Toujours sur le qui-vive, et remarquant peut-être seulement maintenant les tâches de sang sur l'encolure de sa monture mentionnées plus tôt par l'elfe, Tamara répliqua :

"Bandits. Malheureusement pour eux, leur stratagème a échoué. Mon souci actuel, c'est d'amener ce convoi à destination."

Silinde approuva d'un signe de tête.

(Je ne m'étais pas trompé... Mais c'est attristant de voir qu'après plusieurs années d’absence, rien n'a changé; les routes sont ne sont toujours pas sûres...)

Détournant le regard qu'elle posait sur l'elfe depuis son arrivée, elle continua :

"Nous nous rendons également à Kendra Kâr, et nous accumulons encore du retard ! " avant de finalement écarter la main de son épée, et de faire pivoter sa monture, s’apprêtant à repartir vers l'avant du convoi, elle continua :
"Vous avez l'air de savoir vous défendre, mais voyager seul reste dangereux. Un bras armé supplémentaire pourrait être utile, même si mes femmes sont parfaitement capables."

Bien. Même s'il n'avait certainement pas gagné leur confiance avec seulement des mots, et que les cavalières allaient très probablement garder un oeil sur lui par mesure de sécurité, il allait pouvoir continuer le trajet vers la cité blanche tout en s'occupant le corps et l'esprit.

(Un convoi gardé par des femmes uniquement...? Existe-t-il un tel ordre...? Ou bie...)

Silinde n'eut pas le temps de finir de penser, ou même d'ouvrir la bouche pour répliquer, qu'un elfe apparu, comme de nulle part, pour s'intégrer à la conversation.
Un elfe blanc, tout comme il l'était lui même, mais très loin du guerrier. Le violon qu'il tenait à la main, le ton de sa voix et sa façon de s'exprimer ne laissa rien présager de bon à Silinde :

"Belle dame. Vous n'oseriez point briser mon cœur d'innocent guide en choisissant un autre elfe pour vous aiguiller ? Je vous assure connaitre parfaitement le chemin, et même quelques embranchements pour raccourcir notre voyage."

Tamara, semblait totalement indifférente à ses propos. Ou bien tentait elle de l'ignorer?
Il n'eut pas le temps de le savoir qu'un nouvel arrivant s'approcher de la petite troupe.
Un homme, plutôt petit de son point de vue, aux longs cheveux bruns, et aux traits lui rappelant très fortement son hôte et maître Miyamoto, la carrure du guerrier en moins.
Et c'est pour le grand plaisir de Silinde que ce dernier l'accueillit dans le convoi à son tour, de manière plus chaleureuse que les autres.

"Bienvenue messire elfe, je me nomme Ruizard, simple passager de ce convoi, et voici Tamara, patronne de nos anges gardiens et protectrices. A ma droite, Awkdjian, ménestrel de métier et beau parleur de vocation."

Rassuré de voir qu'il pourrait peut-être même passer le reste du voyage en bonne compagnie, l'elfe afficha un air plus serein sur son visage, avant de répondre à la petite troupe :

"Merci messire Wankli. J'ai déjà ouïe votre nom tantôt par la bouche de votre amie, dame Tamara, vous êtes donc la chef de ce convoi si je ne fais pas erreur...? Et bonjour à vous mon frère elfe. Je n'avais plus eut vu des miens depuis la grande guerre... C'est vraiment un plaisir.
Mais j'en oublie les bonnes manières. Je suis Silinde, épéiste vagabond, et maître d'armes, ça sera un plaisir d'apporter mes lames au service de ce convoi, il est tellement plus sûr et appréciable de voyager à plusieurs !
Mais... Je ne veux pas retenir ce convoi plus longtemps si vous avez déjà du retard, dites moi juste ce que je dois faire, et ce sera fait." conclu-t-il en attendant les instructions.

Pour Ruizard

La tension descend d'un cran lorsque tu fais les présentations. Awkdjian s'amuse même à faire une petite révérence, tandis que Tamara se contente d'une expression moins ennuyée.

Pour Silinde

Une fois les présentations terminées, tu peux voir une lueur intéressée dans le regard du ménestrel. De nouveau, il t'examine puis hausse un sourcil.

Pour tous les deux

Awkdjian semble d'un coup d'un enthousiasme débordant. Il s'approche de Silinde, agitant son archet comme un bambin impatient. Il a visiblement quelque chose à dire, mais il est devancé par Tamara.

"Prenez place dans un chariot, cela ira plus vite qu'à pied."

Sans attendre de réaction de votre part, elle lance des ordres d'organisation à ses cavalières, et s'éloigne de vous. Affichant d'abord une petite moue vexée, le ménestrel finit par reprendre un air jovial.

"La Grande Guerre ? Vous ? Oh, vous devez avoir tant de choses à conter ! Venez ! Venez ! "

D'un geste de la main, il vous incite tous deux à le suivre. En quelques grands pas, il rejoint le chariot de tête, mais plutôt que de prendre place sur le siège, il s'installe sur la toile recouvrant les marchandises. Il tapote le siège, juste à côté du conducteur qui ne peut pas s'empêcher de pousser un grommellement.

"Hâtez-vous Silinde et Wankli, je suis impatient d'entendre de nouvelles histoires !"

"Merci messire Wankli. J'ai déjà ouïe votre nom tantôt par la bouche de votre amie, dame Tamara, vous êtes donc la chef de ce convoi si je ne fais pas erreur...? Et bonjour à vous mon frère elfe. Je n'avais plus eut vu des miens depuis la grande guerre... C'est vraiment un plaisir.
Mais j'en oublie les bonnes manières. Je suis Silinde, épéiste vagabond, et maître d'armes, ça sera un plaisir d'apporter mes lames au service de ce convoi, il est tellement plus sûr et appréciable de voyager à plusieurs !
Mais... Je ne veux pas retenir ce convoi plus longtemps si vous avez déjà du retard, dites-moi juste ce que je dois faire, et ce sera fait."

Eh bien, il semblait civilisé et son titre de maître d’arme, bien que peut être mensongé, montrait son niveau. Apparemment, il voyageait seul lui aussi, j’aurai été un elfe que j’aurai pensé que c’était un trait pathologique de la race ! Peut-être que les elfes blancs avaient-ils une confiance en eux tel qu’ils pouvaient se le permettre. Quant à moi je n’avais pas eu le choix.

Mon intervention avait finalement baissé la tension et Silinde de son nom, nous rejoignit sans problèmes lorsque Tamara prit sa décision.

"Prenez place dans un chariot, cela ira plus vite qu'à pied."

Nous nous dirigeâmes vers le chariot alors que notre musicien local l’encouragaitr à raconter sa vie à défaut de la mienne. Vu la carrure et l’équipement du nouveau passager, j’espérais qu’il ait de quoi occuper le ménestrel le reste du voyage. J’essayais d’encourager la conversation car j’étais moi aussi curieux, aussi curieux qu’un citadin d’Oranan qui sortait de la ville pour la première fois de sa vie.

Et puis… mon rôle de paysan aventurier me collait à la peau.

« Que vous amène à Kendra Kar ? Je dois avouer que vous êtes le troisième voyageur solitaire qui croise la route de cette caravane et j’ai presque l’impression que ça deviens une sorte de mode… Surtout en des temps si troublé, la guerre orque fait des ravages. »

Tout en disant cela, je pointais du doigt les réfugiés à l’arrière du convoi. En faisant cela, je cherchais le cheval de Silinde du regard, voulant voir à quoi il ressemblait. Si bien que je fus très surpris quand je m’aperçus qu’il n’en avait pas, alors comment avait-il pu rattraper le convoi ? Nous venions de passer la rivière, se pourrait-il qu’il ne soit qu’un bandit plus malin que les autres ? J’essayais de trouver sur lui les traces de la pauvreté mais rien ne démontra ma théorie.

Je me sentis mal à l’aise d’avoir si vite pensé à mal et je me détendis, profitant d’un des rares moments de paix que m’offrait ce monde. Il était d’ailleurs étrange que dans ces moments on veuille écouter des aventures incroyables, c’était un peu comme si on voulait se convaincre qu’il existait pire ou mieux que ce que l’on vivait.

"Prenez place dans un chariot, cela ira plus vite qu'à pied."

Ces mots marquèrent la fin du petit attroupement alors que Tamara s’éloignait. Son frère elfe sembla tantôt embêté de la voir s’éloigner, avant de reprendre un air jovial, et de bombarder de question Silinde, alors même qu'ils marchaient en direction d'un chariot pour prendre place, à la tête du convoi :

"La Grande Guerre ? Vous ? Oh, vous devez avoir tant de choses à conter ! Venez ! Venez ! "
A peine installé, s’asseyant même sur ce qui semblait être les marchandises du convoi, chose que bien seule un elfe, léger, pourrait faire, il reprit ses questions :
"Hâtez-vous Silinde et Wankli, je suis impatient d'entendre de nouvelles histoires !"

Tout le monde était installé confortablement dans le chariot, attendant le début du récit.
(Raconter des histoires...? J'avoue que ce n'est pas mon point fort... Mais... Ça ne peux pas faire de mal...)

Levant la tête vers le haut du chariot, et fronçant les sourcils en signe de réflexion, comme s'il cherchait par quoi commencer, Silinde finit par déclarer :

"Bien... Par quoi commencer...
J'ai en effet été en première ligne pendant la grande guerre, affrontant les vagues de peau-vertes avec de vaillants compagnons... Mais ce fut la fin de mon voyage actuel. J'ai été gravement blessé. Je me suis réveillé ici il n'y a pas plus tard que quelques semaines, soigné, mais... perdu."

Puis immédiatement, ce fut le jeune humain qui posa une question à l'elfe :

"Que vous amène à Kendra Kar ? Je dois avouer que vous êtes le troisième voyageur solitaire qui croise la route de cette caravane et j’ai presque l’impression que ça deviens une sorte de mode… Surtout en des temps si troublé, la guerre orque fait des ravages."

"Kendra Kâr est une ville suffisamment grande, et où j'ai suffisamment d'influence pour tenter peut-être de quérir des informations sur mes compagnons, les retrouver après tant d'années... Et pour quelques buts plus... personnels aussi.
Mais comme vous le dites messires, même si je ne me suis pas réveillé depuis longtemps, je constate que ce monde n'est toujours pas.... sûr. Enfin. Ce n'était pas prêt d'arriver..." répondit-il.

Juste après ces mots, l'homme sembla scruter les alentour du convoi, portant son regard sur chaque cavalière... Non, sur chaque monture.

(Ah... Je vois.), pensa-t-il en souriant.

"Et, oui, je suis venu à pied. Beaucoup de marche, et un peu de course me font le plus grand bien après être resté allongé de longues années!"

Silinde n'avait pas apporté là que des réponses joyeuses. Pourtant, après un tel accueil de ses compagnons de voyage, il ne voulait pas tuer l'ambiance, et reprit alors :

"Je n'ai surement pas autant d'histoires à raconter que vous, maître ménestrel, mais, j'ai vécu quelques aventures avant la grande guerre, et je suis prêt à vous les conter, si vos oreilles souhaitent les entendre !"

Attentif, le ménestrel affiche un sourire presque infantile et innocent, son visage s'illuminant à mesure des réponses. Il est visiblement attentif, et non pas enclin à prendre la parole.

Le convoi reprend sa route à une allure relativement tranquille, et l'atmosphère oppressante diminue à mesure qu'il s'éloigne du fleuve. Ni l'hinïon, ni le charretier et encore moins les cavalières ne font de remarques particulières.

Les essieux grincent paisiblement, accompagnant une sensation de calme, et surtout un ciel qui se dégage progressivement.

"Kendra Kâr est une ville suffisamment grande, et où j'ai suffisamment d'influence pour tenter peut-être de quérir des informations sur mes compagnons, les retrouver après tant d'années... Et pour quelques buts plus... personnels aussi.
Mais comme vous le dites messires, même si je ne me suis pas réveillé depuis longtemps, je constate que ce monde n'est toujours pas.... sûr. Enfin. Ce n'était pas prêt d'arriver..."

De l’influence à Kendra Kar ? Voilà qui pouvait m’arranger si je parvenais à m’en faire un ami. Peut-être qu’en l’aidant la République oubliera ses vus à mon égard ? Mais quelque chose me chiffonnait : il avait l’air d’être partis depuis plusieurs années, en tout cas à ses dires. Mais…

Son influence n’était alors plus d’actualité. Je ne voulus pas le désenchanter, mais au bout d’une année disparue une personne aussi connue soit-elle, était oubliée. Il fallait espérer que ses compagnons aient meilleur mémoire que les gens du commun.

"Et, oui, je suis venu à pied. Beaucoup de marche, et un peu de course me font le plus grand bien après être resté allongé de longues années!"

A pied ?? Il avait rattrapé le convoi à pied ? C’était pour moi chose nouvelle que de concevoir qu’un elfe puisse courir assez vite pour rattraper un convoi tiré par des bœufs, bien que leur rythme ne soit pas des plus impressionnants. J’enregistrai intérieurement cette information à propos des elfes et je notai encore une référence à ses « longues années ».

Ça m’avait tout l’air d’être une longue période, cinq ans peut-être ? Et puis, pourquoi allongé, une blessure pouvait-elle mettre autant de temps à guérir ? J’espérais en savoir plus grâce à son futur récit qu’il ne tarda pas à proposer :

"Je n'ai surement pas autant d'histoires à raconter que vous, maître ménestrel, mais, j'ai vécu quelques aventures avant la grande guerre, et je suis prêt à vous les conter, si vos oreilles souhaitent les entendre !"

Malgré moi, une réelle lueur d’avidité apparut dans mes yeux : dans Oranan j’avais toujours nourris ma soif de découvertes par les récits des autres et je sentais que celles-ci allai être fantastique !

« Awkdjian ? Des histoires ? Il a beau en connaître il n’en conte que peu, allez-y je suis tout ouï ! J’ai toujours adoré les histoires qui sortent du quotidien ! Et puis, peut-être vous raconterai-je la mienne ensuite. »

J’essayai de tisser en même temps une histoire crédible et intéressante pour ne pas paraître suspect, mais mon impatience à écouter la sienne pallia vite sur ma concentration.

Les oreilles de ses compagnons, pointues ou non, était prêtes à écouter ses récits.

"Awkdjian ? Des histoires ? Il a beau en connaître il n’en conte que peu, allez-y je suis tout ouï ! J’ai toujours adoré les histoires qui sortent du quotidien ! Et puis, peut-être vous raconterai-je la mienne ensuite." répliqua même l'homme.

Mais Silinde restait légèrement troublé. Que leur raconter? Il ne pouvait pas raconter plusieurs années d'aventures en seulement quelques minutes. De plus, il n'avait aucune intention de leur parler de la partie la plus sombre de son passé, ni de ses intentions de vengeance...
Pourtant, il fallait trouver quelque chose.

"J'ai beaucoup voyagé, de la ville des elfes Cuilnen, à la grande cité blanche, Kendra Kâr, en passant par Tulorim et son port, et en allant jusqu'au continent gelé de Nosveris...
J'ai vu et combattu de nombreuses créatures, allant des innombrables gobelins et autres orques, des formes démoniaques et allant jusqu'à des trolls...
J'ai tissé des liens et rencontré beaucoup de personnes de races et professions différentes, qu'ils fussent elfes, humains ou lutins, qu'ils fussent guerriers, rôdeurs ou magiciens...
J'ai accompli beaucoup de voyages et d'aventures, que cela ne fusse un simple voyage interrompu par des pirates, le sauvetage de prisonniers, ou la recherche d'un artéfact légendaire oublié depuis longtemps dans un milieu hostile...
Et pourtant, malgré tout cela, en vue des récents évènements, j'ai l'impression de n'être qu'un jeune aventurier, commençant tout juste son voyage, manquant encore cruellement de sagesse, et d'expérience..."

Silinde avait parlé pendant plusieurs minutes.
C'est presque en manquant de salive qu'il conclut :

"Mais assez parlé de moi, je serais curieux de connaitre vos histoires, messires Awkdjian et Wankli !"

Son tour passé, l'elfe allait maintenant les écouter, et apprécier le trajet.

Il termina son récit par une belle preuve de modestie, m’engageant à commencer le mien.

Le ménestrel n’avait pas l’air enclin à bavasser et je pris donc la main. Je n’avais pas encore tissé mon récit mais bien qu’il fût hésitant au début il prit en assurance par la suite.

« Depuis ma naissance, rien ne m’avait séparé de mon village bien que tout m’y poussait. Je n’avais pas le physique pour les travaux manuels mais j’étais quand même employé aux champs en toutes saisons. Ma famille me regardait comme le raté alors que la guerre frappait et que la nourriture manquait.

Les aventures des voyageurs qui passaient au village me donnaient envie comme jamais mais je n’avais pas d’argent et je ne pouvais partir ainsi.

Arriva alors l’évènement qui devrait me pousser à le faire : des orques qui s’étaient écartés du reste de leur armée, attaquèrent mon village. Tout brûla, hommes comme bâtiments. Les rares personnes formées aux arts du combat périrent sous le nombre et il ne resta bientôt rien de ce qui fût mon foyer.

Dans les cendres et les braises, dans la fumée et le sang, restait malgré tout un survivant. Avant même que l’assaut ne commence, j’étais sortis du village pour prier Zewen de bien vouloir changer ma destiner. Puis je les ai vus arriver…

Comme s’ils incarnaient le miracle que m’envoyait le mystérieux dieu du Destin, leurs ombres faisaient plutôt penser aux démons de ma punition : j’avais fauté en espérant avoir une destinée qui ne m’était pas possible.

C’est sur les corps de toute ma famille, bien que peu regrettée, que je dus prendre de quoi manger, de quoi partir loin du carnage des souvenirs. Et alors que tout ce que j’avais connu disparaissait sur le bucher de l’innocence, j’accomplissais enfin mon rêve.

Rien ne me destinait alors à arriver à Oranan en vie. J’y fus recueillit par un maître du combat : Liu. Il m’intégra à son clan et je connus deux années de plénitude à m’entrainer même lorsque le maître était en voyage.

Aujourd’hui, Liu et les espoirs qu’il avait fait naître en moi sont morts. C’est à Kendra Kar que son corps a été retrouvé et je m’en vais me recueillir sur sa dépouille et prendre un nouveau départ. »

Après un moment de flottement, et après avoir dicté cette histoire comme si c’était le mienne, après avoir décri les rues d’Oranan et les murs du Dojo de mon fameux clan, je me croyais presque incarné en ce pauvre Wankli. Mes traits se durcir pour conclure.

« Je ne raconte pas cette histoire à grand monde, et je sais que je resterai à jamais un pauvre ignorant avec pour éloquence celle d’un paysans. Mais je vous prie malgré tout d’accepter cette histoire comme gage de ma confiance envers vous, qui voyagez depuis de nombreuses années. »

J’espérais avoir fait mouche car même si ce conte n’était que pure invention, il gardait trace de certains réels moments de mon passé qui me touchaient profondément.

Silinde écoutait attentivement le récit de l'humain.
Lui aussi avait vécu des moments difficiles, mais avait décidé de faire un pas en avant, pour prendre sa vie en main.
Lui aussi avait perdu des proches, et la mort rôdait autour de lui sans pour autant s'y intéresser.
Lui aussi prenait la route, et partait à l'aventure pour un nouveau départ, une nouvelle vie.
De nombreux points communs, comme il en avait souvent partagé avec d'autres compagnons par le passé. Cela rendit l'elfe mélancolique.

Quelques secondes après son long monologue, le dénommé Wankli conclu :

"Je ne raconte pas cette histoire à grand monde, et je sais que je resterai à jamais un pauvre ignorant avec pour éloquence celle d’un paysans. Mais je vous prie malgré tout d’accepter cette histoire comme gage de ma confiance envers vous, qui voyagez depuis de nombreuses années."

Affichant un sourire attristé, et soupira, Silinde répliqua d'une voix calme et faible :

"Il n'y a rien de pire que de perdre un parent et maître..." puis reprenant avec une voix plus haute et enjouée :
"J'espère que vous trouverez des réponses, et que vous trouverez votre voie dans la grande cité blanche messire. C'est vraiment l'endroit parfait pour un nouveau départ !"

Un silence gênant s'instaura finalement après que les deux hommes eurent fini leurs récits respectifs...

Le silence qui s'installe dure une bonne poignée de secondes supplémentaires. Il est finalement brisé par le son calme et mélancolique du violon du ménestrel. Une expression compatissante prend place sur son visage, tandis qu'il frotte les cordes avec délicatesse.

Sans cesser de jouer, il prend la parole.

"Amis, parents, connaissances. Lors de leur heure dernière, tous n'ont pas les mêmes réactions. Quelle triste existence, Wankli, et pourtant qui n'est que fil de la trame de notre ère."

Son regard se tourne vers Silinde, et il esquisse un sourire approbateur.

"À nouveau lieu, nouvelle vie, il est vrai. Mais il serait imprudent d'en oublier les pavés qui ont formé notre chemin jusqu'à lui."

Le rythme de la musique change, se faisant plus rapide et enjouée.

"Laissez-moi vous conter, en quelques mots, l'histoire d'un jeune être au passé flou, et à l'avenir incertain."

Adaptant sa voix à ses notes, le ménestrel entonne des paroles sans véritablement les chanter. Le charretier à côté de vous en lève les yeux au ciel et secoue vivement la tête.

"Des milliers d'histoires s'écrivent, tandis que nous vivons les nôtres, mais Zewen peut-être un jour finira par en réunir les mots. Il existait autrefois un jeune garçon, fainéant, arrogant et sans but, dont la seule qualité était celle de son ascendance. Le jour où il en rencontra un autre, celui-là talentueux dans bien des domaines, mais plus que pauvre et miséreux, il fut choqué pour la première fois de se sentir malheureux."

Changeant de tonalité, la rendant plus sombre, Awkdjian poursuit.

"Voleur dans l'âme, il voulu prendre son talent. Cet imbécile ignorant agit égoïstement quand le talentueux refusa de lui céder. Rivalité certaine, lutte de coeurs, pour qu'au final un drame se produise. Qui aurait pu croire qu'une si infime quantité de magie puisse ainsi tout bouleverser ? Le talent fut perdu et le voleur bouleversé. Après tout, de leurs joutes étaient née une certaine amitié."

Il sourit de nouveau, rendant sa mélodie pleine d'espoir.

"Il renonça à son nom, symbole d'appartenance. Certains disent qu'il parcourrait le monde pour se racheter, et poursuivre l'oeuvre et le rêve qu'il a, au talentueux, arraché. Qui sait si, au détour d'un sentier, vos routes ne finiraient pas par se rencontrer ?"

Ses notes s'envolent encore de brefs instants, puis il ôte l'archet des cordes.

La dernière note sonna haut et s’éternisa seule dans les plaines. Le bruit des roues prirent la place de la musique alors que le rire me montait. Irrésistible, pourquoi ?

Car la situation était belle et bien hilarante non ? non ? Trois pauvres personnes, héroïques d’un côté et humaines de l’autre, tous trois se regardant dans le blanc des yeux pour conter leur histoire la plus intime ! Il était vrai que ça n’avait pas été totalement le cas de Silinde mais sa situation rentrait tout à fait dans ces critères !

Je m’étais toujours moqué des gens et de leurs problèmes, des passants et de leurs difficultés ! Et avec une histoire tissée de toute pièce j’avais réussi à faire cracher le morceau au saint comédien qu’était l’elfe rieur.

Mon rire s’amplifia alors que je me remémorais son air triste et ses notes dépressives. J’avais toujours été détaché de ce monde et de ceux qui l’habitaient, et pourtant j’avais bel et bien trouvé d’autres abandonnés.

Le regard qu’ils me portèrent contribua à renforcer mon hilarité, et je me tenais le ventre devant l’ironie que le sort m’avait réservé. Je ne savais encore si ce n’était qu’une farce de Zewen, ou bien tout simplement une coïncidence mais peu m’importais : je repensais à Lyriss, aux cadavres des bandits, je repensais à mon véritable passé et ses retournements.

C’était comme tout autour de moi s’acharnait à m’enfermer dans une sphère de tromperie et d’hypocrisie, dans un endroit si sombre que les rares lumières que l’on pouvait encore me raconter ne suffisaient qu’à donner un peu de vie à mes pas.
Dans mes yeux, un brin de folie apparut, cette folie qui m’avait dominé pendant de nombreuses années et qui guettait une erreur de ma part. Je me crispai pour la contrôler.

Mon rire se tue comme il était venu, laissant la place au silence. D’un geste, j’essuyais l’unique larme qui était tombé le long de ma joue et je reprenais mon souffle.

« Désolé…Je… ce n’était pas contre toi, Awkdjian, je relâchai juste… la pression de ces derniers jours. »

Je finis de reprendre mon souffle, inquiet de leurs réactions. J’avais perdu le contrôle, et j’espérais que cette erreur passerai réellement pour du « relâchement de pression ».

Le silence fut brisé par Awkdjian le ménestrel quand celui-ci joua de son instrument, tout en prenant la parole.

"Amis, parents, connaissances. Lors de leur heure dernière, tous n'ont pas les mêmes réactions. Quelle triste existence, Wankli, et pourtant qui n'est que fil de la trame de notre ère."

(C'est tellement vrai... De notre ère, comme de la précédente et de celle à venir... Ce n'est que le fil de la vie elle-même...) pensa Silinde.

Le regard du barde se tourna alors dans sa direction, continuant :

"À nouveau lieu, nouvelle vie, il est vrai. Mais il serait imprudent d'en oublier les pavés qui ont formé notre chemin jusqu'à lui."

Silinde baissa les yeux quelques instants, pensif.
(Je dois moi même emprunter un nouveau chemin aujourd'hui... Même si je ne suis pas totalement sur de la direction à prendre...)

"Laissez-moi vous conter, en quelques mots, l'histoire d'un jeune être au passé flou, et à l'avenir incertain.", annonça l'elfe, ce qui attira jusqu'à même l'attention du charretier, bien que très peu enjoué par la chose.

A son tour, le ménestrel entama un récit, sous forme de chanson, accompagnée des sons de son violon.
L'histoire de deux jeunes hommes, aux caractères si différent qu'ils en étaient presque complémentaires.
Une histoire de lutte pour le talent et la gloire, puis de drame.
Une histoire d'amitié naissante, entre deux anciens ennemis...
Une histoire qui apporta une belle morale, et qui rappelait sa propre personne à Silinde.
Mais enfin, une histoire que même si les mots étaient lourd en sens, le son en était désagréable !

(Ah... Je comprend la mimique du charretier maintenant... Je ne sais pas si je me ferrais un jour à la musique...) pensa-t-il.

Mal à l'aise et ne sachant pas comment réagir, ressentant des sentiments mitigés après un récit si différent des précédents, la situation fut sauvée par Wankli, qui se mit à rire, à la grande surprise de tout les occupants de la charrette.
Une réaction étonnante, mais pas surprenante.
Après tout, l'ambiance était lourde après avoir ainsi exposé leurs passés lourds en sens.

Silinde eut du mal à s'empêcher de rire lui même, rire qui dit-on est contagieux.
Cependant, son visage se détendit, et il arbora même un sourire quant à la situation qui se déroulait devant ses yeux.
L'humain finit par prendre la parole, s'étant calmé, et s'essuyant même une larme ayant coulé de l'un de ses yeux :

"Désolé…Je… ce n’était pas contre toi, Awkdjian, je relâchai juste… la pression de ces derniers jours."

Le silence régna à nouveau, mais cette fois-ci, l'ambiance était différente, les visages moins crispés, et l'atmosphère plus... légère.

C'est Silinde qui prit finalement la parole, pour casser ce silence, s'adressant au ménestrel.

"D'où venez vous messire Awkdjian? Il ne me semble pas vous l'avoir ouït dire."

À la réaction de Wankli, Awkdjian affiche un air d'abord intrigué, semble réfléchir un peu, puis il esquisse un étrange sourire. Il est presque énigmatique, mais n'indique aucunement que le ménestrel soit blessé d'une quelconque façon. L'elfe se contente de se redresser et d'envoyer sa chevelure vers l'arrière.

Il garde momentanément le silence quand le convoi s'engage sur un chemin ponctué de pierres affleurantes, au passage desquelles les chariots sont légèrement secoués.

Après un mouvement assez fort, il affiche un sourire jovial et rend son regard à Silinde. Il s'adresse toutefois d'abord à Wankli.

"Je ne suis point offusqué, mon ami. Après tout, il ne s'agit là que d'une histoire. Mais j'admets avoir encore quelques efforts à fournir dans ma façon de la transmettre."

Il marque une légère pause puis reprend avec une certaine passion, souriant vers le maître d'armes.

" Aujourd'hui, je suis Awkdjian de la Route, car n'est point ménestrel qui possède un foyer pour le retenir. La semaine dernière, j'étais Awkdjian d'Oranan, et je serai de Kendra Kâr à notre arrivée."

Son visage se pare d'un air espiègle, tandis qu'il jette un regard en direction de certaines cavalières.

Peut-être que le ménestrel avait remarqué quelque chose, mais Silinde quant à lui s’etait juste pris au rire. Cela me rassura et détendis encore l’atmosphère.

"D'où venez-vous messire Awkdjian? Il ne me semble pas vous l'avoir ouït dire."

Questionna le guerrier, chose que j’aurai certainement dût faire depuis le début mais auquel je n’avais pensé : d’où venait-il vraiment ? Lui qui avait vu tant de choses ?

" Aujourd'hui, je suis Awkdjian de la Route, car n'est point ménestrel qui possède un foyer pour le retenir. La semaine dernière, j'étais Awkdjian d'Oranan, et je serai de Kendra Kâr à notre arrivée."

Vague, après vague, tel l’océan, il restait toujours à frotter les côtes sans pour autant révéler ses secrets. Une réponse Vague à nouveau qui montrait qu’il n’avait pas encore tout raconté. Je ne savais comment continuer à questionner un elfe aussi peu loquace, malgré son éloquence. Et je me décidais à me tourner vers le nouvel arrivant.

« Silinde, vous dites que vous avez été alité pendant de nombreuses années ? Quelle blessure peut-elle infliger de tels dommages ? Quelle maladie peut ainsi affaiblir un guerrier tel que vous ? Dites-moi si je suis indiscret et pardonnez ma nature curieuse mais seul les morts peuvent rester immobiles plusieurs années. »

Lui non plus n’avait pas révélé grand-chose de son histoire. Quelques quêtes impressionnantes, une participation à la guerre, mais rien n’expliquait ce sommeil, ni même son retour.

Je profitais de son temps de réflexion pour essayer de trouver Lyriss du regard, mais aussi les cavalières qu’Awkdjian semblait apprécier. J’espérai arriver bientôt à Kendra Kar, car si la conversation s’éternisait, les questions finiraient bien par s’adresser à moi.

Awkdjian répondit tout d'abord à Wankli, avant de se tourner vers Silinde, et répondre à la question qu'il lui avait posée :

"Aujourd'hui, je suis Awkdjian de la Route, car n'est point ménestrel qui possède un foyer pour le retenir. La semaine dernière, j'étais Awkdjian d'Oranan, et je serai de Kendra Kâr à notre arrivée."

Cela ne répondait pas vraiment à sa question. Il était évident qu'il venait d'Oranan, d'où sa présence même dans ce convoi, et qu'il se dirigeait tout aussi évidemment vers Kendra Kâr. Il s'amusait a jouer avec les mots. Mais la question n'ayant pas eue une importance vitale, l'elfe abandonna l'idée d'en savoir plus sur ses origines.

C'est Wankli qui à son tour, se tourna vers lui, et lui adressa une question; plusieurs en réalité :

"Silinde, vous dites que vous avez été alité pendant de nombreuses années ? Quelle blessure peut-elle infliger de tels dommages ? Quelle maladie peut ainsi affaiblir un guerrier tel que vous ? Dites-moi si je suis indiscret et pardonnez ma nature curieuse mais seul les morts peuvent rester immobiles plusieurs années."

Se grattant la tête quelques secondes, comme pour savoir comment répondre simplement à ce qui ne l'était pas, il commença :

"Bien...
La grande guerre remonte à de nombreuses années de cela... N'est ce pas?
Pourtant mes derniers souvenirs remontent à cette époque là... Non, je sais bien que le dernier moment où je fus conscient, c'était aussi à ce moment là.
Cependant, je ne vous cacherai pas que ma mémoire reste partiellement troublée, je ne sais plus qui ou quoi m'a infligé une blessure suffisante pour me laisser dans cet état... Tellement de combats s’enchaînaient, sans même le temps de se reposer, face aux vagues d'ennemis...
Mais le fait est là.
Alors que j’agonisais, un couple d'un petit village proche d'Oranan s'est occupé de moi malgré le fait que je sois tombé dans le coma et y soit resté pendant de longues années.
Alors il est vrai que mon physique est plus proche de celui d'un mort, ma réputation très probablement aussi... Mais je suis bel et bien vivant comme vous pouvez le constater, et je compte bien le faire savoir !"

Silinde était honnête. On lui avait posé une question, et il y avait répondu, même si cela ne lui plaisait guère d'évoquer de tels instants de son existence.
Cependant, un sourire espiègle que n'importe qui aurait pu détecter s'afficha alors sur son visage, et il déclara :

"Plus important messieurs...
Je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que vos regards, très souvent se portaient vers ces dames... L'une d'entre-elles vous plairait...?"