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Attention, un peu gore
))) Terribles sont les conséquences de la perte de confiance d'un lieutenant envers son commandant. En particulier lorsqu'ils surviennent au cœur de la bataille.
C'est cette dure réalité qui allait marquer cet affrontement, car, jugeant Anastasie inapte à commander, Camille prit soin de donner des contre-ordres aux troupes immédiatement.
« Non, ils sont plus faibles, on les aura rapidement si on attaque par surprise ! Suivez-moi ! » fit-elle.
Cependant, seuls ses hommes, qui lui étaient fidèles, la suivirent, et elle se retrouva bientôt menant la moitié de l'infanterie au croisement d'où apparaissaient tout juste les premières têtes garzoks, sous les yeux médusés de la Comtesse, qui leur ordonnait sans succès de revenir. Et si les deux stratégies auraient pu se montrer efficaces, ce mélange improvisé des deux ordres ne résulta en rien de bon. Lorsque Camille se rendit compte qu'elle n'avait emporté avec elle que cinq fantassins, il était trop tard, et l'escarmouche éclatait déjà. Les mages de l'équipée, gênés par la présence de leurs alliés au front, ne purent envoyer leurs sorts les plus puissants, et durent se contenter de faibles attaques guère plus efficace que des flèches. Immédiatement, et pour rattraper la faute de sa subalterne, Anastasie fit signe au reste de l'infanterie de la suivre pour supporter leurs alliés en première ligne, mais en moins de temps qu'il n'avait fallu pour le dire, trois d'entre eux étaient déjà morts, écrasés par des ennemis en nette supériorité numérique. Pour ne rien arranger, lorsqu'enfin toute la troupe de corps à corps se retrouva contre les fantassins garzoks, ils découvrirent les dernières lignes Oaxiennes, une dizaine de sektegs armés d'arcs et d'arbalètes qui les prenaient pour cibles.
Après avoir débarrassé les lignes ennemis de deux épéistes orcs plutôt faiblards, Anastasie de tourna vers les mages et l'éclaireur, restés derrière.
« Ici ! » ordonna-t-elle en pointant une direction en amont du sentier sur lequel l'affrontement avait lieu. « Ecrasez les archers, puis en support ! »
Elle retourna immédiatement à la mêlée, où le rapport de force commençait peu à peu à se stabiliser, et pourfendit un troisième garzok en quelques coups de rapière. Ils étaient, comme elle s'y était attendu, faibles, individuellement, mais ils étaient toujours près d'une vingtaine pour affronter neuf fantassins, affichant un rapport de deux pour un que peu des siens étaient capables de réellement tenir. Cependant, et elle n'aurait su dire si c'était pour le mieux ou non, le plus gros et le mieux armé des orcs, se positionnant comme chef, ordonna à quelques uns d'entre eux de la prendre pour cible, ayant visiblement compris qui dirigeait les opérations. Les archers, eux, s'étaient finalement rabattus sur les mages et l'éclaireur, depuis que ceux-ci avaient commencés à les canarder. Aussi, Anastasie n'avait plus qu'à s'occuper de la supériorité numérique de ses adversaires pour leur assurer une victoire sans plus d'accroc.
Décidant de profiter de l'occasion pour débarrasser quelques garzoks de la mêlée principale, la jeune femme s'écarta du front pour attirer les quatre orcs, armés de haches, vers elle.
« Johan ! » ordonna-t-elle à son lieutenant. « Tu es en charge de la mêlée ! »
En quelques pas chassés, elle avait ramené les fantassins dans le renfoncement dans lequel elle avait caché ses troupes deux minutes auparavant, se mettant ainsi à l'abri des archers, qui ne manqueraient pas de la voir s'isoler pour la prendre en cible, mais en se maintenant à la vue des mages de sa propre équipée, qui pourraient ainsi, en cas de besoin, la supporter.
Alors que les orcs s'approchaient à grandes enjambées, elle engagea le combat d'un trait de lumière, qui toucha le premier au visage, le faisant basculer dans un grognement de douleur. Profitant de leur formation brisée, elle s'avança immédiatement pour toucher par surprise le plus proche d'entre eux aux côtes, plongeant l'acier de Perçombre à travers une interstice de sa cuirasse. L'Omyrien poussa un râle de souffrance mais, vigoureux, contre-attaqua aussitôt d'un coup de hache, obligeant la jeune femme à bondir en arrière pour l'esquiver. Sa rapière l'avait grièvement blessé, mais il pourrait toujours se mouvoir, la laissant à une contre quatre, au vu du dernier qui se relevait péniblement. Elle grimaça. Ils n'étaient qu'amateurs en tant que duellistes, ne sachant que mouliner grossièrement et sauvagement, mais, musclés et endurants, leur condition physique ne permettrait pas de s'en débarrasser aisément.
Bien vite, les trois en première ligne attaquèrent d'un même geste, coupant le fil de pensées de la jeune femme. Leurs mouvements, heureusement, étaient bien patauds, et elle n'eut qu'à s'avancer pour prendre le blessé par surprise et ainsi esquiver leurs assauts, enfonçant son épaule dans les côtes, déjà douloureuses, du plus faible. Celui-ci se plia sous la peine, et elle passa prestement derrière lui pendant que les deux autres se retournaient dans le but de la reprendre en charge. Seulement, elle était maintenant coincée entre eux et le quatrième, complètement remis malgré la brûlure qui barrait maintenant son visage. Choisissant de réitérer sa première attaque, elle envoya un nouveau trait de lumière, à sa puissance minimale, vers le combattant seul. Elle visa néanmoins ses pieds, l'obligeant à bondir en arrière pour l'esquiver, en profita de ce moment pour réduire l'écart qui les séparait, et semer momentanément les trois autres. Seul, et surpris par l'attaque soudaine, le dernier garzok n'eut pas le temps de parer l'attaque qui allait lui être fatale. Il se retrouva bientôt avec Perçombre en travers du crâne, et sa matière grise, rougie par le sang, dégoulina dans un bruit répugnant lorsqu'Anastasie retira vivement la lame. Lorsqu'elle se retourna, les trois orcs étaient presque sur elle. L'un d'eux avait beau être blessé, elle savait que sa ruse de plus tôt ne fonctionnerait pas de nouveau, et l'affrontement s'annoncerait tendu.
( La magie, ) conclut-elle, sereine.
S'en étant servi, jusque récemment, uniquement comme moyen de guérison, elle ne connaissait encore qu'un seul sort offensif, mais elle avait su improviser plus d'une fois, et cela avait toujours suffi à renverser les situations.
Aussi se concentra-t-elle immédiatement. Elle n'avait qu'une poignée de secondes, mais ainsi tournée vers son for intérieur, elle savait que le temps n'avait plus vraiment de prise. Alors elle imagina. Elle imagina ses fluides de manière concrète, palpable, comme une boule de lumière parfaitement sphérique à l'intérieur d'elle-même. Elle extirpa une petite partie de cette boule, et la manipula. D'abord la forme. Dans son esprit, les fluides qu'elle avait récupérés se scindèrent en deux, deux traits de lumière plus ou moins semblables à son attaque offensive. Elle ne parvenait pas à en faire plus avec une telle quantité d'énergie. Ensuite le dessein. Les traits de lumière commencèrent à briller. Plus que son attaque habituelle. Ils scintillèrent, et scintillèrent, et scintillèrent, jusqu'à en devenir si puissants, si lumineux, que regarder en leur centre brûlerait plus encore la rétine qu'un regard direct vers le soleil. Jusqu'à devenir aveuglants. Pour finir, le mouvement. Elle leva son bras gauche devant elle, paume relevée, et imagina la trajectoire de son sort. Il passerait le long de son membre jusqu'à être éjecté par sa main. Scindé en deux, les rayonnements se précipiteraient sur les visages des deux ennemis les plus en forme, n'épargnant que le troisième, au centre, blessé. Mais il lui fallait faire une dernière chose. Sans quoi son sort ne se matérialiserait pas. Sa magie était là pour aider, pour secourir, pas pour blesser. Aussi fallait-il leur « expliquer » le pourquoi de cette action. Et elle ajouta, pour terminer, une intention à son sort. Celle d'aider au plus vite ses compagnons en danger. En les aveuglant, elle pourrait se porter à leur secours, et les empêcher de mourir. Ses fluides le comprirent, et se formèrent. Elle était prête. Enfin.
Elle ouvrit les yeux, prenant juste conscience de les avoir fermés, et appliqua ce qu'elle venait d'imaginer. Son bras était déjà relevé, lui, seule action concrète de sa transe. Au vu de la nouvelle position des garzoks, il ne s'était pas déroulé plus de deux secondes, et ils ne se doutaient encore de rien. Alors elle relâcha les fluides. Ils traversèrent à une vitesse vertigineuse son membre, jusqu'à ressortir, formés tels qu'elle les avait imaginé, par sa paume dressée. Puis, semblables à des éclairs de lumière, ils foncèrent en une fraction de seconde jusqu'aux rétines des deux orcs valides.
Les fantassins s'arrêtèrent aussitôt, se prenant leur visage dans leurs mains en criant de douleur. Le sort leur avait brûlé la rétine. Le troisième, surpris, se tourna vers eux sans comprendre, et ce fut sa dernière erreur. En un bond, Anastasie était sur lui. Et Perçombre en lui. Dans sa gorge. Il éructa du sang, à la fois par le cou et par les lèvres, alors qu'elle délogeait son arme de son corps. Celui-ci tomba, inerte, alors que ses alliés commençaient tout juste à rouvrir les yeux. Elle ne leur laissa cependant pas plus de temps, et s'approcha du plus proche d'entre eux avant qu'il ne reprenne possession de ses moyens. Une première taillade vint mordre profondément son avant-bras, lui faisant lâcher une de ses haches dans un grognement de douleur. Une seconde vint couper son genou juste sous l'os, tapant le haut du tibia ; son membre blessé, sous son poids, plia, ne le supportant plus. La jambe afficha une position particulièrement anormale alors qu'il tombait en un affreux hurlement de douleur.
Le considérant absolument hors d'état de nuire, Anastasie se tourna pour faire face à ce qui aurait dû être son dernier adversaire. Seulement il ne l'était pas. A ses côtés se tenait le chef, armé d'un large espadon et d'une épaisse cuirasse.
« Tu rendre ou tu mourir ! » baragouina-t-il en langage commun.
Mais pour seule réponse, Anastasie envoya un trait de lumière de faible intensité entre eux. Ils se séparèrent d'un bond, et elle en profita pour se précipiter sur le sous-fifre, désirant s'accorder un duel avec ce qui semblait être un adversaire redoutable. Elle ne voyait pas bien l'affrontement du reste des troupes de sa position, aussi aurait-elle voulu en finir au plus vite pour les rejoindre ; d'un autre côté, le chef garzok lui demandait une reddition, aussi pouvait-elle espérer une domination naissante de la part de ses hommes, sans quoi il ne se serait pas embarrassé de tels préambules.
Arrivant à la hauteur du guerrier aux haches, la théurgiste asséna un coup de rapière en direction de son visage. Elle avait cependant voulu être trop expéditive, et son attaque, précipitée, fut déviée sans souci. Elle continua quelques assauts, réussissant finalement à blesser le garzok à l'épaule, mais son supérieur était déjà sur elle, secourant son soldat d'un puissant coup d'espadon, qu'elle évita d'un bond en arrière. Il dépassait certainement les deux mètres, et son armure, bien qu'imposante, ne parvenait pas à cacher la puissance de sa musculature. Pour autant, ses talents de bretteur laissaient clairement à désirer, trop habitué qu'il était à user de sa force. Pour ce qui n'était certainement pas plus qu'un sergent, et affecté à une patrouille le long de la frontière thorkin, ce n'était cependant pas surprenant. Il ne devait que très rarement avoir à se battre, et contre des guerriers qui misaient eux aussi plus sur la puissance que la vivacité. En d'autres termes, ils étaient tombés sur une troupe de seconde zone. Ils n'auraient jamais dû essuyer de pertes contre de tels pantins, et Anastasie jura entre ses dents à l'encontre de Camille. Mais, pour le moment, ce n'était pas à elle qu'elle avait à faire.
A peine l'espadon de son adversaire toucha-t-il le sol qu'elle s'avança de nouveau, pointe vers son visage dénudé. Peu habituée qu'elle était à manier Perçombre, et contre un ennemi si haut, elle méjugea cependant son allonge, et le garzok se contenta d'un petit mouvement de recul pour éviter l'attaque. A ses côtés, le second orc en profita pour l'assaillir, et elle n'eut d'autre choix que de s'éloigner en vitesse des deux Omyriens. Le plus gros des deux bouscula l'autre en crachant quelques mots en patois, l'engueulant certainement de l'avoir loupée, puis ils se remirent en position devant elle.
( Ca commence à m'énerver. Je vais terminer ça dare-dare, tant pis pour les blessures. )
Elle releva Perçombre devant elle, en position de combat, et s'avança à toute allure. Aussitôt fut-elle à leur portée que les garzoks attaquèrent, de leur trois armes. Mais Anastasie bondit sur sa gauche, prenant le chef à revers, et, levant sa main libre vers l'articulation de son genou, manipula ses fluides jusqu'à en faire sortir un trait de lumière d'une puissance considérable. Le sort s'infiltra dans l'interstice de l'armure de l'orc, et lui fit plier le genou dans cri de surprise et de douleur. Son visage ainsi à sa hauteur, elle agrippa son arme à deux mains et effectua un mouvement rotatif de toutes ses forces vers la nuque du sergent, qui craqua sous l'impact. La lame resta cependant coincée en plein milieu du cou de sa victime, et elle n'eut d'autre choix que de la lâcher pour éviter la hache qui s'abattait maintenant sur elle. Le tranchant effleura son bras valide, traçant un sillon dans sa chair et lui tirant une grimace de douleur, mais elle s'en tira sans plus de heurt. Le garzok, ne poursuivant pas ses assauts, se tourna vers son chef, apparemment choqué de le voir ainsi perdre la tête dans un sens si littéral. Il le secoua vivement, comme ne croyant pas à son trépas, et c'est plus qu'il n'en fallut à Anastasie pour mettre fin à l'affrontement. D'un coup de talon dans le tibia de son adversaire imprudent, elle le fit choir, mais lui arracha l'une de ses haches dans sa chute. A peine fut-il à terre qu'elle enfonçait violemment l'arme en plein dans son visage.
( J'ai tué cinq garzoks seule ? ) s'étonna-t-elle finalement. Elle avait décidément bien changé, en quelques mois.
Attrapant alors Perçombre, qui dépassait du cadavre encore accroupi du sergent Omyrien, de ses deux mains, elle tira fort d'un coup sec, délivrant l'arme et manquant de tomber à la renverse par la même occasion. Elle prit une demi-seconde pour soigner sa plaie superficielle au bras d'un tour de magie, puis se rapprocha de l'escarmouche principale. Elle les avait débarrassé à elle seule de cinq des fantassins, dont le plus fort d'entre eux, mais elle les avait cependant laissé, si ses calculs étaient bons, à huit contre quatorze en mêlée, sans compter les archers, dont les mages étaient chargés de s'occuper. Et, le croisement atteint, elle se rendit finalement compte de l'ampleur des dégâts. Il ne restait que sept garzoks, mais sept archers et arbalétriers sektegs, dans le camp adverse. Dans le sien, cependant, les pertes n'avaient pas du tout été épargnées. De ce qu'elle en comprit en quelques regards, les fantassins ennemis avaient foncé sur les mages, obligeant l'infanterie comme les prêtres à se focaliser sur eux pendant que les gobelins effectuaient des tirs de précision. Une attaque suicide qui avait porté ses fruits : des épéistes de l'expédition, il ne restait que quatre survivants, dont deux, à savoir Camille et Johan, étaient grièvement blessés, aux mains des trois seuls mages restants dans leur camp. Armand, seul archer, était ironiquement mort d'une flèche dans l’œil. Le cœur d'Anastasie se serra devant ce triste spectacle. Mais seulement une poignée de secondes. Elle n'avait pas l'occasion de s'apitoyer plus longtemps.
Elle raffermit sa prise sur Perçombre et s'approcha à grande vitesse des sektegs, qui s'étaient approchés à mesure que les autres s'étaient éloignés. Ils étaient maintenant à seulement quelques pas d'elle, et elle n'eut besoin que d'une poignée de secondes pour les rejoindre, avant même qu'ils ne se rendent compte de son retour sur le champ de bataille. Et ce fut un massacre. Absolument inaptes au corps à corps, les gobelins se retrouvèrent face à une bretteuse émérite et bien trop portée sur la vitesse pour espérer lui faire faux bond. A peine fut-elle à leur portée qu'elle envoya valser son arme dans la gorge du premier. Les autres se tournèrent vers elle, mais elle était trop proche pour qu'ils visent correctement. Sa rapière se planta dans le cœur d'un second, avant de vivement se retirer de son buste pour trancher le bras d'un troisième archer. L'estimant trop handicapé pour être dangereux, elle passa à un quatrième, qu'elle fit chuter d'un violent coup de talon dans le visage. Aucun n'était armé pour la mêlée, tous les fantassins avaient foncé sur les mages ; ce n'était pas un combat, c'était une exécution.
Bientôt, les quelques sektegs encore valides lâchèrent leurs armes et prirent leurs jambes à leur cou. Mais elle ne pouvait le permettre. Alors que les derniers garzoks finissaient par tomber derrière elle, elle courut à la poursuite des trois fuyards. Ils étaient étonnamment rapides pour leur taille ridicule, mais elle stoppa bien vite la course du plus éloigné d'entre eux d'un trait de lumière dans la jambe. Il trébucha et entraîna un second archer dans sa chute, lui permettant de les rattraper en quelques foulées seulement. De deux mouvements vifs du poignet, les corps étaient rendus inertes. Le dernier se retourna pour observer l'état de ses compagnons d'armes : ce fut son ultime erreur. Il perdit l'équilibre une unique seconde, c'était assez pour qu'Anastasie ne le rattrape et le décapite d'un geste simple. Les fuyards étaient morts. C'était nécessaire. Pour autant, la Comtesse n'avait ressenti aucune satisfaction à les éliminer un à un. Aucun désir de vengeance n'avait motivé ses actes. Aucun contentement malsain. Elle les avait tué car ils ne pouvaient se permettre de laisser des éclaireurs faire part de leur découverte aux armées Omyriennes. Ni plus ni moins.
( J'aurais aimé pleurer, ) songea-t-elle.
Elle aurait aimé pouvoir les laisser filer. Ces êtres qui prenaient part à une guerre qui les dépassait. Ces êtres nés du mauvais côté d'une frontière. Ces êtres haïs pour leur simple apparence. Ils avaient tué ses camarades, en ce jour funeste, mais elle avait tué les leurs. Elle ne ressentait ni colère ni amertume. Juste... du vide. Elle avait choisi le moindre mal. Éliminer quelques soldats qui fuyaient pour leur vie, qui fuyaient devant le massacre qu'ils subissaient. Quelques soldats qui ne voulaient juste pas mourir. Qui s'étaient juste défendus. Elle les avait exécuté – car c'était le mot – par pur pragmatisme. Parce que si elle les laissait vivre, elle devrait rebrousser chemin, par peur de croiser une autre troupe en allant chercher le bouclier de ses convoitises. Elle les avait exécuté pour une relique. Et elle aurait aimé pleurer.
Mais elle ne prit que quelques secondes pour mesurer ses actes, pour bien les assimiler, après quoi elle rebroussa chemin, rapidement, pour terminer ce qu'elle avait commencé. En quelques enjambées, elle rejoignit les deux gobelins qu'elle avait laissé en vie, et qui rampaient plus ou moins discrètement pour échapper aux regards des autres paladins, qui venaient de terminer leur propre combat. Anastasie appuya son talon sur le dos d'un premier, celui maintenant sans bras, et planta sa rapière entre ses côtes, visant le cœur. Il s'inanima aussitôt, non sans un râle d'agonie. Puis elle s'approcha du dernier, qui, l'ayant remarquée, semblait la supplier de ses yeux embués de larmes. Que la tâche aurait été plus simple s'il avait été un monstre sans sentiment, comme toute son espèce était dépeinte dans les contes et récits Kendrans. Que la tâche aurait été plus simple, si il ne ressemblait pas tant à un enfant difforme, avec sa carrure chétive, sa tignasse étrangement rousse et ses lèvres tremblotantes devant la peur de la mort. Mais la tâche n'était pas simple. Et quelque part, Anastasie s'en réjouit. Il n'y avait pas d'honneur dans le meurtre. Elle ne devait pas en trouver. Elle devait assumer jusqu'au bout ses choix et ses actes, et les porter en son cœur jusqu'à son trépas, et plus loin encore.
« Il n'y a pas d'honneur dans la guerre, » murmura-t-elle.
Et le dernier sekteg perdit la vie.
(((Tentative d'apprentissage du sort de lumière : Lumière aveuglante : Une attaque de jets de lumière concentrée aveugle [lvl/4] ennemis en les atteignant (Esquives et maîtrises adverses -1/lvl pour le tour suivant).)))