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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 4 Mai 2013 18:08 
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Chapitre I: Le Fort au pied de la montagne (partie I)

Sur les montagnes blanches de Nirtim, le loup d'argent marchait seul depuis trois jours. Le chagrin et l'épuisement que lui avaient causé les derniers évènements ne lui avaient pas donné la force de se dépêcher. Mais du haut des montagnes, il pouvait voir suffisamment loin pour repérer son objectif : la Citadelle endormie. Ce n'est effectivement que lorsqu'il fut à proximité du village d'Akinos, comme l'avait précisé la prêtresse Pinga, qu'il réussit à discerner ses grands murs, témoignant d'une architecture naine des plus remarquables.
Quand il eut longé le fleuve, apercevant les pommiers d'Akinos et sa belle auberge, il eut une profonde pensée pour son tenancier et ses filles. Les résidents de ce village l'avaient beaucoup aidé dans sa quête. Et surtout, il avait réussi grâce à eux. Il aurait voulu leur rendre visite, comme il l'avait promis, mais il avait déjà conscience du ralentissement que la peine lui avait occasionné. Il se contenta de leur accorder cette pensée, qui fut par ailleurs très certainement accompagnée par Ren, qui s'était mis à virevolter à la vue du village, tentant d'amener son maître à s'y diriger.

"Rentre donc, avant d'attraper froid."

Car le petit lutinora l'avait effectivement suivi depuis le village d'Amarok. C'est dans la nuit du deuil de Kâhra qu'une petite lumière verdoyante avait percé la neige, toit de Nirtim. L'insecte grassouillet s'était montré alors plein d'empathie et ne s'était pas détaché une seconde la crinière du bratien. Même pour Ziresh, c'était étonnant de voir une telle créature faire preuve d'autant d'instinct humain.
Depuis, elle s'était logée dans le paquetage de son maître, non sans passer à côté des provisions qu'avait fait ce dernier. Pendant toute sa marche, le loup pouvait sentir une petite boule tremblotante dans son dos. C'était très certainement la seule chose qui savait le pousser à la hâte, malgré toute la tristesse qu'il ressentait. Et l'épuisement, aussi.

Maintenant qu'il y pensait en dépassant Akinos, Ziresh réalisait qu'il n'avait effectivement pas eu de vraie nuit de sommeil depuis qu'il avait visité ce village. Il n'avait pas dormi à Amarok, s'étant dépêché de récupérer la Hallebarde Protectrice. Et sur tout le chemin qu'il avait parcouru sur les montagnes, il n'avait fait que somnoler ponctuellement, comprenant bien que s'endormir dans une température extrême risquait d'être fatal. Il n'avait même pas profité de sa marche vers la Citadelle endormie (quelle ironie de se diriger vers un lieu qui semblait reposer, quand lui même n'avait pas profité un seul instant de sa propre fatigue !), pour s'allonger un peu.

"Allez mon gars... Tu te reposeras là-bas..."

Des années durant, les bratiens de liykkendra lui répétaient ceci : "Tu n'as pas besoin de cheval. Les liykors courent plus vite et ont une endurance similaire à ces créatures et elles ne feraient que t'encombrer. Un cheval, ce n'est utile à un loup que pour transporter des choses. Nos caravanes, par exemple ! Mais si tu ne déménages pas, tu n'as pas besoin de ça."
Ziresh se serait finalement bien passé de ces rares élans de fierté, tant il aurait pu écourter son voyage d'au moins deux jours et de tant de fatigue !
Mais fort heureusement, il lui semblait qu'à partir du moment où il sut discerner la citadelle, elle se rapprochait plus rapidement. Sans doute était-ce lui qui reprenait du cœur à l'ouvrage. C'est ainsi au matin du quatrième jour qu'il se retrouva là, surplombant la citadelle du haut de la montagne. Il ne lui restait plus qu'à atteindre la porte.

Se retrouver si proche de la Citadelle, cependant, commençait à l'épuiser davantage. C'était comme de rentrer à la maison après un long voyage : on ne défait pas sa valise, on ne se déshabille même pas, on se laisse simplement tomber sur le toit de la caravane. On observe les étoiles un moment s'il y en a, puis on s'endort toute la nuit et même, peut-être, tout le jour suivant.
C'est donc dangereusement qu'il descendit le flanc de la montagne. Sur les murs, il pouvait voir deux arbalétriers faire une ronde à proximité de la porte. Cette même porte qui donnait, d'ailleurs, sur la forêt. Ce devait être celle qui était au nord de Kendra-Kâr, s'il ne se trompait pas...
Ziresh voulut un instant regarder au loin, pour essayer de voir son village. Mais il ne voyait rien. Pas même la fumée des ruines. Cette tragédie remontait à suffisamment loin puisqu'il n'en reste plus rien, manifestement.
C'est sur cette pensée mélancolique qu'il descendit définitivement du mont, se mettant enfin au niveau de la forteresse.

"Enfin arrivé..." grogna-t-il quand il eut rejoint le sol, après un grand saut qui lui demanda de grands efforts.

Quand il se mit à faire le tour du mur, de façon à rejoindre la porte, on le remarqua enfin. Le premier garde l'eut alors interpelé, d'un ton cordial mais ferme. Il fut rejoint alors par le second, qui le mit en joue.

"Hola, voyageur ! Qu'est-ce qui vous mène vers cette citadelle ? Et par le flanc, qui plus est !"

"Je me dirige vers la porte, répondit Ziresh sans cesser de marcher, usant même de sa hallebarde comme d'une canne, s'appuyant faiblement à chaque pas. Il n'est nul besoin de me viser, je viens avec des intentions pacifistes.

"Vous ne répondez à ma question qu'à moitié," remarque encore le garde.

"Je viens du village des liykors blancs, à Amarok. C'est pour cela que je viens par le flanc. J'aurais pu descendre dans l'enceinte, mais je crains que vous n'auriez pas apprécié cela. Je recherche une femme du nom de Calimène. De Kendra-Kâr."

Les gardes restèrent un moment interdits. Celui qui avait commencé à le viser détourna doucement son arme. Ils discutèrent tous les deux un moment, murmurant leurs méfiances. Puis le premier reprit la parole. Ziresh était alors enfin posté devant la grande porte d'airain.

"Qu'est-ce qu'un Liykor peut bien vouloir à la Dame Ligure ?"

Ziresh marqua une pause, quelque peu blessé par ces paroles réductrices.

"Je ne suis pas un Noir, si c'est ce que vous entendez là, dit-il sévèrement. Je crains ensuite que les raisons de ma venue ne regardent que moi. Vous serez très certainement au courant de tout ce qui m'amène ici en temps et en heures."

Encore une fois, les gardes se regardèrent. Mais ils ne discutèrent pas davantage cette fois-ci. L'un d'entre se contenta de descendre pour ouvrir la porte, qui dévoila alors son autre côté, particulièrement abîmé. Cette forteresse n'a pas fait l'objet d'un siège, de toute évidence. En revanche, il y avait quelque chose à fuir...
Une fois dans l'enceinte, Ziresh remercia le garde qui lui avait ouvert la porte. Ce dernier hocha de la tête avant de renseigner son hôte.

"Calimène se trouve derrière le deuxième mur. En tout cas, elle doit revenir des tréfonds de la montagne."

"Les tréfonds ?" répéta Ziresh, interloqué.

"Oui, la forteresse s'étend très loin sous la montagne. L'un des nôtres est revenu avec la jambe complètement déchiquetée par un scolopendre... Et pas un petit comme nous connaissons, vous et moi..."

Un scolopendre. Le Porteur de Lumière ne put s'empêcher de penser à ceux auxquels il avait fait face, dans les mines de Lebher. Il ne s'imaginait pas devoir pénétrer de nouveau une grotte. Et pour cause, il commençait à avoir l'impression que son destin se dirigeait principalement vers les lieux souterrains. Il avait débuté avec la caverne des traqueurs, puis il était allé dans les mines de Lebher pour tuer un Dieu-Pieuvre et annihiler une ville troglodyte. Il est ensuite allé dans la grotte de la faiblesse pour acquérir sa relique et maintenant, il allait l'utiliser contre des créatures qui semblaient avoir envahi une forteresse creusée dans la montagne ! Il fallait croire que lui-même était destiné à devenir un flérustre.

Quelque peu effrayé, compte tenu de tout ce qu'il avait vécu dans ces souterrains, il se décida tout de même à avancer. Il espérait au moins que cette fameuse Calimène était aussi remarquable de Pinga la lui avait décrite...

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Dernière édition par Ziresh le Dim 2 Juin 2013 16:04, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 6 Mai 2013 12:25 
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Faciès ingrat et teintes verdâtres ; sans toutefois se départir des limites humaines l’apparence du tenancier était loin d’être caractéristique. Un nez aigrelet et un sourire d’hyène habillaient son visage d’une allure particulièrement disgracieuse. Ses yeux toutefois ne manquaient pas de malice, si ce n’était d’intelligence ou de ruse ; en tout cas quelque chose y brillaient qui ne trouvait pas sa source dans les torches levées haut de l’endroit.

Sans se consulter, Calimène et Victorin s’écartèrent de quelques mouvements mesurés. La main sur la garde de leurs armes, ils s’apprêtaient visiblement à réagir de façon peu amène à l’invite somme toute assez courtoise de leur interlocuteur.

« La bienséance serait de vous présenter à votre tour » requit le gardien des lieux tout en lustrant le manche d’un harpon du plat de son pouce. La présence d’une telle arme – en-dehors de l’aspect rouillé de sa lame – achevait d’attribuer au drôle de pêcheur une allure tout à fait incongrue.

« Calimène, l’actuel Chevalier sirène » ponctua l’héritière de la Maison Ligure.

« Un délice de vous rencontrer » lui retourna Rôde-la-Nuit en observant ses cuisses d’un air tout à fait captivé ; visiblement moins préoccupé par des pensées charnelles que par leurs propriétés gustatives.

« Victorin, Capitaine de la Garde… récemment en retraite du service » se reprit-il en corrigeant ses vieilles habitudes.

La scène resta en suspens durant quelques instants, chacun hésitant visiblement sur ses prochaines résolutions. Un geste mal entendu, un souffle mal interprété ou un bruit suspect dans le lointain auraient suffi en cet instant là pour faire basculer l’action du côté sordide de la rencontre.

« La paix » quémanda le sang mêlé de sa voix de corbeau.

Ces simples mots apportèrent comme un voile de sérénité dans les esprits ; une évocation forte et impérieuse, peut-être même sincère. Calimène, la première, se redressa sur ses appuis et retrouva une posture plus souple. La tension qui habitait ses muscles se dispersa peu à peu et de visu son allure n’évoquait plus celle d’un chat prêt à bondir sur une proie.

« Mais qui êtes-vous donc ? » l’interrogea Calimène d’un ton neutre.

L’autre se toucha le menton du bout des doigts, comme si cette simple question venait de lui provoquer une sévère et incontrôlable poussée d’urticaire.

« L’épineuse question que voilà… » Éructa-t-il. « L’un des innombrables rejetons du Roi en jaune, dont le nom ne vous dit rien j’imagine. Mais peu importe. Peu vous importe. Fils de Roi gobelin pour partie de ma filiation, fils d’une humaine volée pour l’autre : tel est Rôde-la-Nuit… » Poursuivit-il pompeusement en guise de commentaires.
Calimène et Victorin se regroupèrent pendant ces entrefaites, visiblement dubitatif quant à la forme que pourrait prendre la suite des évènements.

« Mon géniteur, honni soit son nom, m’a envoyé en ces lieux afin de prouver ma valeur. Mais cela fait maintenant sept longues années que je hante les lieux sans oser m’aventurer plus loin. D’un côté, tout retour en arrière m’est interdit, de l’autre, un pas en avant me couterait certainement plus que la vie » jacassa-t-il d’un ton aigre.

« Je n’avais pas entendu un tel déballage de mauvais sentiments depuis des lustres. Mais il faut le reconnaitre, il parle plutôt bien pour un gobelin » le conspua Victorin.

« C’est un fait » confirma Calimène.

« Ah ! C’est que j’ai du sang humain moi aussi. Et vous pouvez vous moquer, les gobelins eux aussi ont des choses à dire, pour qui souhaite les entendre. Vous pensez peut-être que nos soldats sont représentatifs de nos us et coutumes ? Ou que les vôtres sont choisis pour leur capacité à disserter ou pérorer sans fin en ballades ou en proses ? Lorsque deux espèces opposent leurs membres les plus frustres les uns aux autres, il ne faut pas en attendre un jaillissement d’idées et d’idéaux » contra rapidement le demi homme.

Victorin toussota mais ne trouva finalement rien de plus percutant à opposer en guise de contre argument à l’hybride. Ce dernier pointa son harpon dans une direction qu’il leur proposa de suivre en sa compagnie.

« Par-là » signifia-t-il pour accompagner son geste. D’un pas trottinant il se mit en branle dans la direction indiquée et ce sans attendre un quelconque signe d’intérêt de la part de ses interlocuteurs. Rapidement, il rejoint une porte de pierre enchâssée dans le mur qu’il franchit après avoir jeté un coup d’œil à l’intérieur. Il disparut un instant aux yeux des deux humains et ne réapparut qu’après avoir enflammé une torche supplémentaire.

De quelques œillades et mouvements discrets, Calimène et Victorin s’accordèrent. L’ancien Capitaine de la Porte de Kendra-Kâr s’avança le premier, suivi en renfort du Chevalier.

Au-delà de la porte de vastes étendues se présentèrent.

« Autrefois un Temple consacré aux dieux nains, havre de sérénité dédié au Dieu Valyus. Désormais un repaire sinistre hanté par d’odieux souvenirs … » introduisit Rôde-la-nuit en enflammant la roche. Une trainée de flammes s’ébroua dans deux directions, illuminant la bordure extérieure d’une vaste cour carrée. Aux quatre coins de ce qui avait autrefois dû être un jardin sec se tenaient quatre statues aux motifs dégradés. Si deux étaient restées debout malgré le passage des années, leurs consœurs autres gisaient face contre terre. Visiblement engoncées dans le sol par leur propre poids, c’est à l’effritement de leur socle qu’elles devaient leur chute et non à une quelconque manifestation d’ordre sacrilège.

Calimène cligna des yeux pour s’habituer à la lumière.

« Par quel usage une telle chose est-elle possible ? » interrogea-t-elle à la volée en observant les margelles creusées dans la roche et où s’écoulaient littéralement les flammes.

« De l’huile de roche » commenta sobrement Victorin.

« C’est bien cela, de l’huile de roche. Il en coule ici abondamment grâce à un ingénieux système de conception naine. Il suffit de lever ici et là deux loquets de pierre qui contrôlent l’écoulement pour alimenter un réseau de rigoles alimentant les abords extérieurs du temple ; et probablement l’intérieur » expliqua-t-il de l’air pédant de celui qui sait et qui consent à partager quelques bribes de sapience.

Face aux trois visiteurs un imposant portique de pierre faisait office d’entrée au Temple. Son frontispice était porteur d’une fresque dépeignant des scènes de la vie souterraine, de l’édification d’une cité jusqu’aux aléas des batailles de ce monde sans soleil. Jamais jusqu’alors Calimène ne s’était intéressée aux évènements de la vie quotidienne des précédents locataires de la Cité endormie. A ses yeux seules les causes et les conséquences de la chute de la ville troglodyte portaient un quelconque intérêt ; parce que leur identification servait ses intérêts personnels. Jamais elle n’avait laissé porter son imagination vers ce qui avait dû être la vie au jour le jour de la cité ainsi que les espoirs et joies de ses habitants. De même, elle ne s’était pas approprié leurs frayeurs journalières et la terreur de leurs derniers instants.

L’apprentie du Chevalier Myrne avait parcouru du chemin. Sur celui de la compétence elle doutait encore parfois de pouvoir faire face à toutes les situations. Mais sur celui de l’ambition, elle s’était affirmée pleinement. Si ses propres objectifs ne lui paraissaient pas toujours clairs, son rejet du présent lui apparaissait comme tout à fait limpide. Le dégout que lui inspiraient les castes régnantes de Kendra-Kâr, toujours prêtes à profiter du peuple, n’avait pour elle d’égal que la corruption insidieuse qui gangrénait les ruelles et venelles de la ville. Pour le commun des mortels, point de repos. Que ce soit par l’impôt et la pauvreté ou les néfastes agissant dans l’ombre de la ville, la finalité serait la même : la misère puis la mort ou la mort par la misère.

Non ; il était venu le temps d’une nouvelle fondation.

« Et derrière ce portique, que trouve-t-on ? » questionna Victorin d’une voix intéressée rendue sonore par la hauteur des plafonds.

L’hybride éluda la question durant de longs instants mais finit par livrer le fruit de ses pensées.

« Le Mausolée d’Amon-Râ, bien que cela soit un nom inventé par mes soins » dit-il énigmatiquement. Il leur intima de la main la consigne de le suivre jusqu’à un promontoire. De ce point, il imbiba une torche d’huile et l’enflamma à son tour. Puis d’un mouvement nonchalant, il la lança dans le vide. Durant quelques poignées de secondes la lueur se véhicula dans le vide puis finit par rencontrer un support solide. Ses flammèches trouvèrent alors un renfort de matières combustibles et la vivacité du feu s’en trouva instantanément renforcée.

Calimène, malgré la distance, fit un pas en arrière, hoquetant conjointement d’horreur et de surprise. Loin en contrebas des centaines de Scolopendres de toutes tailles étaient dévoilés par les flammes. Quelques-uns ayant même pris feu, ils propageaient quelques zones de lumières à leur passage.

« Ces bestiaux sont attirés par ce qui dort en ces lieux. Ces créatures tournent, rôdent, pistent et sentent le vice qui suinte de ces antiques pierres » expliqua-t-il en observant la tâche de lumière vaciller puis s’éteindre.

Calimène se tourna vers l’ancien Temple consacré à Valyus.

« Tant que ce lieu n’aura pas retrouvé sa sacralité, c’est toute la Cité endormie qui cauchemardera » glissa Calimène en tirant son arme hors de son fourreau.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 6 Mai 2013 16:30 
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Le Temple de Valyus n’avait guère souffert de la marche insensible du temps. Ses voutes portaient toujours les hauts plafonds avec élan et allant ; les portiques garantissaient l’enchainement des passages et les bas-reliefs agrémentaient les intérieurs de tranches de vie du quotidien. Pour partie les gravures dépeignaient des scènes de la vie civile : la récolte de racines servant à la consécration de bières fortes, la description de travaux de force ou encore la révélation de secrets transmis entre maitres et apprentis architectes. D’autres par contre soulignaient la sacralité des lieux : une cérémonie d’intronisation d’un nouveau prêtre, une fresque relatant les exploits du Dieu Gardien ou encore une frise relative à un odieux dragon tiré par un artisan expert d’une pierre sombre.

Dans ce décorum solennel, Calimène se déplaçait en silence. L’arme au clair elle paraissait prête à faire face à toute éventualité. Dans son sillage venait Victorin, l’épée à la main. Rôde-la-nuit lui avait préféré rester hors des murs du lieu saint ; ce qui avait soulagé les deux aventuriers. L’hybride d’homme et de gobelin était difficile à cerner, tant dans ses motivations que dans les instincts qui animaient ses prises de décisions. S’il ne s’était à aucun moment montré directement agressif il existait en périphérie de ses assertions et déclarations comme une zone floue qui portait préjudice à la véracité de son discours.

Par ailleurs, il caquetait sans cesse et n’était pas des compagnons dont l’on aimait s’entourer lorsque la situation requérait flegme et discrétion.

A intervalles régulier – après avoir vérifié de visu puis par l’ouïe qu’aucune présence ne soit perceptible – Calimène ou Victorin enflammait une torche sur un portique. Laissés en ces lieux par d’anciennes mains naines, les torches n’avaient rien perdu de leurs propriétés. Sèches en surface, elles prenaient feu rapidement. Encore gavées d’huiles de roches en leur cœur, elles se consumaient lentement et sans dégager d’excessives fumerolles. De loin en loin elles prodiguaient une lumière douce et réconfortante ; quoique génératrice d’une multitude d’ombres fuyantes.

Calimène se figea à l’entrée d’une salle. En silence elle leva sa main gauche, paume ouverte, pour signaler son hésitation à son compagnon d’armes. Ce dernier, de quelques pas mesurés, vint s’accroupir à son côté. Le souffle de Victorin sur sa gauche trahissait sa présence bien qu’il resta calme et régulier.

Calimène à l’inverse n’avait pas l’expérience que le fringuant Capitaine tirait son passé militaire. Face à l’action, elle réagissait encore par l’exaltation et trouvait source de courage dans l’enchainement débridé des évènements. A l’image de son comparse, et par un effort de volonté qui lui était familier, elle imposa à son corps de suivre la mécanique régulière de son esprit. Son rythme cardiaque se régula en quelques battements et le vacarme que faisait son cœur à ses oreilles se fondit peu à peu dans le silence. L’esprit reprenait ses droits sur le corps. Telle était Calimène ; loin d’être insensible elle savait domestiquer les velléités de son être aux ordres muets de son esprit.

« Un corps, assis dans le noir » indiqua Calimène à mi-voix.

Victorin observa quelques instants la silhouette, incertain quant à la conduite à suivre. Face à l’immobilité prononcée de leur sujet d’observation, l’un et l’autre conclurent rapidement leur conversation.

« Rôde-la-nuit n’a signalé aucun passage récent » commenta Victorin en se redressant et en entrant dans la salle d’un pas volontaire. Ensemble ils levèrent leurs torches et s’approchèrent du corps. Ils balayèrent la salle de la lumière qu’ils projetaient sans noter d’autres présences. A défaut, un nouveau passage s’ouvrait dans le mur pour plonger plus avant dans l’édifice. Par acquis de conscience, Calimène se porta immédiatement vers la salle suivante pour en vérifier la sérénité. Elle répéta le rituel une nouvelle fois afin de s’assurer de l’absence de danger et ne revint vers Victorin qu’une fois assurée de leur solitude.

Son compagnon d’armes avait quant à lui déjà entamé l’inspection du cadavre. Ceint d’une armure lourde de couleur sombre, celui qui était manifestement un guerrier semblait s’être installé au sol en tailleur et y avoir trouvé la mort. Les rivets de ses protections le maintenaient dans cette posture depuis un temps impossible à déterminer. A son côté, posée au sol, une lame longue prenait naïvement le frais à terre, emmitouflée dans un linceul de poussière. L’aspect du cadavre suggérait une appartenance à une ethnie humaine, probablement d’origine Kendranne. Sa peau, tirée et bleutée sur ses os, rendait impossible toute identification plus formelle.

« Il n’y a pas de blessure apparente, pas de faille ou de brèche dans sa cuirasse, ni ailleurs… » Indiqua Calimène en promenant sa torche à hauteur de l’armure froide.

« A croire qu’il s’est assis là et qu’il s’est contenté d’attendre de mourir » précisa Victorin. Il se saisit du cadavre par les épaules et le fit plier d’un côté puis de l’autre à la recherche d’éventuelles blessures dans le dos, sans succès.

« L’armure est intacte… le tranchant de son arme préservé… nul signe d’affrontement » énuméra Calimène en tirant la lame hors de son fourreau le temps d’une rapide inspection. Dans le silence sépulcral du Temple, la présence de ce personnage ne faisait qu’alourdir le voile qui pesait sur la scène. Loin d’éclairer la situation le cadavre rendait plus opaque encore la compréhension des évènements qui s’étaient produit en ces lieux. Le bon enchainement des causes et de leurs conséquences resterait certainement impossible à cerner. Ne resteraient alors que les hypothèses et les théories, aussi bancales qu’incomplètes, pour tenter de retracer l’émergence d’une cité ; ainsi que sa chute. Les rêves, les amours et les ambitions de ses habitants resteraient probablement pour toujours lettre morte.

Ce faisant, Calimène ressentit une terrible affliction. Ce chagrin s’insinua dans ses pensées à l’évocation de tant d’espoirs réduits à néants et de tant de possibles enfouis à jamais. L’espace d’une hésitation elle manqua renoncer à ses projets mais en revint rapidement à de meilleures résolutions.

« Continuons » proclama-t-elle en se relevant. Elle fit le tour de la salle et conformément à leurs habitudes elle embrasa plusieurs torchères. Pour chaque éclat révélé le Chevalier sirène éprouvait une intense satiété. Chaque halo de lumière repoussait les ténèbres d’autant et conférait à la jeune femme le sentiment du devoir accompli.

Leur progression fut soudainement stoppée par un crissement inélégant, agressif tout autant que tonitruant. Calimène se figea longuement ; du moins jusqu’à ce que le son honni se fasse de nouveau entendre.

« Embrasons les torches au plus vite, Calimène » commanda Victorin. A l’écoute des instructions de l’ancien soldat elle s’approcha d’un pas vif vers les portants aux murs et pressa sa torche contre celles encore éteintes. Avec célérité ils passèrent d’une salle à l’autre afin de pousser leur reconnaissance au plus loin du réseau de salles jusqu’à localiser la source du bruit.

Un tombeau de pierre.

De loin en loin d’autres silhouettes porteuses d’armures sombres gisaient au sol. En ordres dispersés certains s’étaient affaissés à terre alors que d’autres conservaient une posture plus digne, installés à même le sol.

Monumental sa surface tranchait indubitablement du style décoratif représentatif de l’art nain. Dégageant un aspect primitif, il impressionnait par la masse de roche brute consommée pour le faire jaillir de la pierre. L’irrégularité de son tracé évoquait quelques tombes anciennes issues de temps forts anciens, où les rituels de mise en terre n’étaient pas encore connus des hommes. Placé au sommet d’une ziggurat haute de quatre marches, le tombeau rappelait inconsciemment les cultes des premiers âges : barbares, incompréhensibles et fondamentalement inhumains.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 7 Mai 2013 10:17 
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Un instant l’effroi figea les muscles du Chevalier sirène.

Une main gantée de métal tenait fermement le rebord du tombeau dont le couvercle n’avait jamais été fixé sur son support. Abandonnée au bas de la ziggurat, la dalle de pierre léchait le sol comme alanguie.

Du cercueil était en train de s’extraire une imposante silhouette amurée, auréolée toutefois d’éclats lumineux renvoyant la lueur des torchères. Plusieurs secondes furent nécessaires à Calimène pour assimiler l’essence de la situation. Le dormeur en armure émergeait d’un bain composé de pièces d’or aux faces oubliées par le temps, de joyaux aux reflets flamboyants et d’un assortiment de pierres semi précieuses difficiles à identifier pour l’heure.

L’intégralité du corps ennemi se couvrait de métal. En dehors de son crâne chaque élément d’armure s’imbriquait pour apporter une protection complémentaire à celles adjacentes, donnant à l’ensemble des propriétés identiques à celles d’ouvrage de fortifications. Les plaques jouaient les unes sur les autres grâce à la précision de leurs rouages et la sapience du maitre de forge qui leur avait donné forme. Enfin, la force sans nul doute supérieure de leur propriétaire donnait vie à l’ensemble.

Le dormeur tourna son visage bleui par les âges en direction de ses visiteurs. Un nez réduit à sa plus simple expression surplombait des lèvres fines et étirées par le manque d’eau. Figées en un rictus carnassier, ce simulacre de sourire n’aurait pas dépareillé sur la face d’un requin ; ce qu’il était par bien des égards. Prédateur des abysses, le sombre Légat marquait dans chacun de ses mouvements son assurance. Un haut bouclier aux formes dévoyées couvrait son côté gauche.

Victorin posa sa main sur l’épaule de Calimène et la mit en mouvement vers la sortie. Aussitôt, comme si les cadavres avaient aussi vu le signal, ils se levèrent dans un bel ensemble et bloquèrent toute voie de sortie. Debout et en rang, ils semblaient soudainement faire partie d’une soldatesque entrainée et disciplinée. En dehors bien entendu de leurs yeux morts et de leur peau sèche, l’illusion se révélait parfaite.

« Autant pour la fuite » asséna Victorin en redressant son arme.

« Ils n’ont même pas saisi leur arme. Nous pourrions tenter de forcer le passage » proposa Calimène en tentant d’évaluer leurs chances de réussite. Bien que bloquant le passage les sbires du seigneur mort avaient laissé à terre épées, boucliers et lances. Par ailleurs, ils ne donnaient pas l’impression de se mouvoir avec coordination ; comme s’ils étaient soumis à une volonté tierce.

Le Chevalier sirène reporta son attention sur le seigneur mort et raffermit sa prise sur son arme. Prenant l’initiative elle avala la distance les séparant et grimpa les quelques marches de bonds audacieux. L’adversaire racla l’intérieur de sa propre tombe de la surface de son bouclier, projetant une nuée de projectiles tantôt dorés, tantôt éclatants vers Calimène. Cette dernière se protégea le visage de son avant-bras libre et se prépara à forcer de la pointe une fois le brouillard précieux passé. Une invective de Victorin l’alerta et elle se rendit compte qu’un instant elle avait plissé des yeux pour éviter qu’un projectile ne les percute. Son opposant, déjà, s’était placé au-dessus d’elle et profitant de sa position supérieure allait abattre son bouclier dans sa direction. Pensant pouvoir compenser son retard, elle força en avant pour contrer le coup de bouclier mais constata avec fureur que sa lame se trouva balayée hors de sa trajectoire initiale. Puis, sa garde ouverte, le bouclier enfonça d’un choc unique l’ensemble de son côté gauche. Irrésistible elle chuta lourdement, projetée aux bas des escaliers par cette frappe toute en puissance. Le premier impact souffla l’air de ses poumons et c’est avec une douleur redoublée qu’elle fit connaissance du dallage au sol. Elle éructa plusieurs fois par à-coups et tenta vainement de se hisser sur ses genoux.

L’ennemi se tenait à quelques pas d’elle et tendait déjà ses doigts dans sa direction quand le son caractéristique d’un projectile repoussant l’air se fit entendre ; en l’occurrence une lance projetée par Victorin. Une nouvelle fois, le bouclier du sombre légat s’interposa. Sous le choc la hampe de la lance se brisa en deux et c’est de sa main gantée qu’il arracha la pointe de métal encore fichée sur sa surface.

Calimène s’éloigna en rampant de quelques mètres pendant que Victorin reprenait l’engagement à son compte. Bretteur adroit il rôdait autour de son opposant en testant ses défenses de manière méthodique et calculée. Patient, il tournait autour de son adversaire à la recherche d’une faille dans la défense monolithique du légat.
Calimène se redressa lentement. Le flanc gauche endolori et la respiration laborieuse elle se décala vers l’un des murs délimitant la salle. Au sol elle récupéra un bouclier ancien de forme triangulaire, laissé là des éons plus tôt par son précédent propriétaire.

Elle harnacha la protection aussi vite que possible, en observant Victorin se replier pas à pas. Sans hâte excessive ce dernier reculait à une vitesse contrôlée tout en lançant parfois quelques assauts de façade pour maintenir son opposant à distance. Elle inspira une longue bouffée d’air et bloqua sa respiration en reprenant l’initiative. Revenant en scène du côté gauche du légat elle l’assaillit d’un violent coup de bouclier. Les deux protections se heurtèrent frontalement et s’opposèrent de toute leur surface. Les deux murailles se repoussèrent mutuellement un instant jusqu’au moment où Calimène dut céder, la pression adverse devenant insoutenable. Mais son corps gardait en mémoire le souvenir de la douleur infligée par ce bras si puissant ; aussi céda-t-elle en souplesse. Dans son mouvement de repli elle bondit en arrière et déplia son bras armé en une frappe de pointe, vicieuse et incurvée par-dessus le bouclier adverse. La pointe de l’épée longue trouva le gorgelet de l’adversaire et crissa rageusement en tentant de le transpercer. Le métal força sur le métal mais la trajectoire de repli adoptée par Calimène éloigna les deux belligérants avant que l’arme ne perce la protection.

Durant un temps les deux humains harcelèrent le morne seigneur, cherchant de la pointe de leurs armes une ouverture dans la paroi de métal ; sans réel succès. Peu à peu toutefois le couple de bretteurs reflua en posture défensive. Désormais habitué au tempo de leurs assauts l’inébranlable adversaire parait immanquablement chaque attaque et restait insensible aux plus rapides feintes. Par deux fois, il s’en était fallu d’un rien pour que la terrible poigne ne se saisisse d’une lame et ne s’en empare. En jouant de son propre bouclier Calimène s’était mise temporairement hors d’atteinte.

Jamais jusqu’alors elle n’avait eu l’usage de ce type d’artefact. Bretteuse, elle privilégiait la souplesse, la technique et la rapidité à l’opposition directe pratiquée par un membre de l’infanterie lourde. Toutefois, elle devait bien reconnaitre les limites de son style de combat. Si l’escrime se révélait efficace dans un duel à la cour ou lors d’un affrontement contre un ou deux malandrins, il fallait reconnaitre les limites de cette technique lorsque la mêlée devenait brouillonne, que les adversaires se marchaient dessus par manque d’espace ou que les coups pleuvaient de directions trop nombreuses pour être tous anticipés.

La pression accrue par son ennemi, Calimène se trouva bloquée contre le mur. Victorin tenta de la dégager mais d’une furieuse charge de son bouclier noir, le sombre légat le repoussa de plusieurs pas. Se déployant en avant, Calimène pointa les jointures de l’armure adverse et trouva un semblant d’ouverture au niveau du coude. D’une torsion soudaine, son opposant fit trembler la lame et l’éjecta proprement de la faiblesse de son armure. Poursuivant dans le mouvement, il écarta le bouclier de Calimène en lui opposant le sien et de sa main libre s’empara de la gorge de Calimène.

Immédiatement l’air manqua dans les poumons du Chevalier. Pour se libérer elle tenta d’asséner plusieurs coups de lame à son opposant, utilisant son épée comme d’autres un simple coutelas. Mais la trop faible distance rendait inefficace ses assauts, bien loin de posséder la force nécessaire pour pénétrer l’armure honnie.

Baissant sa tête massive sur la sienne, l’ennemi lui conféra le baiser de judas. Un voile sombre passa de sa bouche au visage de Calimène ; brouillard délétère et porteur d’humeurs sombres. Le temps d’une fraction de seconde, elle hoqueta par réflexe. Ses poumons tentèrent vainement de se purger de l’horrible onction ; sans succès.

Calimène sentit la bile lui monter aux lèvres mais la poigne insistante de son ennemi ne semblait pas prête à la libérer de son étau. L’air lui manqua pendant que l’infection produite par le souffle d’ombre gagnait l’ensemble de son corps. Ses poumons charriaient un air vicié et brulant, la douleur vrillant sa tête menaçait de lui rompre les tempes et la pression sur ses cervicales lui sembla soudainement atteindre le point de rupture.

Elle ne se sentit pas chuter à terre lorsque Victorin revint à la charge et si elle perdit conscience temporairement, ce ne fut pas pour lui déplaire.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 7 Mai 2013 11:39 
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Calimène s’éveilla en sursaut, incapable de dire durant combien de temps elle était restée à terre. Quelques secondes ? Quelques minutes ? Le seul fait certain – et finalement important – était que l’affrontement se poursuivait. Le bruit du métal éprouvant le métal se faisait toujours entendre, signe évident de la résistance de Victorin face à leur adversaire commun.

Le Chevalier sirène tenta de se redresser mais elle se trouva rapidement assaillie par d’horribles nausées. La principale cause de son écœurement provenait des miasmes qui perduraient au niveau de ses poumons. Prodiguant une douleur sourde, elle comprit rapidement que la source de l’infection mettrait un temps incertain pour se disperser, si jamais elle pouvait se réduire à néant dans la durée.

Avec une patience notable elle restreint ses efforts et s’échina à retrouver le contrôle de son souffle. Peu à peu elle parvint à s’oxygéner et à retrouver quelques forces. Son estomac se stabilisa et le sentiment d’avoir le cœur au bord des lèvres s’estompa. Ses jambes retrouvèrent leur portance et grâce au soutien du mur proche elle parvint rapidement à se remettre debout puis à tenir d’aplomb.

De la même manière qu’elle avait dû adapter son armement lors de son combat contre les deux créatures squelettiques, Calimène rehaussa son bouclier d’emprunt. Elle examina Victorin battre régulièrement en retraite et constata avec peine que leur stratégie avait jusqu’alors été vaine. Leur ennemi possédait une défense à toutes épreuves : armure lourde doublée d’un bouclier aux formes parfaitement balancées. Par ailleurs, sa main gantée d’acier et son souffle chargé de poisons complétaient son arsenal. Un glaive ou une épée aurait finalement amoindri ses dispositions offensives en ralentissant ses mouvements et en lui imposant des mouvements connus.

« Chaque lot d’armes apporte ses avantages et ses inconvénients » conclut Calimène qui jusqu’à ce jour n’avait tablé que sur sa dextérité supérieure pour prendre l’avantage dans un combat, l’épée à la main. En écho à ses pensées elle souleva son bouclier à hauteur de sa poitrine et engonça sa tête en bordure de la protection. Elle porta son poids sur ses appuis et se projeta en avant, chargeant le sombre légat.

Ce dernier se rendit compte de la charge lorsque Victorin céda brusquement devant lui pour libérer le passage. En opposition il brandit son propre bouclier et fit face, campé sur ses quarts. Ce fut comme une lame de fond rencontrant une imposante falaise. L’espace d’un instant le fracas des deux boucliers éteignit tout autre son. Puis vint le frottement des deux masses métalliques cherchant chacune à s’imposer à l’autre. Calimène forçait vaillamment, imposant le contact à l’endroit choisi par ses soins. Plus petite et recroquevillée sur elle-même elle avait porté l’assaut en un point bas du centre de gravité adverse, espérant le mettre en difficulté. Par ailleurs, la vitesse de la charge et le poids de sa propre armure jouait en sa faveur.

Toutefois, après un temps d’hésitation, les deux masses se stabilisèrent. Le légat leva sa main en direction de la gorge de Calimène mais affecta comme un semblant de surprise lorsque cette dernière la dégagea de sa main libre. Dans sa course, le Chevalier sirène avait abandonné son épée, qu’elle savait inefficace lorsque viendrait le moment de forcer bouclier contre bouclier. A deux mains puis à l’aide de son épaule elle rendit une nouvelle ruade, pressant fermement son écu contre la masse adverse.

L’adversaire sembla vaciller l’espace d’une seconde puis se reprit, les pieds solidement enracinés au sol. A bout de souffle, Calimène commença à céder. Non pas d’un mouvement mais peu à peu, en rythme et selon des conditions qu’elle négociait – c’est le moins que l’on puisse dire – pied à pied. Peu à peu le légat prit l’avantage, forçant Calimène à ployer en arrière. Soudainement, elle lâcha prise et abandonna toute poussée pour se laisser tomber sur le dos. Dans le mouvement, elle ficha ses mains sur les rebords du bouclier adverse et l’entraina dans sa chute. D’un mouvement de torsion elle plaqua le bras au sol. Tremblante sous l’effort elle le fixa à terre quelques instants.

Victorin rôdait autour des deux combattants lorsque Calimène créa une ouverture en entrainant l’adversaire au sol. Ce dernier résista en tendant les muscles de son bras afin de se redresser ; ce qui fournit la faille idéale au bretteur. Saisissant son arme à deux mains il l’abattit avec force et violence à l’angle du coude, sectionnant le bras en deux parties plus ou moins égales. L’ avant-bras et le bouclier s’affaissèrent du côté de Calimène alors que le reste du corps retombait en arrière, repoussé par un élan contraire.

Calimène roula sur son flanc gauche et s’éloigna rapidement du corps ennemi. Ce dernier, visiblement agacé par la perte de son bras, restait immobile. Les traits du visage redevinrent inexpressifs avant de s’étirer puis de s’étioler. D’un commun accord, comme par jeu d’une volonté commune, les membres de la garde du légat s’affaissèrent conjointement sans opposer de résistances individuelles.

Privé du bouclier, la mort reprenait ses droits sur son propriétaire.

Essoufflés, Victorin et Calimène se supportèrent l’un l’autre.

« Eh bien, c’est ce que l’on appelle faire le fier-à-bras » se gaussa Victorin.

« A en croire que c’est le Bouclier qui le maintenait en vie ; ou qui repoussait sa mort » dit-elle benoitement avant de s’installer au bas des marches conduisant au tombeau. Victorin, en meilleure forme ou plus attaché aux valeurs pécuniaires, se hissa en haut du promontoire et entama instantanément l’inventaire des valeurs pécuniaires contenues dans la tombe ou éparpillées au travers de la salle lors de l’assaut préliminaire.

« Or, argent, pierreries… le tout complété de quelques bijoux… Autant dire que Haydr a intérêt à guérir s’il souhaite profiter de sa toute nouvelle fortune » comptabilisa Victorin. Fouillant plus avant dans le tas d’or il en retira une broche thorkine qu’il revint passer au revers de Calimène.

« Tu l’as bien mérité » dit-il en se massant le bas du dos.

Mais en guise d’ornement, Calimène s’intéressa à un tout autre emprunt.

Un Bouclier sombre, aux formes fluctuantes, légères et pourtant aux revers tranchants, attendait à terre qu’elle le ceigne. Sa couleur trancherait avec l’argent de l’armure du Chevalier sirène mais il ne s’agissait là que d’une affaire de gout.

Rien d’irrémédiable.

Elle se délesta de son propre bouclier et passa celui du légat à son bras.

« C’est notre chance, Victorin » dit-elle en contemplant le bouclier fixé à son revers ; ainsi que l’or qui financerait la reconstruction de la Citadelle, la réhabilitation de la Cité et l’installation de nouveaux habitants.

Débarrassé du mal niché dans son creux le Temple de Valyus pourrait de nouveau être sacralisé.

Tel était le Rêve de Paix de Calimène.

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Dernière édition par Antismène le Ven 24 Mai 2013 10:08, édité 1 fois.

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MessagePosté: Ven 10 Mai 2013 11:01 
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En bonne châtelaine, Calimène menait ses troupes en revue et gérait ses possessions avec efficience et parcimonie. La mine d’un crayon à la main, elle dressait sur un calepin le rapide inventaire des prises faites lors des rapines menées dans les soubassements de la montagne.

« Rapines » reprit-elle à mi-voix. D’un prime abord elle ne s’était jamais imaginée en train de collecter des ressources sur des cadavres d’anciens combattants, fussent-ils nains, humains ou de toute autre engeance. Pour chaque corps dépossédé de ses biens une tombe serait prochainement creusée ; même si au vu du travail restant à abattre cette hypothétique date se faisait bien incertaine.

Pour autant la bonne exécution de ses ambitions ne toléraient qu’une prise en compte parcellaire de ses principes. Pour l’heure priorité était donnée à la remise en route de l’activité de la Citadelle.

La course contre le passage du temps mettait les nerfs de la jeune femme à rude épreuve. Sans qu’elle se soit confiée à qui que ce soit, elle jonglait maladroitement avec plusieurs objectifs impérieux : réarmer la forteresse et assurer la sécurité de ses occupants. D’ici quelques jours – ou quelques semaines – une partie de la compagnie initialement menée par Victorin reviendrait de Kendra-Kâr ; potentiellement avec femmes et enfants.

« Des femmes et des enfants » grinça Calimène entre ses dents tout en poursuivant l’ordonnancement de l’armurerie. Voilà l’origine de ses craintes finit-elle par s’avouer.
La position de la Citadelle restait précaire. Bien que nulles invasions n’aient été remarquées lors des dernières décennies, la situation n’était pas sans danger. La colonie de Scolopendres décrite par Rôde-la-nuit était en soit un péril majeur ; quoique d’origine naturelle. Par contre, au-delà du Temple de Valyus, des couloirs s’ouvraient sur des profondeurs telles qu’aucun des membres de l’expédition n’avait osé prolonger l’exploration de ces nouvelles voies.

« Et si nous n’osons y descendre… » Commenta Calimène pour elle-même.

« Qui sait ce qui pourrait en remonter » conclut-elle provisoirement. Rôde-la-nuit, le mystérieux locataire du Temple, s’était retiré par ces passages. Officiellement il s’en était retourné auprès de son Père, le « Roi-en-jaune », souverain de tribus abyséennes dont il était difficile de dire, au vu des explications de son bâtard de rejeton, s’il dirigeait un groupe barbare ou s’il ordonnançait un royaume cohérent et structuré. Toujours est-il qu’il s’en était retourné recueillir les fruits d’une gloire qu’il estimait comme lui étant due suite à l’assainissement du Temple.

Se remémorant les évènements Calimène ausculta la surface de l’une des armures remontées hors des sous-sols. Formées à l’échelle humaine, elles tranchaient de celles récoltées sur des physionomies naines. Sombres sans être noire, leur métal n’avait guère souffert du passage du temps et seules les courroies de cuir méritaient d’être à nouveau graissées pour retrouver leur flexibilité d’origine. Les armes collectées lors de cet épisode complèteraient l’attirail défensif.

Marquant la pause, elle fit le point sur son inventaire : une dizaine d’armures à taille d’homme et trois douzaines dimensionnées pour être portées par des nains. Ces dernières, une fois ajustées, habilleraient sans difficulté des hommes à la constitution dans la moyenne ; ou des femmes. Les armes étaient stockées quant à elles en pagaille : lames courtes, lances à main et autres masses en tout genre composant un arsenal hétéroclite mais immédiatement utilisable.

L’inventaire achevé Calimène referma son calepin et tira derrière elle la porte de l’armurerie. Bien que consciente de la futilité de la chose elle tira le loquet de bois derrière elle et immobilisa le mécanisme d’ouverture de la porte.

Au vu de la précarité de la situation, peu de solutions lui paraissaient actuellement envisageables et pérennes. Sans arrivée massive de Kendra-Kâr, il serait impossible de réhabiliter les lieux, de former une garde et de sécuriser l’accès à la ville troglodyte. Mais prendre la responsabilité de destinées était pour elle une nouveauté assimilable à un calvaire. De quelques pas légers elle descendit les marches menant aux cours extérieures et garda pour elle ses pensées lorsqu’elle se trouva à proximité de ses compagnons.

Haydr s’était bien rétabli de ses blessures. Malgré l’absence d’un remède à l’infection son corps s’était de lui-même remis. Après quelques jours de fièvres l’infection avait reflué et la blessure à l’origine du mal s’était d’elle-même asséchée. De cet épisode fâcheux, il garderait toutefois quelques séquelles : un étirement de la jambe là où la plaie s’était trop rapidement refermée et creusée, provoquant un resserrement des chairs. Mais le pire avait été évité et le rétablissement du gaillard avait fait remonter le moral en flèche. Pour les hommes de troupe, cette épreuve avalisait la faisabilité du projet qu’ils s’étaient conjointement fixé.

Calimène aurait souhaité partager ce bel enthousiasme.

De l’extérieur quelqu’un siffla pour attirer l’attention des habitants de la Citadelle. Dans un bel ensemble, l’évènement étant en soit exceptionnel, tout un chacun approcha sa main de son arme la plus rassurante ; d’autant qu’un être à tête de loup approchait d’un bon pas.
Immédiatement, chacun se détendit. Il ne semblait pas être entré en force et adoptait plus l’allure d’un visiteur que d’un conquérant venant provoquer quelques rixes.
« Calimène, cet étranger te cherche » tempêta Gors. L’arbalète à la main il tenait sa position à l’entrée de la muraille extérieure, visiblement prêt à en faire usage.

Le chevalier sirène plissa des yeux et étudia le visiteur plus attentivement. Intriguée par le fait que quelqu’un puisse la savoir présente en ces lieux, elle n’en imagina pourtant aucune raison plausible explicitant cet exploit. Elle avait habillé ses allées et venues de mystères, n’informant personne à Kendra-Kâr du motif de ses pérégrinations. Et voilà que sa destination secrète ne l’était plus.

« Soyez le bienvenue dans notre modeste Citadelle, étranger » entama-t-elle en guise d’invite ; ce qui rasséréna le reste de sa modeste troupe. Seule femme de la compagnie, elle était d’évidence la personne que recherchait le nouveau venu.

« Puis-je m’enquérir de vos intentions, voyageur ? » introduisit-elle d’un ton neutre.

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MessagePosté: Ven 10 Mai 2013 15:18 
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Quand Ziresh traversa la deuxième muraille de la Citadelle Endormie, il se sentit encore plus intimidé que lorsqu'il s'était annoncé devant la porte d'airain. C'était la première fois qu'il se trouvait seul parmi un groupe aussi conséquent d'humains. Même à Lebher, il y avait encore Aztai qui, comme lui, était d'une nature animale. Mais ici, il était seul. Et voir tous ces êtres armés, aux bustes bombés, la main sur leurs épées, avait de quoi l'effrayer. Ils le scrutaient d'un air que le loup jugeait interrogateur, mais il sentait aussi qu'on le jugeait. Mais heureusement, il abandonnèrent vite leurs armes et se détendirent à mesure que le liykor avançait.
Parmi tous ces hommes, il n'y avait qu'une seule femme. Aussi fut-il aisé de la reconnaître. D'autant plus qu'elle arborait une armure qui ne manquait pas d'allure. Une cuirasse fine comme Ziresh n'en avait jamais vues. Son métal était clair et l'on pouvait y voir incrusté des pièces de nacre et d'argent. Elle mettait en valeur le corps féminin du chevalier qui, au-delà de son sexe, était à mille lieues de ce que le bratien imaginait. Pinga lui avait dit que cette Calimène usait des ténèbres. Sa peau claire et ses cheveux blonds ne témoignaient absolument pas d'une telle appartenance aux ombres...

Elle lui souhaita la bienvenue, le plus simplement du monde. Elle savait manifestement se démarquer de tous ses compatriotes mâles. D'ailleurs, c'est ce qui fit redresser les oreilles du loup, qui les avait instinctivement inclinées par crainte. Ziresh retint tout de même un mot : "notre modeste Citadelle". Quand enfin, elle lui demanda la raison de sa venue, il ne put s'empêcher de montrer sa surprise.

"Votre Citadelle ? s'interrogea-t-il. J'ai pourtant cru comprendre qu'elle ne l'était pas encore. C'est là une des raisons de ma présence ici."

Le loup d'argent baissa le col de sa cape afin de dévoiler un peu mieux de son visage. Après une inclinaison respectueuse, il se redressa malgré sa fatigue. Après tout, s'il voulait inspirer confiance et réussir à amener ces personnes à aider son clan, il se devait de donner une image respectueuse de Liykkendra.
Il plaça la paume de sa patte devant sa gueule et la pencha devant lui, afin de saluer son interlocutrice dans sa traditionnelle langue des signes, propre aux liykors.

"Je me nomme Ziresh. J'aimerais pouvoir vous dire que je suis venu par courtoisie, mais la vérité est toute autre. L'histoire est assez longue : je vais tâcher de vous la raconter efficacement."

Il profita de son discours pour arranger sa tenue. Sa cape l'avait encombré avec l'humidité de la neige. Et maintenant qu'il était en intérieur, rester couvert de la sorte n'était plus utile. Il cala donc le tissu dans son dos, derrière ses épaulières. Puis il retira son casque, dévoilant pour de bon son visage canin.

"Je viens du clan des liykors de Liykkendra, à la périphérie de Kendra-Kâr. Compte tenu des blasons que portent vos soldats, il est probable que vous ne soyez pas étrangère à son existence." Dit-il en regardant chacun des soldats présents aux côtés de la femme.

"Notre clan a essuyé des attaques de liykors noirs il y a déjà plus d'un mois. Comme nous n'étions pas assez signifiants pour réclamer l'aide de la ville, on m'a envoyé chercher cette relique pour nous défendre efficacement." Il souleva alors légèrement la hallebarde. Son métal reflétait la lumière avec bien plus d'éclat que toutes les lames maniées par le loup dans toute sa vie. Même si cette arme était sienne, il continuait de s'impressionner tout seul devant une telle facture. Mais cette pseudo fierté le quitta bien vite. Il repensa à ce que cela lui avait coûté. Et il allait devoir en venir aux faits.

"Mais... J'ai été inefficace. Je l'ai trouvée, comme vous le voyez. Mais bien trop tard. Les attaques se sont faites plus violentes et les pertes... bien lourdes." Son cœur battait aussi fort que sa gorge le serrait. Comme lorsqu'il avait quitté les fujoniens, il avait de nouveau envie de pleurer. Mais il sut se dominer. Fort heureusement, les expressions faciales des humains étaient différentes de celles des loups. Tous ne pouvaient se douter d'à quel point il était déchiré de l'intérieur. Et les personnes déchirées, dans de tels contextes, on ne leur fait pas confiance.

"Mon clan a dû inévitablement s'exiler dans les montagnes. Actuellement, il se trouve dans le village des liykors blancs d'Amarok. Mais même si l'hospitalité des fujoniens est remarquable, elle ne pourra pas suffire à les nourrir pour toujours. Aussi, la prêtresse du village, Pinga, m'a indiqué votre position."

Il s'approcha davantage, réduisant considérablement la distance qu'il y avait entre eux deux.

"Elle m'a parlé de beaucoup de choses. Elle m'a dit que les noirs ne sont pas mes seuls ennemis. Qu'un mal plus sombre est derrière cela. Or, elle m'a dit que vous, Calimène, pouvez m'offrir une aide certaine. Cette Citadelle saura bien protéger ma meute. Et surtout, il semble que nous avons le même ennemi... Bien que... je ne puisse encore l'identifier."

Ziresh avait plusieurs choses à offrir. En fait, il était bien capable de tout donner pour protéger son clan. Et il en aurait fait davantage pour Kâhra si seulement elle était là. Aussi, il décrocha sa bourse de sa ceinture.

"Contre votre aide, j'aurais beaucoup de choses à vous offrir. Outre mon assistance indéfectible, mon clan se veut très polyvalent : en étant accueilli ici, il vous aidera pour de nombreuses tâches, même si leur nombre est réduit. La Hallebarde Protectrice saura se dresser contre vos adversaires ténébreux. De plus, j'ai entendu dire que vous aviez un blessé ici, mordu par un scolopendre. J'ai moi-même exploré des mines qui étaient remplies de ces vermines et j'ai avec moi un antidote qui devrait faire l'affaire contre le poison. Et si toutes ces choses ne vous suffisent pas..."

Il ouvrit la bourse et en montra le contenu à la femme. Elle renfermait l'équivalent de cinq mille yus en pièces d'or. C'était là presque toute sa récompense pour sa quête dans les mines de Lebher. Il fallait admettre qu'il avait du mal à se détacher d'une telle récompense. Non pas parce qu'elle était importante, mais parce qu'elle était significative de sa toute première quête. Celle-là même qui l'avait poussé à tuer un Dieu. Mais tant d'argent ne lui servirait pas encore, après tout. Si cela pouvait lui permettre d'acquérir toute cette aide, alors cela valait son prix. En fait, il aurait bien pu se séparer de tout, si ce n'était sa Fleur de Lys et son arme.

"J'ose espérer retenir votre attention, Dame Ligure. Pinga vous a décrite comme étant une femme de valeurs. Cela serait un grand honneur si mon clan pouvait être digne de votre protection."

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 10 Mai 2013 17:01 
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A l’apparition de tant d’argent Levon – certainement le plus terre à terre des membres de la compagnie – manqua tourner de l’œil. Assurément, et comme la plupart des présents, il n’avait jamais osé entrevoir tant de pièces d’or en une seule fois ; même dans ses rêves les plus avaricieux. Les autres soldats présents étouffèrent quelques sifflets d’admiration dans l’attente de la réponse de Calimène.

Puissant et bien découplé, le corps du nouvel arrivé paraissait tout à fait adapté aux vicissitudes de la vie. Comme en témoignait la masse d’armes qu’il portait dans son barda, il n’avait pas dû jouer les figurants dans les affrontements décrits avec émotion contenue. Quelque chose dans son récit sonnait vrai au point que personne, pas même Calimène, n’osa immédiatement lui demander d’apporter des précisions.
Pour tout habitant de Kendra-Kâr s’intéressant un tant soit peu au problème, il était notoire que les conditions de vie des non-humains, sans être pénibles, n’étaient pas équivalentes à celles des habitants de souche. Dans sa sagesse le Roi n’entretenait aucune amertume particulière envers les races hybrides. Pourtant il y avait ce je ne sais quoi dans l’air qui érigeait une barrière entre les habitants historiques et les clans migrants ; comme une espèce de défiance mutuelle faisant d’eux au moins des étrangers, au pire des parias.

Il n’était donc pas étonnant que le Clan de Liykkendra n’ait pas osé faire intervenir la Garde dans leurs affaires.

« C’est à une somme tout à fait remarquable, Ziresh de Liykkendra, presque suffisante pour acheter les murs de la Citadelle et en faire la propriété inaliénable de ton Clan » entama-t-elle d’un ton mesuré, comme si l’offre était encore en cours d’étude.

« Bien que je n’ai jamais entendu parler d’une prêtresse répondant du nom de Pinga soit conscient de ma surprise. Nous ne sommes présents en ces lieux que depuis trois semaines et bien rares sont ceux qui pourraient ne serait-ce que suspecter notre présence. De même, sache que je ne me connais aucun ennemi ; bien que cela ne signifie pas que je n’ai jamais froissé quelques susceptibilités » dit-elle en marquant légèrement le pas dans la conversation, le temps que plusieurs de ses camarades ne laissent filtrer quelques rires gras de contentement auxquels vinrent se joindre quelques commentaires concernant les manigances dévoilées de quelques nobles de la Cité reine.
Le chevalier sirène s’adoucit légèrement.

« Si ta démarche est sincère, Ziresh de Liykkendra, je ne vois nulle raison de vous refuser l’accès à ces murs à ceux de ton Clan » énonça-t-elle tout en réfléchissant furieusement aux conséquences de ses paroles. N’ayant pas eu le temps de se concilier avec ses associés elle prenait à son compte l’initiative de leur épopée commune.

« A en croire la description de ton Clan, vous seriez bien assez nombreux pour prendre pied en ces lieux après nous avoir mis en fuite ou nous avoir fait rendre gorge » précisa-t-elle pour gagner de potentiels réticents à sa cause.

« Tes manières sont appréciables et appréciées » dit-elle en adoptant un ton cordial.

« Toutefois certains points restent à préciser pour que tu puisses à ton tour prendre la responsabilité des tiens sans te sentir plus tard floué. En premier lieu, il te faut comprendre si tu ne l’as pas remarqué toi-même, que cette forteresse est tombée de l’intérieur » dit-elle en désignant le bon état relatif des deux murs d’enceinte. « Par conséquent c’est de sous nos pieds que réside le danger réel de ce lieu. Au-delà de la Citadelle se trouve une cité troglodyte pouvant accueillir plusieurs centaines d’habitants, voire de milliers si l’essentiel du réseau d’aération et de circulation de l’eau était réhabilité. Plus loin encore des mines encore partiellement exploitable conduisent dans les tréfonds de la terre ; jusqu’à un Temple dédié au Dieu Valyus après lequel nous n’avons osé pousser nos investigations. Ce que nous savons avec certitude est qu’une colonie de Scolopendres réside dans les profondeurs… S’ils se nourrissent actuellement de créatures fouisseuses et d’autres charognes laissées à l’abandon par d’autres créatures, un afflux de gens pourrait tout aussi bien les inciter à remonter plus souvent vers la surface. Et pour ce qui se trouve encore plus profondément enfoui… ma foi… nous n’en savons guère plus » dit-elle en éludant temporairement la rencontre avec l’hybride d’humain et de gobelin – Rôde-la-nuit – dont les dires n’étaient de toute manière guères fiables.

« Actuellement notre compagnie se compte sur les doigts de deux mains mais prochainement une partie de nos émissaires devrait revenir de Kendra-Kâr avec des membres de leurs familles ; ce qui devrait porter notre total à une trentaine ou une quarantaine de personnes. Pas des combattants pour la plupart mais de bonnes gens, de solides gaillards et de bons artisans. Peut-être des enfants » dit-elle en retenant un émoi au fond de sa voix.

« Te voilà averti » ferma-t-elle provisoirement.

Haydr s’installa sur une roche plate laissée là des éons plus tôt par un ancien éboulement ayant tiré le roc de la falaise. Si sa jambe n’avait plus besoin d’antidote, un onguent pourrait peut-être lui rendre un peu de sa souplesse perdue. Il n’osait toutefois interrompre Calimène, sachant que cette dernière n’avait pas oublié son cas particulier.

« Tout ce que je connais des Liykors noirs tient en une rencontre ; réalisée avec assez de proximité pour me rendre compte qu’il s’agissait là d’une bête cruelle et sournoise, rendue folle par d’improbables sorcelleries. L’état naturel d’un Liykor noir m’est inconnu ; toutefois j’ai fait vœu de considérer chaque habitant de cette forteresse comme étant membre de plein droit de notre communauté » asséna-t-elle solennellement.

« Tu souhaites savoir le prix auquel j’évalue votre présence en ces lieux ? » dit-elle en détaillant l’or de Ziresh.

« Rien » reprit-elle au grand désarroi de Levon qui manqua en rendre ses tripes de dépit.

« Le Clan de Liykkendra peut s’installer en ces murs, à la condition toutefois qu’ils acceptent de participer à notre communauté de leur pleine volonté : participer à la réhabilitation des lieux et à la défense du site. En échange de cet investissement, ils seront ici chez eux et non traités « comme s’ils étaient chez eux » précisa-t-elle d’un ton catégorique.

« Dernière condition, ils accepteront en cas de litige de se soumettre au jugement de magistrats ayant ma confiance, lesquels trancheront toute mésentente dans le respect de chacun et selon les principes d’égalité et de bon sens » expliqua-t-elle.

Elle s’approcha de Ziresh de quelques pas lestes.

« Te concernant, puisque tu es le principal demandeur, voilà le prix que j’impose à notre transaction. Pour la durée d’un an, tu te mettras au service de la communauté et formera les bases d’une milice propre à défendre les plus faibles membres de notre petite congrégation. Tu seras libre de tes mouvements si nos affaires doivent te mener à l’extérieur de nos murs mais tu seras prisonnier de ta propre parole. Promets de servir et je te croirai » l’enjoignit-elle d’une voix souple et déliée. Après tout, si le Clan avait confié une si importante tâche à ce Liykor précisément, c’est qu’il devait tout à fait être le genre d’être à accepter ce marché de dupes.

« Et pour l’antidote, ton offre est acceptée » conclut-elle provisoirement en lui tendant la main.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 11 Mai 2013 15:50 
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Même si certains doutes semblaient encore présents, à propos de Pinga et de cet "ennemi inconnu", la réponse de Calimène fut des plus détaillées. Elle dévoila à Ziresh tous les aspects de la Citadelle, lui révélant qu'elle s'étendait donc bel et bien sous terre. Et bien plus qu'il ne l'avait imaginé, lorsque l'archer qui gardait la porte lui avait ouvert. Il y avait donc une cité troglodyte, capable d'abriter des milliers d'âmes, si seulement le lieu était restauré. Quand elle continua en plus en évoquant les scolopendres et le temple de Valyus plus profondément sous terre, le loup d'argent eut une pensée inévitable pour la quête qui l'avait mené dans les mines de Lebher. La seule différence était que lui avait dû se frotter à un "ancien Thimoros". Un Dieu-Pieuvre dont l'origine lui resterait de toute manière inconnue, tant cette mission manquait de clarté. On m'avait envoyé protéger des mineurs et il avait fini par annihiler tout un peuple. Un peuple vénérant un dieu du mal, certes... mais ils ne méritaient pas de mourir.
Elle en vint ensuite à évoquer sa rencontre avec un liykor noir, habité par quelques sorcelleries. Si Pinga disait vrai, alors peut-être bien que ces noirs étaient bien possédés par une certaine magie des ombres. Même si Calimène doutait d'avoir de véritables ennemis, ce détail confortait Ziresh dans l'idée qu'ils avaient effectivement un but commun...

Et enfin, elle l'invita. Et de la manière la plus étonnante qu'il soit : elle ne s'était pas laissée séduire par l'or qui lui était proposé. Et malgré les esprits impressionnables qui résidaient ici, elle rejeta le paiement pour préférer un engagement sur l'honneur. Ziresh remarqua bien que tous n'étaient pas de cet avis, mais personne ne se manifesta. Il semblait bien que Calimène avait une figure d'autorité particulièrement notable, pour qu'aucun ordre venant d'une femme ne soit discuté. Le bratien eut un instant une pensée pour Terra, la première femme qu'il avait rencontrée en sortant de son village. Elle était complètement débutante en matière d'aventure, tout comme lui. Il se demandait bien ce qu'elle avait pu devenir...

Les conditions émises par la Dame Ligure étaient se voulaient égales à celles de ses soldats. Une balance bien plus équilibrée qu'il ne l'aurait imaginé, considérant les rapports du clan avec Kendra-Kâr. Liykkendra, avant d'être un groupe de liykors, c'était un peu "le groupe bénévole". Ils étaient doués en beaucoup de choses, alors on leur achetait des choses, on leur demandait des services, on les chargeait de quelques missions. En somme, on leur devait seulement ce pour quoi on leur demandait quelque chose. Ils n'apportaient pas assez à Kendra-Kâr pour avoir la protection de la ville. Et cela, qu'importe qu'ils aient eu le droit, des décennies plus tôt, de s'installer dans la forêt, au nord.

La seule chose qui faisait s'interroger Ziresh était la charge qui lui était attribuée. Se mettre au service de la communauté était une chose normale, même s'il voyait ses affaires le mener bien plus loin. Mais lui demander de former une milice, c'était bien plus qu'il n'avait imaginé. Le mot milice résonnait en lui comme le souvenir qu'il en avait de celle de la capitale. Quand il était petit, il s'impressionnait toujours du blason de la ville qui luisait sur leurs armures. Avant de vouloir être aventurier, il avait d'abord voulu être milicien. Mais les années passant, il s'était rendu compte qu'il avait besoin d'indépendance. Or, créer sa propre milice était une responsabilité qu'il n'avait pas entrevue. Même avec son Hallebarde et ses missions derrière lui, il ne se voyait pas efficace sur ce point. Il était encore un chasseur, débutant dans ses quêtes. Les choses étaient allées extrêmement vite pour lui. Après tout, il n'était adulte que depuis deux mois.
Malgré tout, le Porteur de Lumière s'était bien rendu compte que son clan lui avait accordé une responsabilité importante depuis le début. Il était le premier de Liykkendra à être allé aussi loin en si peu de temps. Et considérant ce que Pinga avait pu lui dire, même s'il avait encore le village des Noirs en tête, il voyait bien qu'il était obligé de rester au sein de la Citadelle. Dans ses tréfonds devaient nécessairement se trouver le mal qu'il devait chasser. Ou en tout cas, une partie.

"Je suis impressionné par tant de générosité, Dame Ligure... murmura-t-il, le souffle encore coupé par toutes ces offres, ces informations et ces charges qui lui tombaient dessus. Je ne peux qu'accepter. Oui, je promets de servir."

Comme elle avait accepté pour l'antidote, après avoir serré la main de la femme, Ziresh sortit la fiole de la poche avant de son sac. Il n'eut aucun mal à reconnaître le blessé, qui se tenait non loin de là. Les chairs s'étaient cicatrisées, témoignant d'une rémission des plus étonnantes. Il n'était pas sûr que l'anti-poison soit vraiment utile dans ces conditions, mais il respecta son engagement : il la donna à l'homme en hochant poliment de la tête.
Ce faisant, il continua tout de même de parler à Calimène.

"Toutefois, je crains que vous surestimiez mes talents... fit-il avec regrets. J'apprécie la confiance que vous m'accordez. Cependant, vous devez comprendre que je ne me suis engagé dans mes premières quêtes seulement depuis que je suis devenu adulte - selon la coutume des liykors. C'est-à-dire que bien que j'arbore cette relique, cette somme et que j'aie traversé beaucoup de choses, je ne connais tout cela que depuis... deux mois. Je ne rejette pas votre offre, bien entendu. J'entends seulement que je ne suis pas sûr de pouvoir mener cette mission seul. Surtout que..."

Il regarda autour de lui. Comme le disait Calimène, la compagnie se comptait sur les doigts de deux mains. Et ceux qui restaient encore à Amarok n'étaient que rarement des combattants. Si l'on comptait en plus les familles qui allaient arriver d'ici peu, on pouvait compter quelques âmes en plus pour la défense de la Citadelle, mais puisque le chevalier ne l'avait pas précisé, il supposa qu'ils manquaient d'une formation martiale.

"Les paramètres pour former cette milice sont drastiques. Votre compagnie semble bien formée dans les armes, mais la plupart des combattants de Liykkendra sont tombés en permettant aux autres de fuir vers le nord. Le nombre de chasseurs ou de guerriers dans mon clan doit être légèrement plus élevé que celui de votre compagnie. Une quinzaine, tout au plus. Et ils sont blessés pour la plupart. Quant aux autres... ils trouvent surtout leurs talents dans l'artisanat, l'herborisme, le travail du cuir ou encore l'alchimie." détailla-t-il non sans contenir ses émotions.

"Pour en venir à mon clan, il était évident qu'il se soumettra aux conditions que vous avez émises, mais davantage pour la réhabilitation des lieux qu'à la défense du site, je le crains. Ils doivent encore se remettre de leurs blessures avant d'aller ne serait-ce que chasser. Mais suite à cela, je pense qu'ils s'engageront d'eux-même dans la défense de la Citadelle. Après tout, nous, liykors, avons toujours agi de manière autonome. C'est ainsi que nous avons fait vivre notre clan."

Quand il eut terminé de discuter à propos de son prochain poste ou de la place de sa meute dans la Citadelle, il commença à prendre un ton plus grave.

"Concernant votre rencontre avec ce liykor noir... Vous dites qu'il était rendu fou par des sorcelleries. Je ne sais pas de quelle manière vous avez pu le rencontrer, mais la prêtresse Pinga m'a effectivement parlé d'une magie des ombres qui serait derrière les agissements des noirs. Je ne sais pas quoi penser de cela, mais il est vrai qu'auparavant, ils ne nous avaient jamais causé d'ennuis. Je pense qu'il est possible qu'elle ait vu juste vis à vis de notre ennemi commun. Je ne sais pas comment nous en saurions plus, mais il me parait important de nous tenir au courant à ce sujet."

Cette fois-ci, il éleva la voix davantage. En fait, il ne s'adressa pas seulement à Calimène, mais à toute l'assemblée qui s'était formée autour d'eux. Après tout, ils semblaient tous chargés de l'exploration de ces tréfonds. Et ce qu'il avait à dire à ce sujet allait être des plus importants. Il restait à voir encore si la menace était telle que dans les mines de Lebher. Et si c'était le cas... il n'osait même pas imaginer à quel point il ne voulait pas combattre de nouveau un Dieu.

"Quant aux tréfonds... Je crois pouvoir vous apporter une aide considérable. Car ce que vous me décrivez est terriblement similaire à la première mission que j'ai menée dans les mines de Lebher. Et croyez moi, si toutes ces choses semblables s'accordent parfaitement, je crains que vous ayez beaucoup de soucis à vous faire..." Puis il parla plus dans la confidence, considérant qu'il n'y avait aucune raison de les brusquer dans une telle révélation.

"Outre le fait que cette Citadelle s'étend jusque dans les tréfonds, beaucoup de choses se rejoignent. J'ai ainsi fait la rencontre de deux scolopendres géants, tout comme le votre. Il nous a été révélé plus tard qu'ils ne nous avaient pas attaqués parce que nous explorions leur territoire : ils avaient été rendus fous par la menace qui planait plus profondément encore... Nous avions découvert une cité troglodyte, manifestement semblable à celle que vous avez découverte en taille. Ses habitants vénéraient un dieu qui avait tout à voir avec Thimoros, si ce n'est que son icône représentait une pieuvre, non pas une araignée. Tout ce qui entourait ce village sentait la mort. Les cadavres avaient été ouverts de l'intérieur. Les citoyens nous ont alors fait croire qu'il s'agissait d'une créature, une "Reine-Mère" qui pondrait ses œufs dans les corps d'êtres vivants pour y laisser développer ses progénitures : des arachnides de la taille de véritables molosses... Nous avons su plus tard qu'il s'agissait en fait d'un stratagème pour nous pousser à rencontrer le Dieu-Pieuvre. Nous étions les sacrifices, ceux qui permettraient de laisser cette Cité dans l'ombre dans laquelle elle s'est épanouie. C'est ainsi qu'une bataille s'en est suivie. Malgré quelques pertes, nous avions réussi à vaincre ce Dieu-Pieuvre, ou cette Reine-Mère. C'est ce qui a signé l'arrêt de mort de tous les habitants de cette ville. Et c'est aussi ce qui nous a maudits. Nous portons désormais la marque de ce dieu du mal..."

Un long silence passa, relevant l'impression qu'avait laissé Ziresh sur ces révélations. Il pensa à toutes les pertes qui avaient eu lieu lors de l'exploration de ces mines et aussi le génocide dont il avait été inconsciemment responsable. C'était une situation ambigüe où il ne savait pas qui blâmer. Sir Sithröm pour les avoir manipulés et les avoir poussés à tuer tout un peuple sans le savoir, ou bien ce même peuple qui les avait donnés en sacrifice. Pour Ziresh, tout ne pouvait pas être blanc ou noir et il ne pouvait pas imaginer que cette ville ait renfermé seulement des êtres au cœur aussi sombre que ne l'était celui des prêtres de cet "Ancien Thimoros".

"Je pense qu'avec ce que j'ai vécu à ce sujet, je puis affirmer sans me tromper que les scolopendres ne sont pas l'unique menace qui réside ici. J'ai vu la porte : elle est défoncée de l'intérieur. Ceux qui ont vécu dans cette Citadelle ont dû fuir une menace plus grande que nous ne pouvons l'imaginer. D'autant que cette ville sous terre devait renfermer un millier de personnes autrefois."

Comme Ziresh était invité à rester ici, il laissa tomber son paquetage afin de se libérer de tout le poids qu'il avait porté durant son voyage. Il était prêt à s'engager dans toutes ses responsabilités. Tout ce qui lui manquait, c'était un peu de repos.

"Je vous accompagnerai dans l'exploration de ces mines. Je vous aiderai du mieux que je le peux. Mais je dois vous le dire : j'ai voyagé trop longtemps sans véritablement pouvoir dormir. Si vous me le permettez, j'aimerais me sustenter un peu et prendre une journée de repos. Nous pourrons discuter davantage de nos missions respectives, de nos groupes et de nous-mêmes ainsi."

Il signa de la main en plaçant sa patte devant sa gueule et en l'orienta vers Calimène, comme la dernière fois. Mais cette fois-ci, il ne s'agissait pas d'un "bonjour", mais d'un "merci". Le simple sourire suffisait à changer le sens de ce signe.

"Aussi, si ce ne serait pas abuser de votre hospitalité : puis-je compter sur l'un de vos compagnon pour transmettre ce message à mon clan? Ils auront très probablement besoin d'un guide pour venir jusqu'ici." conclut-il étirant un sourire de contentement.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 13 Mai 2013 11:24 
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C’est tout naturellement que Victorin se proposa pour faire l’intermédiaire entre les membres de l’expédition présents au sein de la Citadelle et le Clan de Liykkendra. Installé pour un temps encore incertain au sein de l’Amarok le groupe tribal dont Ziresh était originaire devait encore être informé des négociations en cours ; à moins bien entendu que la dite Pinga n’ait déjà collectée l’information par l’usage de quelques moyens surnaturels.

« Laisse-moi te présenter Victorin » introduisit Calimène d’un ton amène.

« Comme la plupart des membres de cette expédition, il faisait autrefois parti de la garde de Kendra-Kâr mais suite à quelques péripéties mettant en jeu une partie de la noblesse de la cité, lui et ses hommes ont été expédiés par monts et par vaux à la recherche d’anciennes forteresses naines propres à être réhabilitées. » expliqua-t-elle posément.

« Et personne ne comptait sur notre succès à vrai dire. Pour décrire l’exacte vérité, nous tenons même pour acquis que notre échec et notre disparition dans les hautes montagnes aurait arrangé bon nombre de nos détracteurs. Entre les hommes qui composaient mon peloton et ceux qui nous ont rejoints, nous nous sommes rendu compte que nous avons été minutieusement sélectionnés. Certains d’entre nous ont participé à l’affaire des empoisonneurs de Kendra-Kâr et d’autres se sont fait remarquer par des actes d’insubordination ou de refus d’obtempérer. En clair, nous avons été écartés de la garde par des moyens abjects et pour servir des intérêts personnels hauts placés » ferma-t-il temporairement, visiblement acide.

« Intérêts personnels que nous avons décidé de contrarier en n’exécutant pas la besogne commandée et en restant vivants et entiers » poursuivit Calimène d’un ton péremptoire.

Elle fit quelques pas de côté pour accompagner ses réflexions de quelques pas.

« Le Liykor noir avec lequel j’ai eu maille à partir était une bête infâme. Sur son dos et sous sa mâchoire des excroissances chitineuses s’étaient dressées, là où les dieux n’avaient rien souhaité d’autres que chairs et os » dit-elle en s’immobilisant.

L’espace d’un instant les souvenirs affluèrent : la bestialité déchainée de la créature, les corps dégingandés des victimes et le choc de deux puissantes masses lors du contact entre sa monture et le Liykor criminel.

« Il est effectivement une personne qui pourrait te renseigner sur la nature de ces Liykors ; l’Emissaire » dit-elle en se tournant légèrement vers Victorin. Ce dernier se raidit à l’évocation de ce surnom mais ne pipa mot. La tension de son corps indiquait toutefois une réaction contenue loin d’être exprimable par l’intermédiaire de mots courtois.

« L’Emissaire est un de mes indicateurs à Kendra-Kâr… et assurément l’un des rejets de bas de fosse parmi les plus abjects de la cité. De son aveu même il est l’agent d’une organisation… ou d’une secte… dont les objectifs ne me sont pas connus. Mais le malaise que dégage notre relation m’est lui tout à fait explicite. Il a fait de moi sa petite exécutante et sans nul doute possible, il profite des secrets qu’il me révèle pour éliminer certains de ses rivaux ou en tout cas, mettre du sable dans le rouage de leurs plans » expliqua-t-elle d’une voix un brin hésitante, partagée entre les bénéfices retirés de cette collaboration et le sentiment d’être sciemment manipulée.

« Toujours est-il que c’est l’Emissaire qui m’a lancé sur les traces de cette bête prétendument sauvage et avec le concours de la garde, nous avons pu mettre ce maraudeur hors d’état de nuire. Toutefois… Toutefois ce Liykor présentait un pelage propre et sec. Par ailleurs exempt de toute odeur il m’est acquis comme certain que son refuge ne se trouvait pas en sous-sol ou au cœur des égouts de la Cité. S’il était venu de l’extérieur de la ville il aurait été remarqué par des témoins de manière presque certaine. Par conséquent, l’hypothèse la plus probable est qu’il était abrité en ville, dans quelques demeures cossues des quartiers bourgeois. Pourquoi ? Parce qu’il est nécessaire de posséder un jardin clos pour qu’elle telle créature puisse effectuer ses allées et venues ; et qu’une demeure noble possède trop de serviteurs pour impliquer tout le monde dans la manigance. Aussi cernerai-je plutôt les demeures des vieilles familles commerçantes du quartier Monte-en-Croix… mais à n’en pas douter, l’Emissaire pourrait en dire plus » ferma-t-elle provisoirement.

« Mais l’Emissaire étant un sinistre bouffon… » Ironisa Victorin d’un ton acerbe.

« Etant un sinistre bouffon, nous n’avons aucune confiance en lui. Nous pourrions te le présenter et faire appel à ses services mais seuls ses intérêts priment sur les nôtres. De fait, nous ne garantissons nullement aucune marque de probité dans ses dires ou d’absences de calculs dans ses assertions. Servir les projets de l’Emissaire… c’est se compromettre d’une manière ou d’une autre » ajouta-t-elle en prenant exemple sur sa propre compromission. Par ambition, le Chevalier sirène avait fini par conclure un arrangement avec l’Emissaire et pour l’heure, si elle savait ce qu’elle y avait gagné, il était difficile de dire ce qu’elle avait bien pu perdre en échange. C’est en toute connaissance de cause qu’elle avait contracté un pacte avec le malin, pour son bénéfice propre et probablement le sien. D’un autre côté, sans cette union de raison, le Liykor ferait encore de la ville de la Reine Kendra son territoire de chasse.

« Mais si ta guerre le nécessite, et en l’absence de pistes, l’Emissaire saura peut-être te renseigner au sujet de tes ennemis, si tu en paies le prix » conclut Calimène avant de marquer un long silence, visiblement gênée.

Elle ne reprit la parole que pour changer de sujet.

« Pour l’heure nous n’avons pas pour projet d’explorer plus avant les soubassements de la montagne. Nous n’en n’avons ni les moyens, ni l’envie, ni le courage. Tout comme toi, nous sommes fatigués ; pour ne pas dire épuisés. De jour, nous faisons des allers et retours dans les mines pour récolter ce qui peut présenter quelques utilités : armes et armures, huiles de roche et torchères. Il nous faut aussi chasser pour nous nourrir. Par chance la forêt est giboyeuse et nous n’avons pas à nous éloigner pour gagner notre pitance. De nuit, nous montons alternativement la garde car ce qui pourrait surgir de sous le sol nous effraie. Aussi, tant que nous sommes peu nombreux, nous faisons plus d’heures que de raison » dit-elle à haute voix pour célébrer à sa manière l’investissement de chacun de ses hommes.

« Mon conseil serait effectivement le suivant, Ziresh de Liykkendra : reposes-toi. Les dernières semaines ont été rudes pour tout le monde et dans les prochaines les temps de repos seront tout aussi incertains. Tu as voyagé longtemps et ton corps mérite effectivement d’avoir le temps de reconstituer ses forces. Nous utilisons ce petit bastion comme repaire, là-bas » dit-elle en indiquant un petit bâtiment de la main.

« Le rez-de-chaussée est consacré à nos montures, que nous enformons là pour la nuit. La promiscuité des bêtes et des hommes peut paraitre surprenante mais leur présence nous apporte un surplus de chaleurs non négligeable. La porte d’accès ferme et est solide. Un escalier conduit à un étage où nous nous sommes installés, ainsi qu’à un toit terrasse crénelée convenant tout à fait à ceux préférant dormir à la belle étoile. Si tu n’en possèdes pas, des toiles nous servent de couvertures, elles sont parfois un peu rêches mais au petit matin, elles te paraitront taillées dans la soie » décrivit-elle avec une attention particulière.

« Pour ce qui est de la Milice, tu feras à ta manière lorsque tu auras repris des forces. Ton inexpérience t’apparait peut-être comme flagrante mais ce que je vois moi, c’est un maitre d’armes fiable et compétent. Même si tu es trop fatigué encore pour t’en rendre compte, le temps viendra où tu te souviendras de ce temps avec nostalgie… car le temps où l’on est responsable que de soit même est plus facile à vivre que celui où l’on embarque l’avenir de ses proches à chacune de ses décisions » expliqua-t-elle en décrivant le reflet de ses propres sentiments.

« Tu t’es fait porteur de Lumière de ton propre choix ; soit alors certain que lorsque la Nuit tombera, les âmes perdues ou aveugles te suivront » conclut-elle gravement.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 14 Mai 2013 01:09 
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De lui-même, un homme fort séduisant se proposa pour prévenir le clan de Liykkendra des évènements à venir. Calimène s'empressa alors de faire la présentation de Victorin, qui semblait avoir accompagné la jeune femme depuis le début dans ses pérégrinations sur les duchés des montagnes. Ses explications quant à leur déplacement ici se basèrent alors selon elle, sur une manipulation du cru de certains nobles haut placés de Kendra-Kâr. Ce n'est alors qu'à ce moment que Ziresh comprit un peu mieux l'allusion qu'elle avait fait précédemment : "bien qu'elle ait froissé quelques susceptibilités".
Cela manquait de détails et à vrai dire, le liykor ne se sentait pas vraiment capable d'assimiler l'histoire dans sa totalité. Ce qu'il en retint, c'était que toutes les personnes ici présentes étaient manifestement de la garde Kendra-Kâr, et surtout, qu'elles étaient de celles sur qui l'on pouvait compter, puisque c'était leur honnêteté qui leur avait valu ce fameux poste dans les montagnes. Quand Victorin évoqua cette histoire des empoisonneurs, Ziresh ne put s'empêcher de s'exclamer.

"Alors c'était donc un complot...? Dire que l'on m'avait envoyé nettoyer une grotte pleine de traqueurs sombres... J'étais bien loin d'imaginer la cause de cette vague de folie."

Calimène continua le discours en évoquant alors sa rencontre avec le liykor noir. Elle évoqua son apparence physique qui se voulait monstrueuse. Bien plus que ne pouvait l'être un de ceux qui appartenaient à cette race. A sa connaissance, Ziresh n'avait jamais vu ou entendu parler d'une évolution telle qu'une "excroissance chitineuse" sur un noir. Il lui revint alors en mémoire la vision des assaillants qui avaient commencé l'attaque du clan en ordonnant de leur remettre des membres du clan de Liykkendra. Une demande qui paraissait absurde, tant on leur attribuait une haine telle qu'ils auraient, d'ordinaire, tout simplement fléché tous les liykors apprivoisés à vue.
Si Pinga avait raison, vis à vis de cette manipulation ombreuse... Alors ce noir dans les rues de Kendra-Kâr était l'objet d'une expérience. Le simple fait qu'il ait été propre et passé inaperçu pendant si longtemps ne pouvait pas dépendre seulement de ses talent : on l'avait caché, c'était certain.
Ziresh eut un soulagement énorme en repensant au sort de Kâhra. Elle avait été incinérée : elle ne pourrait jamais être déterrée et faire l'objet de telles expériences. Si elle avait dû devenir une telle chose, le loup d'argent ne l'aurait pas supporté...

Mais il fut vite tiré de ses sinistres pensées. Le nom (ou plutôt le surnom) d'un certain "Émissaire" fut évoqué. Il n'était pas nécessaire de connaître les deux protagonistes pour comprendre qu'ils ne portaient pas cet homme dans leur cœur. Ziresh comprit qu'il était un homme important, car plein de ressources en termes informatifs. Mais il transpirait le mal. Ou du moins, s'il ne transpirait pas le mal, il était indéniable qu'il faisait un excellent manipulateur et bel égoïste. Le bratien n'avait aucunement envie de traiter avec lui, mais il savait qu'il serait très certainement obligé de le faire prochainement s'il voulait aider son clan.

Quand Calimène reprit la parole, ce ne fut que pour quelques formalités, et aussi quelques marques de confiance. Elle conseilla alors effectivement à Ziresh de se reposer, lui indiqua le bastion et lui prouva encore une fois à quel point elle comptait sur lui en ne changeant pas même un seul instant son choix initial. Elle était catégorique : il serait le maître d'armes en charge de la milice.

"Je vous remercie de toute votre confiance, Dame Ligure, fit Ziresh, non sans émotion. Vraiment, je n'en attendais pas tant."

Il ne s'apprêta pas à aller se coucher, cependant. Il avait encore certaines choses à préciser avant de se reposer et de repartir du bon pied. Aussi, il garda une posture droite et s'engagea encore une fois dans la conversation.

"En ce qui concerne ce liykor noir, les précisions que vous m'avez apportées vis à vis de son physique me paraissent assez alarmantes mais rejoignent une idée que je viens d'avoir à l'instant. Lorsqu'ils ont attaqué notre clan quand j'étais présent, les noirs nous avaient ordonné de "leur remettre nos vivres et une bonne âme". Ils s'étaient justifiés en disant que la chasse leur était difficile depuis les montagnes. Outre le fait que cela ait pu ressembler davantage à un prétexte pour nous piller, il y a une chose qui m'est restée en tête... "Une bonne âme". Les noirs ont toujours voulu notre mort à nous, bratiens, tout comme à nos frères blancs. Mais pourquoi voudraient-ils l'un d'entre nous ? Quand vous me parliez de ce liykor dans les rues de Kendra-Kâr, j'ai encore eue une pensée pour mon ami Bravi qui avait évoqué les expériences des nécromanciens à partir de corps de liykors immergés dans le lac d'Höd. Le vôtre était un peu trop propre, manifestement. Or, un homme de sciences garde toujours ses sujets propres pour les étudier. Tout cela me laisse supposer, si Pinga a bien raison, que des projets sont menées depuis les camps des liykors noirs. Je ne peux pas dire qui a pu user de la magie des ombres pour commettre de tels crimes, mais c'est une piste à creuser... Si ce n'est pas depuis les camps des noirs, en tout cas, on peut trouver davantage de réponses en ville."

Dans un soupir, Ziresh se résigna à admettre ce qu'il redoutait déjà.

"Je crains que votre Emissaire ne me soit utile à ce sujet..."

Mais le loup d'argent avait remarqué autre chose chez ses nouveaux alliés. C'était cette volonté indéfectible pour le bien. Ils avaient été eux-même manipulés pour se retrouver dans ces montagnes au nom de Kendra-Kâr, alors qu'ils étaient les plus proches des pires crimes présents dans la ville. Ils dépendaient d'un blason qui ne leur faisait plus honneur, car il était sali par la corruption. Et cette alliance avec l'Emissaire les handicapait d'autant plus.
Sur cette idée, il prit alors Calimène à part en l'invitant à se diriger avec elle vers le bastion, laissant ses hommes derrière eux. Durant leur marche, Ziresh s'expliqua.

"Écoutez, ma dame... fit-il gravement. J'ai le sentiment en vous écoutant, vous et vos compagnons, que vous vous souciez encore de l'image que vous donnez à votre blason. Vous avez été envoyés plus loin alors que vous étiez les plus enclins à défaire les criminels les plus influents de Kendra-Kâr. Et vous ne pouvez pas agir contre ces ordres, manifestement. Vous ne pouvez pas profiter non plus d'un quelconque rang pour vous permettre d'aller là où certains ne pourraient pas aller."

Ziresh prit une profonde respiration, pesant les mots qu'il allait dire maintenant. Pour tout avouer, il s'en étonnait lui-même. Mais les choses étaient devenues trop graves pour lui, pour son clan, et aussi pour les occupants de la Citadelle pour qu'il se taise maintenant.

"Moi, on ne me connait pas. Et je n'obéis pas à une autorité qui puisse me porter autant préjudice. Je pense que plus d'une fois, vous aurez besoin de moins pour mener certains travaux en toute discrétion. Dans ces moments-là, je serai présent. Comme vous l'avez si bien dit, je me suis fait Porteur de Lumière. Je ne veux pas porter ce nom pour le prestige. Cela n'aurait aucun sens que je me retienne de défaire les ombres par crainte pour mon rang. Et puis, je ne saurais me réserver les tâches les plus glorifiantes après l'offre que vous avez faites à mon clan."

Ils étaient arrivés devant la porte du bastion. On pouvait entendre à travers les murs les hennissements de quelques chevaux. En traversant l'entrée, le loup mit un terme à la conversation.

"Vous aurez le reste de la journée et la nuit pour penser à tout cela. Ne retenez pas ces mots contre moi s'ils sont susceptibles de vous outrer, mais comprenez bien que je veux aider mon clan du mieux que possible. J'ai pris trop souvent des demi-mesures pour faire en sorte que tout s'arrange pour tout le monde, et Liykkendra a payé pour mon incompétence. J'aimerais ne plus en prendre autant." Il soupira après avoir fait trembler légèrement sa voix dans la fin de sa phrase. Il était encore profondément touché par ce qui était arrivé, cela ne faisait aucun doute. C'est après une longue pause et un effort de concentration qu'il termina promptement.

"Lorsque je serai réveillé, je propose que nous allions enquêter à Kendra-Kâr, puisque nous n'irons pas maintenant dans les tréfonds de la Citadelle. Ce sera aussi l'occasion de découvrir les alentours. D'ici là, je vous souhaite un bon repos. Vous en aurez tout autant besoin que moi. Et Calimène, merci encore pour tout." conlut-il en signant de la patte.

Quand il eut fermé la porte derrière lui, Ren s'échappa alors du paquetage où elle semblait avoir élu domicile. Le lutinora ne s'était étonnamment pas manifesté de toute cette longue conversation. Ce n'est que dans le bastion qu'elle allait virevolter aux alentours pour embêter les montures, attrapant leurs crins et se vautrant dans leurs abreuvoirs. Un petit spectacle des plus réjouissants, suite à ces sinistres évènements et ces conseils de guerre...
En montant à l'étage, après s'être défait de tout son équipement et sustenté d'un morceau de porc séché, Ziresh vit les toiles qui faisaient office de couvertures. Son pelage lui suffisait, comme toujours, mais il en enroula pourtant une pour se blottir qu'on l'épais rouleau de tissu. C'est dans une position des plus enfantines qu'il laissa échapper toutes les larmes qu'il avait retenues durant sa longue pérégrination et son interminable discussion. Il n'avait gardé que quelques petites choses sur lui. Un pantalon pour la pudeur, sa Fleur de Lys et la fiole de Pinga.
Le cristal bleu luisait sa patte alors que ses larmes allaient inonder la toile et le plancher. Ren avait cessé ses bêtises pour aller se blottir contre son maître. Et dans le souvenir du deuil de Kâhra, la chanson recommença.



Ziresh crut un instant que cela faisait partie de son imagination, mais pourtant, le chant était bien là. Il ne résonnait pas depuis la fiole. C'était comme si le chœur des fujoniens était encore autour de lui. Il était probable que l'on puisse entendre la chanson en dehors du bastion, mais le loup s'en fichait.
C'est alors qu'une étrange sensation lui prit, sans pouvoir l'identifier. Il ne pouvait l'expliquer, mais il ressentait le besoin de sortir. D'aller sur le toit terrasse.
Ses yeux se perdirent dans les sommets des montagnes.
C'est là qu'il vit, dans les neiges éternelles, une silhouette animale qu'il ne put identifier. Comme si elle répondait à l'appel de cette chanson.
Dans un murmure, il aurait pu jurer l'avoir vue se tourner vers lui.
Elle lui répondait.

"Kâhra...?"

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 14 Mai 2013 12:39 
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« Bon repos » lui souhaita Calimène avant de se détourner du petit bastion provisoirement transformé en dortoir.

D’un pas lent, pour ne pas dire mesuré, elle s’orienta vers son point de départ. A son approche le cercle d’hommes se délita ; en-dehors de Victorin. Visiblement dubitatif, le fringuant Capitaine entama ouvertement la conversation. Bien que prudent et modéré dans ses propos, c’est par des manières directes et sans détours qu’il annonça ses pensées.

« Certaines de tes assertions mériteraient quelques explications » introduisit-il sur un ton diplomate.

« Dès que tu m’auras aidé à retirer cette armure. Ces dernières semaines j’ai eu la délicate impression de me transformer peu à peu en scolopendre à force de porter une telle épaisseur de métal sur le corps » dit-elle en défaisant les premières courroies liant entre elles les plaques de la cuirasse. Le présent était bien loin de la vie au grand air que s’imaginait Calimène lors de son voyage initial destiné à rallier la forteresse. En lieu et place d’une vie loin de toute agitation, son quotidien se partageait désormais entre des travaux de force, l’exploration de cavernes et de longues gardes solitaires. Femme et instigatrice de nombreux chantiers elle refusait de céder un pouce de travail à ses comparses ; lesquels tentaient pourtant de l’épargner aussi souvent que possible. Handicapée par une constitution plus fragile que celles de ses compagnons, elle sentait sa vivacité se réduire et son acuité s’embrumer. Elle savait qu’il lui lui faudrait bien plus d’une nuit de sommeil pour se remettre ; le fait était certain. Mais l’exaltation soutenait ses projets et son obstination chronique ravivait ses muscles lorsqu’elle en nécessitait le plein fonctionnement.

Le port de l’armure commençait toutefois à l’agacer. Engoncée dans sa carapace de métal elle entretenait de manière permanente l’impression de danger. Etre toujours prête à combattre et sur le qui-vive était un état d’esprit approprié à son environnement. Mais entretenir cette attitude d’une manière trop prolongée finirait peu à peu par l’éroder, d’abord en surface, puis à l’user totalement. Bien que la présente situation soit porteuse de nombreux périls il n’était pas nécessaire de se convaincre de l’existence de menaces fantômes et de risques plus importants qu’ils n’étaient réellement.

Tout un chacun possédait ses propres limites et par certains côtés, Calimène atteignait les siennes. Prendre des décisions impactant d’autres destinées que sa seule petite personne était pour elle un exercice nouveau en face duquel ses certitudes n’offraient que peu de soutien.

« Un pas de travers et notre aventure prendra fin de manière calamiteuse » se dit-elle en pensées.

Victorin se rapprocha et l’aida à s’extraire de sa cuirasse. Immédiatement elle respira avec plus de facilité. L’air lui sembla plus pur et plus frais et par voie de conséquence, le ciel en devint plus bleu. Les cimes blanches s’élevant bien au-dessus de la Citadelle affirmèrent leur majesté avec plus de fermeté et de netteté. La forêt en contrebas du mur d’enceinte s’imposa à son regard. Primale elle attestait de toutes les caractéristiques d’une forêt primaire. Jamais exploitée et dénaturée de la main d’artisans, elle révélait mille-et-une promesses engageantes.

Là où elle ne voyait jusqu’alors que pierres, murailles, cavernes et repaires pouvant servir à la bonne réalisation de ses projets, elle découvrait désormais une seconde réalité composant un site naturel dans lequel il ferait bon s’installer définitivement. Un instant, elle manqua céder à l’émotion mais finit par la modérer peu à peu, pour ne laisser filtrer d’elle qu’un sentiment de plénitude tout à fait rassérénant.

« Merci » plaça-t-elle auprès de Victorin tout en retirant seule ses protections de bras et de jambes pour ne finalement conserver sur elle que son arme. Ceinte en son fourreau de cuir rehaussé de gravures d’argent, elle conserva l’épée du chevalier sirène à son côté pour seule protection. Elle rangea ses pièces d’armure dans un vestibule et invita Victorin à la suivre vers les fortifications. Chemin faisant vers les bois, ils reprirent la conversation laissée en suspens quelques instants plus tôt.

« Le Liykor semble se méprendre sur notre compte. Serions-nous vraiment des hommes d’honneur lancés sur les routes par quelques vilains ? » Pérora-t-il pompeusement. Calimène étudia la question un instant avant de retourner une réponse.

« Et pourquoi pas, après tout ? C’est bien votre sens du devoir qui doit être contrarié quelque part, vous qui vous qualifiez de déserteurs. Quelle différence faisais-tu il y a quelques mois entre cette mission et une affectation sur le front ? De mémoire, aucune. Vous avez été écartés de Kendra-Kâr pour avoir été témoins de l’affaire des empoisonneurs avec pour seules options un départ conjoint pour les terres les moins accueillantes des Duchés et du Mertar ; et pour menottes au poing la présence de vos proches en ville, exposés à de possibles représailles. Une autre manière de décrire votre épopée serait d’évoquer le mot « chevaleresque » tu ne penses pas ? » Évoqua-t-elle en le raillant à demi.

« Levon égorgerait un usurier pour une poignée de fifrelins » contra-t-il aussitôt.

« Nombre de gens le ferait juste pour la beauté du geste » lui retourna-t-elle immédiatement.

Ensemble ils passèrent le mur d’enceinte et s’engagèrent dans l’espace découvert marquant la frontière entre un monde de pierres dressées par d’ingénieux bâtisseurs et le territoire végétal rêvé par Gaïa en personne en des temps immémoriaux.

« Tu dois te demander pourquoi j’ai concédé si aisément l’asile au Clan des Bratiens ? » l’interrogea-t-elle sur un ton mesuré, cherchant à percer l’appréciation de son interlocuteur sur cette initiative.

« Nullement ; qu’aurions-nous pu faire d’autres ? La position de la forteresse est connue d’après les dires de Ziresh, à la fois par les membres du Clan de Liykkendra et par ceux décrits comme étant membres de la communauté de l’Amarok. Au vu de leur détresse, et de leur nombre, ils auraient pu s’emparer de la Citadelle sans nous demander notre avis. Hors, puisqu’ils ont eu l’obligeance de nous demander le droit d’asile, ma foi… pourquoi ne pas le concéder. Là où je m’interroge réside plutôt dans les conditions que tu as accordé à ce Liykor… Maitre d’armes ? Former une milice ? » Prolongea-t-il d’un ton dubitatif.

« Une intuition, rien de plus à l’origine qu’une intuition » produisit-elle en guise d’explications.

« Note bien qu’il me semble tout à fait bâti pour le poste, à ceci près qu’il n’y croit pas lui-même. Il se considère peut-être comme un novice sur bien des domaines mais s’il a accompli la moitié de ce qu’il raconte, c’est le statut de vétéran qu’il mériterait d’obtenir. Le point d’interrogation principal réside plutôt dans le fait de lui confier la milice ; les hommes accepteront-ils de le suivre ? » Poursuivit-il en détaillant ses intentions.

« Ils ne le suivront pas ; c’est pourquoi je lui ai confié la formation de la Milice, non son commandement. Si les hommes se plient à ses convictions et l’acceptent comme un chef naturel, il pourra alors accéder au commandement d’une partie de la troupe, dans le cas contraire, il sera tout de même considéré comme un membre important de notre organisation. C’est un point important pour assurer la cohésion des Bratiens et des Humains » finalisa-t-elle.

« Justement, n’as-tu pas peur que cette égalité ne soit qu’une façade ? » la pressa-t-il un peu abruptement.

« De façade dis-tu ? » temporisa-t-elle le temps de faire quelques pas sous la frondaison des arbres.

« Pourquoi ne pas croire aux idéaux qu’il nous prête, Victorin. Ici, dans les montagnes, nous avons une chance unique de reconstruire une communauté sur un modèle nouveau, de réaliser des aspirations qui seraient les nôtres et d’assurer une égalité qui ne soit pas de façade : pas de noblesse stagnante et pas de faveurs récoltées par droit de naissance. Non, au contraire, faisons de notre univers une méritocratie, où les efforts et le travail de tout un chacun sera valorisé à sa juste valeur. Cette chance est unique, trop pour ne pas la provoquer et tenter le destin » rendit-elle en réponse, un brin exaltée par ses propres ambitions.

« Une méritocratie où tu distribuerais les premiers rôles, si j’ai bien compris » plaça-t-il sur un ton à la fois sagace et acide.

Loin de contrarier Calimène, cette dernière redoubla de passion.

« Ce que femme veut, l’homme consent » dit-elle en riant.

Victorin haussa les épaules d’un air affligé.

« Alors, on dirait qu’il va falloir que je chausse mes bottes les plus rembourrées et que je visite les sentiers enneigés de l’Amarok » s’amusa-t-il en retour ; les pieds par avance gelés.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 21 Mai 2013 12:34 
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Le jour suivant entérina l’arrivée des premiers colons venus de Kendra-Kâr.

Avançant avec courage vers une destination inconnue – ou au contraire poussés par le désespoir, la pauvreté ou la simple espérance d’un avenir meilleur – les migrants avançaient d’un pas rapide. Soutenus par l’esprit pionnier de cette première aventure ils dévoraient les étendues avec une énergie insatiable et un appétit d’autant plus démesuré que leurs guides leur décrivaient l’arrivée comme étant toute proche.

L’approche de la colonne de voyageurs ne passa pas les derniers cols sans être annoncée. L’un des membres de la Garde ayant souhaité rentrer à Kendra-Kâr pour proposer l’aventure à certains de ses proches se présenta en avance à la Citadelle, afin de prévenir ses occupants et d’éviter tout affolement inutile. Répondant au nom de Damian il était l’un des plus jeunes parmi les membres de la communauté d’origine. Il se trouva rapidement cerné par ses compagnons. Chacun souhaitant en savoir plus sur les arrivants, il fut assailli de questions sur l’identité des voyageurs. Pour ceux étant restés dans la Citadelle tout ce temps, il n’était point question de retrouver une épouse ou des enfants mais au mieux des amis ou cousins tentés par l’aventure. Les mariés et pères de famille étaient rentrés les premiers pour solliciter leurs épouses et revoir leurs enfants.

« Dame Calimène » salua le jeune homme en accompagnant la parole d’une inclinaison respectueuse.

« Damian ; soit le bienvenu. Ne nous fait pas languir plus longtemps sur la nature de l’expédition » investigua Calimène d’une voix amicale, quoique légèrement cérémonieuse.

« L’allée comme le retour se sont déroulés sans encombres, Calimène. Nous avons eu la crainte de subir une embuscade au passage des premiers cols mais rien de fâcheux ne survint. De fait, c’est notre imagination que nous causa nos soucis les plus impérieux » clama Damian, le ton teinté de soulagement et de fierté.

« C’est tant mieux ; cela démontre que les routes que nous avons suivi ne sont que rarement employées » théorisa Gors en réfléchissant à haute voix.

« Pour vivre heureux, vivons cachés » confirma Calimène par l’adage tout en sachant qu’il ne serait pas suffisant pour assurer la sécurité des nouveaux venus.

« La colonne se compose de quarante âmes : vingt-cinq hommes, huit femmes, sept enfants » décrivit Damian.

« Des enfants… sept enfants… » Reprit Calimène en pensées, secrètement peinée d’apprendre la venue de gosses. Inquiète, elle masqua néanmoins ses doutes, néanmoins décidée à redoubler d’efforts pour assurer leur sécurité.

« Plus en détails, le groupe est composé de différents corps de métiers : agriculteurs ; forgerons, charpentiers et même un boulanger » précisa-t-il par le menu.

« Un boulanger » reprit Haydr avec une ferveur non feinte dans l’espoir de miches de pains odorantes.

« Et quelles sont leurs motivations ? » interrogea Calimène d’un ton se voulant le plus neutre possible. Damian se tourna vers elle, légèrement refroidi dans son élan par les questions sous-jacentes et les problèmes que ses réponses apporteraient.

« Le gout de l’aventure a joué pour certains d’entre eux. Toutefois pour l’essentiel des membres de l’expédition, c’est l’envie d’un avenir meilleur qui a prévalu sur les autres préoccupations. A Kendra-Kâr, ils étaient soit de pauvres serviteurs, soit des apprentis exploités ou encore de simples fermiers à peines locataires de leurs terres et au service de grands seigneurs. Le risque qu’ils prennent aujourd’hui, ils l’acceptent pour pouvoir offrir autre chose à leurs enfants, sinon à eux-mêmes » décrivit-il objectivement.

Calimène marqua une longue pause et ne reprit la parole qu’après avoir longuement pensé aux mots employés.

« Quelle que soit la motivation de chacun de ces hommes et de ces femmes, ils souffriront » lança-t-elle en jetant un froid sur la conversation.

« Ils souffriront de la déception de leurs espoirs. De la peur de voir leurs enfants emportés dans la nuit sans fin des abysses par d’obscures entités mais aussi du froid, de la faim et d’insatiables appétits et peurs nés de l’âme humaine. Et ils nous accuseront probablement de leur avoir menti et de les avoir piégés. Actuellement ils habillent leurs rêves d’espiègles contes et de lendemains radieux ; bientôt ils déchanteront » conclut-elle provisoirement en laissant la déclaration s’imprégner dans l’esprit de ses hommes.

Ses hommes ? s’interrogea-t-elle immédiatement. Voilà que ces hommes libres, affranchis de l’autorité de leur cité, étaient devenus dans son esprit « ses » hommes.

Elle retourna ce point dans un sens puis dans l’autre et poursuivit sur sa lancée : ceux rassemblés ici étaient bel et bien ses hommes. Jour après jour ils sollicitaient ses avis et recevaient ses conseils comme étant d’impérieuses demandes. Ce qu’elle avait initialement pris pour de la politesse se révélait désormais sous les traits d’un lien de subordination. Lorsque ses dires étaient annoncés à haute voix, ses hommes les exécutaient. Chacun, individuellement, savait que toute discussion pouvait être animée et que leur voix et leur avis comptaient au chapitre. Mais les décisions prises étaient exécutées, sans rechigner. Une nouvelle fois Calimène prit conscience de la responsabilité qui était la sienne et plus encore qu’avant un sentiment immense d’abattement imposa son poids sur ses épaules et sa conscience.

La réussite de leur entreprise serait collective ; son échec ne serait que la sienne.

C’est toutefois d’une voix claire qu’elle reprit.

« Et d’une certaine manière, ils n’auront pas torts de nous attribuer les dols qu’ils endureront car nous sommes la flamme qui avons enflammé le brasero de leur cœur. Aussi, dois-je accomplir deux actes en ce jour. Le premier est de créer une garde emblématique de notre entreprise » précisa-t-elle. D’un mouvement de la main elle indiqua au groupe de la suivre et les entraina jusqu’au local faisant actuellement office d’armurerie. La vaste salle aux murs de pierre, empruntée à l’un des bastions de la Citadelle, affichait une collection d’armes et armures récoltées – pour ne pas dire volées – aux entrailles de la terre. Si certaines étaient manifestement d’origines Thorkines dix d’entre elles se démarquaient par leur haute stature et leur couleur sombre. C’est vers ces dernières que Calimène se dirigea d’un pas décidé.

« C’est vers vous que je me tourne en premier lieu. Ensemble nous avons décidé de convier une partie de nos connaissances ici, au creux des montagnes, en notre domaine » entama Calimène en ne sachant pas qu’au fil des semaines et mois à venir, elle ne penserait plus en termes de « notre » mais de « son » domaine.

« Il est de notre responsabilité de protéger ces gens ; pour la plupart étrangers au métier des armes. Nos épées les protègeront des dangers encore cachés par les multiples souterrains serpentant sous la montagne. Mais ceci, ces armures et notre garde les protègeront des périples qu’ils s’inventeront. L’âme humaine a besoin de sécurité et contre la peur, un rempart peut être dressé. Ces hommes, ces femmes et ces enfants ont besoin de protection mais aussi de sécurité. Hors le sentiment de sécurité passe par des éléments tangibles » dit-elle en posant sa main sur l’une des armures.

« C’est là une grande responsabilité » grommela Gors en attirant par ce fait l’attention de Calimène à lui.

« C’est un fait, Gors. Lorsqu’ils auront peur c’est vers vous qu’ils se tourneront. Lorsqu’ils seront incertains, ce seront vos conseils qu’ils rechercheront. Votre simple présence dispersera l’essentiel de leurs doutes et une bonne quantité de leurs soucis quotidiens. Toi, Gors, qu’en penses-tu ? » Le questionna Calimène sous la forme d’une question ; bien que le ton se révéla inquisiteur.

« Ma foi… l’idée d’être sans cesse dans le champ de vision de ces dames n’est pas sans me déplaire. Tu peux me compter dans le nombre de tes… de tes… » Dit-il en se massant le menton ; ce qui détendit soudainement l’atmosphère.

« … le nom reste à trouver » dit-elle en se tournant vers Damian. Ce dernier, plus jeune et donc plus influençable, resta en position face à elle. Bien décidé à faire ses preuves et être lui aussi le héros de ces dames, il se proposa immédiatement pour rejoindre la garde. Par la suite les présents se proposèrent et s’engagèrent collectivement, certains n’osant aller contre le mouvement collectif par crainte d’endurer quolibets et railleries mettant en avant leur couardise.

« Après tout, ce n’est là rien de moins que ce que nous ne pratiquions comme métier à Kendra-Kâr. Le costume est juste un petit plus … strict dans le choix des couleurs. Et dans l’attente de trouver un nom à notre petite garde, quel est le second projet que tu dois accomplir ? » Questionna Gors en tapotant l’une des armures de son index.

« Accueillir les arrivants et décourager les indécis, s’il en est » dicta-t-elle sobrement.

« Et comment pourrions-nous t’aider ? » lui retourna Gors.

« En ayant l’air redoutable. Ceignez ces armures après les avoir lustrées, passez fourreaux et épées à votre taille et postez-vous à l’entrée de la Citadelle. Notre maisonnée va bientôt s’agrandir et pour chaque nouvel arrivant, vous êtes désormais l’un des protecteurs proclamés » conclut-elle en laissant les hommes revêtir leurs nouveaux costumes.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 21 Mai 2013 14:56 
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Depuis son départ de Kendra-Kâr dans une relative précipitation Sena n’avait rien vu de particulièrement intéressant : des collines insipides, des champs identiques à ceux entourant la maison et assez de courants d’air pour rester enrhumée toute l’année. Du haut de ses quatorze ans elle avait déjà – du moins le pensait-elle – une solide expérience de la vie et un air désabusé convenant à une mégère ou un vétéran des guerres nordiques. Pourtant, et malgré les histoires contées par les ménestrels de passage, elle ignorait qu’un prince pouvait être une femme. Et pourtant, la jeune fille – presque femme – pouvait en admirer l’existence de ses propres yeux.

Haute perchée sur un Hongre noir à l’allure peu engageante, un chevalier attendait la procession. Ceinte d’une armure finement ciselée, rehaussé d’incrustations d’argent, elle semblait jugée d’un air imperturbable la qualité des arrivants. Par son air impérieux Sena se sentit immédiatement jaugée à la manière d’une pièce de bétail attendant d’être marquée et envoyée vers un destin plus ou moins … gouteux. Sa posture indiquait une cavalière accomplie et de ses rares gestes l’on devinait une assurance toute particulière. Son casque maintenu sous son bras laissait son visage, harmonieux, et ses cheveux virevolter au gré des courants aériens. Sur sa cuisse gauche pendait une épée longue langoureusement engoncée dans un fourreau de cuir, doublé de nacre et d’argent. Sur la longueur de la lame, et invisible pour l’instant, une gravure incarnant une sirène ne laisserait pas d’agiter son imaginaire dans les temps à venir.

De l’ensemble se dégageait une impression de grandeur qui instaura rapidement un malaise au fond de son être. Elle s’interrogea sur l’expression de ce sentiment et tenta de lui donner forme, si ce n’est de lui donner un nom. Somme toute, ce n’était pas une forme de jalousie, non. Plutôt le sentiment d’avoir jusqu’à ce jour vu par une vision étriquée et imaginé sa propre personne au regard d’une expérience somme toute très limitée.

Plusieurs cavaliers s’avancèrent vers elle et la saluèrent prestement. Son visage alors changea d’attitude. En souriant, elle passa immédiatement de l’allure austère et supérieure d’un Chevalier intransigeant à celui d’une mère rassurée de pouvoir compter ses marmots endormis en fin de journée.

« … Calimène » professa le Chevalier en tirant Sena de ses pensées.

Le Hongre noir piaffa d’impatience face à la petite colonne. Trois chariots tirés par des bourrins de ferme, lents mais puissants ; indispensable à une activité agraire normale.

« Derrière ces cols se présente la fin de votre voyage et le début d’une nouvelle aventure, celle de votre nouvelle vie » entama Calimène sous les regards réunis de civils et d’anciens membres de la garde.

« Vous avez preuve de courage pour oser vous lancer sur les routes dans l’espoir d’un avenir meilleur ; faisant fi des difficultés, des doutes et du dur labeur qui vous attendait. Pour cela, je vous félicite tous, conjointement. Mais il vous reste néanmoins une épreuve à laquelle vous devez succéder… » Dit-elle en baissant le ton de plusieurs octaves.

« Moi » trancha-t-elle d’un ton sec, provoquant quelques remous et timides conversations parmi l’assistance. Calimène laissa les conversations librement enfler plus refluer lorsque les participants se trouvèrent à court d’arguments. Peu à peu, ils se tournèrent vers elle et lui accordèrent leur pleine attention.

« Si certains d’entre vous souhaitent faire demi-tour à la suite de cette réunion, qu’ils le fassent librement et sans penser à aucun moment que nous les jugerons de quelques manières que ce soit. Vous tous avez déjà fait preuve de votre courage et aucun parmi nous ne jugera celui qui se tournerait maintenant vers d’autres contrées car les lieux ne sont pas sans dangers. Par ailleurs, ceux qui décideraient de nous quitter seront financièrement dédommagés… bien assez pour recommencer une vie paisible, du côté de Bouhen ou ailleurs » précisa-t-elle en estimant piocher dans l’un des trésors récoltés en sous-sol.

« Les lieux ne sont pas sans dangers. L’hiver sera rude et les récoltes, dans un premier temps, maigres. Des tribus gobelines et des bêtes sauvages peuplent les soubassements de la montagne et les sous-bois en forêt » décrivit-elle en déployant un ton menaçant.

« Le travail ne manquera pas et tout restera à faire, incluant la défense de notre communauté. Certes la garde veillera au grain mais la survie de notre groupe est l’affaire de tous ; aussi chacun devra apporter sa part aux chantiers collectifs mais aussi apprendre les bases du métier des armes pour être en capacité de défendre ses proches » poursuivit-elle.

« De plus, et là n’est pas le moindre des supplices, les relations que nous entretiendrons avec Kendra-Kâr sera limité dans un premier temps. Vos proches laissés en retrait vous manqueront probablement mais pour une durée impossible à estimer, vous n’aurez pas la possibilité de les visiter prochainement » précisa-t-elle en dévisageant ses interlocuteurs un à un pour étudier leurs réactions.

« Enfin, et la chose vous apparaitra comme surprenante. Considérez chacun comme égaux en droits et en devoirs, et ce quelle que soit sa race, pour peu qu’il soit membre de notre communauté » laissa-t-elle planer durant quelques instants, le temps que les échanges se fassent. Peu à peu plusieurs conciliabules se firent et les concertations, nombreuses, permirent de déterminer ceux qui restaient de ceux qui reprendraient la route.

Au grand étonnement du Chevalier sirène nul ne se présenta pour recevoir une compensation financière et tous se portèrent volontaire pour aller de l’avant. Contentée, la dame afficha un sourire aimable et engageant.

Tout était désormais réuni pour réaliser le rêve de paix qui animait Calimène. Un rêve animé par un farouche esprit d’indépendance et une volonté de faire mieux que ce qui avait été érigé jusque-là. L’égalité entre les peuples et les races serait difficile à mettre en œuvre mais l’idée, pour partie novatrice, serait imposée par le Chevalier ; elle y tenait.

Du moins, tel était son projet en ce temps-là. La réalité, elle, serait probablement toute autre.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 24 Mai 2013 15:55 
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Localisation: Nirtim, Temple de Meno: Se prépare à la guerre.
Lorsque le félin se réveilla au petit matin, des courbatures lancinantes lui tirèrent une grimace. Pourtant reposé, ses blessures aujourd'hui refermées rendaient sa peau tiraillante et sensible aux endroits meurtris par les garzoks. Malgré cela il se prépara avec rapidité car une seule chose ne comptait à présent: il restait moins d'un jour de marche pour rejoindre Ambervalle. L'espoir de retrouver les siens là-bas était grandissant, même si les worans de Meno n'y résidait plus pour le moment. Avant son départ précipité, un an plus tôt, l'Ancien avait ordonné de déplacer le campement et de se cacher dans les montagnes. Avec de la chance ils y étaient encore...

Alors que le soleil matinal perçait la cime des arbres, Aztai reprit la direction Ouest, cap sur Ambervalle. A présent tout proche, la tension était palpable et le fauve fit en sorte de ne jamais baisser sa garde. Pour plus de mobilité, il avait dégainé sa lame plutôt qu'Ascalon, rendant son avancée plus rapide et plus discrète.
Un an plus tôt ces terres appartenaient à son peuple, mais le woran neige était loin du retour triomphant dont il aurait pu rêver, oh non. Aujourd'hui, c'était en territoire ennemi qu'il avançait, grignotant peu à peu le temps qu'il restait avant l'accomplissement de sa tâche. Monarque, Oaxaca et à présent garzoks... les rangs adverses gonflaient mais Aztai gardait son calme. Conscient du bourbier dans lequel il mettait les pattes, son avancée était plus oppressante que jamais en ce dernier jour avant son retour. La peur de ne pas y parvenir le tenaillait, mais personne ne l'empêcherai de rejoindre sa maison: il y parviendrai, au prix de sa vie évidemment.

Circulant parmi la forêt de plus en plus dense, arpenter le pied des Duchés lui rappelait nombreux souvenirs, des souvenirs heureux parmi les siens. Fouler ce sol qui avait donné un sens à sa vie, y revenir enfin pour le défendre chèrement lui semblait une idée juste, une cause qui valait la peine de tomber au combat.
A travers ses pensées, Zénith pu lire l'importance que donnait Aztai à cet endroit:

(Tu es chez toi à présent)
(En effet... mais l'endroit grouille de vermine, vermine qui n'existait pas avant ma venue à Ambervalle...)
(En rien tu n'es responsable, le Monarque s'est acharné sur toi et tu as trouvé un repère, une source de vie inégalable: un peuple pour t'accompagner et te protéger)
(A mon tour de leur renvoyer la charrue, eux qui ont tant souffert en mon nom!)

Serrant le pommeau de son épée un peu plus, le woran neige continua son chemin sans s'arrêter jusqu'à ce que le soleil sois au zénith. Jusqu'à présent, aucun signe de l'ennemi, qu'il soit garzok ou autre. Le tigré s'en rassurait mais rencontrer des forces adverses aurait pu soulager la pression dont il était victime, libérer un peu de sa colère avant son arrivée en terre aimée.
Alors que le félin se frayait un passage dans la flore à grand coup d'épée, quelque chose l'alerta soudainement et le fit plonger à terre: un sifflement inquiétant qui témoignait qu'un projectile avait manquer de lui transpercer le crâne.

(Un archer!) S'écria Zénith.

Ventre au sol, Aztai défit rapidement les lanières de la sacoche qui contenait l'armure de l'Ordre et la retira comme il pu:

(Tu n'as pas le temps de l'enfiler!)

(Ce n'est pas ce que je cherche!)

Comme l'avait dit sa faera, retirer son plastron de cuir pour enfiler l'armure prendrait trop de temps, mais son casque aux traits de tigre lui offrirait une bonne protection. Il l'enfila et se releva tant bien que mal alors qu'une deuxième flèche le manquait à nouveau. Le woran en repéra son propriétaire et fonça dans sa direction, laissant derrière lui le reste de ses affaires. Il lui fallut quelques secondes pour apercevoir le tireur et l'identifier:

(Un foutu garzok, encore!) Fulmina intérieurement le tigré.
(Écorche-le!) Ragea la faera.

_________________
Fléau des légion d'Oaxaca Image Champion de Meno Image Allié de la Lance Ardente


Dernière édition par Aztai le Mar 28 Mai 2013 01:45, édité 1 fois.

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