Druss débarque dans la rue, son regard se veut fier, la réalité ? Une autre affaire… Il ressemble à un cadavre ambulant, empestant la mort, les traits tirés et le dos voûté. C’est d’une démarche hasardeuse et périlleuse qu’il s’traîne vers la taverne du P’tit Grobert. Dans ses yeux brûlent la flamme de l’espoir, celui de recevoir un bon pourboire. Ses plans pour la journée sont d’jà tracé… picoler, s’amuser et une fois la nuit venue, détrousser des inconnus, jusqu’à leur chez-eux s’il l’faut.
Notre voleur déambule dans les rues insalubres de la cité qu’est Omyre, pulsante de vie. Une ville où la loi du plus fort et du plus rusé prime sur le reste, un endroit où en somme, il fait bon vivre. Les ruelles et allées sont toujours débordantes d’activités, des orques, des gobelins et des humains, pour beaucoup esclaves, vont et viennent, tout en grognement et injure.
L’atmosphère sanglante qui règne ici ne cesse jamais. Les cadavres et les attaques sauvages sont le commun des habitants d’Omyre pour qui l’avenir ne peut s’améliorer qu’en tuant, dépassant ceux qui vous surpassent encore… L’important est d’être le meilleur, pour ce point, Druss a encore du mal. Lui se contente de faire ce qu’il faut pour survivre, des petits boulots sans réelle envergure, sans risque non plus.
Il tourne à gauche, guidé par son instinct malgré son mal de tête persistant. Le remède de La Rousse commence déjà à faire effet et l’envie de vomir s’est dissipée, c’est déjà ça. Les ruelles s’enchaînent sans que le décor ne change. Druss se voit parfois obligé d’enjamber les cadavres, fouille à l’occasion un corps, sans grand résultat cependant. L’air lui-même est vicié, les corps en décomposition, l’urine et le sang qui macule le sol n’y sont pas étrangers. Mais le voleur n’est pas dérangé par ce qu’il apprécie comme un délicat fumet, cela fait bien des années qu’il s’est fait à ces odeurs qui sont maintenant devenues familières.
Druss évolue dans ces dédalles labyrinthiques qu’il connait comme sa poche. A force d’écumer la cité à la recherche d’or, lui qui a une très bonne mémoire visuelle, il parvient toujours à se repérer dans la grande et tumultueuse Omyre. Le voleur emprunte certaines allées désertées, seul les rats et de rares passants sont présents. La taverne est maintenant proche et Druss se voit donné des ailes en pensant à ce qu’il l’attend.
Un cri soudain brise alors sa rêverie. Druss se retourne, prêt à agir promptement. Un sekteg est attaqué par un shaakt, ce dernier menace le gobelin de sa lame effilée, la pointe en direction de sa gorge. Druss repère immédiatement une opportunité, la victime serre dans l’une de ses mains une bourse qui semble bien remplie… Son agresseur, une saloperie d’elfe noir a la tête ailleurs, uniquement concentré sur sa cible… Druss s’avance dans son dos, aussi silencieusement que possible, dégaine sa dague et la serre compulsivement.
(Je vais avoir de quoi manger et boire c’soir et j’parle pas de cet enfant de putain que j’vais pouvoir tuer sans peine !)
Druss est fou de joie, une bourse bien remplie se profile à l’horizon, peut-être que le shaakt lui aussi a quelque chose à offrir, en dehors de sa propre vie… L’elfe siffle et érafle la gorge du sekteg qui s’agite et essaie de se défaire de l’emprise mortelle de son adversaire. Druss continue d’avancer… il n’est plus qu’à quelques mètres…
Le Shaakt, excédé, finit par tuer la peau-verte qui s’affale misérablement au sol, son cadavre baigne vite dans une mare de sang. L’elfe entreprend de fouiller le corps, saisit la bourse… c’est le moment que choisit Druss pour frapper. D’une impulsion il bondit vers son adversaire au dos tourné, la lame brandie en direction de la nuque.
L’elfe se retourne alors ! Comme alerté par un bruit, il affiche un air dépité avant d’élever son bras en guise de protection. La lame du voleur entaille la peau du Shaakt au niveau du poignet, pénètre à peine… Le coup devait se planter, pas trancher, la force n’était pas suffisante, Druss le sait. Il a maintenant peur… son ennemi semble être aguerri et l’effet de surprise n’est plus possible… Pourtant, il sait que ces elfes sont des êtres véloces, lui tourner le dos n’est donc pas envisageable, pas comme avec ces patauds d’orques…
Druss fait craquer ses jointures et affiche un sourire nerveux alors que l’elfe, en le voyant, part dans un rire à gorge déployé.
« C’est un cloporte comme toi qui pense me tuer… ? Tu as tenté ta chance, tu as perdu… Dis adieu à la vie que tu chérie pitoyable humain. » déclame-t-il d’un ton moqueur.
Les yeux du voleur se réduisent à de fines fentes, mue par l’énergie du désespoir et de la haine, il est bien décidé à se battre, à vaincre… Sa tâche commence ici et maintenant, avec cette engeance elfique dégénérée. La lame fermement tenue, Druss n’attend qu’une chose, que le combat commence. Sa mâchoire est crispée, tous ses membres, ses muscles, sont tendus, prêt à parer toute éventualité.
C’est le Shaakt qui prend l’initiative, il bondit tout en rugissant et essaie d’éviscérer Druss qui d’une parade parvient à dévier la course de l’arme adverse. L’elfe continue d’attaquer, entaille le voleur à hauteur d’épaule, des bras… Le sang coule bientôt abondement mais Druss n’a qu’une idée en tête, une simple envie… qui le pousse pourtant dans ses retranchements. Il doit le tuer.
(Aussi simple que bonjour en somme.)
Le Shaakt poursuit son assaut hargneux, obligeant Druss à se défendre uniquement. Mais ce dernier n’est pas en reste… D’une ruade il bouscule l’elfe qui percute le mur derrière lui. Il ne lâche pas son arme mais laisse au-moins le temps à Druss de récupérer, de penser à un plan… Il n’est clairement pas de taille contre son adversaire dans un duel régulier… il va falloir ruser, vite et bien.
« Alors tête d’cul, on s’repose ? » clame-t-il à l’intention de l’elfe qui commence à peine à se redresser, son expression n’augure rien d’bon, une face austère et glaciale. Le Shaakt regarde Druss, droit dans les yeux, puis, comme de rien, s’époussette rapidement d’une main distraite, le regard toujours braqué sur Druss. Un fin sourire nait aux commissures de ses lèvres… il a trouvé comment battre ce foutu elfe.
Il commence de courir en direction du cadavre du sekteg et le soulève à bras le corps, un sourire devenu dément éclaire maintenant son visage, ses yeux pétillent. Il se retourne et en poussant un hurlement projette le corps inanimé sur le Shaakt qui est juste derrière. Ce dernier d’une pirouette évite le corps, prenant même appui dessus pour bondir vers Druss… Le voleur affolé bondit en arrière mais il est trop tard… L’elfe est déjà sur lui, il le larde de coups de couteaux, trace des sillons sanglants sur les bras de Druss qui est heureusement protégé au niveau du torse, les coups ne font qu’entailler la surface. Le voleur expire et se concentre alors… Il bande ses muscles qui atteignent leur limite… et commence à frapper comme un berserk, rendant coup pour coup au Shaakt qui lui aussi commence à saigner… Il frappe les bras en priorité, zone généralement peu protégée et plus propice à se faire toucher que le visage. Les guerriers comme eux ne laissent jamais de réelle ouverture à ce niveau, et Druss veut juste fatiguer son adversaire, pas le faire reculer.
L’adrénaline le quitte cependant vite mais Druss a réussi à blesser son assaillant, c’est déjà un bon point. Son palpitant pompe du sang en abondance, frappe contre sa poitrine avec véhémence. Le voleur se sent à la fois fatigué et déterminé, il voit enfin une chance de vaincre. Certes, son plan précédent a échoué, mais le prochain sera le bon !
« T’vas voir foutu elfe… Ton crâne va m’servir d’choppe ce soir ! » dit-il pour provoquer et faire enrager son adversaire.
Le Shaakt bouille de rage, il rugit une nouvelle fois et lui jure de le tuer avant que l’éclat du soleil n’atteigne le porche situé à sa droite. Druss regarde, d’un œil distrait dans la direction et y voit un miracle… L’elfe grogne et commence à foncer vers lui, sa lame au clair et prête à le saigner comme un porc. Le voleur esquive d’un bond l’attaque et tirant la langue, encourage son adversaire à le pourchasser.
Il se souvient maintenant qu’il court, qu’il a vu où il est… Juste avant le porche de pierre il y a cette balustrade que Druss a déjà escaladé par le passé. Il suffit de sauter au bon moment, les mains s’accrochent et d’une impulsion l’on est en haut. Dans sa tête, tout est clair comme d’l’eau de roche, encore faut-il qu’il y parvienne. Toujours talonné par le Shaakt qui n’est plus qu’à quelques mètres, Druss arrive devant la balustrade, d’une impulsion il bondit, les mains brandies. La première tape contre la pierre sans rencontrer de prise mais la deuxième s’agrippe in extremis. Le voleur se hausse à la seule force de son bras et accroche le rebord de l’autre main avant de se hisser péniblement en haut.
L’elfe est en bas et le regarde avec haine. Il est arrivé quelques secondes trop tard pour intercepter Druss, qui est maintenant en position de force, si le Shaakt s’avise de grimper, le voleur pourra alors s’en donner à cœur joie. Il le sait, Druss le sait, les deux s’affrontent droit dans les yeux, comme des chiens qui se jaugent avant d’attaquer.
« C’est qu’t’as peur d’monter donzelle ! Pas si fort que ça l’loustic tout compte fait ! » balance Druss d’un ton railleur, brandissant son majeur en même temps.
L’elfe recule de quelques pas avant de… bondir en prenant appui sur le mur opposé. Il arrive en surgissant de nulle part, décroche un solide coup de pied à Druss qui s’affale contre le mur tandis que le Shaakt prend place sur la rambarde, comme un chat. Il regarde le voleur tel le prédateur affamé, ses yeux irisés de pourpre s’étrécissent, ses dents mordent sa lèvre inférieur… Druss ressent une peur viscérale… il ne veut pas mourir, pas comme ça, pas avec cet elfe noir. Une dernière secousse d’énergie parcourt son corps, poussé par le désespoir, il se saisit de sa dague par la pointe de la lame et la projette avec force sur le malandrin. Le projectile ne fait qu’effleurer le Shaakt, Druss étant trop paniqué pour bien viser… cependant, l’attaque a eu pour effet de surprendre l’elfe. Le voleur y voit là sa dernière chance et donne un nouveau coup de pied dans l’abdomen de son adversaire.
Ce dernier qui n’a toujours pas reprit ses esprits se laisse faire… le coup l’atteint et ainsi déséquilibré, il chute la tête la première. Druss capte son regard devenu suppliant alors qu’il perd pied et va repeindre le sol. Le voleur respire avec peine, encore sous le choc d’être passé si proche de la mort. Ce combat l’avait poussé dans ses retranchements, jamais il n’a eu à se battre si farouchement… contre un adversaire si agile… Il ne peut s’empêcher de l’envier, lui ne sait pas bondir aux murs, n’est tout simplement pas assez bon…
(Peut-être est-ce un foutu signe… Les gens ne m’attendent pas pour devenir plus fort… à force ma vitesse ne suffira plus… ni ma déplorable agilité. Si je dois mourir, autant que je sois préparé.)
Druss s’inspecte rapidement, ses bras sont blessés à de multiples endroits, ses jambes également… Il a horreur de ça mais il va devoir faire appel à La Rousse pour le soigner. Il sait qu’elle est efficace, mais à quel prix… ces remèdes sont immondes, ses pratiques douteuses… pourtant sa marche et le voleur ne connait personne d’autre. C’est toutefois avec une motivation renouvelée que le voleur entreprend de descendre. Il va lui falloir boire cependant… il en a terriblement besoin. Sa gorge est si sèche… heureusement, il a toujours sur lui cette flasque en cas d’urgence comme celle-ci. Avant de regarder ou de fouiller les cadavres de l’elfe et du sekteg, Druss s’empresse de boire goulûment, vidant pour le compte sa flasque d’alcool.
Allant un peu mieux, il décide de commencer par retrouver sa dague et la distingue rapidement… au sol, une partie de la lame s’est brisée dû au choc. Druss soupire avant de la ramasser, sait-on jamais, et se retourne vers le cadavre encore chaud du Shaakt. Son corps est en partie réduit en bouillie et ce n’est pas pour lui déplaire, le visage est méconnaissable, comprimée sur toute une partie.
Le voleur récupère tout ce qui lui semble avoir de la valeur, dont la dague, et entreprend pour finir de pisser sur le trépassé. Il s’en donne à cœur joie, vide sa vessie comme pas deux et se retourne finalement vers le gobelin. Il marche quelques minutes et discerne le mort. Il le fouille à son tour mais ne trouve rien… hormis quelques dents. La bourse repose tout près et quand il s’en saisit, un mauvais pressentiment l’envahit… Le contact est… mou, ce qui ne devrait pas être le cas avec des choses précieuses comme des diamants, de l’or… C’est angoissé que Druss ouvre finalement la bourse pour y découvrir… des oreilles… vertes, blanches, noires…
« Putain mais voilà sur quoi j’tombe ! Par les bourses de Kubi j’vais devoir boire pour oublier ça ! »
Totalement dépité, Druss laisse tomber à terre la bourse remplie d’organes et recommence à partir en direction de la taverne, n’ayant rien d’autre à espérer ici. Il abandonne l’idée d’aller se faire soigner pour le moment, se contentant de serrer des bandes de tissus prélevées sur le gobelin pour enrayer le saignement.
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“De la bourse ou la vie, le voleur vous laisse le choix. La femme exige les deux.” ― Samuel Butler
Dernière édition par Druss Vide bouteille le Mar 19 Juil 2016 13:07, édité 2 fois.
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