A l’avalanche de questions de Méraxès, la reine ne trouva pas grand-chose à répondre, faute de connaissance suffisante. Les peuplades elfiques vivaient depuis bien des siècles en autarcie et nul ne pouvait vraiment prétendre pouvoir anticiper leurs réactions Aaria la première. Le voyage allait donc être hasardeux autant que périlleux mais s’il fallait en passer par là pour trouver une piste concernant ce drainage, cela ne pouvait qu’en valoir la peine. Le petit golem, Birhûvaya attira alors l’attention de la reine et se dessinèrent sur ses lèvres une question muette. Elle lui souriait et approuva la requête du golem qui se retourna et braqua sur nous son attention.
D’une petite voix il annonça qu’il ferait un bout de chemin avec nous, adressant à Kalas un sourire ravi avant de se précipiter d’une démarche amusante vers son bouc qui l’attendait sagement. Des serviteurs l’aidèrent à installer les vivres sur son destrier et voilà que nous partions à l’aventure sous le regard bienveillant d’une reine aussi radieuse que le soleil lui-même. Je me retournais et une dernière fois la contempla, elle et son palais qui renfermait tant de mystères. J’espérais pouvoir fouler de nouveau cette terre d’accueil où il faisait bon vivre, enfin à condition que ce drainage ne menace plus Elysian et par conséquent Ilmatar.
La traversée en ville ne fut pas des plus aisées, moi qui ne maîtrisait pas mon poney j’éprouvais parfois le plus grand mal à ne bousculer personne. Les rues parfois étroites ne laissaient que peu de place et bien que mon poney ne fût turbulent, je peinais à le diriger.
Nous sortîmes finalement de la ville, arrivant sur le versant de la montagne d’Ilmatar. En contrebas s’étalait la surface paisible du lac dont la surface miroitait sous le joug du souverain du ciel. Il brillait de mille feux, abreuvait ses sujets de sa royale lumière. Le vent glacial des hauteurs venait atténuer l’effet réconfortant de l’astre solaire mais était tout de même vivifiant. J’observais ce monde qui n’était pas le mien et me sentait chez-moi...
« Ah Rana, surement es-tu intervenue ici-bas pour donner à ce monde cet éclat. »Je voulais prier mais n’étant pas seul je n’osais demander à mes compagnons de s’arrêter et dû prendre mon mal en patience. Birhûvaya décida de prendre la tête et nous mena dans la direction opposée au lac, vers le sous-bois qui parsemait le flanc montagneux. Nous cheminâmes et fumes bientôt entourés par une myriade d’arbre touffus. Le bois devenait de plus en plus dense et le vent était maintenant bien incapable de nous atteindre.
Le golem en véritable chef de meute nous guidait à travers des sentiers forestiers dont l’existence m’aurait probablement échappée. De temps en temps le silence était brisé par des hurlements bestiaux mais jamais rien qui ne fut vraiment proche et Birhûvaya continuait s’en sembler s’inquiéter.
Quelques minutes passèrent et il nous proposa de s’arrêter le temps de manger. En entendant cela je me dépêchai de descendre et me retrouva soudain plus léger, bondissant au lieu de simplement poser mes pieds sur le sol. Je retombai alors comme une casserole sur le sol terreux, tout en fracas et gémissement.
« Ne jamais vendre les bourses de l’ours avant de l’avoir mouillé ! Plus de peur que de mal, heureusement ! » disais-je en me redressant avec un grand sourire, époussetant mes vêtements au passage
Je me raclai alors la gorge et afin de passer à autre chose, tâchai de rejoindre sans nouvelle frasque mon poney et avec l’impatience d’un enfant ouvrait mon paquetage afin de découvrir ce fameux pendant d’Uraj. Il était enveloppé dans un fin tissu et je l’en sortais avec précipitation pour le contempler avec admiration.
« Un véritable chef d’œuvre… » murmurais-je en regardant le pendentif à la forme arrondie dont le centre était le réceptacle d’une pierre ovale à la teinte céruléenne.
Totalement ravi de cette découverte, je l’enfilai aussitôt et continuai de farfouiller mon sac. Je trouvai alors une petite armure en cuir bouilli parfaitement adapté à mes rondeurs et l’enfilai sans tarder. Elle m’allait comme un gant, sauvegardant ma panse de blessures douloureuses.
(En tout cas je l’espère…)Dans le fond du sac je dénichai une dernière chose, dont la forme familière m’évoquait de bons souvenirs… Je l’en sortais avec précaution et découvrit avec joie l’arme en question… Sa lame en pointe dont le manche pouvait se tenir d’une main et doté d’une attache pour le poignet était superbe. La lame s’ornait de quelques gravures et le fil devait être acéré car à peine touchais-je d’un doigt la lame qu’une fine estafilade dont le sang perlait orna mon pouce.
(Un Katar !) Nous reprîmes la route peu après s’être restauré et avoir pris possession de nos affaires et nous n’arrêtâmes qu’une fois le crépuscule tombé. Birhûvaya nous déclara alors que nous étions arrivés à la frontière mais qu’il était plus prudent de dormir ici et de reprendre demain matin.
Je sortais de mon paquetage de quoi me coucher par terre et prit sur moi d’aller chercher du bois pour le feu. Mais avant cela je me tournais vers le golem et lui demandai avec un ton solennel :
« Mon cher Birhûvaya, vous qui semblez connaitre les environs, pourriez-vous me guider jusqu'à un lieu propice à ma prière ? Un endroit exposé aux vents si possible. Je me dois d'honorer ma déesse et je ne puis imaginer reporter cela à demain. »Il hocha de la tête et me demanda de le suivre tandis que j’adressais à Kenra et Méraxès un rapide :
« Je tâcherais de ramener le plus de bois sec possible après ma prière. »Je suivais alors le golem pendant quelques minutes et disait avec une tristesse mêlée à la résolution de sauver Elysian :
« Ce monde est magnifique... Je comprends pourquoi Rana m'a conduit jusqu'ici. J'espère que nous parviendrons à découvrir la clef du mystère, après tout chaque vie est un don qu'il faut préserver »Birhû se contenta de me sourire avant de me montrer un petit rocher, il n’y avait qu’une trouée parmi les cimes des arbres mais je savais devoir m’en contenter. Il s’excusa de ne pouvoir me donner mieux mais je le rassurais aussitôt, l’important n’était pas tant le lieu que l’intention, même s’il était préférable de prier Rana exposé aux vents. Je m’apprêtais à commencer ma prière quand il me demanda d’une voix timide s’il était de coutume de prier dans mon monde d’origine, et me questionna dans la foulée sur les Dieux eux-mêmes, il voulait savoir comment ils étaient.
Je me tournai avec théâtralité et proclama d’une voix dévote :
« Nombreux sont les Dieux qui régissent mon monde. A l’image de leurs créations, certains se révèlent monstrueux mais même dans la fange et le sang peut se révéler plus grande lumière encore, une lumière capable de lutter contre l’obscurantisme que cherche à accroître des gens mauvais comme les nécromanciens ! Par exemple, Rana incarne la sagesse, Gaïa, la déesse que Méraxès vénère incarne quant à elle la lumière qui permet à la vie de se développer, tout comme le vent de Rana qui permet aux graines de s’éparpiller, faisant ainsi naître les forêts, domaine de Yuimen, le dieu de la terre. Mais si je devais vraiment converser de ce sujet avec vous, il nous faudrait du temps, j’espère que nous en aurons l’occasion. »Je lui souriais avec franchise et m’agenouillai dans un même mouvement, mais brusquement emporté par mon élan je faillis perdre une nouvelle fois l’équilibre. Je me campais sur mes genoux et invoquait le nom de Rana, récitant la prière que je lui dévouais pendant de longues minutes.
Je terminai par un vibrant :
« Oh Rana accorde-moi ta clairvoyance et ta sagesse, autorise ton humble serviteur à bénéficier de ces dons afin de réussir à sauver Elysian. Que ton nom soit à jamais glorifiée, que tes enseignements vainquent la faiblesse d’esprit et permettent au monde, une nouvelle fois, de s’épanouir. »Je me redressai alors et, satisfait, demandai à Birhu s’il ne voulait pas m’aider à ramasser le plus de bois sec possible. Il accepta et c’est avec son concours que j’amassai le plus de bois et le ramenai au camp, les bras chargés.
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