L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 18 Fév 2016 12:13 
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"Paaaa-rteeez !", reprend la corbac en se faisant plus grosse encore. "Ou mou-rrez ! Mau-dits ! Mau-dits !"

Cris apeurés des mules alors que la loulouve gronde à leur portée. Pas de bol, le vioque les a attaché à un tronc. Elles tirent comme des crétines sur leurs liens, mais restent coincées. Et ça, ça attire l'attention des humains sur elles. Zu'Gash jette un œil à son piaf et lui fait signe. La patronne lui a interdit de les tuer, mais pas d'les brusquer un peu ou d'leur faire du mal.

L'oiseau noir décolle puis vient exprès leur tourner autour. Elle chante façon voix brisée et esquive assez facilement les lourdes haches pointées vers elle. Ces cons finissent par s'engueuler d'façon aiguë quand un tranchant manque de peu un gros bras. Petite pause, le temps qu'Aro' choisisse, puis elle pique, allant taper de l'aile sur les tronches des hommes. Autant le jeune se baisse assez pour l'éviter, autant les autres se prennent ses plumes noires de plein fouet.

Quand elle reprend de la hauteur, le boulot est fait. Les plumes s'sont changées en une sorte de poussière d'ombre, et leur a attaqué les mirettes. Même d'sa planque, Zu'Gash peut voir leurs yeux rouges et quelques larmes mêlées d'sang. Et ils gueulent aussi, genre z'ont du mal à voir. Si c'est pas qu'ils couinent juste de douleur. Bande de douillets. C'est pile à ce moment que Shu-Rii bondit de sa cachette avec un grondement prédateur.

"Pof ! Hiii ! Snap !"

Incorrigible celle-la ! Elle vient de sauter sur le dos de la plus grosse mule, et de lui péter la nuque avant qu'elle ait fini d'ruer. P'tain ! Encore une bestiole à préparer ! Mais ça s'bouffe de la mule ?

Hurlement du plus jeune alors qu'il pointe la forme de deux mètres de la chasseresse... Qu'est déjà en train de lacérer le ventre de sa proie. N'empêche, même si elle s'est fait chier à la fabriquer, c'te sorte d'écharpe en vertèbres et omoplates de nounours lui va bien à la loulouve. Ça s'détache bien d'sa fourrure noire. La tronche couverte de sang, elle se tourne lentement vers les humains. Elle aurait quand même pu cracher c'boyau, ça pend et ça déverse un truc dégueu sur son torse.

Mais ça fait un d'ces effets ! L'jeune s'fait d'ssus aussi pendant qu'les autres se frottent les yeux.

"Mau-diiits !", chante le piaf sombre, rappelant sa présence. "Hu-mains ! Fils hu-mains ! Mau-dits ! Fo-rêt man-ge-raaaa !"

Les bûcherons flippent cette fois. Ça tremble tellement qu'ils en lâchent leurs haches. Ah, les voilà qui s'éloignent de la loulouve en reculant vers la peau-verte. La coureuse sourit, anticipant la terreur qu'elle va leur provoquer. Dans son costume d'ours, la gueule maculée de sang et de glaise, elle émerge lentement des buissons. La voix du jeune reste coincée dans sa gorge sur un mot genre "ours" et les autres abrutis ont trop mal aux mirettes pour bien la voir.

Zu'Gash se redresse d'un coup. S'ils pensaient voir un truc connu, genre un ours, ben c'est loupé ! Ces cons matent des yeux rouges, et une gueule animale qui s'ouvrent de haut en bas en deux, sur une autre gueule à crocs. Elle étend ses mains dans les pattes, s'imposant encore. La voilà qui inspire et...

"Bwraaaaaaaa !"

Un cri, à pleins poumons, qui ressemble à rien. D'accord, elle a voulu imiter la gueulante de maman ours, mais c'est pas trop ça. Là, c'est plutôt un mélange entre animal qu'a la dalle, banshee et brok-nud enrhumé... Mais ça suffit ! Les deux massifs s'égosillent. L'un des deux embarque le vieux sur son épaule pendant que l'autre tire le bras du jeune. Ils commencent à fuir, mais la loulouve leur bondit devant, barrant leur route. Zu'Gash se met à geindre comme si elle avait mal au bide, et devant les yeux du moins âgé, elle extirpe un truc de là. Comme si les griffes étaient allées chercher ça dans ses entailles, elle sort lentement son gourdin d'os de son costume.

"Mau-dits !", chante encore plus froidement Aro'. "Fuyez ! Ou... Ah ! Ah ! A-vec... Nous !"

"Avec nouuus !", copie la peau-verte en faisant un pas lourd, et pointant de son gourdin coloré de sang et décoré de bouts de viande séchée le quatuor acculé.

La terreur. Une frousse si grande que les humains n'arrivent plus à faire un bruit. Ça transpire, ça claque des dents, mais dès que la loulouve saute à côté d'eux toutes griffes dehors, ça change. Le vieux saute de l'épaule du massif et détale comme un lapin. Les autres font pareil, sauf le jeune. Lui, il prend son temps. Il s'éclate par terre, il fait un bisou à la main squelette en s'ouvrant la lèvre dessus, il vomit puis il se carapate. En glissant sur sa propre gerbe en plus.

"Mau-diiits !", conclut Aroroa dans l'écho de la forêt.

Shu-Rii les regarde se carapater, et à voir sa façon de bouger la queue, Zu'Gash devine ce qu'elle a derrière la tête. Les yeux sanguins de la louve la regardent un peu.

"Allez, d'accord. Mais tu fais que suivre, hein ? T'as d'jà assez merdé comme ça avec c'te pauv' mule.", s'esclaffe la peau-verte avant de la voir se barrer.

Les fourrés s'agitent dans les pas des humains. La garzoke ne sait pas combien de temps la liykore compte les poursuivre, mais elle s'en fout. Elle mate l'animal de trait que la loulouve a buté, et le trou béant dans son bide. Une peau de foutue... Bah, Shu-Rii en fera son en-cas ! Les yeux rouges matent l'autre mule. À la voir raide, c'est presque comme si elle était morte debout. Mais nan. Ses yeux suivent chaque geste de la peau-verte costumée. Elle émet un son pas content, et essaie même de lui coller son sabot sur le pied. L'a du caractère c'te bestiole.

"Whoahé ! S'tu veux pas finir comme l'aut', t'as intérêt à obéir, toi.", prévient la peau-verte, juste avant que la bestiole retente le coup sur l'autre papatte. "Nan mais hé !"

Avec ses pattes d'ours, la garzoke rend la monnaie d'son yû à la mule. Elle lui tape sur l'sabot, mais s'prend un coup d'épaule en r'tour. Merde alors ! D'puis quand ces machins-là sont si hargneux ?

Il faut bien une vingtaine de minutes d'tapage de sabots et d'bousculades à la peau-verte pour enfin... Qu'la mule arrête d'vouloir mordre son costume. Et qu'la loulouve revienne, langue pendante et... Avec un bout d'fond d'culotte dans la gueule.

"Deux-pattes avoir mauvais goût.", crache-t-elle en même temps que le tissu.

"Forcément !", s'esclaffe la garzoke. "Y'sont pissés d'ssus ! Bien joué les filles. J'pense pas qu'on les r'verra d'sitôt ! P'tain, z'avez vu leurs trognes ? Presque aussi blanches qu'des os ! Bwahaha !"

"Rha ! Rha !", se marre la corbac en venant se poser sur la tête d'ours.

"Bon, c'pas tout ça, mais va falloir rentrer maint'nant. Et ça tombe bien, ces cons-la on complètement oublié leur mule. J'vais pouvoir embarquer un sacré paquet d'trucs !", lâche une Zu'Gash souriant jusqu'aux oreilles.

Bizarrement, elle a l'impression que la mule la met au défi d'le faire.

"T'inquiète, ma moche ! J'suis au moins aussi bornée qu'toi !", lance-t-elle, avant de devoir éviter un nouveau coup d'boule.

Il faut encore un bout de temps pour que la mule accepte de faire un pas. Faut dire que ça finit par venir, quand elle pige que rester dans l'coin signifie s'faire becqueter l'fessier par la louve ! Y'a plus qu'à ramasser tout l'bordel qui traine, charger la viande sur le traineau, et s'repointer au château !

En gros, mission accomplie ! Vont être contents d'la r'voir à la Dent d'Or ! Euh, merde, nan, au Château d'Endor.



(Après)

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 18 Mar 2016 18:20 
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(3)



Le trio d'filles emprunte un sentier forestier d'abord, un peu plus rocailleux ensuite. Fait beau aujourd'hui. Les piafs piaillent. Les bestioles courent un peu partout. Y'a même des écureuils qui s'agrippent tête en bas à des troncs. Maya avance en faisant gaffe où elle marche, et sans l'ouvrir. Même si elle l'peut, elle ne le fait pas. Et pis y'a les fleurs qui éclosent. Et ça sent l'frais. Et elle n'a pas de mule pour lui marcher sur les orteils. Et tout est d'une tranquillité certaine.

Donc, en gros...

"J'me fais chier.", balance la garzoke en même temps qu'un coup d'pied dans une caillasse.

La gosse lève le nez vers elle, avec un air curieux. Et surtout avec une tronche semblant dire "mais on vient d'partir".

"C'est quand qu'on arrive ?", chouine la peau-verte en soufflant sur une mèche flottante.

Maya hausse les épaules et tend son index en l'air sous un rayon d'soleil. Elle bouge le doigt et le monte un peu plus haut. Les yeux rouges scrutent la phalange.

"Quoi ? T'as une écharde ?"

Petit soupir de la gosse. La voilà qui tire un papelard de sa besace, y jette un œil, puis la mate.

"Une heure de marche... Vers le Nord... Environ."

"Héhé ! Bah tu vois ! C'est plus simple quand tu causes !", s'extasie Zu'Gash en aplatissant sa main sur la tête brune. "Une heure, hein ? Fais chier. J'ai déjà la dalle..."

Grondements d'estomac qui donnent un sourire la gosse. Mais qu'elle cache vite fait. Elle a l'air crispé c'te petite.

"Eh, on n'est plus au château, hein ?", indique la peau-verte en désignant la voie derrière elle du pouce. "Faut t'détendre ! Pète donc un..."

Regard effaré puis vachement gêné de la gosse.

"Zu-Zu !", s'écrie le piaf noir.

"Oaille ! Mais euh !"

Valà ! Suffit d'un coup d'bec d'Aroroa pour qu'elle retrouve un p'tit sourire. 'Sont vraiment bizarres les humains. Pourquoi causer d'trucs naturels les fout tout le temps mal à l'aise ? Ça pisse pas une gamine humaine ? Ni n'ça rote ? Ben putain ! Comment ils font pour montrer qu'ils ont bien bouffé ? Ou pour s'foutre à l'aise ? T'm'étonne qu'ils aient tout l'temps l'air coincé s'ils s'lâchent jamais !

Pas après pas, alors que Zu'Gash cause tant et plus en racontant à Maya comment elle a décanillé l'ours magique, elles finissent par atteindre la Grotte des affaires. Enfin, la garzoke pense que c'est ça. Y'a une sorte de panonceau en bois sur un rocher, et des marches taillées à côté d'une pente douce, qui mènent à une paroi ouverte. Et ça bouge là-d'dans. Avant qu'elle ait pu faire un commentaire, la gosse se plante devant Zu'Gash et lui fait de gros yeux.

"T'inquiète gamine ! J'vais pas aller foutre l'bordel dans une échoppe !", réplique la Coureuse avec un sourire sympa avant d'le changer en un d'emmerdeuse finie. Elle se colle les poings sur les hanches et se penche vers sa voisine. "Sauf s'tu mets tant d'temps à t'décider qu'ça m'file envie d'péter des trucs !"

Maya pâlit et agite positivement la tête à plusieurs reprises... Avant de se figer, de se reprendre, de refaire les gros yeux et...

"Spif !"

Et une pichenette entre les sourcils de la peau-verte penchée.

Qui ne bronche pas...

Et ne bouge pas...

Puis sourit...

Et la voilà à éclater d'un rire de porcelet en fuite, devant le petit sourcil que Maya hausse d'un coup. Elle lui plaque sa grosse main entre les épaules et la pousse à avancer. C'est pas avec ça qu'elle risque d'être dangereuse, la gosse ! Mais y'a pas à dire, pour lui faire ce coup-là, ça veut dire qu'elle n'est plus aussi effrayée qu'avant en sa présence. Dommage. La voir trembler comme une petite souris, c'était rigolo. D'un autre côté, elle va pas bégayer en causant si elle n'a pas la trouille. C'est qu'mine de rien, elle a une voix pas désagréable la gosse !

Zu'Gash porte la main à ses affaires, et soupèse sa bourse de yus. Ça va, elle a encore de quoi tenir. Et pis, si Maya oublie sa monnaie, y'en a une qui va pas la rater !

"Rha ! Rha !", chante Aro' en émergeant de la capuche tête d'ours.

"Bwahaha !"

Et Maya de se tourner vers elle. Elle a l'air d'vouloir savoir pourquoi la peau-verte se marre, avant d'laisser tomber. Elle a bien raison !

Même Zu'Gash ne sait plus ce qui l'a fait partir c'te fois !


(Après)

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mer 23 Mar 2016 22:30 
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À son chevet

Le temps était clair sur les reliefs escarpés des Duchés. Le vent frais du matin soufflait par bourrasques striant l'herbe sur les hauts pâturages en vagues blanchâtres et fugitives. Deux cavaliers évoluaient sur un chemin de caillasse, le long d'amas rocailleux aux abords agrémentés par des corolles violettes et roses. Au loin, gigantesques et impérieuse, les montagnes thorkines enneigées dominaient le paysage verdoyant.

Daemon lancinait sur sa selle. Le visage pâle et maigre, des cernes sous les yeux, sa précédente aventure l'avait terriblement affecté. Le regard livide, il songea à ces derniers jours...

Alors qu'il se dirigeait vers la bourgade d'Alkil en compagnie d'Asad afin d'y rencontrer un mystérieux nécromancien, ils furent attaqués par une meute de Liykors noirs. Après une suite de violents combats au cœur du village, dans la panique et l'affolement, Daemon avait mortellement blessé son compagnon. Tandis qu'il suppliait en enlaçant le corps gisant de son ami, une garnison d'Amaranthe vint éradiquer les créatures. Fou de chagrin et de haine, le semi-elfe prit en chasse une créature et y découvrit un sombre dessein. Une monstruosité, plus terrifiante encore que la horde de bêtes prédatrices, avait commandité l'assaut afin de prendre possession d'un message dont le contenu demeure encore secret. Une liche au pouvoir démesuré dévasta l'ost des Duchés et se heurta à la résistance de Daemon et du Nécromancien d'Alkil (qui accompagnait la garnison). Une formidable bataille contre les morts vivants suivit, mais ils ne purent vaincre la liche du nom de Matarys...

À l'issue de cette bataille, Daemon s'éveilla plusieurs jours plus tard et connut d’indicibles souffrances. Victime d'une magie de flétrissement, il avait vieilli de plusieurs années en seulement quelques jours... Les effets secondaires, os en croissance, muscles déchirés et déchaînés, avaient été une torture insurmontable l'abîmant dans un gouffre de folie.

Sa poitrine se gonfla de l'air pur des montagnes, puis il expira avec plénitude.

(Je suis vivant.)


Il se tourna ensuite vers son compagnon de route.

(Asad aussi...)

Alors qu'il avait succombé, le jeune homme originaire du désert revint d'entre les morts, on ne sait comment, et était là, à ses côtés. Bien qu'il refusait de l'admettre, le semi-elfe avait toujours éprouvé une certaine attraction à son encontre. Mais depuis sa résurrection, depuis le conte de ses vagues souvenirs des enfers, une dévorante fascination à son égard l'envahissait. Il ne pouvait s'empêcher de le détailler du regard.

Sa peau était toujours aussi mâte, mais ses yeux avaient légèrement perdu de leur éclat céleste. Néanmoins, son visage était légèrement marqué. Une personne le découvrant pour la première fois n'aurait pas à l'idée de noter cette particularité, mais Daemon l’aperçut furtivement. Comme un indescriptible fardeau le marquant à jamais, un souci insidieux et inconscient se déclinant en une mine sérieuse et lugubre. La marque la plus visible de son bref voyage restait ses cheveux, passés du brun ébène à un blanc fantomatique.

Asad le surprit à l'observer et le semi-elfe déroba aussitôt son regard vers les parages, faisant mine de rien. Le basané retira sa capuche et prit la parole :

« Si mes souvenirs sont bons, la Grotte des Affaires devrait être dans les parages. »

Sa voix avait aussi légèrement changé, plus ténue et rauque. Daemon fouillait les pans rocailleux des alentours à la recherche d'un renfoncement susceptible d'y enfermer le marché secret, quand son regard se porta plus loin sur la route où il vit une silhouette humaine s'approcher à vive allure.

« Un voyageur arrive, demandons-lui ! » proposa-t-il.

Mais au fil des foulées, l'homme apparut comme paniqué et semblait détaller. Un danger se dissimulerait-il dans les tréfonds de ces reliefs ? Le fuyard ne daigna même pas leur jeter un regard, livide, il passa entre leurs deux montures (manquant de paniquer celle de Daemon) comme si la mort lui courait aux fesses.

« Oh mes dieux ! Oh mes dieux ! La créature verte ! » beugla-t-il.

Il disparut aussi subitement qu'il était apparu, laissant planer une crainte parmi les deux cavaliers. Daemon se dressa afin de voir le plus haut possible, gémissant au passage d'une vague de douleur, et scruta autant qu'il le pouvait à la recherche de la créature. Il n’aperçut cependant rien d'anormal et après quelques hésitations ils continuèrent leur avancé.

La grotte était en réalité qu'à quelques lieux, dissimulée entre deux flancs de falaise. Il s'agissait d'un trou béant et imposant où étaient stationnés plusieurs chevaux. De nombreuses personnes évoluaient dans les parages dans un calme coutumier, rabaissant l'appréhension déclenchée par le fou croisé sur la route.

Ils se dirigèrent donc vers l'entrée pour y attacher leurs chevaux, quand ils arrivèrent à la hauteur de deux personnes étranges affairées à ranger leurs achats dans un sac trop étroit. Une grande chose à la peau verte accompagnait une jeune fille aux cheveux noir de jais. Daemon qui conservait jusqu'alors une expression fatiguée avec les yeux à demi clos, se tétanisa quand, dans un déluge de souvenirs honteux, il reconnut la peau verte.

C'était elle ! L'abominable Garzoke qui l'avait provoqué dans l'enceinte du château, celle qui cognait et parlait aux murs, celle qui avait tenté de retirer son pantalon afin de s'assurer de sa virilité. Zu'Gash !


« Ohé ! Du canasson ! »

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Dernière édition par Daemon le Sam 26 Mar 2016 05:26, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 24 Mar 2016 23:48 
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Bon, les machins sont payés mais l'sac de Maya est trop petit pour contenir son parchemin. La peau-verte tire la langue, s'échinant à le rouler et le plier. Enfin, jusqu'à c'que la gosse pâlisse en entendant l'truc protester, et lui arracher des mimines. Et paf ! Un coup d'bec d'Aro' en prime ! Juste parce que Zu'Gash n'a pas cédé à son caprice de lui acheter d'autres trucs magiques. Elle finit par lever le pif en entendant des sabots d'vant elle. Faut toujours s'méfier des cavaliers. Parfois, ils font s'balader leur sanglier géant dans des rues, et renversent tout l'monde !

Les yeux rouges matent deux gars sur leurs canassons. Z'ont une sale gueule, genre quand tu t'mets à voyager un lend'main d'cuite quoi. C'est bizarre quand même, leur trogne est vaguement familière. La peau-verte s'approche du premier canasson, matant une silhouette brune dessus. Elle grimace, cherchant à identifier c'te tronche puis s'marre, colle sa main en porte-voix et beugle.

"Ohé ! Du canasson !"

On bouge la papatte de gauche à droite, et on continue.

"On s'connait, non ? Ta tronche me dit un truc.", affirme la peau-verte pendant que Maya s'avance à son tour.

La gosse les mate avec curiosité puis elle plisse les yeux. Ah ? Ah ? Peut-être ? Non ? Si ? Presque ? Pas du tout ? Ah, ça y est, la voilà qui prend sa tronche du "mais oui" avant de froncer le pif. C'est fou l'nombre d'expressions qu'elle peut montrer cette gosse. Et maintenant, elle choppe un pan d'sa robe et recommence ses conneries de révérence.

"Alors ?", demande la peau-verte. "On s'connait ?"

Maya rajuste une mèche noire derrière son oreille et fait oui de la tête. Petite voix douce, sans qu'il y ait son nuage noir.

"Le ser... Daemon... Et le ser Asad... Mais...", retour de sa tronche perplexe.

"Gné ? L'demi qu'a pas voulu m'laisser vérifier qu'il avait des burnes, et l'type louche bien cuit d'peau ? T'es sûre ?", s'étonne la peau-verte en les matant avec des yeux ronds. Y'a vraiment un truc de différent. Les fringues peut-être ? Ah nan ! Ça y est, elle pige c'qui la turlupine ! "Ben putain ! Z'ont pris un d'ces coups d'vieux ! R'garde, Maya ! Ça s'est fait des cheveux blancs d'puis la dernière fois ! Pis, ils s'déplaçaient à patte avant."

Remuage de pif sur gueule à crocs, fendue d'un sourire d'emmerdeuse.

"Bande de flemmards, va !"

"Rha !", chante la corbac'.

"Tu peux causer, toi. Ça remonte à quand ton dernier voyage à pied, hein ?"

Agitation vive des ailes et... Et oaip, coup de bec dans la couette. La garzoke tend sa main, décidée à emmerder son piaf. Elle choppe le bec sombre, se fait pincer en retour et s'met à tourner sur elle-même en cherchant à agripper sa capuche tête d'ours. La gosse fait un pas de côté, sortant du champ d'vision de la Coureuse. Mais elle l'entend quand même causer, entre les engueulades d'Aroroa et son rire de porcelet.

"Vous... Avez besoin d'aide ? Je... Je peux faire quelque chose ?"

Et la garzoke tourne et tourne et tourne façon yus sur sa tranche. Et elle dérape sur une caillasse, devant s'agripper à la gosse pour n'pas s'casser la gueule. Bouh, le sol qui tremble ! Faut qu'elle s'retienne ! Faut pas qu'sa bouffe remonte ! Ce s'rait con d'devoir tout r'bouffer à même le sol ! Y'aurait moins d'goût ! Ou au contraire, en fait.

"Per-du !", se moque l'oiseau sombre, en tirant sur la tignasse marron.

"Beuh... Ça fait quatre à deux pour toi.", lâche la peau-verte en secouant la tête, puis en remontant ses yeux rouges vers les deux gugusses. "En mission aussi ? Z'en arrivez ? Vous vous barrez ? Parce que si vous avez piqué des ch'vaux pour vous tirer loin d'Endor, c'est pas l'bon ch'min. Z'êtes pile en direction du château, là."

Zu'Gash dévoile son sourire de chieuse, s'marrant à l'idée conne que ces deux-là voulaient filer d'la secte, et y retournent à cause d'un sens d'l'orientation merdique. Mais au fait... Question con...

C'est quoi déjà l'châtiment pour les déserteurs ?


(Après)

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Dernière édition par Zu'Gash le Lun 28 Mar 2016 19:30, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 26 Mar 2016 05:25 
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L'air pur des montagnes

Comme un lapin apeuré croisant la route d'un renard, Daemon arrêta sa monture et se figea. La peau verte se tourna dans leur direction et fronça les sourcils. Il détourna le regard et fit mine de rien, dans l'espoir qu'elle ne reconnaisse pas. Seulement, Asad vint à ses côtés et émit un petit sourire en découvrant les collègues.

« Tiens. »

Le semi-elfe dévisagea son compagnon et enchaîna une série de signes pour se barrer, et vite, mais une sensation désagréable lui parcourut l'échine. Crispé, il se retourna comme un automate et glapit quand il découvrit deux yeux rouges, tout proche. La tronche déformée par une grimace dubitative, elle le dévisageait avec attention.

« Euh... » lâcha Daemon avec un geste de recul.

Elle fit les yeux ronds, puis éclata de rire en lui postillonnant au visage. Daemon tenta de se protéger des projectiles quand la Garzoke mit ses mains en porte-voix.

« Ohé ! Du canasson ! » beugla-t-elle à ses oreilles.

(Mais elle est complètement con !)

Elle se marrait et ne tenait plus en place, leur demandant si elle ne les avait pas déjà rencontrés. L'ombre d'Endor pesa sur Daemon.

« Oui, on s'est croisé à Endor. Et pas la peine de me gueuler dans les oreilles ! »

La jeune fille tout de noir vêtu s'approcha et les examina à son tour. Maya, se souvint-il, une apprentie magicienne qu'il avait déjà croisée au château, sans pour autant avoir fait sa connaissance car la gamine n'était pas douée de parole. Pourtant, à sa grande surprise, une petite voix fluette s'échappa de ses lèvres :

« Le ser... Daemon... Et le ser Asad... Mais... »

Elle semblait perplexe. Avait-il tant changé physiquement ? Après tout, lui-même ne s'était pas reconnut dans la glace. Le visage hâve et fatigué, il n'avait pas fière allure... La Garzoke commençait à se foutre d'eux, jaugeant leurs montures en les traitant de flemmard. Il lui aurait bien collé son poing dans le pif, mais il doutait déjà de pouvoir descendre de selle. Et puis, il y avait son corbeau de Phaïtos juché sur son épaule, trois yeux, deux ailes et un jacassement continuel...

« Oh Maya, tu parles !? »

Alors que Zu'Gash tournoyait sur elle-même en essayant d'attraper le facétieux volatile, Asad descendit de sa monture afin de saluer la jeune fille. Daemon en fit autant en gémissant de devoir bouger. À terre, son pied resta coincé dans l'étrier et il dut sautiller afin de suivre les mouvements d'Olwë, sa jument, qui commençait à se barrer. L'équitation n'était vraiment pas son point fort. Légèrement honteux, il fut rassuré que la Garzoke n'avait rien remarqué car trop occupée à ses pitreries.

Zu'Gash qui n'avait pu attraper son corbac les zieutait de toute sa hauteur et leur demanda s'ils étaient en mission. Elle les soupçonnait d'avoir volé les montures, voire même d'être des déserteurs.

« Hey ! Nous sommes en mission ! » protesta Daemon. « Nous devions dresser des chevaux sauvages, puis rencontrer un nécromant à Alkil à l'est d'ici. Mais... les choses ont mal tourné... »

Il baissa les yeux, encore honteux d'avoir causé la mort d'Asad. Il y songea d'ailleurs, le basané ne lui en avait jamais fait de reproche... Les souvenirs de cette nuit se bousculaient dans sa tête, vestiges mémoriels de son impuissance.

« Nous avons été attaqués par une horde de Liykors noirs dirigée par une liche de Thimoros. Voilà qui explique ces changements... soudains. »

Il ne souhaitait pas s’étaler davantage sur le sujet, c'était encore trop récent, trop douloureux. De plus, elles ne comprendraient surement pas le fait qu'Asad eut été tué, puis ressuscité. D'ailleurs lui aussi n'y comprenait pas grand-chose. Asad s'était contenté de rester évasif, parlant de soupons de reviviscence de paysages désolés, de ciel sans étoiles, de plusieurs ponts ainsi que d'une lumière indescriptible ; pour ensuite se réveiller parmi les cadavres... Peut-être n'était-il jamais mort, avait songé Daemon. Sans parler de ses descriptions énigmatiques si proches des figurations de l'enfer. Un témoignage véridique ou invention de l'esprit ? Mais il avait pourtant senti son cœur s'arrêter...

Le sujet l'agaçait et le chagrinait, dissimulant un visage triste, il se retourna pour fouiller dans la sacoche de sa monture. Il y retira un grigri ainsi qu'un petit carnet de cuir noir et s'agenouilla ensuite devant la gamine. L'objet de bois était serti d'une pierre noire maintenue par des fils d'herbes séchées et torsadées.

« Voici un grigri de conjuration, Merilian nous a envoyés à Alkil pour nous en fournir. Cette pierre noire à la réputation d'éloigner les esprits et cette herbe torsadée de l'Aledrum, connue pour repousser les maléfices. Le nécromancien d'Alkil nous a enseigné comment exorciser et envoyer les âmes perdues en enfer. Nous devons nous y préparer car en tant que Messagers cela reste notre principale activité. Toutes les méthodes sont énoncées dans ce carnet. Néanmoins, sois prudente ! Car pour expédier une âme il faut d'abord l'invoquer dans un corps. Ce grigri en ta possession elle ne pourra pas te posséder. Ensuite des rites et des prières doivent être exécutés, mais prends garde à maîtriser le réceptacle qui peut se rebeller ! »

Les yeux sombres de la jeune fille brillaient de fascination. Toute heureuse, elle tendit l'amulette à Zu'Gash. Alors Asad prit la parole :

« Et vous êtes en mission ? Car nous rentrons à Endor. » demanda-t-il d'un ton sérieux.


« Mer-ci ! Da-e-mon. Gri-gri ! »

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Multi : Erastos, Meraxès
Thème : Catacombae - Mussorgsky


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 27 Mar 2016 00:23 
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« Pas la baaaarbe ! »

La supplique de Gorog était bien vaine, car subitement, son ami s’était senti pousser des ailes, et en furie s’était encouru, alors que tout autour, ces résidus de chenilles géantes bipède et malingres qui, au final, n’avaient de point commun avec le noble animal métamorphe que l’écœurante couleur, les encerclaient tout en ricanant. Ils n’avaient guère eu le temps de réagir, trop empêtrés de neige qu’ils étaient, encore étourdis de leur chute vertigineuse. Les gobelins, rapides et vils, avaient ouï sans peine les mugissements acerbes et plaintif du maître brasseur à la noire barbe. Ils s’étaient glissés hors de leur misérable grotte puante, dont les effluves stagnaient encore sur leur terne épiderme – et avec un nez comme celui de Gorog, ça se sentait – et les toisaient désormais avec vindicte et fierté. Voilà longtemps qu’ils n’avaient guère eu de prise aussi intéressante : deux nains perdus dans la montagne, à deux pas de leur garde-manger. C’était une aubaine !

Mais là où Gorog les voyait déjà foutus, se demandant à quelle sauce il allait être mangé, et s’il aurait plus de saveur s’il en buvait un peu dans la marmite, tout en cuisant, son acolyte ne semblait pas vouloir se rendre, et lui avait attrapé la pilosité pendante pour l’emmener avec lui dans une nouvelle course effrénée. La seconde de la journée. Ils n’allaient pas devoir poursuivre sur cette voie, parce qu’à force d’être privés de bibine et de faire autant d’exercice, ils deviendraient aussi malingres que des sektegs et seraient la risée des leurs. Enfin, s’ils ne l’étaient pas déjà à la base. Et s’il y avait encore des personnes qu’ils puissent considérer comme « les leurs ».

Bref, pas le temps de s’inquiéter de tout ça, sa barbe se tirait la bourre, et lui derrière, galopant en agitant frénétiquement ses petites jambes trop courtes, avec une rapidité étonnante tout de même, qui valait tout le secret de la rapidité d’un nain lancé à pleine vitesse : l’ergonomie de ses courtes cuisses permettaient un dynamisme insoupçonné. Hélas, la poudreuse n’aidant guère, et leur poids encore moins, ils se firent aisément rattraper par les affreux, qui avaient l’habitude de se mouvoir dans la blanche. Ils firent trébucher Gorog, qui s’étala par terre de tout son long, laissant une mèche rousse dans la main de Broginn, ce qui ne manqua pas de déstabiliser la course parfaite de ce coureur de fond confirmé. Jurant comme un charretier…

« Bon sang d’bois d’poutre moisie enflée par la mérule de mon cul ! Empoté d’sprinteur au poil. Blatte édentée aux chicots verts comme la morve de gobelins malades. Y vont voir c’qui vont voir, ces dégénérés d’ventouse amoindrie. »

Jurant comme un charretier, donc, il s’était relevé, rubicond, l’air mauvais, pioche à la main et bave aux lèvres, prêt à planter son appendice métallique dans la première tête qu’il verrait dépasser. Les poursuivants n’étaient pas loin, ce moment ne tarda pas. Mais alors qu’ils auraient normalement dû sauter sur le nabot sans demander leur reste, ils hésitèrent. Ils s’arrêtèrent net, et couinèrent comme des pucelles lors de leur nuit de noce avec un chef de guerre garzok. Gorog, frustré dans son désir de planter d’la chair faible, beugla :

« Rhaaaa, amenez-vous, sédiments d’placards à balais, bouseux des tréfonds ! »

Mais non, ils ne vinrent pas. Pire, même, ils firent demi-tour ardemment, et s’enfuirent à toutes jambes, devant un Gorog estomaqué de l’effet qu’il leur avait fait. Lorgnant leur fuite fièrement, bombant le torse, arrogant comme pas deux.

« C’est ça, les lopettes, tirez-vous ! Et qu’on vous-y r’prenne plus d’courser du nain, pardi ! »

Son ami, derrière lui, attesta d’un… borborygme inepte monstrueusement sonore, qui fit douter Gorog de la qualité intrinsèque de son système digestif rongé par la bière.

« Hé ben mon colon, j’savais bien qu’t’avais faim, mais là, tu dépasses les bornes des limi… Oh pétard ! »

Il avait parlé tout en se retournant vers Broginn. Et là, face à lui, ce n’était pas son ami qui trônait, royal et vainqueur, mais… un genou. Et un gros, encore bien. puis son ami aussi, mais à l’envers, tête en bas, barbe sur le pif, tenu par le pied par une main qui n’avait rien à envier au genou. Toute grise, comme si ça avait été de la pierre, alors que pas du tout. Gogor leva les yeux vers l’horrible monstruosité, et croisa, derrière un nez ridiculement petit, comparé au sien, deux yeux noirs, petits et serrés, respirant la malice et la faim, la bêtise et leur fin. Un troll. Et pas n’importe lequel : le spécimen faisant bien trois mètres de haut, et avec des membres larges comme des branches de chêne. Pas de la tarte, en somme. Gorog en venait à regretter les gobelins, alors que l’être gigantesque (mais qu’est-ce qui ne l’était pas, pour un nain ?) grognait de plus belle, comme si son estomac s’était déplacé jusqu’à ses lèvres pour les saluer.


[HJ : Tentacule.]

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Gorog, nain.

Le nez, c'est l'idiot du visage.


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 28 Mar 2016 16:17 
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(((dans les épisodes précédents... :
1: Haple est bannie d'Anorfain et se retrouve à l'Est des Duchés où elle elle remise entre les mains d'une personne de confiance par un prêtre de Zewen.
2: Ceux-ci pensent que son arrivée dans le duché des montagnes la place en grand danger, et que certaines personnes sont à sa recherche. Haple prend donc la route en compagnie de sa chaperone pour trouver refuge ailleurs, mais une rencontre avec des Djinns Marids sera fatale à la montagnarde et Haple se retrouvera de nouveau livrée à elle-même.
3: Suite à un rêve étrange qui lui fait voir le sacrifice d'un agneau par son berger qui l'offre à un loup, Haple repère les traces d'un voyageur et les suit jusqu'à la grotte des affaires. Elle y apprend que la fetes des vendanges de Beauclair va attirer du monde et elle décide de s'y rendre pour se faire de l'argent en tant que musicienne de rue. Pour ce faire, elle ment à un commercant Beauclairois, M. Bertrand, et s'invente l'identité de Jeanne Dracque, enfant de Beauclair perdue dans la montagne, et lui demande de la reconduire au village. Un mystérieux voyageur se joint cependant à eux, M. Pulchinel, ce qui semble être de mauvaise augure à en croire les mises en garde appeurées d'un luthier Sinari qui semble le connaitre )))


On the road again, again ... I



- Beauclair n’est plus ce qu’elle était, ça non. C’est le bourg le plus prospère du duché désormais, et peut-être même au-delà. Combien de temps depuis votre dernière visite ?

Les trois voyageurs avaient pris la route deux heures plus tôt et les adultes faisaient passer le temps en badinages à l’avant, tandis que Haple écoutait sans mot dire, inconfortablement assise à l’arrière.

- Sept ans, p’tet’. J’ sais plus. J’entr’ pas dans l’ bourg en temps normal.

- C’est un endroit charmant pourtant.

- Et les gens charmants comm’ vous aut’ préférez qu’ les saisonniers itinérants s’ tiennent loin d’ leurs yeux, et loin d’ vos filles.

Silence... Le drapier se sentait-il visé par le sarcasme dans les mots du voyageur?

- … sans vouloir vous froisser.

Haple sentit plus qu’elle ne vit le drapier sourire poliment. Mais la conversation s’arrêta là néanmoins et le silence reprit ses droits.

Seul le frappement régulier des fers de cheval sur le pavé granitique marquait le passage du temps. Car les paysages se succédaient à l’identique, avec les sombres contreforts rocheux à leur gauche dissimulant la majeure partie des lointains pics enneigés , les vallons rocailleux à leur droite où s’étendait à perte de vue une dense garrigue, et devant … quelque part … la ville de Beauclair qui incarnait le fantasme d’une fin heureuse à ce périple éprouvant et un nouveau départ pour l’adolescente en bourgeon. Une ombre planait cependant sur cet espoir informulé ; elle prenait la forme de la haute silhouette du paysan se détachant en contre-jour sur l’horizon.

- Les dernières récoltes ont été particulièrement bonnes, relança le drapier en faisant claquer la langue. Sans vous autres saisonniers, les locaux ne parviendraient pas à faire fructifier le surplus de grain et de raisin. Et mes recettes ne feraient pas autant d’envieux parmi les nobliaux de Blanchefort.

Haple songeait qu’à en juger par la facture de leur véhicule, elle n’aurait pas imaginé que le drapier fut particulièrement fortuné… En effet, le panneau de bois contre lequel elle reposait comptait, du fait de l’usure, de nombreuses échardes qui lui piquaient le dos et le châssis grinçaient de manière inquiétante à chaque fois que la carriole sautait sur un nid de poule.

- Le seul problème, c’est la recrudescence du banditisme qu’a entrainée cette manne financière. Les routes ne sont plus aussi sûres qu’elles l’étaient ; mieux vaut ne pas se faire trop voir si on peut l’éviter, ça oui ! s’exclama-t-il. Et voyager nombreux dans la mesure du possible.

(à retenir… ne pas le crier sur les toits si je me fais un peu d’argent à Beauclair, et rester entourée aussi… ca par contre… !)

- Je ne suis pas mécontent de vous avoir avec moi à vrai dire. Ça ne peut pas faire de mal.

Haple, elle, n’en était pas aussi sûre depuis que les mises en garde du luthier avaient confirmé son pressentiment. Mais peut-être se faisait-elle des idées… (et qui me dit que je peux faire confiance au Sinari de toute façon)

- Et moi, d’êt’e tombé sur vous M. Bertrand. Z’ êtes ben bon d’ fair’ partager vot’ confort à des inconnus com’ nous aut’.

- Je vous en prie, ce n’est rien, coupa le drapier en rougissant sous la flatterie.

Puis, reprenant le fil de sa pensée :

- On raconte même que des enfants quittent leur famille pour rejoindre la pègre, et pas les plus stupides en plus… quel gâchis.

- Ah oui … ?

- On ne les voit jamais revenir dans leur famille... renchérit le drapier. Que Yuimen garde les miens.

- Z’avez des enfants M. Bertrand ? lâcha le dénommé Pulchinel en tournant la tête vers le drapier, un intérêt poli peint sur son visage.

- Six garnements qui font la vie dure à mon épouse !... Oïe !!

Un soubresaut plus fort que les autres avait saisi la charrette, interrompant le conducteur mais ne pertubant pas M. Pulchinel qui continuait de fixer son voisin des yeux.

- Certains jours, elle menace bien de les vendre aux bandits… mais je doute fort qu’elle en tirerait bon prix de toute façon ! reprit-il. Ne vous méprenez pas, je les aime comme la prunelle de mes yeux. Mais ils doivent encore montrer le moindre talent pour quoi que ce soit.

M. Pulchinel reporta alors son attention sur la route et s’avachit légèrement sur le dossier de la banquette avant.

- Quand je pense à la petite, toute seule sur les routes, tout de même… Ses parents doivent être bien inconscients ou en bien grande difficulté pour l’exposer ainsi au risque.

(ou bien dans la tombe)

***


L’orpheline sentait monter en elle un rire jaune en songeant à l’ironie de la situation : si seulement il savait dans quelle précarité elle se trouvait réellement ! Mais, elle du réprimer la grimace qui menaçait de gagner son visage car le drapier se retourna pour s’enquérir de son état :

- Comment tu te sens, mon Jeannôt ?

(Jeanne c’est déjà assez moche alors pas la peine d’en rajouter avec les surnoms…)

- Mieux, merci Monsieur. J’ai retrouvé mobilité et sensibilité…

(un coussin ne serait pas de refus d’ailleurs)

- Tu nous as fait peur, tu sais ?! Mais me voilà rassuré maintenant.

- Désolée de vous avoir tracassé Monsieur Bertrand.

- Bah, il faut bien que jeunesse se passe… A t’entendre au début, on n’aurait pas pensé que t'étais du genre à prendre de pareils risques. Au moins, tu as plus de cran que mes fils, ajouta-t-il pour lui-même avant de lancer par-dessus l’épaule. Tu peux me passer le sac s’il te plaît? Celui sous le rouleau de coton piqué.

(ça m’aide pas ça)

- Le bleu et jaune.

- Ah oui. Tenez, répondit-elle en hissant l’objet demandé à leur portée.

(Pas bien lourd tout ça) Et M. Pulchinel passa le sac au drapier, lequel lui remit les rennes en échange afin de défaire le cordon qui en serrait l’ouverture.

***


Avec une exclamation ravie, le drapier embrassa du regard le fond du sac et en retira à grand renforts de claquements de langue une paire de galettes sans levain, une meule de fromage cuit entamée et un paquet en papier ciré. A la vue de ce spectacle alléchant, une marée de salive monta dans la bouche de l’enfant à jeun.

Un regard dépité vers son propre sac de voyage lui rappela qu’elle avait stupidement dépensé tout ce que Roche lui avait laissé en accessoires de magie plutôt qu’en vivres. Et une cuisante colère contre sa propre frivolité l’envahit… un sentiment qui ne fit que croître lorsque retentit le bruit d’une bouteille qu’on débouche. En effet, un bouchon de liège entre les dents, le drapier proposa de son vin Beauclairois à leur compagnon de voyage, lequel ne fit que remuer le couteau dans la plaie en répondant :

- J’ai c’ qu’i’ faut, merci. J’ crois qu’ l’ moineau a rien à s’ mett’ sous la dent, par cont’.

- Ah… ? lâcha-t-il d’un air vaguement contrarié en se retournant. Bah on va te laisser mourir de faim, hein.

Et le drapier lui fit passer la miche de pain et le petit paquet ciré avec un sourire dont avait disparue toute trace d’agacement.

- Merci, Monsieur Bertrand.

Les mots lui lacéraient la langue… quelle honte de dépendre ainsi de la pitié d’un étranger. Autant elle se faisait l’idée d’avoir été une ingénieuse comédienne lorsqu’elle avait menti pour apitoyer le drapier et le persuader de la conduire jusqu’à Beauclair, autant là … elle était juste passive et en position de faiblesse. (une fois, mais pas deux !) Elle devrait se débrouiller pour chaparder quelque chose à manger ou bien jeuner pour le reste du voyage. Car elle sentait bien que même le bon Monsieur Bertrand avait une patience limitée. Mais d’ici là … (Mangeons !)

Et Haple ouvrit le papier ciré pour découvrir un pâté de canard fondant qu’elle engloutit voracement après en avoir cueilli de généreuses portions avec des bouts de pain déchirés en hâte. Jamais au met n’avais gouté de même ! L’aigre-doux d’un vin rosé y faisait écho au léger feu de l’ail grossièrement haché dans sa matrice de graisse de canard… Haple n’était pas sûre d’apprécier mais la faim aidant, elle n’en fit qu’une bouchée. Et elle en aurait redemandé si elle avait osé mais, par fierté, préféra tromper son appétit insatisfait en se distrayant avec les jolies illustrations du parchemin acheté au luthier Sinari.

>> On the road again, again ... II

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Dernière édition par Haple Mitrium le Mar 2 Aoû 2016 21:34, édité 9 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 28 Mar 2016 16:33 
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On the road again, again ... II


Bien entendu, Haple ne s’était pas séparée de la quasi-totalité de son argent pour l’esthétique des gravures qui parsemaient sa surface de cuir tanné. Elle y reconnaissait les gestes qu’avait faits sa guide, Roche, quelques jours auparavant… avant qu’elle ne décède dans un effondrement qui avait également ensevelit leur attaquant. Et elle voulait apprendre comment accomplir pareil miracle ! Alors, lorsque le Sinari avait désigné ce parchemin comme étant un traité sur les mouvements de terrain, elle n’avait plus eu le moindre doute qu’elle y trouverait la clé à cette magie spectaculaire.

Haple parcourait à nouveau les trois illustrations qu’elle avait survolées dans la boutique : le mage solidement campé sur ses pieds, le front posé sur un bâton dans une pose réflexive, puis plus bas, le même personnage brandissant son bâton dans les airs, les yeux rivés vers son bout au sommet, et finalement un retour à la position initiale, bâton touchant le sol et regard plongeant vers la terre. Sauf que cette fois, le sol semblait animé d’une énergie qui se manifestait par la propagation d’une onde d’amplitude décroissante, le faisant se lever et s’affaisser à partir du mage à l’épicentre. Le choc du bâton sur le sol semblait être le déclencheur du sort… et l’enfant s’y essaya à l’arrière de la charrette.

Pivotant sur son séant pour tourner le dos à ses compagnons de voyage, elle tenta de reproduire les gestes aussi discrètement que possible. Tête baissée, elle tenait son menton entre ses mains… puis elle les leva jointement à son front tout en portant son regard vers le ciel comme elle avait vu des fidèles de Gaia le faire lors d’une visite à Cuilnen… et enfin, un sentiment d’excitation et de crainte au cœur, elle frappa doucement le plancher de la charrette de ses mains ouvertes et…

- OÏE !!

Le véhicule sursauta dans une nouvelle embardée. Haple repris aussitôt sa place contre le bord latéral de la charrette, le sang affluant au visage et ses mains tordues dans son dos comme une enfant qui vient de faire une bêtise. Allait-elle se faire jeter dehors par le drapier à la patience déjà entamée ? Et surtout, venait-elle de dévoiler que le personnage de Jeanne, petite enfant innocente perdue dans la montagne, était plus trompeur encore que celui-ci le percevait déjà …?

Heureusement, les deux hommes ne se retournèrent pas et semblaient ne rien voir d’exceptionnel dans ce soubresaut. Après tout, ce n’était ni le premier et ni probablement le dernier… (Après tout, peut-être que celui-ci n’avait effectivement rien à voir avec moi). Et le doute s’insinua dans l’esprit de l’enfant… il se pouvait bien qu’il s’agisse d’un heureux hasard. (Une fois c’est une coïncidence, deux fois ça ne l’est plus) Alors pas d’autre moyen que de retenter l’expérience et la petite se remit à l’œuvre lorsqu’elle jugea que les adultes s’étaient de nouveau plongés dans une conversation prenante.

Maintes fois, elle recommença la séquence : vers le bas, au ciel, au sol.
Rien. Rien n’y fit ; les secousses qui faisaient par moments trembler la charrette ne coïncidaient que rarement avec ses tentatives. Et la petite finit par s’adosser de nouveau à sa place, le moral en berne, et se laissa aller à regarder le soleil rougeoyant qui tombait sous un groupe de nuages floconneux, derrière eux à l’horizon.

>> On the road again, again ... III

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 28 Mar 2016 19:30 
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(Avant)

(5)



Le duo d'cavaliers met pied à terre, et l'Demi s'met à protester. Le voilà qui s'met à lui raconter qu'ils étaient en mission, à devoir chopper des chevaux sauvages, puis à aller voir un néro... Mot de merde. Un type qui peut relever les morts, mais qu'un truc a mal tourné. Rien que d'entendre qu'il y a eu des emmerdes suffit à pousser la peau-verte à tendre l'oreille. Les yeux rouges de Zu'Gash se mettent à briller quand il cause d'une attaque par des liykors noirs, toutous d'une liche de Thimoros.

"Merde alors ! C'te chance !", claque la garzoke en s'imaginant l'merdier.

Une bonne grosse baston qu'a été tellement chouette qu'ils en ont pris un coup d'vieux ! Là, la Coureuse en est presque jalouse. Faut espérer que leur mission soit aussi dangereuse ! Et sympa ! Et avec des tas d'trucs à raconter en r'venant ! N'empêche, elle se demande à quoi elle ressemblerait avec une tignasse blanche, elle.

L'Demi va chercher des trucs dans sa sacoche, et les file à Maya. Une sorte de gri-gri avec une pierre noire. Et il se lance dans des explications sur comment c'est foutu et à quoi ça...

"Bwwaaaaah.", bâille la peau-verte au milieu du discours.

Elle se cure l'oreille après avoir totalement décroché de ce qu'il raconte. Par contre, la gosse boit ses paroles. Elle a presque les yeux qui brillent quand elle lui montre l'amulette et un calepin noir... Un bijou et des trucs à lire... Rien qui peut l'intéresser, quoi. Et ensuite, c'est l'basané qui s'fait entendre, demandant si elles sont en mission aussi, parce que eux rentrent au château.

"Oaip !", lance vigoureusement la peau-verte, après un autre bâillement. "On part en balade côté d'Omyre. 'Fin, sud du coin. Trouver... Attends... Il a dit quoi déjà l'Patron ?", demande-t-elle en avisant la gosse.

Maya esquisse un sourire et secoue la tête. Elle range précieusement les cadeaux du Demi, puis s'met à causer d'sa jolie p'tite voix. Y'a pas à dire, ça change d'quand elle la boucle.

"Les Bois Sombres abriteraient des mages... Particuliers... En relation avec Omyre. Nous devons les trouver et... Disons... Emprunter ce qu'ils ont donné à leur contact... Sans que quiconque sache que nous sommes... Responsables."

"Ben putain ! T'en fais des mystères !", s'esclaffe la Coureuse en lui assénant de petites tapes dans le dos. "En gros, on y va, on les voit, on choppe le client quand il est tout seul, on le marave et on se tire avec l'matos. Simple, hein ?"

La petite brune lui lance un regard blasé d'abord, puis amusé ensuite. Et pof, la revoilà toute nerveuse. La grosse patte verte se pose rudement sur la petite tête. L'oiseau noir s'avance dans la capuche, reluque les deux hommes et se perche sur la tête de la peau-verte.

"Mer-ci ! Da-e-mon. Gri-Gri !", chante de sa voix rauque le piaf sombre.

"Ah ! Tu as raison, Aroroa.", lance précipitamment la gosse en se penchant un peu vers l'semi-elfe. "Je prendrai soin de ces objets... Merci infiniment."

Les yeux rouges se plissent un peu, malgré l'sourire à crocs qu'elle affiche. L'est trop polie et bien élevée c'te gosse. Il lui a juste filé un machin qui pendouille et un bouquin d'ptite taille. Et c'est presque sûr qu'y'a même pas d'images !

Elle lève le pif vers le ciel, manquant renverser le corbac de Phaïtos au passage. Qui râle, s'installe dans sa capuche et la picore, comme d'hab'.

"Aie ! Oais, bon, c'pas tout ça, mais on a d'la route à faire.", affirme la peau-verte en tendant le doigt dans une direction... Que Maya saisit gentiment pour le décaler un peu plus à l'ouest. "T'es sûre ? P't'êt' bien, oaip."

Mais avant ça... Elle appuie son regard sur le demi-elfe, commençant à faire ce sourire à la con, indiquant qu'elle a une idée en tête. Elle plie les genoux et sans lui laisser l'luxe de reculer, elle le choppe au niveau d'un bras et d'une jambe, puis elle le fout allongé sur ses épaules. En manquant de peu le faire s'éclater sur l'piaf. Elle reste accroupie, sans bouger. Puis cherche à se redresser. Mais change d'avis et s'accroupit encore.

"Ah oais, quand même.", fait-elle avant de le reposer rudement. "Ca a changé. Tu fais un putain d'poids, là."

Sourire à la con, alors que Maya fait une tronche avec des grands yeux d'souris surprise.

"Reste dispo' quand j'rentrerai, tu pourrais m'servir au lieu d'ces putains d'caillasses qui roulent ! Bwahaha !"

Elle bondit sur ses pieds, s'étire puis fait craquer ses poings. Elle fixe Daemon avec une tronche satisfaite avant de se tourner vers Asad, avec la même idée en tête. Sauf que Maya lui agrippe le poignet avant qu'elle l'ait atteint. Regard appuyé et pas content de la peau-verte. La gosse la prive d'un truc marrant, là.

"Hum... On y va ?", fait-elle doucement.

La Coureuse pousse un souffle boudeur.

"T'es chiante, là... Mais t'as raison. La route va pas s'tracer seule !", finit-elle par gueuler, avant de faire quelques pas sonores.

"Désolée...", entend-elle derrière elle, avec le bruit d'vêtements qu'on frotte.

"Amène-toi, Maya ! Plus vite on s'ra parties, plus vite on r'viendra les écouter tout raconter !"

Parce qu'une histoire de loups noirs et d'niche... Non, liche, ça peut qu'être super !


(Après)

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Dernière édition par Zu'Gash le Lun 11 Avr 2016 17:30, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 28 Mar 2016 19:34 
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>> On the road again, again ... II

On the road again, again ... III


Elle ne pouvait cependant pas s’empêcher d’évoquer à son esprit les trois illustrations, ressassant dans sa tête la litanie bas-haut-bas qu’elle avait tentée sans succès. La gestuelle devait être importante si l’auteur avait pris la peine d’illustrer cette danse rituelle… mais peut-être que ces gestes seuls ne suffisaient pas.

- Faisons halte ici pour la nuit. Je ne veux pas avoir à monter le camp dans l’obscurité.

Le drapier coupa ainsi court à sa réflexion. Haple ne voyait pas bien où ils pouvaient faire camp dans cet environnement désolé : le soleil couchant étirait l’ombre dentelée des arbustes épineux qui peuplaient la lande, conférant à celle-ci une apparence lugubre et inhospitalière. Certainement pas un endroit pour dormir… Mais comme pour la démentir M. Bertrand héla les chevaux tout en tirant sur les rennes avec une douce fermeté. Et sans mot dire, les bêtes de traits ralentirent le pas avant de s’immobiliser docilement au milieu de la route.

- Tout le monde descend, lança le drapier à la cantonade d’une voix où se mêlait la lassitude du voyage et le soulagement anticipé du repos à venir.

Et les trois voyageurs mirent pied à terre l’un après l’autre. Les bords de route étaient graillonneux au possible et le sol plus loin parsemé de rocailles qui rendraient la couche bien inconfortable s’il devait dormir à même le sol. Mais en l’occurrence le drapier avait une autre idée en tête dont il leur fit part alors qu’il guidait les chevaux par la bride en direction du bas-côté :

- Pulchinel, si vous voulez bien vous occupez des chevaux, je mettrai la charrette en ordre et monterai la toile pour nous y abriter cette nuit. Le bois du plancher sera toujours plus confortable que cette caillasse. Et toi Jeannette… assieds-toi tranquillement, nous aurons vite finis.

(Jeannette la potiche…)

- Je peux aller chercher du petit bois pour un feu de camp…? hasarda-t-elle.

- Un feu ? Ah, éventuellement, on en a pas vraiment besoin mais si tu le souhaites, j’imagine que ce serait plus convivial… Ne t’éloigne pas trop par contre; quelques branches sèches de ces arbustes feront l’affaire. Mais gare aux épines ! conclu-t-il par plaisanterie en agitant un doigt d’avertissement.

Et Haple laissa les deux adultes derrière elle pour s’aventurer dans le maquis.

>> A la chasse aux brindilles ... et aux crosses I

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Dernière édition par Haple Mitrium le Mar 2 Aoû 2016 15:19, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 29 Mar 2016 20:09 
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« Ohé ! Du canasson ! »

Zu'Gash répondit à la question d'Asad en baillant, à en croire que le discours explicatif de Daemon l'avait assommé, signifiant qu'elles partaient dans les parages d'Omyre sans se rappeler des détails. Les deux compagnons échangèrent un regard, Omyre la noire, demeure des cauchemars... Le nom fit frissonner Daemon, car bien qu'il ait grandi dans les contrées sauvages du nord, il n'avait jamais considéré la capitale sombre avec sympathie. Les Garzokes se contentaient de maintenir quelques garnisons à Dahràm histoire d'affirmer leur domination et de réclamer imposition, tandis que d'autres parcouraient le sud du pays pour y effectuer quelques razzias à l'encontre des villages isolés.

Maya compléta l'explication avec précaution, précisant nébuleusement qu'elles se rendaient dans les bois sombres à la rencontre de mages « particuliers » pour leur « emprunter » quelque chose sans que quiconque le sache. La peau verte s'esclaffa en lui tapotant le dos, pour enfin conclure qu'elles devaient trouver le client, lui casser la gueule et se barrer en douce avec le matos.

(Ça promet...)

Néanmoins, il ne se faisait pas trop de soucis pour les jeunes femmes, la Zu'Gash devait être native de ce pays. Asad gloussa en écoutant les explications abruptes du mastodonte à natte. Le corbeau brailla au-dessus d'eux en volant en cercle, avant d'atterrir rudement sur la tignasse de la peau verte.

« Mer-ci ! Da-e-mon. Gri-gri ! » chanta le piaf à la stupéfaction du semi-elfe.

Le volatile était doué d'une surprenante intelligence, sans doute supérieure à sa maîtresse ! Se faire remercier par un animal causant la langue commune suscita chez lui une indescriptible impression. La jeune fille tiqua, donnant raison à l'animal et s’inclina pour le remercier de ce don.

« Ce n'est rien, je ne fais qu'accomplir ma mission. » répliqua-t-il, gêné.

Alors Zu'Gash commença à clore la conversation, soulignant qu'elles avaient de la route à faire en indiquant une direction du doigt, direction légèrement corrigée par la jeune fille.

« Nous n'allons pas vous retarder, bonne route et soyez prudent. »

Il eut un instant de flottement, la peau verte lui adressa un regard inquisiteur qui se changea rapidement en malignité.

(J'ai un mauvais pressentiment...)

Sans prévenir, elle s'accroupit et l'attrapa par une jambe et par le bras, Daemon hélât de surprise quand il fut soulevé de terre sans une once de délicatesse pour atterrir sur ses épaules. Le souvenir encore récent de ses contusions fit aussitôt surface, il émit un petit glapissement étouffé. La peau verte chercha à se redresser mais changea d'avis, Daemon eut à peine le temps de s’acclimater, qu'elle le balançait dans la poussière.

« Ah oais, quand même. Ça a changé. Tu fais un putain d'poids, là. » indiqua-t-elle, fière de son expérience.

Sonné cette attaque surprise, le semi-elfe n'eut qu'un léger vacillement en guise de réponse. Zu'Gash se redressa brusquement, fit craquer ses poings et sourit de tous ses crocs ; avant d'adresser un regard entreprenant à Asad. Mais Maya toute rouge et paniquée l'attrapa par le poignet et lui proposa de reprendre la route. La Garzoke abdiqua en s'exclamant bruyamment qu'elle ne se ferait pas toute seule. Sans un au revoir, elle tourna les talons en continuant de bavarder. Entre deux flottements de cape, Maya se retourna pour s'excuser.

Alors que la tempête s'éloignait, Asad profita de l'accalmie pour s’agenouiller devant le semi-elfe.

« Ça va ? »

Daemon balaya son attention d'un revers de main et explosa à l'encontre de la peau verte, déjà loin. Néanmoins, la douleur omnisciente le calma rapidement. Asad se chargea donc d'attacher les montures avant d'entrer dans la grotte.


La fameuse grotte des affaires

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 4 Avr 2016 19:46 
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La fameuse grotte des affaires

Après avoir effectué leurs achats, les deux cavaliers bifurquèrent vers le sud en direction des terres cultivées voisines du royaume de Kendra-Kar. Il aurait été certes plus court de couper vers l'ouest, à travers les reliefs escarpés recouverts de forêt, mais aucune route praticable ne traversait les environs jusqu'à Endor.

Ainsi, ils profitèrent des chemins carrossables et paisibles et traversèrent quelques hameaux isolés. Asad s'arrêta plusieurs fois pour discuter avec quelques autochtones trop ravis d'abandonner leur bêche pour s'adonner à la causette, et apprit que la nouvelle de l'attaque d'Alkil avait déjà fait son bout de chemin. Les pauvres paysans de ces contrées reculés n'étaient pas franchement rassurés par la présence de Liykors dans les parages. Daemon apprécia la balade. Étant originaire de Dahràm, la découverte de ce pays paisible et en paix lui ouvrit de nouvelles perspectives, pourtant si banales. Jadis, il avait aussi connu cette fraîcheur, la douceur d'une vie champêtre et simple... Une douceur ravagée en une nuit.

Alors que le soleil commençait à décliner, les deux adorateurs s'arrêtèrent devant une auberge et décidèrent d'y passer la nuit. Elle était composée d'un modeste corps de ferme avec un bâtiment principal de deux étages, d'une grange et quelques bâtiments annexes aux abords d'une mare d'eau saumâtre à moitié recouverte d'algues. Plusieurs montures attendaient dans la grange, alors ils y attachèrent les leurs.

La chaleur de la cheminée les accueillit dès qu'ils franchirent la porte. Quelques lampes à huile éclairaient les lieux de chaudes couleurs, mais l'hospitalité des clients laissait à désirer. Un silence pensant marqua leurs premiers pas en direction du comptoir, silence rapidement coupé par les salutations familières de la vieille tenancière. Ils commandèrent un ragoût sous les regards torves des habitués et s’installèrent dans un coin sombre de la pièce. Une fois attablé, les discussions reprirent leur cours naturel.

« Tu devrais manger avant que cela ne refroidisse. » précisa Asad, une fourchette entre les dents.

« Mon corps réclame pitance, mais je doute de réussir à avaler ça. Je crois avoir le mal des transports... »

« Les chevaux ne sont pas des moyens de transport ! » s'indigna Asad.

« Vous allez me le bouffer mon gigot ? » beugla la vieille à destination du semi-elfe.

« Tu ferais mieux de manger, sinon ton corps va finir à la potence. »

Jaugeant la mine terrifiante de la tenancière, qui tapotait sa cuillère de bois à la manière d'un bourreau, Daemon engouffra aussitôt et le plus rapidement possible l'affreux ragout, pour enfin reconnaître qu'il n'était pas si mauvais.

Alors qu'il sauçait le fond de son assiette, il surprit une conversation entre des bûcherons visiblement soucieux. Ils évoquaient l'attaque des Liykors et jugèrent que trop d'histoires louches apparaissaient ces derniers temps. Apparemment, la majorité des bûcherons auraient quitté la région, chassés de la forêt par une mystérieuse femme-ours-porc et sa horde de bêtes féroces. Certains attribuaient ces événements aux esprits de la forêt, mais d'autres évoquaient avec prudence la cité mortifère d'Endor, soulignant que certains prospecteurs s'en étant trop approché n'étaient jamais revenus. D'autres rumeurs, plus sombres encore, suggéraient avec réserve que des nécromanciens y auraient élu domicile...

Les bûcherons parlaient à présent si doucement que le semi-elfe ne put entendre plus de détails. Daemon comprit qu'Endor souffrait d'une sinistre réputation et il se demanda par quel stratagème la maître de guilde avait réussi à effrayer tous ces gaillards. La femme-ours-porc lui rappela subitement la Garzoke croisée plus tôt dans la journée, il n'y aurait rien de surprenant qu'elle ait un quelconque rapport avec cette histoire, se disait-il.


Après le dîner, Asad loua une chambre au second étage. Daemon y monta pour s'affaler directement sur le lit. Ballottant ses jambes, il entreprit de fouiller son sac pour y contempler avec envie ses acquisitions de la journée. Asad lui avait strictement défendu d'y toucher jusqu'à leur arrivée, mais il ne le pouvait.

Il se saisit d'une fiole noire et l'approcha de la bougie de son chevet. Une petite brume opaque et morne tournoyait à l'intérieur, fascinant Daemon, car il savait que son contenu l'aiderait à accroître son pouvoir. Asad s'était absenté et après s'être assuré être seul, il déboucha la fiole et en avala le contenu d'un trais. L'ombre ingérée était insipide, particulièrement froide et bien qu'épaisse elle n'avait rien de liquide.

Le verre se brisa au sol. Daemon se leva avec précipitation, la main sur la bouche. Une nausée aussi brutale que soudaine l'avait gagné. Sa tête vacilla, il tomba à genoux et fut pris de hauts de cœur. Son ventre se contracta et plusieurs spasmes le forcèrent à cracher, quelques bouts de carottes et de poireaux jaillirent, un peu de bière aussi, mais pas une trace du fluide.

Il finit par se tordre de douleur, serrant les dents, en proie à des palpitations frénétiques alors qu'un froid sinistre l'investissait. Son compagnon finit par revenir et se précipita à son aide, pour ensuite découvrir les restes de la fiole.

« Espèce d'idiot ! Je t'avais dit d'attendre ! »

Le semi-elfe aurait aimé se justifier, mais le mal devenait insupportable.

« La plupart des gens perdraient la vie après avoir ingéré ça. Et tu as vu ton état !? Mais tu es complètement inconscient ma parole ! » beugla-t-il avant de le porter sur le lit.

Daemon laissa échapper une lamentation rauque et se roula. Il avait froid, si froid. Il s'enroula dans les tissus, attrapa d'Asad, en vain ; il ne parvenait plus à détecter la moindre sensation de chaleur, tant dans les draps qu'au contact de sa peau.

« La nuit va être longue... »


Le fanatique ennuagé

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Dernière édition par Daemon le Jeu 7 Avr 2016 18:41, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 7 Avr 2016 18:40 
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« Vous allez me le bouffer mon gigot ? »

Un faisceau de lumière s'échappa d'entre les volets et vint heurter l’œil de Daemon. Le stimulus le réveilla, ou plutôt il se figura se réveiller, car la nuit s'était résumé à une errance névrotique. Il crut dans un premier temps sortir d'un rêve chaotique et particulièrement difficile, quand il se resitua dans l'espace, découvrant la chambre, se remémorant l'auberge... Il se remémora avec difficulté, tant ses souvenirs étaient lacunaires, de la fiole noire et captivante qu'il avait avalé la veille. La suite demeurait vague, l'influence du fluide obscur avait ravagé tant son corps que son esprit.

Son organisme fonctionnait d'une façon dissonante, sa respiration souffrait d'un manque évident d'harmonie qui venait s'ajouter aux blessures de la dernière bataille. L’œil opaque, il se détourna pour savoir d'où provînt se bruit régulier de respiration et il découvrit Asad allongé à ses côtés. Le jeune homme dormait profondément mais paraissait pourtant éreinté et fatigué.

Pas vraiment dans son assiette, le semi-elfe s'assit sur le rebord du grand lit. Alors Asad se réveilla en sursaut, se relevant directement sur son séant. Il se massa le visage avec les paumes et lui demanda comment il se sentait.

« Bof. J'ai la tête en vrac et je me sens pâteux, comme un lendemain de cuite. » répondit Daemon qui avait perdu sa voix et n'était plus capable que de chuchoter.

« Pas étonnant avec tes conneries. Je t'avais pourtant proscrit de toucher à tes fioles de fluide, je n'ai pas dormi de la nuit ! »

« Pardonne-moi... »

Après avoir subit une claque derrière la tête, Daemon observa le basané se lever en trombe et l'enjoindre à se préparer rapidement. Il ne leur restait qu'une matinée de route et il souhaitait en finir rapidement. Sa réflexion déprima sévèrement Daemon qui se figura n'être qu'un poids.

(Asad a hâte de rentrer... Après tout, cette mission banale s'est transformé en un véritable désastre. Je n'ai fais que lui causer du tort...)

Le fanatique ennuagé s'habilla sans attendre et tous deux descendirent dans la grande salle déserte. Puis ils sortirent au grand jour, de grands cumulus dérivaient sous la brise placide, tout était lumineux.

Daemon détailla la cours envahie par les mauvaises herbes ainsi qu'une cohorte de poules et retrouva sa jument dans l'écurie. Il ceintura la selle aussi bien qu'il le pouvait et se hissa sur son dos. Pas vraiment habitué à être attaché, Olwë n'était absolument pas coopérative. Daemon tira sur les rênes, la sollicita par les flancs, mais elle ne voulut rien savoir. Asad eut l'air profondément affligé par son incompétence et amena la rebelle sur la route d'un sifflement.

Complètement honteux, Daemon en venait à mépriser sa maladresse et sa puérilité, il resta donc silencieux. Ainsi l'intégralité de la route fut ponctuée par le bruit des sabots.


Un instant d'horreur

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 8 Avr 2016 16:27 
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Les sapins couverts de neige, les pentes ridiculement inclinées, les chemins terreux laissant place à des sentiers de rocs et de verglas et l'herbe disparaissant peu à peu de l'horizon ; les Duchés n'étaient rien de ce qu'avait connu Anastasie dans sa courte vie. Elle était née près de Kendra Kâr, elle avait été élevée près de Kendra Kâr, elle avait grandi près de Kendra Kâr. Ses simples séjours dans la capitale lui paraissaient, fut un temps pas si lointain, une aventure des plus palpitantes, et même effrayante. Mais voilà qu'elle s'était, seule, profondément enfoncée dans l'énorme chaîne de montagnes de Nirtim, à la recherche de l'un des villages humains les plus perdus du continent. Elle était si avancée dans les terres que, selon sa carte, Oranan était plus proche que Kendra Kâr. Plus dérangeant, plus effrayant : Omyre était tout aussi près que la cité Ynorienne. Mais, il fallait contourner un dédale de monts et de collines pour y parvenir, et passer les quelques camps kendrans avancés qui marquaient le front de guerre.

L'endroit en question, un minuscule village lové entre deux montagnes, Anastasie avait mis six jours pour l'atteindre. C'est à dire deux journées de plus qu'un trajet entre Kendra Kâr et Oranan, pourtant plus éloignées l'une de l'autre. Mais ce temps de voyage pouvait s'expliquer aisément. D'abord parce que traverser des montagnes était une tâche bien plus ardue que de parcourir des plaines. Mais surtout parce que, n'ayant pas apporté de tente, la jeune femme avait été contrainte de s'arrêter dans les villages qu'elle croisait parfois relativement tôt dans la journée pour être certaine d'avoir un toit pour la nuit. Mais à s'arrêter avant que le soleil ne se couche, on perdait un temps considérable.

Après, finalement, près d'une semaine d'un voyage particulièrement désagréable et indigne d'intérêt tant il avait été lent, répétitif et soporifique, Anastasie avait terminé au milieu du village qu'elle recherchait : un hameau d'une trentaine de maisonnées, sans auberge, sans bistrot, et dont la seule écurie n'était pourvue que de trois box. En fait, la seule présence d'une écurie était une surprise pour la jeune femme. Il faisait presque nuit lorsqu'elle pénétra enfin dans le lotissement, mais même l'heure tardive ne pouvait pleinement expliquer l'absence de personne en dehors des habitations. La plupart étaient déjà allumées, témoignant de la présence des habitants dans leurs maisons, mais d'autres restaient complètement silencieuses et éteintes, comme abandonnées.

Au passage d'Anastasie entre les bâtisses, des paires d'yeux apparaissaient devant les fenêtres, la scrutant avec une surprise mêlée d'angoisse. C'est ce qui acheva de convaincre la jeune Comtesse qu'elle était au bon endroit. Les rapports d'Adam, le disciple de Gaïa qui lui avait confié la tâche de récupérer Perçombre, indiquaient deux choses : en premier lieu, la multiplication de décès violents, inexpliqués et incroyables ; dans un second temps, l'arrêt pur et simple des communications avec le village. Evidemment, ces faits pouvaient s'expliquer par n'importe quel type de malédiction, et ne reliait en rien le hameau à l'épée qui avait manqué de tuer Tal'Raban. Mais, couplés aux premières informations dont disposait le temple, qui désignaient la région comme le lieu où le nécromancien avait caché la lame, ainsi qu'aux visions d'Adam, les événements prenaient un tout autre sens. Perçombre était très probablement ici, le vieux prêtre comme Anastasie en étaient persuadés.

Pour cette dernière, cependant, ce n'était pas tant les faits que l'intuition qui l'avaient convaincue. Si tant est que l'on puisse appeler cela de l'intuition. En fait, à mesure qu'elle s'était approchée de sa destination, sa détermination et sa certitude avaient grandies, effaçant peu à peu ses doutes pour ne laisser que la conviction dans son esprit. L'épée était là, toute proche, et elle attendait que la jeune femme ne vienne la délivrer de son actuel détenteur, qu'il soit créature infernale, mage noir, nécromancien ou spectre.

C'est un homme armé qui accueillit Anastasie le premier, la coupant dans ses réflexions en sortant d'une petite caserne. Il avait une trentaine d'années, et se tenait comme s'il n'avait jamais eu à utiliser l'épée qu'il avait à la taille – ce qui était souvent le cas des gardes de village.

« Hola ! » l'arrêta-t-il, un air suspicieux sur le visage. « Qu'est-ce v'nez faire ici ? »

La jeune femme le salua d'un signe de tête avant de descendre prestement de son énorme cheval.

« Bonjour, Anastasie Terreblanc, » se présenta-t-elle. « Vous n'avez pas donné de nouvelle depuis un certain temps à la capitale, alors le Temple de Gaïa de Kendra Kâr s'inquiétait. Il m'envoie pour enquêter. »

L'homme haussa des sourcils broussailleux pour exprimer sa surprise, certainement choqué que le Temple en soit réduit à faire appel à une jeune femme tout juste sortie de l'adolescence pour régler une telle affaire. Si le garde avait des réserves quant au choix de l'agent, il eut cependant la délicatesse de ne pas le faire remarquer.

« Le Temple a envoyé deux prêtres depuis, et il n'a eu aucune nouvelle, » continua-t-elle. « Les avez vous vu ? »

A cette annonce, le visage du soldat se renfrogna.

« Oui. Tous les deux. Sont morts. »

Anastasie esquissa une grimace. Elle s'était attendue à cette annonce, évidemment, mais elle aurait préféré une autre explication pour leur silence.

« Comment ? » demanda-t-elle.
« Bah ! » s'exclama l'autre d'un ton dépité. « Comme tous les z'ot. »
« C'est à dire ? » s'impatienta la jeune Comtesse.
« Vous m'croiriez pas. M'ont pas cru, eux, quand y sont arrivés. »

Ce fut au tour de la jeune femme de hausser les sourcils en signe de surprise. Des prêtres de Gaïa sceptiques ? Ils étaient pourtant les premiers, avec ceux de Phaïtos et de Thimoros, à croire aux malédictions et à voir des signes dans la moindre mort suspecte. Et pour cause, ils étaient ceux qui les combattaient les plus ardemment.

« Ils ne vous ont pas cru ? Vous voulez dire qu'ils croyaient que vous mentiez, ou c'est vos conclusions qu'ils n'ont pas crues ? »
« Les conclusions. Disaient qu'y avait une autre explication. Disaient qu'les malédictions ça fait pas tomber les pendules sur le coin d'la gueule. »

Anastasie se mordilla l'intérieur de la joue, perplexe. Elle était un peu perdue, et ni l'accent de son interlocuteur, ni sa propension à lancer des phrases énigmatiques sans vouloir les expliquer ne l'aidaient à y voir plus clair.

« 'Fin, entrez donc, » conclut le garde. « Z'allez dormir à la caserne, y a pas d'auberge ici. Z'avez mangé ? »
« Non. »
« Y a d'la soupe de lard et du bouloum séché. Z'avez qu'à vous servir, j'vais vous amener le canasson à l'écurie. »

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 8 Avr 2016 16:33 
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« Ca a commencé y a deux mois. Un mineur a vu une forme blanche léviter à que'qu'mètres de la mine. Personne l'a cru, mais le soir même, crack, y prend son horloge sur le haut du crâne, mort sur le coup. »

Après un repas plutôt frugal, mais réparateur, Anastasie était maintenant devant l'âtre de la cheminée, à écouter le récit du jeune garde. Il était le dernier du village : tous les autres étaient morts, dans des circonstances plus que douteuses.

« Alors au début, tout l'monde s'est dit, l'accident bête, quoi. Pas d'quoi fouetter un chat. C'est triste, mais y en a souvent qui meurent dans les mines, ça arrive. Mais v'la que deux jours plus tard, recrack, un aut' mineur qui prend un rocher sur la gueule. Mais, pas dans la mine ! Non non ! Dehors, juste en sortant ! Un rocher qui roule le long de la paroi, et bim, sur la tête, mort sur le coup. Alors là on a dit, bon, pas d'bol, deux en trois jours, c'est dur quand même. Mais bon lui l'avait pas vu de forme blanche léviter, alors on a pas fait le lien. »
« Y en a eu combien comme ça avant que vous fassiez le lien ? » interrompit Anastasie.
« Trois d'plus. 'Fin, y en a qui commençaient à flairer l'truc au bout du troisième, mais les z'ot y disaient qu'c'était d'la superstition. Puis y en a eu un quatrième, puis un cinquième, et là tout le monde a compris que que'qu'chose allait pas. C'est là qu'avec les cargaisons d'argent on a envoyé une lettre pour dire que ça tournait pas rond. Mais les gars d'la ville, y nous ont pris de haut. Comme quoi c'était d'la malchance. Ni plus ni moins. »

La jeune femme hocha doucement la tête, perplexe. Elle comprenait la réaction de la milice, pragmatique, qui ne pouvait se permettre de se détacher de soldats pour si longtemps pour quelques superstitions d'un village de mineur. Elle comprenait aussi la réaction des prêtres, qui n'avaient vu là qu'une série de malchance. Après tout, les malédictions étaient plus spécifiques, elles tuaient rarement à l'aveuglette de cette manière. Mais pour autant, d'entendre le récit du garde à haute voix, face à face, persuadait Anastasie du bien fondé de leurs craintes. D'autant plus que la liste ne s'arrêtait pas là. Car, en deux mois, et sans compter les deux envoyés du Temple, pas moins de dix-huit personnes étaient décédées.

« Mais c'est après que ça a vraiment commencé à être bizarre. »
« Plus bizarre qu'une horloge sur la tête ? »
« Oui oui ! Parce qu'au début c'était que des mineurs ! Alors on a dit : bon, c'est dans les mines le problème, on y va plus, plus d'problème ! Et c'est là que les gens ont commencé à mourir... drôlement. Enfin, ce serait drôle si on avait un sens de l'humour déplacé, quoi. »

Anastasie fonça les sourcils une énième fois depuis le début de la soirée.

« Comment ça ? »
« Bah d'abord y a le chef d'la garde qu'est allé piqué un somme sur la colline près d'la mine. Y a un lézard qui lui est rentré dans la bouche, il est resté coincé, et l'ot y s'est étouffé. »
« Ah... »
« Pis y a le guérisseur du village, y soigne les bêtes aussi. Bah il a glissé sur une bouse, il s'est assommé. Et pis là y a un ch'val qui lui a chié sur la tête, il est mort étouffé aussi. »

Les révélations sur les morts des habitants continuèrent pendant une bonne partie de la soirée, pendant laquelle la mine déconfite d'Anastasie s'accentua petit à petit jusqu'à ce qu'elle ne finisse par couper court aux étrangetés du garde d'un geste de la main, dépitée par ce qu'elle venait d'entendre.

« Eh bien, c'est sûr que ça ressemble difficilement à une malédiction, » conclut-elle. « A la limite, il y a quelques rituels qui amènent la malchance sur une personne, ou un groupe de personnes... mais la mort en est rarement la conséquence. Ou en tout cas pas à cette fréquence. »
« C'est ptet un rituel de malchance très fort ? »
« Mmh... non, je ne crois pas. La chance tuerait de manière complètement aléatoire, elle ne le ferait pas de manière si mesquine. La seule solution que je vois... c'est que chaque personne décédée a été victime d'une malédiction différente. »
« Bah, comment ça s'pourrait ? » interrogea l'autre.
« Alors là... Aucune idée. Je ne sais même pas où démarrer l'enquête. La mine, peut-être ? Après tout, c'est là que ça a commencé. »

La conversation dura encore quelques minutes, mais la situation ne s'en trouva pas particulièrement plus claire aux yeux d'Anastasie. Elle apprit seulement que, depuis peu, toute personne tentant de quitter la ville se retrouvait victime de la malédiction, l'empêchant non seulement de chercher des renforts, mais également d'évacuer la ville au cas où elle se retrouverait dans l'incapacité de s'occuper du maléfice. Autre fait marquant, les visiteurs semblaient être touchés en priorité, ce qui la plaçait dans une posture fâcheuse.

« Y sont tous morts le troisième jour, » l'avait cependant rassurée Edrick, le garde.

La seule bonne nouvelle fut le retard de la dernière cargaison. Le village livrait directement l'argent miné à la milice de Luminion une fois par mois, et le dernier convoi, s'il avait eu lieu, aurait dû arriver au Duché une semaine auparavant. Au vu du grand retard qui s'accumulait, et des besoins pressants de minerai de Luminion, nulle doute qu'ils n'allaient pas tarder à voir débarquer un ou deux enquêteurs venus s'enquérir de la situation. Ce ne serait certainement qu'un maigre renfort, mais il pouvait potentiellement se révéler décisif. Si tant était qu'il arrivât à temps.

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