Au lieu de profiter de l’offre de l’elfe, le petit gobelin préférait plutôt manger. Il sortit alors un morceau de viande séchée. Sibelle se rappela alors qu’elle avait senti cette odeur un peu plus tôt au tout début de ses aventures. Surprise, elle plissa les yeux se demandant pourquoi Zniitch n’avait pas profité de son sommeil pour se nourrir. Mais flattée qu’il veuille partager sa maigre pitance, elle accepta volontiers ce qu’il lui offrait, mais en n’en prenant qu’une maigre portion et non tout ce qu’il lui tendit. Pour sa part, elle fouilla dans son sac et n’y trouva un vieux morceau de pain rassis, tout juste bon à jeter. Ce qu’elle fit.

« Merci à toi Zniitch, je n’ai malheureusement rien à te proposer en retour. »

Et c’est ainsi que la première journée se passa sans incident.

La nuit tomba, le froid l’accompagna et le marchand décida de parquer sa charrette sur le côté de la route et de piquer lui aussi un roupillon. Il s’installa non loin de nos deux camarades et en moins de quelques minutes, ils purent l’entendre ronfler bruyamment.

Sibelle plissa les yeux un instant, sans que Zniitch ne parvienne à comprendre pourquoi, mais accepta tout de même son offre. Elle se servit une petite portion du morceau que lui tendait le gobelin, et lui rendit aussitôt le reste. Était-ce de la politesse ? Sibelle n'avait-elle pas très faim ? N’appréciai-t-elle pas son geste ou la nourriture qu'il lui proposait ? ... Impossible à savoir pour le petit Zniitch, bien que cela ne l'empêcha pas de se mettre à manger goulument sa propre part.
Répétant son habituel manège, il détourna le visage de l'elfe, baissa son masque de tissu, croqua un bon morceau de viande séchée, puis se dépêcha de recouvrir son visage pour commencer à mâcher en se retournant vers sa coéquipière. Il se demandait ce qu'en pensait cette-dernière. Il savait son visage répugnant, même pour un gobelin, et n'aimait guère infliger cette vue aux autres. Et encore moins à Sibelle.

Celle-ci, mastiquant également son morceau de viande, fouilla dans son sac à dos mais n'en tira rien d'autre qu'un vieux crouton de pain en sale état qu'elle jeta immédiatement par-dessus la charrette en s'excusant de ne rien avoir à lui offrir. Zniitch eut le réflexe de vouloir le rattraper - il l'aurait bien mangé, lui, ce bout de pain - mais les mots de Sibelle résonnèrent dans sa tête et il resta assis, faisant la moue sous son masque.

( Fier et digne ! ) Se disait-il. ( Fier et digne ! )

Ils finirent tous deux leur repas respectif dans le calme, et le restant de la journée se passa de même.

Lorsque la nuit tomba, le marchand arrêta son chariot sur le bord de la route, décrocha les chevaux de leur attelage pour les attacher un peu plus loin, installa son camp et se coucha après une maigre colation.
Zniitch, pour sa part, décida d'aller s'assoir à côté de Sibelle et d'entamer la discussion tandis que l'homme rondouillard semblait motivé à rompre le calme et la quiétude de l'obscurité nocturne avec ses ronflements tonitruants.

« Zniitch ne ... Ça fait bizarre, de n'avoir rien à faire. Zniitch aimait bien enquêter avec Sibelle. » Puis il fit une pause, réfléchissant à ce qu'il allait dire. « Comment Sibelle a fait pour retrouver Zniitch, dans la mine ? Sibelle a sauvé la vie de Zniitch, et il lui en est très reconnaissant ... »

La nuit venait de poindre son nez et Sibelle s’apprêtait à faire le guet dehors lorsque la petite peau verte vint prendre place tout près d’elle.

Elle l’examina pensivement. Bien que l’offre du petit gobelin fût très généreuse, Sibelle n’avait pas grande appétit. Même s’ils avaient sauvé les gens du village de l’attaque des gobelins, elle avait toutefois l’impression de ne pas avoir accompli sa mission, d’avoir failli à la tâche. Elle aurait préféré se retrouver devant un vrai voleur de récolte et secourir les gens d’un vrai crime. Elle n’avait plus que le désir d’oublier toute cette histoire et retrouver son unique amie Azalée, qui saurait la calmer par ses paroles sensées. La petite sieste l’avait reposé, mais n’avait pas effacé son insatisfaction. Puis, elle regarda toutes ces bandelettes de tissus. La rouquine ne comprenait pas pourquoi Zniitch camouflait ainsi son visage, mais n’avait aucunement l’intention de le lui demander. Ses révélations risqueraient de la mettre mal à l’aise et elle n’était pas douée pour les confidences, autant pour les révéler que pour les écouter.

Puis Zniitch questionna Sibelle ce qui la sortit de ses réflexions. Il lui demandait comment elle l’avait retrouvé. La guerrière se redressa alors et comme un soldat fier et courageux elle déclara.

« Nous faisions équipe, nous étions frères d’armes, c’était mon devoir de te retrouver. »

Bien évidemment, l’orgueilleuse elfe blanche omit de dire qu’elle s’inquiétait pour son petit protégé. Puis moins formellement, elle répondit :

« C’est le fils du maire, une vraie petite fripouille, j’ai découvert qu’il avait inventé toute cette histoire de vol de récolte. Je l’ai alors menacé de tout dévoiler s’il ne voulait pas que je lui tranche la gorge, ce que j’aurais dû faire en fin de compte. »

Elle dévisagea quelques secondes le petit être qui se tenait à côté d’elle puis poursuivit :

« Lors de notre prochaine mission, on évitera de se séparer, ce sera plus prudent. »

La grande et fière guerrière elfique répondit à Zniitch qu'ils formaient tous deux une équipe, qu'ils étaient des frères d'armes, et que c'était son devoir de le retrouver. Elle expliqua ensuite qu'elle avait découvert que c'était le fils du maire - ce fameux Blanket, donc - qui avait tout manigancé. Elle l'avait menacé de lui trancher la gorge s'il ne lui racontait pas tout, mais elle exprima à Zniitch son regret de ne pas l'avoir fait ...

( C'est étrange ... Sibelle à l'air de tenir énormément aux humains, et pourtant elle semble détester tant Blanket et Lisa. Ah, les elfes ... ) Songeait Zniitch tout en écoutant sa sœur d'arme.

Elle annonça également qu'ils devraient éviter de se séparer, la prochaine fois. "Lors de notre prochaine mission" avait-elle dit, pour être précis. Ce choix de mots raviva la joie du petit gobelin, conforté dans l'idée de passer plus de temps avec Sibelle et de vivre de nouvelles aventures à ses côtés.

« Zniitch est d'accord, Zniitch est trop faible sans Sibelle. » Acquiesça-t-il en baisant la tête, avant de reprendre avec ce qu'il voulait être un ton espiègle. « A moins que Sibelle n'entraine Zniitch pour qu'il puisse se défendre tout seul ? »

Mais il se ressaisit vite et continua d'interroger Sibelle. Après tout, ils étaient des compagnons d'aventure, maintenant. Des fréres d'arme ! Pourtant, Zniitch ne savait rien de Sibelle, de son passé ou de ses motivations ... Et il souhait fort que cela change.

« Zniitch se demande ... » Reprit-il donc après un silence. « Zniitch voudrait savoir pourquoi Sibelle s'est engagé dans cette quête, au départ. Avait-elle une raison particulière ? Voulait-elle seulement combattre ? Ou juste pour aider ces humains ? »

Une première conversation venait de s’engager entre Zniitch et Sibelle alors que ça faisait quelques jours qu’ils se connaissaient. Le petit gobelin toujours aussi inquiet et timide approuva l’idée de ne pas se séparer, mais il rajouta qu’il était trop faible pour demeurer seul. À cette remarque, c’est le soldat en Sibelle qui se réveilla. D’une allure fière et le corps bien droit, elle lui répondit comme un officier à son élève.

« Ne te sous-estime pas, je t’ai vu à l’œuvre et tu te débrouilles bien. Nos différences nous profiteront et feront de nous une bonne équipe, les faiblesses de l’un seront compensées par les forces de l’autre. »

Une fois de plus, elle planta son regard noisette dans celui de Zniitch. La seule partie de son anatomie que le petit gobelin laissait heureusement à découvert.
« Je veux t’entraîner à te défendre, mais je crois que la première leçon serait que tu te fasses confiance. …et puis »

Elle s’arrêta un moment hésitante.
« Une bonne défense nécessite souplesse, agilité et bonne vision… Tu es certain que toutes ces bandelettes de tissu ne n’obstruent pas un peu ta vue ? Il ne fait pas trop chaud là-dessous ? »

Alors qu’il aurait dû vouloir dormir, le compagnon d’armes de Sibelle se montrait bien bavard. Sa dernière question, celle concernant les motivations de la rouquine pour la mission qu’ils venaient d’accomplir, la prit bien aux dépourvues. En vérité, elle n’aurait jamais participé à cette aventure, si un prétentieux homme riche ne l’avait provoqué.
Un peu honteuse d’avouer la raison de son enrôlement, elle baissa les yeux et s’expliqua.
« Je prévoyais me rendre à Amaranthe pour un achat, puis après je devais retourner à Kendra Kâr et retrouver Azalée. Mais je sortais à peine des portes de Kendra Kâr que je fus intrigué par la présence d’un petit attroupement. Lorsque je m’informai auprès des gardes, un autre blondinet à la fière allure et prétentieux comme un coq en rut m’apostropha, me priant de m’écarter, qu’il me rappellerait lorsqu’il aurait besoin de divertissement. »
Juste le fait de raconter ces événements et le visage de l’elfe blanche rougissait de colère.

« Il m’a provoquée, niant mes capacités de combat sous prétexte que je n'étais qu'une femme. J’ai donc réagi et je me suis engagée ! »


Une fois de plus, c’était le tempérament fougueux de la belle qui avait dicté sa conduite.

Lorsque le petit Zniitch évoqua sa faiblesse, la réaction de Sibelle fut immédiate. Elle lui ordonna de ne pas se sous-estimer, avouant qu'il ne se débrouillait pas si mal lorsqu'elle avait eu l'occasion de le voir combattre. Elle répéta ensuite qu'ils étaient une équipe, maintenant, et que les faiblesses de l'un seraient compensées par les forces de l’autre, bien que Zniitch ne voyait pas bien quelle faiblesse il pouvait bien compenser !

Puis, suite à sa demande de l'entrainer, la grande elfe en armure, droite et très sérieuse, lui répondit favorablement. Elle l'entrainerait à se défendre. Mais en premier lieu, elle voulait lui apprendre à avoir confiance en lui-même. D'ailleurs, elle lui proposa d'ôter les bandelettes qui lui couvraient le visage, prétextant que cela devait lui porter chaud et qu'une bonne défense avait besoin de toute l’agilité, la souplesse et la vision possible ...

( Comment Sibelle a-t-elle pu comprendre que Zniitch cachait son visage parce qu'il avait honte de lui ? Zniitch n'aime pas ça ... )

« Zniitch ne ... Zniitch n'aime pas beaucoup montrer son visage ... Mais si Sibelle dit qu'il doit enlever son masque pour s’améliorer, alors Zniitch l'écoutera et enlèvera le masque ... » Prononça Zniitch avec difficulté, appréhendant le moment où cela arriverait.

Il y eut un silence, bercé par les gras ronflements du conducteur de la charrette, puis Sibelle reprit la parole en expliquant pourquoi elle était ici. En fait, il n'y avait là aucune quête de noblesse ou de justice, ou de quoi que ce soit ... La guerrière elfe était juste passé à côté du convoi de mercenaires, et un homme l'avait provoquée en lui disant qu'elle n'était qu'une femme et qu'elle n'était bonne qu'à divertir. Pour lui prouver que ce n'était pas le cas, elle s'était alors engagée ...

« Fière et digne, c'est ça ? » Lança le gobelin avec légèreté, craignant au dernier moment que sa sœur d'arme ne le prenne très mal et tentant aussitôt de se rattraper. « Sibelle a eu raison de réagir ainsi. Zniitch aurait fais pareil s'il avait fais la taille de Sibelle et qu'il avait eu sa force ... »

« Zniitch a cru comprendre que les humains traitaient très mal leurs femmes ... De même qu'ils maltraitent les membres des autres races, d'ailleurs. Non, Zniitch n'aime pas les humains ! Ce n'est pas pour les humains que Zniitch a rejoins le convoi, mais parce que les mercenaires avaient parlé de Gark n'a-qu'un-œil ... Zniitch voulait revoir Gark et lui montrer qu'il avait grandis, voila tout ... »

« Sibelle veut peut-être dormir, maintenant ? Il se fait tard ... »

Il y avait longtemps que Sibelle n’avait pas eu de conversation calme avec quelqu’un sans qu’elle s’emporte, mais cette fois rien ne laissât présager une colère de la part de la guerrière, calme et reposée, elle affichait même un sourire.

Elle fronça cependant les sourcils lorsque Zniitch lui affirma qu’il n’aimait pas montrer son visage, mais qu’il le ferait si Sibelle l'exigeait. La guerrière n’aimait pas qu’on lui dicte quoi faire et ne voulait pas imposer ça aux autres.

« Non ! Tu les enlèveras lorsque toi tu en auras envie, ce n’est pas à moi de décider ce qui est bien pour toi. Tu es le seul à le savoir. »

Lorsque la belle lui avoua que c’est son sale caractère qui l’avait amené à faire cette mission, le petit gobelin répéta les quelques mots qu’elle lui avait dit un peu plus tôt : fier et digne.

Les joues un peu rougies, par la honte ou encore par orgueil, elle baissa le regard pour la première fois et en regardant le sol, elle dit:

« Non, Zniitch, je n’ai pas bien fait. Je me mets en colère trop rapidement. Azalée, me le reproche souvent et avec raison. »

Puis elle leva ses yeux noisette et regarda de nouveau Zniitch.

« Je pensais des humains la même chose que toi jusqu’à ce que je rencontre Azalée, ma meilleure amie, la seule en fait, et c’est une humaine. C’est la meilleure personne que je n’ai jamais rencontrée. »

Parler ainsi et se confier, Sibelle ne l’avait presque jamais fait. Elle se sentit mieux plus légère.


« Après ce que j’ai vu dans ce village, je comprends ta haine pour les humains. »

Sibelle n’osa avouer qu’avant de le rencontrer, elle détestait aussi les petits hommes verts de son espèce.

Puis elle descendit de la charrette et se tourna vers Zniitch, son air fier de guerrière retrouvé sans plus aucune trace de cette femme qui venait de se confier.

« C’est à mon tour de monter la garde, j’ai dormi la première ! »

Ce disant, Sibelle entreprit de faire le guet autour de la charrette et de ses occupants, le petit gobelin et le gros marchand. Ce dernier leur rappelant sa présence par de bruyants ronflements.

Zniitch pensait bien faire en acceptant de retirer son masque, il pensait que c'était là ce que souhaitait Sibelle, mais la réaction de celle-ci ne put que prouver le contraire. Pourtant toujours calme, posée et souriante, la guerrière elfe fronça les sourcils d'incompréhension et s'échauffa en élevant la voix. Elle fit savoir au gobelin que ce n'était pas à elle de décider du moment où il enlèverai son masque et qu'il devait faire ce choix seul.
Puis le campement autour de la charrette retomba dans le silence - mis à part les ronflements incessants du marchand, bien entendu - tandis Sibelle baissait la tête, comme si elle avait honte, et que Zniitch réfléchissait à ce que celle-ci venait de lui dire.

( Sibelle a peut-être raison ... Zniitch doit avoir confiance en lui et ne doit pas toujours obéir à ce qu'on lui dit ! )

Ce fut Sibelle qui reprit la parole la première. La pique que lui avait lancé précédemment le gobelin semblait l'avoir plus blessé que mise en colère et elle garda la tête basse, expliquant qu'elle n'avait pas bien fais de s’énerver et que cela lui arrivait trop souvent, bien que cette fameuse Azalée lui reproche sans cesse.

( Mais qui est donc cette Azalée ?? ) S'interrogeait Zniitch, se grattant l'arrière du crâne et se demandant bien ce qu'il pouvait dire à Sibelle alors qu'elle avait l'air si blessée. Il ne voulait pas enfoncer d'avantage le clou, mais il ne souhaitait pas non plus subir la rage de la guerrière si celle-ci venait à s'énerver pour de bon.

Mais il eut rapidement la réponse à sa question puisque Sibelle expliqua qu'Azalée n'était autre qu'une humaine. Une femme bien, selon l'elfe, sa meilleure amie même. C'était elle qui lui avait ôté sa haine des humains, qu'elle partageait auparavant avec Zniitch.

« Zniitch aimerait bien rencontre Azalée. Si Azalée ne déteste pas les gobelins, bien sûr. »

Sibelle termina finalement cette discussion en avouant qu'elle pouvait comprendre la haine que Zniitch vouait aux humains, après ce qu'elle avait vu dans ce village. Puis elle descendit du chariot sur lequel ils se reposaient et annonça qu'elle allait prendre son tour de garde, laissant l'occasion à Zniitch - dont, il fallait bien le dire, les paupières commençaient à devenir de plus en plus lourdes - de dormir un peu.
Ce qu'il fit. Il s'affala dans la cargaison de la charrette et ferma les yeux tout en réfléchissant à la suite des événements ... Pas très longtemps, puisqu'il s'endormit presque instantanément.

***

Quelques heures plus tard, Zniitch se réveilla en sursaut. La douleur dans son dos due à l'inconfort de sa position l'empêchait de faire des mouvements brusque et il mit un bon moment à se rapeller où il était. Mais ses nerfs se calmèrent et il s'apaisa lorsqu'il vit Sibelle, toujours en train de monter la garde.

« Bonjour, Sibelle. Zniitch a bien dormi ... Suffisamment, en tout cas ! » Lâcha le gobelin à l'attention de la guerrière. « Sibelle peut se reposer, si elle veut. Zniitch peut prendre la relève. »

Sibelle profita du reste de la nuit pour faire le guet, observer le ciel étoilé et surtout garder sa tête exempte de toute réflexion. Faire le vide, il n’y avait rien de tel pour débuter une nouvelle journée.

C’est lorsque le soleil laissa entrevoir ses premiers rayons que la guerrière entreprit quelques exercices de réchauffement, sans se presser outre mesure puisque ses deux compagnons de route dormaient toujours.

Puis lorsque le petit Zniitch sortit sa tête de la charrette et s’enquit de la fatigue de la rouquine, celle-ci l’accueillit d’un beau sourire.

« J’ai très peu besoin de dormir, je suis en pleine forme, je te remercie. Je venais tout juste de terminer mes exercices d’échauffements, tu veux bien t’entrainer avec moi ? Nous avons amplement le temps avant que le marchand se réveille. »

Sibelle se retourna à l'appel du gobelin mais déclina poliment son offre d'un sourire, déclarant qu'elle n'avait pas besoin de beaucoup de sommeil, et que la sieste qu'elle avait fait la veille lui suffirait. Au contraire, elle proposa même au petit gobelin à peine réveillé de se joindre à elle pour s'entrainer ensemble.

Il n'en fallut pas plus pour mettre Zniitch sur pieds. Celui-ci secoua la tête pour se remettre les idées en place, rajusta ses vêtements froissés et bondit hors de la charrette pour rejoindre la guerrière.
Il vérifia que ses couteaux de lancer étaient bien toujours là, dissimulés sous sa chemise, et que son fourreau était toujours accroché à sa ceinture.

« Bien sûr que Zniitch a envie de s'entrainer ! Par quoi Sibelle veut-elle commencer ? »

Encouragée par la motivation du petit gobelin, la guerrière dont le combat s’avérait être une passion, ramassa trois bouts de bois de longueurs moyennes et en lança un à Zniitch tout en lui répondant :

« Le combat à l’épée ! »

Ses deux épées factices en main, Sibelle regarda Zniitch droit dans les yeux et en position de garde, elle commença la leçon.

« Tout d’abord, il y a l’attitude. L’adversaire ne doit pas sentir ton insécurité, ni ta peur. Tu dois lui montrer ta confiance en toi et ton plaisir d’en découdre contre lui. Il croira ainsi que tu es certain de la victoire et il sera déstabilisé. »

Ce disant, Sibelle afficha ce sourire malin qu’elle avait déployé contre les gredins habillés de fourrure. Il faut dire que pour la rouquine, il n’y avait pas de faux semblant, elle prenait vraiment plaisir à se battre et ne doutait point de ses capacités.

Puis se tenant à hors distance du petit gobelin, elle poursuivit ses explications :

« Il faut ensuite analyser ton adversaire. Il est important de choisir une attaque en fonction de tes forces, de celles de ton adversaire, mais aussi de sa morphologie et de son armement. Je me bats différemment dépendant qui est mon opposant. Les gobelins sont plus petits, plus agiles, plus coordonnés dans leur mouvement, mais leurs coups sont moins puissants. Alors que la puissance et l’endurance sont la force des orques qui sont par contre plus lents et offrant plus de surface d’attaque. »

La guerrière fit un pas en avant puis déclara :

« Pour pouvoir attaquer, il te faudra accélérer tes mouvements pour surprendre ton adversaire et transpercer sa garde. Pour cela, il est nécessaire de se pratiquer intensivement et régulièrement. »

La guerrière en avait fini avec ses conseils. Elle venait à peine de terminer le dernier qu’elle fonça droit sur le gobelin, tentant de lui donner un coup de bâton dans les flancs.

Le combat à l'épée. Voila par quoi ils commenceraient. Sibelle ramassa alors au sol trois longs morceaux de bois relativement droits, en lança un à Zniitch et garda les deux autres en mains. Le petit gobelin manqua de rattraper son arme factice et celle-ci chuta à ses pieds, l'obligeant à s'abaisser pour la récupérer.

( Zniitch commence bien ... ) Se dit le sekteg, un peu honteux, tout en écoutant les conseils avisés de son entraineuse qui se mettait déjà en garde.

Selon Sibelle, la confiance en soit était l'une des clefs principales de la victoire, afin de tromper et de déstabiliser son adversaire. L'elfe lui expliqua également l'importance d'une analyse de celui-ci dans les moindres détails ... mais ça, Zniitch le savait déjà. A vrai dire, son sens de l'observation et son agilité - qui lui permettait de frapper les points sensibles - étaient ses seuls véritables atouts en combat.
Puis la guerrière fit un pas en avant, expliquant brièvement que, en combat, il valait mieux privilégier l'agressivité et l'attaque rapide pour percer la garde adversaire et le prendre par surprise. Ceci dit, et comme pour illustrer ses propos, elle se rua sur le gobelin.

Désemparé, le pauvre Zniitch n'eut guère le temps de se défendre. Le temps qu'il lève devant lui sa vieille branche irrégulière, Sibelle était sur lui, affichant cette confiance sereine et ce sourire enjoué dont elle lui avait parler. Et elle avait raison, une telle charge était extrêmement déstabilisante - d'autant que le gobelin n'avait pas vraiment envie de frapper sa nouvelle compagnonne d'aventures - et la seule parade qu'il eut le temps de tenter fut bien vaine.
Le premier bâton de Sibelle frappa de plein fouet celui de Zniitch, brisant la garde fragile du jeune gobelin. Puis, tandis que ce dernier essayait de se retourner pour bloquer l'attaque suivante, la seconde arme de l'elfe l'atteignit violemment au flanc.
Le choc lui coupa le souffla un court moment et le désarma, mais il se ressaisit rapidement sous les encouragements de la guerrière qui lui rendit sa branche. Zniitch ne put s'empêcher de remarquer avec un poil de jalousie que son adversaire possédait deux armes et lui une seule ... bien que ce ne soit pas le seul facteur déterminant de ce combat, et de loin !

Puis le combat reprit. Cette fois bel et bien prêt, Zniitch ne se laissa pas surprendre, ni par la vitesse de son adversaire elfique, ni par l'expression jubilante qu'elle affichait. A la place, le gobelin usa de toutes ses capacités pour tenir le plus longtemps possible.
Il remarqua rapidement que le plastron que portait Sibelle gênait quelque peu sa mobilité, notamment sur les coups les plus larges. De plus, le combat à deux armes avait également ses défauts, et rester sur le flanc de son adversaire lui permettait de les mettre à profit.

Parant une attaque après l'autre, virevoltant autant que possible autour de la guerrière elfique pour limiter ses mouvements, Zniitch tentait d'exprimer toute la confiance en lui qu'il pouvait ... ce qui ne représentait pas tant que ça. A plusieurs reprises, le petit gobelin tentait une fente vers l'avant, une percée, mais il était toujours repoussé par l'elfe qui avait toujours une épée de libre pour bloquer ses attaques.
Jusqu'au moment où Sibelle n'eut qu'à faire un ample pas de côté pour sortir de son champs de vision. Et, lorsqu'il se retourna, l'elfe n'était plus là. Elle se déplaçait trop rapidement pour quelqu'un de cette taille ... Et le choc violent que Zniitch ressentit dans son dos mit un terme à ce court affrontement.

( Zniitch s'est encore fait avoir ... Sibelle va trop vite, Zniitch ne peut pas voir Sibelle ! A moins que ... A moins que Sibelle n'ait raison et que Zniitch devrait enlever son masque ... Zniitch y verrait mieux ! )

Alors, après s'être lentement relevé en se tenant le dos, Zniitch fit signe à Sibelle qu'il souhaitait faire une courte pause. Il ôta d'abord son casque puis, comme il l'avait déjà fais la veille devant son ancien mentor, il entreprit de défaire le turban et le masque qui cachaient son visage.
Une à une, il retira les bandelettes de tissu qu'il avait enroulé autour de son crâne bossu, dévoilant au grand jour la laideur de ce visage au nez dévié, à la bouche tordue et à moitié édentée et aux longues oreilles tombantes ... Il nota que Sibelle le regardait d'un air neutre, sans le dévisager comme l'aurait fait la plupart des gens, et apprécia ce geste. Il remit finalement son kabuto, l'attachant au niveau du cou, et récupéra son arme de fortune.

« Zniitch ne ... Zniitch est ... » Commença-t-il, ne sachant trop quoi dire, avant de se rapeller encore une fois les paroles de l'elfe. Il devait être fier et digne, et il devait afficher de l'assurance et de la confiance ! Alors il se redressa, prit une grand inspiration et déclara : « Zniitch est prêt ! »

Il attendit que son adversaire se mette en garde, puis se précipita dans sa direction, son bâton fermement tenu à deux mains, et un combat acharné s'engagea entre les deux compagnons de voyage.
Zniitch n'arrivait peut-être pas à montrer autant de confiance en soit que Sibelle, mais il se débrouillait déjà nettement mieux ! Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas ressentit ça ... L'air frais et matinal sur son visage, cette liberté de mouvement et de vision dont il avait l'impression ... Il ne se laissait plus prendre au dépourvu, l'elfe ne sortait plus de son champs de vision, et il percevait beaucoup mieux le combat.

Le bois claqua contre le bois pendant un bon moment et, de temps en temps, Zniitch étouffait un cri lorsque l'une des armes de Sibelle l'atteignait. Jusqu'à ce que, après un long et épuisant entrainement, le petit gobelin leva la main et laissa tomber son arme au sol en signe de rémission.

« C'est ... bon ... Zniitch a eu son compte ! » Lâcha-t-il, essoufflé. Certes, presque toutes ses attaques avaient été parées ou esquivées par Sibelle, et il ne comptait plus les bleus qu'il avait reçu ... Mais Zniitch avait quand même l'impression d'avoir considérablement progressé.

« Zniitch n'en peut plus ... Zniitch ne sait pas comment Sibelle fait pour être aussi endurante ! » Haleta-t-il, avant de réfléchir un instant pour demander : « Est-ce que Sibelle a envie d'un petit déjeuner ? »

Et la partie de plaisir venait de débuter, du moins c’est ainsi que Sibelle voyait cette petite séance d’entraînement. Le petit gobelin, pour sa part, semblait considérablement nerveux. Nul doute qu’il voulait faire bonne figure devant la guerrière.

La première attaque fut à l’avantage de celle-ci. Ayant pris la peau verte par surprise, elle ne lui laissa pas la chance d’esquiver et l’atteignit violemment dans le flanc. Sibelle n’avait aucunement l’intention de blesser son compagnon de combat, mais elle jugeait tout de même qu’elle ne devait pas trop lui faciliter la chose. À l’avis de celle-ci, l’entraînement n’était pas profitable un, si l’apprenti ne peinait pas à la tâche. Elle remarqua l’hésitation de Zniitch, tout en reluquant les deux armes de Sibelle.

« Ne te méprends pas, il n’est pas plus avantageux de se battre à deux armes, si on ne sait pas s’y prendre ! »

Elle ramassa le bâton que Zniitch avait échappé et lui lança, prête à reprendre l’attaque. À la surprise de Sibelle, le petit gobelin apprenait très vite. Il fut beaucoup plus difficile pour cette dernière de percer sa défense. Fidèle à ceux de sa race, Zniitch jouissait d’une belle agilité et une grande vitesse de déplacement. À un moment du combat, l’orgueilleuse Sibelle fronça les sourcils, le petit gobelin semblait avoir deviné les faiblesses de la rouquine et il n’était plus aussi facile pour elle de garder l’avantage du combat.

Il était temps à son tour se suivre les conseils qu’elle avait elle-même prodigués. Malgré la vitesse de déplacement et la souplesse dont il faisait preuve, Zniitch ne disposait que d’un étroit champ de vision. Elle décida donc de profiter de ce lourd handicap en esquivant de façon à toujours sortir du champ de vision de la petite créature. Et c’est ainsi qu’elle put repousser une belle attaque, pivoter sur elle-même et se retrouver derrière le gobelin sans qu’il ne puisse rien voir. Elle lui asséna alors un coup de bâton dans le dos ce qui le fit chuter lourdement.
Inquiète, Sibelle cessa les attaques et attendit quelques secondes. À son soulagement, le gobelin se releva, tout en se maintenant le dos. La guerrière regretta d’y avoir été aussi violemment et s’en mordit les lèvres. Zniitch lui fit un petit signe de la main. Pensant qu’il voulut mettre fin à l’exercice de combat, elle acquiesça du chef et lâcha ses deux bâtons de bois. Sous les yeux ahuris de Sibelle, le petit gobelin retira son casque, puis, tout comme il l’avait fait devant Gark, il entreprit de retirer une à une les bandelettes de tissu qui recouvraient son visage peu attrayant. Zniitch avait compris par lui-même que ce camouflage nuisait à sa défense et Sibelle était fière de son protégé. Assez avantagée par la nature, elle n’avait jamais vécu de situation semblable, mais elle comprenait comment il pouvait être difficile de peser sur son orgueil et de mettre ainsi à nu son visage de gobelin. Bien qu’il s’avérait assez repoussant, Sibelle ne laissa rien paraître, sauf sa fierté pour son petit compagnon.

Il remit ensuite son casque et pour le plus grand plaisir de Sibelle, il annonça être prêt à poursuivre l’exercice. Celle-ci ramassa aussitôt ses armes de fortune et se plaça en position de combat. Cette fois, c’est la petite créature verte qui chargea sans attendre, ce qui déstabilisa quelque peu la guerrière. La guerrière devait déployer tout son savoir-faire pour esquiver les tentatives d’attaques de Zniitch. Et ce dernier fit mouche à plusieurs reprises, ce qui perturba quelque peu la guerrière. Mais orgueilleuse comme pas une, elle redoubla d’effort et para de son mieux les nombreuses attaques du gobelin. Lorsque Zniitch signala son désir de terminer le combat, la guerrière en fut soulagée. Elle ne l’aurait jamais avoué, mais elle n’aurait pu tenir encore bien longtemps. Tout comme le petit gobelin, bien qu’elle n’en dit rien, Sibelle était épuisée.

Zniitch lui fit remarquer l’endurance dont elle bénéficiait. Mais Sibelle éluda la question, trop orgueilleuse pour avouer son état de fatigue. Elle changea vite de sujet et répondit positivement à l’offre du gobelin.

« Déjeuner ! Bien sûr que j’en ai envie, mais je n’ai plus rien pour me nourrir et je ne peux une fois de plus profiter de tes maigres provisions. » Répondit sincèrement la guerrière.

La grande guerrière elfe, qui avait désormais reposé ses bâtons au sol, répondit positivement à l'offre du gobelin. Elle n'était pas contre un petit déjeuner, mais ne possédait plus aucune provision et elle avoua ne pas avoir envie de profiter une fois de plus de celles de Zniitch. Ceci dit, il n'avait plus rien sur lui non plus ...

Cependant, sans se dégonfler, et toujours sous l'adrénaline que lui avait procuré son récent combat, Zniich laissa lui aussi tomber son arme de bois par terre, puis dégaina un couteau - son couteau fétiche, celui à la lame sombre - et se dirigea d'un pas décidé vers les nombreux fourrés qui bordaient le sentier de montagne.

« Si Zniitch et Sibelle n'ont rien à manger, ils n'ont qu'à se procurer eux-même leur propre nourriture ! » Lâcha-t-il, tous ses sens à l'affût, son bras armé et marchant sur la pointes des pieds.

Et soudain, il s'immobilisa. Il avait crut voir un mouvement furtif, sous un buisson, juste à côté de lui. Et l'instant d'après, un lièvre de bonne taille s'en échappa, se précipitant hors de sa cachette de végétation pour s'enfuir à toutes jambes.
Mais Zniitch avait quelques connaissances dans l'art de la chasse, des connaissances obligatoires pour pouvoir survivre seul comme il avait presque toujours dut faire ... Ainsi, à la vue du rongeur au pelage brun qui détalait devant lui, le gobelin poussa un petit cri, aigu et bref. Et le lièvre, par réflexe, s'arrêta alors immédiatement et tourna la tête dans sa direction, un air hésitant et inquiet se reflétant dans ses petits yeux sombres ...

Un regard que Zniitch s’efforça d'éteindre en projetant son bras vers l'avant, relâchant en même temps sa prise sur la lame de son arme, qui jaillit à toute vitesse en direction de l'animal tétanisé qui n'eut pas le temps de réagir avant de la recevoir de plein flanc. Il s'agita un instant, couinant et se débattant, puis s'immobilisa définitivement.

Fier de sa prise, Zniitch s'empressa d'aller récupérer cette-dernière, sous le regard mi-étonné, mi-admirateur de Sibelle. A vrai, cela lui faisait bizarre d'être ainsi dévisagé par celle qui l'avait battu à plates coutures lors de leur dernier entrainement qui ne datait que de quelques minutes.

« C'est une astuce de chasseur. » Se sentit-il obligé de justifier à la grande elfe en armure tout en revenant vers elle. « Quand Zniitch cri, le lapin s'arrête toujours ... Même si Zniitch ne sait pas vraiment pourquoi. En tout cas, cela laisse à Zniitch le temps de viser et de tirer ... »

Le ventre de la guerrière gargouillait, mais orgueilleuse et fière, elle n’en pipa mot. C’est alors que le petit être qui lui avait proposé à petit déjeuner, laissa tomber l’arme de bois et dégaina sa petite lame affutée. La belle fronça les sourcils d’un air désapprobateur, elle croyait que Zniitch voulait éventrer les sacs de provisions du marchand afin de se chaparder à manger.
Mais le petit gobelin n’en fit rien, et la rouquine en fut soulagée. À proximité de la charrette, il bifurqua vers les fourrés et annonça qu’ils n’avaient qu’à se procurer de la nourriture. Ces sourcils exprimant à présent la surprise suivie de l’incompréhension, Sibelle observa silencieusement le petit homme se mettre à l’action. Ce dernier, aux aguets, tel un prédateur, semblait chercher une proie à se mettre sous la lame. Puis tout se passa très vite. Zniitch se tourna rapidement la tête vers la droite, ses sens sans doute alertés, et l’on put voir un agile lièvre filer tout droit dans l’autre direction. Expérimenté dans l’art de la chasse, Zniitch poussa un cri sec et bref. Aussitôt, le lièvre se figea. Il venait de signer son arrêt de mort puisque le gobelin profita de son immobilité pour projeter son arme aiguisée. La lame se planta dans le poitrail du petit animal qui rendit l'âme après quelques soubresauts et précédés d'imperceptibles gémissements.

La créature verte, fière comme un paon alla récupérer sa proie sous les yeux incrédules de la guerrière. Tout de même intimidé par le regard insistant que Sibelle posa sur lui, il se crut obliger de se justifier expliquant qu’il n’avait qu’utilisé un vieux truc de chasseur.
Sibelle ne connaissait rien à la chasse, mais ce n’est pas l’astuce utilisée qui l’avait impressionnée, mais plutôt l’habileté du gobelin à tirer son petit coutelas.


« Montre-moi comme faire ! » Lui demanda-t-elle aussitôt qu’il fut à proximité.

Puis désignant un arbre chétif à proximité :

« Ce sera notre cible, montre-moi ! » Fit-elle insistante.

Le petit être cèda à la demande de Sibelle en acceptant de lui donner quelques petits conseils.

En bon soldat discipliné, Sibelle écouta attentivement les explications que lui prodiguait Zniitch. Ce dernier lui expliqua qu'il était possible de classer les différentes techniques de jets en deux catégories: la rotation lente et la rotation rapide. La première plus adaptée aux petits couteaux permettait une plus grande puissance de lancer. La seconde quant à elle s'avérait plus précise en autant qu'on puisse évaluer la distance nous séparant de la cible. Ne le quittant des yeux à aucun moment, la rouquine observait les moindres détails, les moindres mouvements de son provisoire maître de lancer du couteau. Puis vint enfin le moment de mettre en pratique les conseils du gobelin.

Possédant des lames assez longues, elle décida de pratiquer la technique de rotation rapide. Son buste face à sa cible, les pieds bien campés au sol, le gauche décalé de quarante-cinq degré tout comme lui avait montré le petit gobelin, la guerrière se sentait prête à tenter son premier lancer... qu'elle rata bien évidemment. Obstinée et persévérante, elle tenta de nouveau, se rappelant cette fois qu'elle devait essayer de ne pas bouger son corps ni son épaule. Il lui fallut quelques essais, pendant lesquels elle ne put s'empêcher de lâcher quelques grognements d'insatisfaction, avant d'atteindre le tronc d'arbre chétif.

Mais toucher la cible ne suffit pas à l'elfe blanche, elle voulait gagner de la précision. C'est ainsi qu'elle lança encore et encore ses deux épées courtes se répétant mentalement les conseils de son compagnon de route.

(déplier l'avant bras, mouvement circulaire de la main, léger coup de poignet )

Seul Yuimen sait combien de temps Sibelle se serait entraînée si ils n'avaient pas été interrompu par le marchand. Celui-ci passablement de mauvaise humeur, les somma de ranger leur fatras afin de se mettre en route le plus tôt possible. Tout de même un homme bon dans l'âme, il leur offrit chacun un bout de pain frais ainsi qu'un petit bout de fromage.

Bien installée à l'arrière de la charrette, non loin de Zniitch, Sibelle mangea sa part de bon coeur tout en se remémorant les techniques de lancer. Ses lancers étaient encore très imprécis, mais elle savait qu'avec de l'entraînement régulier, qu'elle y
arriverait.

-->les alentours de Kendra Kâr