérisseurs, mais il nécessite d'avoir une plante pour le lancer."

J'en glisse alors une sur mon épaule sous mon armure de la main gauche. J'en dépose une autre sur mon poignet et une sur ma nuque. Je mange les trois dernières, laissant mes pouvoirs s'occuper de me rendre des forces le plus rapidement possible.

Je finis par me relever 10 minutes plus tard, mes pouvoirs étant revenus suffisament pour que je puisse me retourner à mon entraînement.

Debout face aux monolythes, je me remets en position d'attaque, l'épée fermement tenue et les muscles bandées. Je concentre mon énergie, celle-ci vient me picoter la main avant de se propager dans ma lame. Celle-ci brille alors d'une aura mélangeant l'or et l'argent, j'imagine bien avec un sourire le pelage d'Astinor devenu d'or pur. Je distille doucement mon énergie, évitant la brusque décharge, cherchant à sentir au mieux mon épée.

La vibration change soudainement et pourtant infimmement. C'est la sensation que je n'avais pas perçue la fois d'avant, ce qui avait causé l'incident qui m'avait blessé juste avant.

"FAROTH ASTINOR, FAROTH!"

Accompagnée d'un grondement puissant de mon épée, je me propulse en avant, Astinor fondant sur le monolythe. Mon énergie m'échappe alors, tandis que tout semble se ralentir. Telle une vague, ma puissance enveloppe mon arme avant de se propulser et de se projeter sur la roche. Dans un bruit de tonnerre, Astinor expulse le ki chargé qui brise la pierre, la réduisant en poussière qui semble rester en suspension. Dans mon élan, je continue ma course jusqu'à derrière le pilier, celui-ci tenant dans un équilibre nouveau et moins harmonieux, un bon quart de la largeur étant partie en miette.

Je me retourne à une certaine distance, respirant difficilement et la vue trouble sous l'effort que m'a demandé cette action. Tous mes autres sens sont en éveil, je suis toujours prête à réagir, aux aguets. Je finis par me détendre plusieurs minutes plus tard, quand la poussière de roc retombe au sol et qu'Harand apparaît derrière, toujours debout et imperturbable.

La maître d'arme semble satisfait de ma prestation et finit par me rappeller que c'est la fin de l'entraînement que nous avions prévu. Quand il me demande s'il peut faire quelque chose pour moi, je saute sur l'occasion:

"Il y a au moins deux choses que vous pourriez faire pour moi. La première serait de m'indiquer où je dois payer, ce qui serait déjà pas mal. La seconde serait de me trouver un jeu de bille pour que je puisse continuer à m'entraîner, sans devoir me trouver des piliers de pierre à démolir."

Je regarde alors le ciel, et réalise l'heure, il est presque midi et mon ventre se rappelle à moi.

"Si vous connaissez aussi un endroit où je peux me trouver à manger, autre que l'auberge de la tortue guerrière, ça m'aiderait."



Il m'annonce combien je lui dois et me propose de lui payer directement. Je sors huit pièces d'or et cinq d'argent que je lui donne. Il répond à mes autres questions rapidement, m'indiquant que Jenkins doit avoir mon jeu de bille et me recommandant la Taverne du paladin pour déjeuner.

(J'aurais préféré plus discret que le paladin... Il doit bien avoir un marché ou des boutiques de nourriture pour les pauvres gens non?)
(Ca sera plus raisonnable vu ton aventure d'hier.)
(J'espère qu'il ne m'arrivera rien de plus aujourd'hui, je vais prendre du repos avant de continuer mon apprentissage.)
(Il serait pourtant préférable pour toi que tu quittes la ville au plus vite!)
(Je sais, mais vu les ennuis ici, j'imagine même pas en-dehors, je préfère être prête autant que je peux.)

Le maître me salue, m'interrompant dans mes pensées:
"Quoi qu'il en soit, même si nos conceptions divergent, ça a été un plaisir d'être votre maître, croyez le bien. J'espère que c'est sans rancune que nous nous disons au-revoir."
"Nous n'avons en effet pas la même vision de ce qu'est un combat, Maître Harand. Mais loin d'être antagonistes, nos techniques sont complémentaires. Vos enseignements cumulés avec mon instinct me sauvera très certainement la vie dans le futur."

Je suis surprise par la main tendue et je mets une poussière de seconde avant de la serrer. Continuant le geste dans la plus pure tradition sindel, je mets ma main gauche sur son épaule en souriant, le surprenant manifestement. Je retire ma main et me recule, le saluant comme dû. Les mains croisés sur mon torse, je m'incline respectueusement, comme un élève le doit envers son maître puis m'écarte, sans lui tourner le dos jusqu'à la porte.

(Pourquoi m'a-t-il serré la main?)
(N'as-tu pas encore assez vécu auprès des humains pour le savoir?)
(Manifestement non, j'ai toujours évité les contacts faut dire.)
(C'est comme ça qu'on se salue chez eux, tout simplement.)
(N'ont-ils point peur qu'on les empoisonne ou qu'on les assassine?)
(Je suppose que leur vie étant plus courte, elle est moins importante à leur propre yeux...)
(Tu supposes?)
(Oui, je ne suis pas dans leur tête à partager leur moindre pensée...)
(Tu n'as jamais été lié à un humain?)
(De cette planète, non jamais.)

C'est au tour du dénommé Jerkins de m'interrompre, en me tendant une boîte, le jeu de bille sans aucun doute. Je le remercie avant de sortir du temple.

Je sors du temple et ferme la porte, puis regarde autour de moi avant de continuer ma route. A peine ai-je fait les premiers pas, que je rabats la capuche de ma simple cape sur mon visage, dissimulant ainsi les mèches de Yuimen. Je tâche d'être impassible, mais la nervosité a dû mal à me quitter tandis que je m'avance dans les ruelles étroites. Autour de mon cou, le pendentif de Fizold vient frotter contre ma peau. Je m'arrête et le sors de ma tunique, le regardant avec un sourire avant de reprendre mon chemin, un peu perdu dans mes pensées en songeant à nos aventures sur Verloa et à la trahison du pyromancien.

(Il faudra que je le rende à ses parents, comme je lui avais promis.)
(Et tu comptes faire ça comment? Tu ne sais même pas qui il est!)
(Il est peut-être celui que je connaissais le moins, mais avec ce pendentif, il doit y avoir moyen quand même...)
(Ne compte pas sur moi pour t'aider à retrouver sa famille!)
(Je lui ai fait une promesse, je la tiendrais avec ou sans ton aide...)
(Bon, d'accord, on ira voir Sephora Aldora, elle t'aidera sans aucun doute!)
(Qui est-elle?)
(Une marchande d'objets rares.)
(Et où la trouve-t-on?)
(Ici à Kendra Kâr, mais on ira quand tu auras mangé!)

Guidée par ma faera, je me parcours les ruelles en direction du quartier marchand, idée de me mêler à la foule moyenne, là où je serais le plus en sécurité. Mon équipement indique un mercenaire à la recherche d'un contrat, n'étant donc pas une menace pour quiconque et les gens me croisent tout en me dévisageant, sans doute pour pouvoir me reconnaître au besoin.
Soudain, un tumulte vient déranger cette scène de la vie quotidienne. Un homme assez jeune s'enfuit, de la nourriture entre les mains et un commerçant criant derrière lui. D'un simple croche-pied, je l'envoie au sol, il se retourne. Ses yeux, après avoir vu mon épée, reviennent sur mon visage et m'implorent de l'aider et de lui laisser la vie sauve. Ses vêtements déchirés témoignent de sa condition, ainsi que le contenu de son butin. Je l'attrape cependant par le poignet et le redresse, un sourire pouvant être aperçu sous ma capuche.
Le marchand, à bout de souffle, arrive et me somme de lui livrer l'homme qui tremble dans ma main.

"Allons l'ami, que comptes-tu donc lui faire?"
(Lothi! Qu'est-ce que tu fais?)
(J'aide ce pauvre hère, ça ne se voit pas?)
(Une traîtresse puis un voleur... Tu tiens à avoir la milice en plus des fanatiques à tes trousses ou quoi?)
(Je fais ce qu'il me semble bon, peut m'importe les lois humaines!)

"Je vais le livrer à la milice, pour qu'il soit châtier comme il se doit!"
"N'as-tu donc point pitié de ce misérable? Ne trouves-tu pas que Zewen le punit assez?"
"Avoir pitié des mendiants et voleurs, c'est la mort de mon commerce que tu veux!"
"Non, je veux juste lui sauver la vie à lui."
"Je ne sais pas d'où tu viens étrangère. Mais ici le vol est puni et il doit donc être châtié!"
"Avant de vouloir le punir, tu ne t'es jamais demandé pourquoi il t'avait volé ce jambon?"
"Cela n'a aucune importance!"
"Bien sûr que si... Trouverais-tu normal que quelqu'un qui ne cherche qu'à survivre soit puni autant que quelqu'un qui ne cherche qu'à s'enrichir sur le dos des gens honnêtes!"
"Un vol est un vol! Qui va me payer mon jambon, si ce n'est lui?"
"Crois-tu réellement qu'il puisse te payer quoique ce soit? Il n'a même pas d'argent, il n'a d'ailleurs rien!"

Le voleur cherche à échapper à ma prise, n'étant manifestement pas sûr de ce que je compte faire. Je le lâche alors et souris au marchant qui s'apprête à répliquer.

"Vous l'avez..."
"laissé s'enfuir? Oui... Je ne veux pas qu'il soit puni juste pour avoir tenté de vivre."
Mon ton est calme, contrastant avec le brillant de mes pupilles dans l'ombre de la profonde capuche. Le marchand en revanche est rouge de colère, n'osant pas reprendre sa poursuite, doutant de ce que je serais capable de faire.
"Puisque c'est ainsi, c'est vous qui allez payer! MILICE!!!!"
"Ne vous affolez pas comme ça. Bien sûr que je vais payer."

Deux miliciens arrivent alors, manifestement habitués à rôder dans le marché, à la recherche de trafic et vols en tout genre. Le plus âgé des deux sort son épée, tandis que le second, une baguette de mage à la main, tremble derrière.

(Un jeune électromancien... Il a dû sentir ta puissance!)

"Holà milicien, range ton épée, je ne veux pas me battre."
"Qui es-tu étrangère?"
Résignée, je finis par ôter ma capuche et faire apparaitre mon visage au doux soleil du zénith.
"Je me nomme Lirelan Lothindil, citoyenne de Cyniar en Naora, gardienne du domaine Royal de l'île verte."
"Que venez-vous faire ici?"
"Je suis venue me chercher à manger avant de reprendre ma route. Est-ce un crime?"
"Euh... Non bien sûr. Que s'est-il passé alors?"

Je ne laisse pas l'occasion au marchand de dire ce qui s'est passé et réponds, toujours calme:
"J'ai vu un mendiant s'enfuir après avoir volé de quoi manger et j'ai eu pitié de lui. Je m'apprêtais donc à payer à sa place quand le marchand a cru je ne sais quoi."
"Elle l'a laissé s'enfuir, c'est une complice du voleur!"

Je regarde alors l'homme bedonnant et lance un rire clair et cristallin.
"Regardez-moi, marchand. Croyez-vous réellement que j'ai besoin de voler pour manger? Je suis en tenue de voyage, certes, mais je possède assez d'argent pour vivre."

Les miliciens semblent de plus en plus désarçonnés devant cette situation peu courante. Le plus âgé baisse sa garde, ne sachant manifestement plus quoi faire devant son apprenti, hésitant entre m'arrêter et retourner à ses affaires. Cependant, quand je porte ma main à mon cou, il me menace à nouveau, avançant d'un pas.
"Ne bougez plus!"
"Comment voulez-vous que je paye ce brave, si vous m'interdisez de prendre de l'argent dans ma bourse?"

Je prends son absence de réponse pour un accord avec mes paroles et finis mon geste, ôtant une pièce d'argent de ma bourse de cuir avant de les lancer au boucher.

"Cela est-ce suffisant?"
"Euh... c'est même trop."
"Nous pouvons donc considérer cet incident comme clos et laisser ces miliciens retourner aux vrais voleurs?"
"Oui, bien sûr... Excusez-moi messires, je vous ai dérangés pour rien..."

Dans un grognement, l'instructeur fait demi-tour, mais l'apprenti ne bouge pas quant à lui. Son regard vient fendre le mien et je lui réponds d'un sourire. Il s'apprête à suivre le gradé, mais en passant près de moi, il me lance, de manière à ce que juste moi puisse l'entendre:

"Méfiez-vous, Sindel. J'ai beau être jeune, je sais reconnaître un magicien puissant quand j'en vois un. Votre pouvoir vous trahira un jour: peu importe les apparences quand une personne rayonne, aucun déguisement ne peut la cacher."

La foule autour de nous se dissipe, mais les paroles du milicien me laissent une sensation étrange. Je soupire cependant et remets ma capuche avant de me glisser dans la foule, à la recherche de mon repas.

Plusieurs minutes plus tard, je finis par sortir du marché, mon sac rempli de saucisses sèches, de jambon, de pain, de miel et de fruits secs.

(Bon, maintenant, on va où?)
(Chez Sephora. Arrange-toi juste pour éviter de te faire repérer pour une fois!)
(Il voulait dire quoi d'ailleurs l'apprenti?)
(De plus une personne a de fluide en elle, de plus il est facile pour les autres de sentir sa magie.)
(Tu veux dire que certains peuvent faire comme tu fais et savoir quelle magie on a?)
(Oui, même si cela nécessite un certain entrainement.)
(Il a donc dû sentir les éléments que j'ai en moi, et sentir ma puissance par là, n'est-ce pas?)
(Je suppose que c'est ainsi qu'à procéder l'aéromancien hier aussi.)

Guidée par ma Faera, je finis par arriver à la boutique que je cherchais. Je prends le temps de boire une grande gorgée d'eau et une saucisse avant de pousser la porte.

J'entre dans la boutique, celle-ci ressemble plus à une bibliothèque qu'à un magasin d'ailleurs. Une jeune femme lève la tête de son livre et me dévisage. J'ôte ma capuche et m'approche.

"Bonjour, Sindel. Que puis-je faire pour vous aider?"
"J'ai un collier à vous montrer, j'en cherche l'origine."
"Montrez-moi cela, je pourrais sans doute vous aider."

J'ôte de mon cou le pendentif de Fizold et lui tend, espérant qu'elle pourra l'identifier. Elle observe rapidement l'amulette avec l'épée et les deux flammes brillantes.

"Vous n'êtes pas Kendrane, ça se voit."

Je ne relève pas la remarque, ne sachant dans quel sens la prendre, laissant la boutiquière continuer.

"Ce pendentif appartient à un fantassin pyromancien. J'ignore où vous l'avez eu, mais celui à qui il appartenait était un guerrier de Meno, formé au temple de Kendra Kâr sans aucun doute."
"Celui qui le portait était tout le moins un pyromancien et je cherche à retrouver sa famille, je ne connais que son prénom cependant."
"Le mieux pour vous serait de vous rendre au temple de Meno, les prêtres pourront vous aider mieux que moi."

Je reprends le collier avant de saluer Sephora et de repartir.

"Plus encore que les objets rares, les amitiés des fanatiques de Dieux sont incompréhensibles." murmure-t-elle plus pour elle que pour moi.

Je me retourne cependant et la regarde avant de reprendre sa phrase:

"Les amitiés des fanatiques des Dieux sont incompréhensibles... Que voulez-vous dire?"
"Une gardienne de Yuimen comme vous devrait se méfier de ses amitiés. Il est étrange à mes yeux qu'une guerrière de Yuimen cherche à retrouver la famille d'un guerrier de Meno."
"Comment savez-vous qui je suis?"
"Tout en vous trahit votre dévotion pour Yuimen, de vos cheveux, à vos yeux en passant par le bracelet que vous portez sous votre tunique. Méfiez-vous dans les temps qui court... il serait préjudiciable qu'Elle l'apprenne."
"Qui "Elle"?"
"La dame noire... Je doute qu'elle ait oublié que les Gardiens de Yuimen ont lutté avec les enfants."
"Je ne comprends pas ce que vous voulez dire!"
"C'est qu'il n'est pas encore temps pour vous d'en apprendre plus. Mais n'oubliez pas la prophétie."
"Vous connaissez la prophétie?"
"Comme de nombreux érudits qui ont su lire les signes et les anciennes légendes. Mais partez maintenant. Ce n'est pas de moi que vous apprendrez ces choses."

Elle retourne à sa lecture comme si elle ne m'avait rien dit, tandis qu'un jeune homme entre dans la boutique. Je quitte alors la pièce et sors.

(Lirelan?)
(Tu l'apprendras bien assez tôt, et pas de moi.)

Je ne peux m'empêcher en marchant de me ressasser ce que je sais de la prophétie, et c'est finalement tellement peu. Puis, elle me paraît étrange, comme incomplète. Les prophéties sont rarement claires et celle-ci est pour ainsi dire limpide.

(Quand tout ira mal et que la guerre grondera.
Les ermites se réveilleront et les 4 gardiens se révèleront pour combattre!)

(Par Yuimen, arrête de répéter ces mots, je t'en prie.)
(Et pourquoi donc?)
(C'est juste terriblement lassant, c'est tout.)
(Tu n'as qu'à me dire la suite alors.)
(Tu tiens vraiment à entendre toute la prophétie?)
(Oui, bien sûr!)
(Comme tu veux, mais avant, sache que ce n'est qu'une prophétie. Elle indique un futur, le plus probable, mais pas le seul.)
(Que veux-tu dire par là?)
(Il existe de nombreux futurs possibles, tous dépendent des choix et décisions de chacun. Une prophétie est un message de Zewen qui dévoile un seul de ces futurs possibles.)
(Tu veux dire que même s'il a été écrit par Zewen, un destin n'est jamais écrit?)
(En effet, quoiqu'il arrive, tu restes maître de ton destin, même si la voie qui est tracée par Zewen est celle qui arrivera avec le plus de probabilité.)
(Même si les dés sont pipés, cela ne veut pas dire que tu ne peux pas perdre.)
(C'est tout à fait ça. Alors écoute la prophétie, mais n'oublie jamais qu'il suffit d'un battement d'aile de papillon pour tout changer.)

Comme s'il lui fallait un temps pour se remémorer le texte complet, elle se tait tandis que j'avance vers le temple de Meno, m'enfonçant dans les ruelles.

"Longtemps piégée, l'Ame s'enfuira,
Libérée et ivre de puissance,
Les morts seront sa délivrance
Mais Elle les asservira.

Par la violence et la terreur,
par la haine et l'horreur,
Ses terres Elle reprendra,
Et les portes elle rassemblera.

Tous unis pour lutter,
Tous unis pour tuer,
Il faudra être prêt à périr,
Pour espérer vivre.

L'enfant de lumière perdu,
Ne se cachera plus
L'enfant de la terre égarée,
Sera à nouveau traquée.

Les Enfants ne dormiront plus,
Les Neufs se dresseront,
Les Gardiens ne erreront plus,
Les Quatre lutteront.

Des quatre la première éveillée,
Druide du Naora par Yuimen marquée,
Les ermites se réveilleront,
Les Gardiens ré-apparaîtront.

Treize âmes sombres combattront
Treize âmes de lumière se lèveront
A travers les portes s'attaqueront
Au-delà du temps se détruiront.

Une lumière d'espoir brillera,
La trahison la ternira,
Par un combat sans limité acharné,
La paix ou la guerre sera déterminé."

Lirelan me laisse méditer ses paroles, qui me semble bien plus obscures encore que ce que je pouvais imaginer. Toujours est-il que la fin n'est pas faite pour me rassurer. Encore plus perdue dans mes réflexions qu'avant d'avoir entendue la prophétie, je finis par arriver au temple de Meno, plus guidée par ma faera que par mes propres jambes. J'ignore encore si c'est une chose bonne ou mauvaise que Lirelan m'ait appris ces paroles, car pour l'instant, je ne les comprends absolument pas.

N'oubliant cependant pas ce pour quoi je suis devant ce temple, je finis par y entrer, après être restée pendant plusieurs longues secondes devant.

Poussant le portail de fer, je ne peux que sourire en voyant les vasques de flammes venir rajouter de la chaleur à ce milieu de journée déjà si chaud. Je passe le chemin, arrivant au temple à proprement parler. Il ressemble aux bâtiments de Balsinh la technologique, lui aussi recouvert de plaques de métal, lui donnant des couleurs et des lumières nouvelles.

Je passe la porte, calme, espérant un bon accueil de la part des prêtres. Je suis accueillie par l'un deux, grand pour un humain, le visage dissimulé sous une capuche écarlate brodée d'entrelacs de fils d'or.

"Par Meno, que venez-vous faire ici, servante de Yuimen?"
"Je suis à la recherche de la famille d'un ami."
"Vous vous êtes trompée de temple."
"Non, je pense être au bon endroit."

Je sors alors de ma cape le pendentif de Fizold et le montre au prêtre.

"Arrêtez-là! Elle a tué un des nôtres!"

Avant que j'ai pu réagir, un sort de flammes vient bruler ma cape, tandis que deux humains, vêtus d'armures rouges, jaunes et ors, armés de lances, me jettent au sol. Le collier m'échappe et glisse un peu plus loin.

"Tu croyais vraiment que tu serais accepté en ces lieux en volant ce pendentif?"

La pointe de la lance qui m'entaille la nuque me dissuade de répondre ou même de tenter quoique ce soit d'autres. Je prends donc mon mal en patience.

(T'as le don de t'attirer des ennuis toi...)
(En même temps, j'y peux rien, sur ce coup-ci.)
(Ça change...)

"Désarmez-la et amenez-la moi dans mes appartements et méfiez-vous de ses mains."

Le prêtre prend le temps d'attraper le pendentif avant de s'écarter alors par une des portes qui sortent de la salle, tandis que les gardes s'exécutent prestement. Je me retrouve alors vêtue de ma tunique et de ma cape, trainée par deux pyromanciens qui me tiennent les mains. Ils finissent par me jeter littéralement dans la chambre du prêtre, attendant des ordres.

"Restez derrière la porte, si elle s'échappe, tuez-la!"

(T'es dans de beaux draps, là.)
(Je compte pas m'enfuir, ça devrait aller non?)

"Bon, si vous restez calme, rien ne vous arrivera. Que venez-vous faire ici?"
"Je vous l'ai dit grand prêtre... Je cherche à retrouver la famille d'un ami."
"Et en quoi on devrait pouvoir vous aider?"
"L'ami en question portait ce collier au cou quand il est mort."
"Êtes-vous sûr qu'il s'agissait vraiment d'un... ami?"
"En effet, non. Tout au plus était-ce un compagnon de route..."
"Pourquoi cherchez-vous sa famille?"
"Il est mort dans mes bras sur Verloa et je lui ai promis de rendre ce collier à ses parents."
"Votre histoire est louche cependant. Vous l'auriez assassiné et vous voudriez faire de même avec ses parents, que ça ne changerait rien."

J'ôte ma capuche et plante mon regard dans celui du grand-prêtre.

"Et pourquoi une Sindel ferait-elle cela?"
"Pour une prime d'argent. Vous êtes mercenaire n'est-ce pas?"
"L'habit ne fait pas le moine, grand-prêtre. Je n'ai de mercenaire que les vêtements."
"Il me faudrait une preuve de ce que vous avancez!"

Je m'apprête à relever ma manche, pour dévoiler mon tatouage quand Lirelan m'arrête dans mon geste.

(Tu ne vas quand même pas dévoiler à un prêtre de Meno qui tu es? Tu n'as vraiment rien appris de l'incident de cette nuit?)
(Tu aurais une autre solution toi?)
(Je pourrais lui parler, une faera ne peut mentir!)
(Tu préfèrerais te dévoiler que de me laisser dévoiler mon tatouage?)
(Rappelle-toi ce que t'as dit Sephora. Par les temps qui courent, tu dois te méfier de tout le monde!)
(Mais c'est juste un prêtre de Meno.)
(Tu as vu comment il t'a considéré, juste à cause des fluides de terre dans tes veines? Tu tiens à ta peau?)
(Mais tu m'as dit que tu ne pouvais pas te dévoiler!)
(Sauf en cas exceptionnel, et s'en est un!)
(Comme tu le sens alors...)
(Tu deviens plus raisonnable là.)

Lirelan descend alors de son perchoir près du plafond sur une armoire pour venir se poser sur mes genoux. Elle se transforme alors, passant de sa forme de pie à celle d'aldryde. C'est de sa voix aiguë qu'elle prend la parole.

"Savez-vous ce que je suis prêtre?"
"Une faera, sans aucun doute."
"Vous devez savoir aussi qu'une faera ne peut pas mentir alors?"
"C'est qu'on raconte, en effet."
"Si je vous dis donc quelque chose, vous me croirez?"
"J'aurais tort de ne pas le faire, je suppose."

Le prêtre semble mal à l'aise, inquiet, ou du moins très surpris.

"Alors ce que vous dit la druide derrière moi est vrai. Elle est partie sur Verloa pour le roi de Kendra Kâr avec un pyromancien du nom de Fizold. Le pyromancien portait le pendentif que vous avez en main et il est mort après avoir été pendu par une traîtresse. La druide a tenté de le sauver, mais elle n'a pas réussi. Elle lui a alors promis de rapporter ce collier aux parents du mort, à défaut de son corps."

Pendant plusieurs secondes, un silence gêné s'installe entre nous trois. Le pyromancien prend le temps de décoder les paroles de Lirelan avant de me répondre. Pour ma part, j'attends, espérant qu'il ne faudra rien de plus au prêtre.

"Excusez-moi de vous avoir jugé aussi vite. En effet, j'avais tort."
"Pourriez-vous alors me rendre mes équipements et m'aider à trouver ceux que je cherche?"
"Le maître d'arme de la confrérie sera le plus à même de vous aider. Je vais vous faire rendre vos équipements et le faire mander."

Le prêtre ouvre alors la porte et parle aux deux gardes. Les deux s'écartent prestement, dans deux directions différentes. Le premier revient assez vite, mon épée et mon arc dans une main, mon diadème et bouclier de poignet dans l'autre. Il me donne le tout avant de se reculer et de partir à ses occupations. L'autre prend un peu plus de temps et finit par revenir, accompagné d'un humain de forte stature, vêtu d'un costume rouge semblable à celui de Fizold. On pourrait croire voir son frère jumeau, si ses cheveux n'étaient pas d'un blond flamboyant, mais d'un châtain classique.

"Il est rare qu'on vienne me mander. Qui êtes-vous?"

Le religieux explique rapidement la situation et ma recherche à l'homme. La maître d'arme me regarde et sourit.

"Je connaissais en effet Fizold. C'était un bon élément, et sa mort est regrettable pour notre ordre."
"Savez-vous où je peux trouver ses parents?"
"Bien sûr, ils habitent dans le quartier noble. Un bon conseil, si vous voulez leur parler, vous feriez bien de trouver d'autres vêtements: ils ne se mélangent pas au petit peuple."

Il griffonne l'adresse sur un parchemin qu'il me tend.

"Il est très noble de votre part que de tenir votre promesse à un mort. Soyez-en remerciée."
"J'aurais préféré vous apprendre de meilleurs nouvelles cependant."
"Ce n'est rien. Maintenant excusez-moi, mais mes recrues m'attendent, j'étais en plein entrainement."

Je salue à mon tour l'ecclésiastique qui me remercie à nouveau. Je m'efforce de garder un pas calme en traversant la pièce principale, le tête me tournant. J'ouvre la porte en tremblant avant de me ruer à l'extérieur de l'enceinte du temple, jusqu'à me retrouver dans la rue où je récupère calmement mon souffle.

Ma respiration est toujours vive, et un certain mal-être demeure en moi, me crispant le ventre.

(Que se passe-t-il, Lirelan?)
(Ce n'est rien, tu comprendras plus tard...)
(Plus tard? Et je dois me tordre de douleur ainsi sans comprendre?)
(Réfléchis un peu. Tu es dédiée à un Dieu!)
(Et? Qu'est-ce que tu veux dire par là?)
(Tu sors d'un lieu imprégnée par la présence d'un autre Dieu... Tu t'attendais à quoi?)
(Pas à ça en tout cas.)
(Il faudra t'y faire... Tu es désormais mal venue dans tous les temples autre que ceux de Yuimen.)
(Y compris ceux de Sithi?)
(Je ne pense pas, Sithi n'est pas de Yuimen, contrairement à Yuimen, Gaïa et les autres.)
(Qu'entends-tu par là?)
(Tu connais les légendes Naoriennes sur les origines des Sindeldi?)
(Celle du monde perdu?)
(Tu as ta réponse donc...)

Je me calme, appuyée contre la barrière. L'air extérieur me fait du bien et mes douleurs s'apaisent finalement rapidement.

(Où allons-nous?)
(Au temple de Yuimen!)
(Pour faire quoi? Je dois finir ce que j'ai commencé avant non?)
(Justement. Tu te vois rencontrer des nobles dans ta tenue de mercenaire pauvre?)
(Non, tu as raison.)

Lirelan m'entraine alors par les rues kendranes en directement du temple. Nous longeons alors les écuries avant de redescendre vers la milice et le temple de Yuimen.
Sur la place juxtaposant les bâtiments, je croise Lelma et sa fille, accompagnés de deux personnages que je ne reconnais pas. La troisième silhouette m'est inconnue, un elfe en tout cas; la quatrième est celle d'un nain. Je vais pour franchir les grilles quand Seyra m'interpelle, m'ayant elle aussi reconnue, malgré mes vêtements fort différents.



Je regarde la quatuor pour ainsi dire... étrange que fait le groupe. Seyra m'explique alors leur mésaventure de la veille, tandis que je souris en pensant aux miennes.

"Manifestement, les nuits sont moins tranquilles dans cette cité que sur Verloa, j'ai aussi été attaqué... par un aéromancien... et quelques voleurs qui en voulaient à ma récompense d'ailleurs."
(Tu es trop bavarde avec eux...)
(Ce sont des alliés, je n'ai rien à craindre d'eux.)
(Après tout, t'as pas tort...)

Je réponds alors toujours souriante à l'aventurier:

"Pour ma part, j'ai décidé de rester un peu en ville pour affiner certaine de mes techniques de combat, après, je partirais à nouveau sur les routes."

Il est hors de question pour moi de parler de ma destination future, j'ai déjà assez de problème pour pas qu'un simple passant, qui pourrait être n'importe qui, puisse savoir où je me rends par la suite.

Je ne prends pas le temps de répondre au nain, saluant en revanche le shaakt.
"Je ne me suis pas présentée, Lothindil, Sindel du Naora... mercenaire à mes heures perdues, voyageuse de Yuimen... en exil aussi d'ailleurs."

Quand Lelma parle de Shory, Lirelan résonne dans ma tête comme l'alarme d'urgence qui résonnait au village en cas d'inondation.
(Il pourrait aider les ermites!)
(Il n'en fait pas parti et tu sais bien qu'il ne croit pas en Yuimen!)
(Il va à Shory, il pourrait ramener des graines!)
(De quoi tu parles?)
(Y a Nuilë qui se plaignait de pas avoir assez d'espèces de graines pour le jardin. Il voudrait pouvoir en avoir plus...)
(Il a qu'à envoyer Saraki!)
(Sont trop occupés...)
(En gros tu voudrais que je les envois chercher des graines à Shory pour les ermites?)
(Ce sont des alliés non?)
(Bon, ça va, j'ai compris.)

La discussion a été presque instantanée et j'en profite pour enchaîner alors:
"Si vous allez à Shory, je pourrais vous demander de faire quelques achats pour moi? En effet, Lirelan me dit que les gens qui vivent là-bas les..."
(Sinari)
"Sinaris sont d'excellents cultivateurs. Et ils ont une boutique qui vend des parcelles de terrains et des graines très particulières..."

(Elles ont quoi de particulières?)
(Ce sont d'anciennes graines qui poussent très vite et sont pour ainsi dire... magiques.)

"Elles poussent très vite et ont certains pouvoirs dirons-nous... Je n'ai malheureusement pas le temps d'aller les chercher moi-même..."
(Et tu comptais aller demander à la milice de te trouver un milicien pour faire tes courses, mais comme ils y vont, autant en profiter.)
"J'allais justement à la milice voir s'ils pouvaient trouver quelqu'un pour cette mission, mais comme vous y allez, ça serait idiot d'envoyer une autre mission sur place pour si peu."

Je fais alors un grand sourire aux deux miliciens, espérant qu'ils acceptent.

"Pour le payement, faut que j'aille chercher une partie de mes sous au temple pour que vous puissiez payer les graines, je ne pense pas avoir assez sur moi."

Je fouille alors dans mes poches et en sors la bague que j'y avais rangé depuis plusieurs jours, sur Verloa en fait.

"Quant à la récompense, vu que c'est une mission, j'ajoute ça, c'est le minimum que je puisse faire."

(Ils vont croire que tu les achètes là.)
(Y a une différence entre un milicien et un mercenaire?)
(Euh... oui... enfin je suppose...)
(Ils font les missions pour lesquels on les paye, je vois pas la différence moi.)
(En même temps...)
(Je leur donne une mission, je les paye. Vu ce que nous a filé le Roi, je vais pas leur filé des Yus, donc je donne ce que j'ai.)
(Après tout...)

Je les regarde toujours souriante, espérant qu'ils accepteront.



Je donne alors la bague à Lelma en souriant.

"Je vous aurais bien payé après, à la livraison, mais il y a de grandes chances que je ne sois plus à Kendra Kâr alors."

(Faudrait leur filer l'argent pour les graines aussi...)
(Faudrait leur filer une liste d'achat déjà non?)
(Ca serait bien...)
(Bon, je commande quoi?)
(Demandons au grand-prêtre ce qu'il en pense.)
(De toute façon, c'est lui qui a mon argent.)

"Pour l'argent, il faut que j'aille au temple, ça me permettra de voir précisément avec le prêtre ce que je prends comme graine."

Le nain ne veut pas rentrer dans le temple et semble encore moins vouloir rester dehors à nous attendre. Je hausse les épaules et propose à Lelma:

"Je vais voir pour la commande avec Seyra au temple, profitez-en pour chercher la bière du maître Torkin avant qu'il ne devienne fou. On se retrouve dans une demi-heure ici?"

L'aventurier marque son accord avec l'idée et pour ma part je pousse les grilles du temple, accompagnée de la fille.

A mon entrée, le jeune apprenti me salue d'un grand sourire, commençant à s'habituer à ma présence dans le temple. Le fait que je sois accompagnée ne le dérange pas plus que ça.

"Voulez-vous que j'appelle le Grand Prêtre?"
"Oui, j'ai plusieurs choses à lui demander."
"Bien, je le conduirais dans la cellule où vous avez dormi cette nuit."
"On va rencontrer le grand prêtre?"
"Oui, il m'a pris d'amitié avant notre départ pour Verloa, c'était en son nom que j'y étais."

Le grand prêtre ne tarde pas à arriver et sourit en me voyant. Il reste debout pendant plusieurs secondes à observer Seyra.

"Est-ce une nouvelle disciple?"
"Non, c'est une milicienne et amie qui va se rendre à Shory pour le jardin des Ermites."
"Dommage, elle a un grand potentiel en elle. Que vouliez-vous?"
"Je voulais savoir ce que je pouvais trouver comme graines intéressantes à Shory, et avoir encore un peu de mon argent, pour qu'ils puissent faire les achats."

Le grand prêtre me conduit alors dans une bibliothèque où se trouve plein de parchemin et autres. Je soupire à l'idée de devoir lire tout ça pour trouver ce que je veux, mais le prêtre sort un rouleau dans une caisse et me le tends.

"Vous devriez pouvoir trouver là toutes les graines achetables dans les différentes villes de Yuimen. Nous faisons assez souvent des commandes pour le temple et ces listes sont fort utiles."

(Tu m'aides?)
(C'est bien pour une fois.)

Je décode rapidement la liste et finis par choisir ce qu'il faudrait, toujours avec l'aide de Lirelan qui y comprend bien plus que moi. Profitant du parchemin et de la plume près de moi, je dresse ma commande que je donne à Seyra.

100 graines de Reolriss
100 graines de Frassia
100 graines de Greniss
100 graines de Nodela
100 graines de Frenesi
100 graines de Lermilen
100 graines de Hremi

Lirelan dresse rapidement le total, qui est assez exorbitant pour des si petites choses.

"Faites attention aux prix, ils ne sont peut-être plus à jour."
(J'ai calculé qu'il y en avait pour 700 yus, donne-leur 200 de plus, par sécurité.)
"L'argent que j'ai donné aux ermites, il est déjà parti ou non?"
"Non, pas encore, il vous faut combien?"
"900 yus, il devrait avoir de la marge en supplément."

Le prêtre sort la bourse chargée de pièce d'or et en donne 9 à Seyra qui les range dans une bourse de cuir à sa ceinture.

"Je vais voir son père et je reviendrais, j'ai d'autres choses à voir avec vous."
"J'ai aussi des choses pour vous."

Nous saluons le prêtre et sortons alors de la salle et du temple, attendant Lelma sur la place.

Je ressors du temple, Lelma est déjà là devant à nous attendre, le choix des graines a pris un peu plus de temps que prévu.

"J'espère que je ne vous ai pas trop fait attendre, mais le choix était plus difficile que prévu parmi toutes les graines disponibles."

L'aventurier me dit que non, il vient à peine d'arriver. Derrière lui, deux beaux chevaux, ne valant pas le mien cependant ainsi que deux attelages, donc un avec de la bière et le nain.

"A défaut, vous aurez assez à boire pour la suite du trajet."
"Ca c'est sûr, une route aussi longue sans boisson, c'est un crime pour un nain."

Le Torkin n'a manifestement pas capté le ton ironique de ma phrase.

"J'ai donné à Seyra la liste de graines qu'il me faut, ainsi que l'argent nécessaire, il devrait y en avoir de trop."

Lelma me demande alors où il doit déposer le colis... C'est vrai que j'avais oublié ça.

"Déposez-le ici, au temple. Dites que c'est pour les Ermites de Yuimen, ils seront quoi en faire."

Je vais pour faire demi-tour et retourner dans le temple quand Seyra parle d'un os mystérieux à son père. Lelma me rattrape alors et me demande où je pourrais faire identifier un os bizarre.

"Le seul objet que j'ai eu à faire identifier, c'est le collier de Fizold... Y a une boutique d'objet rare et particulier non loin d'ici. La propriétaire est jeune, mais elle a un grand savoir. Pour y aller, longe l'hippodrome, tu prends la grande rue vers la gauche, jusqu'au temple des maîtres, là tu tournes à gauche à nouveau, tu ne peux pas te tromper, c'est la boutique de Sephiren et Sephora Aldora."

Je les salue une dernière fois avant d'entrer à nouveau dans le temple, pour retrouver le grand prêtre.

Le prêtre m'attend devant la porte et m'emmène directement dans une salle à l'écart des autres. Je le suis docilement, calme en réalité.

"Vous vouliez me voir?"
"En effet, j'aurais besoin de votre aide, pour une mission que je me suis fixée sur Verloa."
"Elle concerne Yuimen?"
"Non, mais une promesse faite à un aventurier qui est mort."
"Il croyait en Yuimen au moins?"
"Sans doute, même s'il était pyromancien avant tout."
"Vous avez de drôle d'amitié, gardienne, il faudrait vous méfier dorénavant."
"C'est vous qui m'avez envoyé sur une île avec un aéromancien comme capitaine, pas moi."
"Certes... En quoi puis-je vous aider alors?"
"Je lui ai promis de ramener son pendentif à ses parents. Mais ceux-ci sont des nobles Kendran. Je ne me vois pas arriver chez eux avec mes guenilles de mercenaires."
"Je vous trouverais des vêtements plus adaptés alors. J'aurais le temps tout à l'heure."
"Ah?"
"Oui, j'ai des choses pour vous. Mais avant de faire une erreur, j'aimerais savoir quel sort de première et seconde arcane vous connaissez."
"Bouclier terrestre et faille terrestre pour la première arcane, Secousse et bouclier de pierre en seconde arcane et j'ai appris au temple élémentaire les sables mouvants et Séisme en troisième arcane."
"Ça va alors, j'ai retrouvé ce parchemin dans le temple et je me suis dit qu'il pourrait vous aider dans votre mission."

Il me donne alors un rouleau de cuir, marqué "épieux", que je range rapidement dans ma cape, je verrais tout à l'heure ce que c'est.

"En outre, j'ai remarqué de nombreuses entailles et autres sur votre bâton pendant que vous dormiez, j'ai peur qu'il se brise entre vos doigts."
"Disons qu'il a servi d'arme au chef de notre expédition durant notre passage en enfer."
"Je comprends mieux, la lutte a dû être acharnée pour abimer ainsi le bois."
"Entre les morts-vivants, l'orque géant, les deux armées et les chiens, on peut dire ça en effet..."
"Enfin, je me suis dit qu'un nouveau bâton pourrait vous être utile. Je vous en ai donc trouvé un, sans doute plus puissant que le vôtre."

Il va dans un coin de la pièce en prend alors un bâton, long et fin, de près de deux mètres de haut, surmonté d'une sculpture en métal. Il dégage une énergie puissante fort agréable. Il me le montre alors à la lumière du jour sur une de ses faces. Je m'aperçois alors qu'il n'est pas entièrement rond, mais qu'il a été raboté sur une partie de manière à former une surface plane. Là, on a gravé de nombreux symboles runiques et tout autour, des feuilles diverses.

"Qu'est-ce donc que ce bâton?"
"C'est un bâton d'illusion végétale. Si tu as un peu de chance, il créera une illusion qui donnera de la puissance à ta magie."
"Ça pourra être utile en effet. Mon ancien bâton est dans ma ..."
"Gardez-le ou revendez-le, mais je n'en veux pas, Gardienne."
"Si vous y tenez tellement..."
"C'est à nous de vous aider autant que nous pouvons. La prophétie doit se réaliser! Allez vous exercer pour le sort, je vais tâcher de vous trouver une tenue plus noble. Laissez aussi vos armes et armure ici, vous les récupérez avant de partir."
"Le bâton aussi?"
"Non, je vous vois mal vous entraînez pour le sort sans votre bâton de magie."


Une fois le prêtre sorti de la cellule, j'ôte mes vêtements de mercenaire et enlève mon armure. Je défais aussi mon arc et mon fourreau avant de fermer la porte et de m'écarter en direction de la salle des druides où les essences des plantes sont propres à la concentration. Calmement, je détache ma cape et m'installe pour lire le parchemin. Je le lis rapidement, sans le comprendre, juste pour m'imprégner de ce qui y est écrit. Le texte s'immisce en moi, me pénétrant et venant s'imprimer dans mon esprit comme un sceau qui marque de la cire tiède.

(Bon, vu le nom, ça doit être un sort d'attaque...)

Je récupère plusieurs branches, initialement prévue comme tuteur de réserve et me trouve une zone vierge de toute plante, au fond de la serre. J'ignore tout de l'effet du nouveau pouvoir et préfère prévoir une marge de manœuvre pour éviter d'abîmer quoique ce soit. A l'aide d'un cordeau, j'isole une zone pour éviter que quelqu'un pénètre là dans une zone d'attaque. Je prends alors mon tout nouveau bâton en main et tente de me concentrer pour rassembler mes fluides. Je prends le temps de sélectionner mon énergie pour éviter d'envoyer du ki à la place du fluide, le résultat pourrait être désastreux tant pour moi, que pour la serre que pour mon arme.

La tête du bâton se met à verdir sous l'effet de ma magie tandis que je me concentre sur ce que je viens d'apprendre. La magie glisse en moi et le long du bois jusqu'au sol. Telle des veines vertes sur le sol, je crois voir les fluides dessiner des formes sur le sol, des enchevêtrements. Je cherche à les diriger vers les baguettes qui doivent représenter des ennemis, mais je n'y parviens pas, même en me concentrant sur la formule.

Je relâche brusquement ma concentration, coupant net tout effet, surprise par la réaction de ma magie. Puis je m'accroupis pour réfléchir, d'un coup, comme un éclair, l'idée me vient, je sais ce qui se passe...
(J'ai compris. C'est pas un sort d'attaque!)
(En effet, les effets n'y ressemblent pas!)
(Mais ça semble étrange comme sort de protection...)
(Il protège une zone complète. Faudra faire attention si tu n'es pas seule.)
(On va réessayer ça alors!)

Je me redresse et sert mon bâton dans ma main. Comme d'habitude, je laisse les fluides glisser sous ma peau vers ma main. La tête de mon bâton recommence à briller tandis que je laisse mon énergie s'enfuir. Suivant le manche de bois, les fluides heurtent le sol. Ma vue change alors, et à nouveau j'ai l'impression de voir mes fluides faire des entrelacs complexes sur le sol. Au lieu de chercher à les faire partir plus loin, je me concentre brusquement pour faire sortir les épieux directement du sol tel une ronde de stalagmites. Je regarde le résultat avec un petit sourire.

(Joli, t'as même pas eu besoin de moi ce coup-ci...)
(Mes connaissances de magie ont l'air d'être meilleures que celles en lecture.)
(En même temps c'est pas difficile...)
(Me reste à attendre le prêtre pour lui montrer le résultat... le tout sans bouger!)
(Et tes combats aussi tu vas les faire sans bouger?)
(Non, en effet, mais là je vois pas ce que je pourrais faire d'autres.)
(Tester ses effets.)
(Pas idiot...)
(Je sais.)

Je regrette de ne pas avoir Astinor sur moi, ayant dû la déposer dans la cellule du grand-prêtre, ça aurait été plus simple pour moi m'entraîner. Prenant mon arme magique à deux mains, comme une arme d'hast. Je fais semblant de faire quelques passes d'abord sur place avant de me déplacer. D'un coup, je fais un bond dans le cercle d'épieux, ceux-ci s'écrase et retourne au sol juste avant que j'atterrisse, à ma grande surprise.

(Pratique ça!)
(Çà serait encore mieux si ça se remettait en place après ton départ!)
(On va tenter.)

D'un autre bond agile, je retourne dans le cercle vide. Je ne me suis pas encore remis en position défensive que les épieux, eux, ont repris leur place.

(Concluant comme test, on va attendre le prêtre maintenant.)
(Profites-en pour t'entraîner un peu...)

(T'as une idée géniale?)
(La boite à Ki, tu l'as sur toi?)
(Oui...pourquoi?)
(Tu vas alterner ta magie et ton Ki... on va faire ça petit à petit, il faut que tu puisses alterner les deux le plus rapidement possible, sans t'embrouiller!)
(On fait ça comment?)
(Commence simplement: l'un puis l'autre. Une prochaine fois on alternera aléatoirement en fonction de ce que je te dirais, ça te va?)
(Comme tu veux...)

Toujours au centre de mes stalagmites, je m'assied sur mes talons et sors de mon sac la grande boîte offerte par Harand. Je fais l'installation rapide, installant trois cibles au bout des pailles de bambou. Prenant une bille parmi le bon millier que m'a laissé le maître d'arme. J'en prends une entre deux doigts et concentre mon énergie dessus. Celle-ci se met à briller comme à l'entraînement et je la laisse alors rouler le long du tuyau jusqu'à ce qu'elle heurte la cible en éclatant.

Je récupère alors mon bâton et prends le temps avant de lancer un sort, une simple faille. Limitant sa puissance, je la dirige mentalement vers les tuteurs que j'avais planté. La faille se met alors à slalomer littéralement entre les stalagmites de mon sort précédent avant d'engloutir le tuteur.

L'exercice bien que simple en apparence est fatigant et demande une certaine concentration. Je me rends compte bien vite qu'utiliser mon Ki et ma magie sur un même combat sera plus compliqué que je ne le pense, malgré une bonne maîtrise des deux séparés.

Je continue à jouer ainsi, alternant les deux types d'énergie dans mes doigts, changeant de main de temps à autre.

(Tu t'es rendue compte?)
(De quoi parles-tu?)
(Tes mains!)
(Non...)
(Refais l'exercice le plus instinctivement possible et observe...)

Je recommence alors, la bille à Ki se met à briller très vite dans ma main droite, je la lance adroitement sur la piste et elle vient s'exploser contre la cible. Je me saisit de mon bâton pour lancer mon sort. Le fluide vient parcourir mon bras gauche pour se nicher dans la tête métallique avant de partir dans le sol jusqu'au dernier tuteur debout. La faille le fait d'ailleurs littéralement exploser.

(Tu as compris?)
(Instinctivement j'utilise le Ki de la main droite et j'utilise mes fluides de la main gauche.)
(En effet, ça va faciliter en combat... mais il pourrait être utile pour toi de savoir utiliser tes fluides des deux mains... tout comme ton Ki.)
(A moins que je me fasse couper le bras, je vois pas l'intérêt...)
(Ça ne serait pas la première fois...)
(Il ne m'avait coupé que la main d'abord.)

C'est à ce moment-là que le prêtre arrive dans mon lieu d'entraînement, à la bordure faite par les cordeaux et surtout à mon terrain de jeu dévasté. Je réalise à son visage l'état dans lequel j'ai mis la serre. Pas moins de quatre failles partent de mon emplacement jusqu'à quatre débris de bois tandis qu'une zone circulaire de deux mètres m'entourent, couvert de stalagmites pointues. Je suis pour ma part retranchée auprès d'un objet bizarre d'où sort un reste de fumée blanche due aux cibles brulées, le tout en étant debout avec des vêtements de mercenaires et un bâton dans la main gauche.

"Je ne m'attendais pas à ce que vous vous entrainiez ici."
"Je me disais que j'étais mieux dans le temple qu'en dehors de la ville. Je ne connais pas d'endroit dans le coin où je peux faire ce genre d'expérience sans risque."
"Venez avec moi, j'ai trouvé une tenue un peu plus chic qui devrait vous aller, même si ça n'a pas été simple avec votre grande taille."
"Je me doute bien, excusez-moi de toute ces tracasseries."
"C'est la dernière fois que je vous déguise pour vous permettre de voyager dans Kendra Kâr. A partir de maintenant, vous vous débrouillerez avec les tenues que vous avez. Ai-je été clair?"
"Vous aviez dit que vous m'aideriez tout le temps!"
"En effet, mais comprenez bien que vous n'êtes que le champion de Yuimen et non Yuimen lui-même. Je le sers lui et non vous."

Je baisse alors le regard, comprenant que je ne dois pas me détourner de mes objectifs, et surtout de ma position. Certes, j'ai un rôle possible à jouer, mais je dois apprendre la modestie avant tout. Sans un mot je suis le prêtre, ralentissant pour me replacer à un pas derrière, reprenant alors ma place. Quand il ouvre sa cellule, il entre en premier, m'invitant à entrer. J'obéis et reste debout contrairement aux premières fois.

"Je préfère ça voyageuse. Je vais vous rendre d'ailleurs votre argent, pas celui des ermites, mais bien le vôtre."
"Bien."
"Je ne m'attendais pas à cette réaction de votre part."
"A quoi vous attendiez-vous?"
"A autre chose... A une révolte ou autre."
"Et pourquoi me serais-je révoltée?"
"Nombreux sont les jeunes de votre âge qui n'auraient pas compris mon changement de comportement."
"Vous êtes un grand prêtre et je suis une voyageuse. Cependant, ne vous fiez pas à mon âge... j'ai l'âge d'être votre arrière-grand-mère."
"Soit. Voici donc les vêtements dont vous aurez besoin, ainsi que votre équipement et votre argent. Maintenant laissez-moi."

Je sors de la pièce avec tout mon fatras dans les bras et vais tranquillement dans la cellule qui m'est alloué temporairement. Je me change rapidement et me retrouve dans des habits nettement plus chic, une cape de soie, et des vêtements luxueux mais solide.
"Les vêtements d'un voyageur?"
(Je me demande où il l'a trouvé...)
(Je préfère peut-être pas savoir, mais trouver un vêtement d'un voyageur naorien n'est pas chose courante...)
(Maintenant allons voir les parents de Fizold. Prends ton bâton du lierre, tu iras chez Moboutou en passant.)
(Je prends l'autre et mon épée aussi.)

Je reprends ainsi mes armes et mon sac, laissant la cape de Yuimen ainsi que mes vêtements de mercenaires et quitte ainsi le temple à pied, calme...

L'air est doux finalement en cette fin d'après-midi. Une fine bruine vient mouillée ma cape tandis que je traverse les rues de Kendra Kâr, en direction de chez le vieux Moboutou. L'eau coule le long de mes cheveux, me forçant à relever ma cape. Je marche en silence, presque religieusement, un bâton de magicien accroché à mon sac, l'autre dans ma main.

Le regard des gens a changé depuis mon changement de tenue, c'est surprenant à quel point les personnes s'attachent aux apparences. La fatigue de mon entraînement est toujours là, mais je marche, tranquille.

Après quelques minutes de marche, je finis par atteindre la porte de la boutique que je cherchais.

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J'entre dans la salle avec un grand sourire. Je m'approche du bureau et détache mon ancien bâton.

"Bonjour, Moboutou. Je voudrais savoir, est-ce que vous auriez des sorts de terre? des premières ou secondes arcanes que je ne connaîtrais pas?"

"Je suis désolé, mais malheureusement, je ne vends plus de sorts terrestres."

Je soupire, déçue...
"Ce n'est pas grave, je voudrais vendre ce bâton... Il a vécu un véritable enfer depuis que je l'ai acheté et une seconde vie lui ferait du bien, surtout si elle est plus calme."



Je souris en prenant la bourse n'osant pas expliqué à ce brave Moboutou que cette canne a servi comme bâton de combat que ces nombreux éclats et entailles viennent de mort-vivants ou de chiens infernaux dans les enfers. Si on excepte cet usage peu commun, ou je l'ai utilisé relativement classiquement.

Je salue le vieux magicien et sors du magasin, bien décidée à aller voir les parents au plus vite, pour retourner à mon entraînement le plus rapidement possible.

Un peu plus légère, je prends le temps de manger un peu de la viande achetée sur le marché. Je traverse les rues et repasse non loin du chateau.

(A partir de là, j'ai besoin de toi...)
(Sans problème, suis-moi, on y va.)

Lirelan s'envole de mon épaule et me guide dans les rues. D'un toit une pie s'envole elle aussi, pourchassant Lirelan. Je les regarde jouer l'une et l'autre ainsi, Lirelan continuant à m'indiquer le chemin malgré l'importun qui la suit. Elle finit par s'arrêter sur un toit, celui d'une grande demeure.

(Tu t'expliques avec la famille et moi avec cette pie.)
(Mais pour la langue, tu sais que je ne parle pas le commun avec aisance.)
(Ca fera plus réaliste justement.)

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Le maison est juste magnifique. Semblable au palais dans son architecture et ses matières. Je m'avance sur le pas de la porte et m'apprête à sonner la cloche avant de me rappeler que j'ai toujours le pendentif du fils de la famille autour de mon cou. Je prends le temps de le détacher et le prend dans la paume de ma main droite, gardant mon tatouage caché sous la longue manche de ma tenue. Je fais tinter la cloche et recule d'un pas, descendant d'une marche.

Un homme vient m'ouvrir la porte. C'est un vieil humain, je lui donne facilement cinquante ans. Il est vêtu tout de noir et ne semble pas être un guerrier ou du moins ne correspond pas à mon idée de la noblesse.

"Que voulez-vous?"
"Je... voudrais voir Madame et MonSieur."
"Qui êtes-vous?"
"Une amie de Fizold."

L'humain ne répond pas de suite, j'espère ne pas avoir fait une méprise de terme, mais j'ai comme un doute vu son visage.

"Une amie?"
"Une compagne, oui."

Le regard noir de l'homme se durcit encore plus, j'ai l'impression de ne pas avoir trouvé les bons termes et cela me met mal à l'aise.

"Je suis partie sur Verloa avec lui, pour le Roi."

Le visage se radoucit alors. Il s'écarte alors et me laisse entrer dans une antichambre.
"Une compagnonne, pas une compagne... Je vais voir si Madame peut vous recevoir."

Il referme la porte derrière moi et me laisse dans la pièce étroite, seule. Cette pièce est simple, mais très richement décorée entre le tapis par terre et les bougeoirs en or ou tout du moins en argent. Il ne faut que quelques minutes pour que l'homme revienne.

"Madame est d'accord, suivez-moi."

Il m'emmène alors à travers des pièces magnifiques, pas aussi belles que celles du Roi, mais c'est rare pour une demeure privée. Nous finissons par arriver dans un salon, joliment meublé. Une petite table de marbre, des fauteuils, des tapis et des tableaux.

"Une Voyageuse sindel? Voilà qui est rare en ma demeure."
"Je vous salue, madame."
"Que venez-vous faire ici?"

Elle me laisse debout, mais se rassied. Elle est vêtue tout de noir, un voile noire cachant d'ailleurs son visage. Je lui tends alors le bijou qui était toujours dans le creux de ma main. Elle me l'arrache alors et s'écarte en pleurant.

"J'ai fait la promesse à Fizold..."
"Partez... Sortez de cette maison de suite!"
"Mais madame."
"Vous n'avez pas honte de torturer une pauvre mère qui porte le deuil de son fils?"
"Je n'ai..."

Je suis totalement déstabilisée par la réaction de la mère, je ne comprends déjà pas tout ce qu'elle me dit, ni ce qui arrive.

"Mon fils n'est pas un traître, ça ne vous a donc pas suffit de salir la mémoire d'un homme valeureux qu'il vous faut venir torturer la mère jusqu'ici?"
"J'ai tenté de sauver..."

Le serviteur, qui est manifestement plus robuste que je ne le croyais m'attrape dans le dos pour me sortir de la pièce.
"Lâchez-moi, je voudrais expliquer."
"Sortez cette femme d'ici!"

Je finis par laisser tomber et par sortir, évacuée par le serviteur, sans vouloir créer plus de problème que ceux en cours. Le serviteur finit par me sortir et ferme la porte derrière moi, coinçant ma cape dans la porte d'ailleurs.

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Je finis par dégager ma cape de soie sans trop l'abîmer et descends les marches jusqu'à la rue. Lirelan m'attends là, seule.

(Alors, ça c'est bien passée?)
(Mieux pour toi que pour moi, manifestement!)
(Râle pas comme ça, dis-moi ce qui s'est passé...)
(Il aurait fallu que je comprenne pour ça.)
(Rentrons au temple alors.)
(Idée que je mange, me lave, et me repose avant les entraînements de demain.)
(Bonne idée... Puis faire tes exercices...)
(Comme tout les soirs...)
(Non, je parlais de ta lecture.)

C'est en discutant avec Lirelan que je rentre au temple, dans la journée paisible. La pluie a cessée mais les gens rentrent de plus en plus chez eux, laissant libre la chaussée. Je finis par repasser la grille du temple, une fois de plus aujourd'hui.

C'est en sifflotant que je passe une nouvelle fois la grille du temple, comme d'autres passeraient celle de la taverne. Je laisse mon équipement à l'apprenti, comme il se doit, gardant juste mon bâton et mes vêtements de voyageur.

"Ma Dame."
"Oui?"

Je me retourne vers le jeune apprenti qui me hèle avec un sourire. Ses vêtements d'un ton vert-brun lui flottent un peu, manifestement trop grands pour lui. Il paraît très jeune pour être du temple d'ailleurs, il doit avoir l'âge de Seyra au maximum.

"Le Grand-prêtre voudrait vous voir. Il voudrait que vous soyez là à la cérémonie demain."
"Quelle cérémonie?"
"Celle de mon acceptation en tant qu'apprenti!"

Voilà donc pourquoi ce jeune était si ravi de pouvoir m'en parler.

"N'es-tu pas trop jeune pour devenir apprenti?"
"Par rapport à vous, je suis certes très jeune. Mais pas par rapport à la race humaine."
"Tu peux aller au dire au Grand-prêtre que je serais sans doute là demain. Et que je viendrais le voir, s'il est libre alors, dès que je me suis changée."
"Bien, je lui dirais..."

Je vais pour doubler l'enfant et aller me changer, mais celui-ci semble hésiter un moment à me dire autre chose. J'ai le sentiment que je l'impressionne, mais ne sais pas pourquoi.

(T'as vu ta taille?)
(Tu crois que c'est ça?)
(Même en se dressant sur ses pieds et en levant le bras, il toucherait pas ton épaule.)
(Il doit y avoir autre chose, je pense...)

Je m'accroupis alors près du gosse, pour me mettre à sa hauteur et lui demande:
"Tu voulais me dire quelque chose?"
"Vous êtes devenue apprenti à quel âge vous?"
"Je ne suis qu'une voyageuse de Yuimen, petit. Je n'ai jamais été apprentie."

Le jeune me regarde avec de grands yeux avant d'enchaîner:

"Mais vous êtes nés avec votre magie, vous?"
"Même pas..."
"Alors c'est pas vrai que Yuimen vous a choisi!"
"Si... Mais il y a plusieurs moyens pour Yuimen de choisir quelqu'un."
"Ah?"
"Oui... Le Grand-Prêtre t'apprendra tout ça, mais va d'abord accomplir ta mission. L'obéissance et le zèle sont deux conditions pour devenir un bon apprenti."
"C'est pour ça que vous n'êtes jamais devenue apprentie?"

Je me relève alors en riant sous la pertinence et la vivacité d'esprit de ce gosse.

"C'est bien possible... Allez, file maintenant."

Le gosse s'encourt alors à travers les couloirs tandis que je vais retrouver ma chambre, où je vais pouvoir changer ma cape détrempée pour la cape chaude, bordée de fourrure offerte par le grand-prêtre.

(J'avais fermée ma porte non?)
(Oui,pourquoi?)
(Ma chambre est vide...)
(Pas tout à fait.)

En effet, sur mon lit trône une grosse bourse assez remplie. Mais celle-ci ne m'importe peu, ma cape, mes vêtements de mercenaires, mon arc ont disparu.

(Lirelan?)
(Va voir le Grand-prêtre, il aura peut-être une explication...)

En rage, je sors en attrapant malgré tout la bourse et file à travers les couloirs. Rapidement, je retrouve la cellule du grand prêtre et me rue à l'intérieur, avant de réaliser que ce n'est pas une attitude convenable...

"Que vous arrive-t-il?" Il lève les yeux de sa table de lecture et me toise le regard noir. J'hésite durant quelques secondes, avant de dire:
"Vous vouliez me voir?"
"Je comptais vous faire mander plus tard, partez."
J'hésite à obéir, mais mon coeur me pousse à rester, consciente que la perte de ma cape est bien plus importante qu'il en a l'air.
"Je voulais aussi vous voir en urgence."
"Ça a intérêt à être urgent, car je suis occupé."
"On m'a volé ma cape."
"Et?"
"On m'a volé ma cape, ici dans ma cellule..."
"En quoi cela me concerne-t-il?"
"Il y avait la boussole dedans."

Il se lève alors et bien que je sois plus grande que lui, je me sens soudain toute petite. Ses yeux se mettent à briller d'un éclat vif. La colère semble rayonner autour de lui. Pour la première fois, je ressens réellement sa puissance.

"Vous voulez dire que vous avez été assez stupide pour laisser dans votre cellule la SEULE chose importante pour votre mission?"

Je me sens soudain comme un enfant pris en faute et me rends compte de mon idiotie.

"Par tous les Dieux, pourquoi Yuimen vous a-t-il choisi vous? Pourquoi n'a-t-il pas choisi une personne plus intelligente et plus raisonnable?"

Je le laisse parler, méritant bien ces remontrances, extrêmement gênée par la situation. Il finit par s'arrêter et me fixe dans les yeux. Plusieurs secondes d'un silence pesant s'écoule sans que je sache quoi dire. Je finis par demander d'une petite voix:

"M'aiderez-vous?"
"Non."

Son non est catégorique et tellement strict que je baisse la tête et vais pour sortir.

"Vous avez intérêt à retrouver votre cape d'ici après-demain, Gardienne."
"Pourquoi?"
"Parce qu'il est hors de question que vous participiez à votre cérémonie de serment dans ces vêtements de menteur."
"Ma cérémonie?"
"En parlant à votre faera pendant votre sommeil, j'ai appris que vous n'aviez jamais fait votre cérémonie de voyageur."
"En effet, je ne l'ai jamais vécue, mais les cérémonies d'intronisation et de serment ne se font-elles pas le même jour?"
"Pas dans ce temple. Les jeunes apprentis sont prioritaires sur les voyageurs. Je comptais vous faire participer à la cérémonie d'intronisation, mais dans la situation actuelle, ça sera hors de question."

Je soupire et sort de la pièce, un peu attristée. A peine dehors, je me retourne et entre à nouveau.

"Grand-prêtre, j'ai oublié de vous demander quelque chose."
"Oui?"
"J'ai retrouvé une bourse d'argent sur mon lit, savez-vous d'où ça vient?"
"Je l'ai déposée là en même temps que votre cape que j'avais fait réparer et améliorer."
"C'était quand?"
"Cet après-midi, après votre apprentissage."
"Merci, j'espère que ça m'aidera."
"J'espère que vous retrouverez rapidement votre cape, en effet."

Je le salue alors et vais un peu plus loin dans le couloir. Je finis en fait par me retrouver à l'entrée de la serre dans laquelle je pénètre, la présence des plantes pourra m'aider et me détendre. Comme à mon habitude, je m'assis sur les talons pour mieux réfléchir et m'ouvre à l'extérieur. Je respire lentement et ferme les yeux, tentant de comprendre.

(Donc on m'a volé ma cape...)
(Tu as une idée du moment aussi.)
(Oui, pendant que je me faisais virer de chez les parents de Fizold.)
(Tu as aussi l'endroit.)
(Dans ma chambre, ici au temple.)
(Donc c'est soit une personne du temple...)
(C'est impossible, à l'exception d'un des nouveaux apprentis qui attendent leur intronisation demain.)
(Il faudrait donc voir combien de nouveaux apprentis il y a demain.)
(Très peu, chaque temple est limité à 12 à la fois, il y a donc des chances que seul le jeune qu'on ai vu tout à l'heure soit un futur apprenti.)
(Alors ça ne peut être que la seconde solution... Quelqu'un d'extérieur s'est introduit dans les quartiers réservés du temple.)
(Un intrus? Je vais voir le garde alors!)

Je me relève alors et sors d'un pas rapide de la salle des druides. Je rejoins rapidement le hall et l'apprenti au poste de garde. Il est là comme à son habitude, enfin lui ou l'un des autres.
"Je peux vous aider?"
"Oui, sans aucun doute... Qui est passé cet après-midi ici?"
"Beaucoup de monde, comme souvent."
"Vous n'avez rien de plus précis?"
"Vous n'êtes pas précise non plus."
"Entre 3 et 4 heures cet après-midi en gros."
"Non, personne à part vous."
"Vous êtes certain?"
"Oui... absolument certain."

Je remercie l'apprenti après avoir récupéré mon équipement et sors alors du temple, à la recherche d'une idée, ou d'un indice qui m'aurait échappé.