L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 7 Juil 2016 22:06 
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Dirigé pour Itsvara


Le gamin te regarde d'un air blasé tandis que les montagnes défilent en dessous de vous. Vous êtes en train de contourner de hauts pics, vous dirigeant toujours vers le nord.

Gabriel marmonne :

"Ils m'avaient proposé de l'or... mais j'ai la net impression qu'ils n'avaient pas l'intention de me payer... Du coup, je ne sais pas trop quoi faire. J'essaie de trouver des cachettes pour dormir, histoire d'être sûr de pas m'faire tuer dans la nuit. Remarquez, c'est pas sûr que vous vous en sortiez, vous non plus..."

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Chibi-Gm, à votre service !


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 11 Juil 2016 23:04 
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Gabriel tourna lentement la tête en direction d'Itsvara et la regarda, désabusé. Il haussa lâchement les sourcils et maugréa :

"Bah faut bien que je mange. Ils m'ont dit qu'y'aurait d'l'or à la clé… Mais ça sent l'embrouille. Du coup, j'me retrouve ici à m'faire petit parce que j'ai l'impression que si j'fais trop l'mariole, ils vont m'tomber dessus. Tu vois ? D'ailleurs, tu devrais faire profil-bas aussi. Tu l'ouvres trop encore."

Elle pencha la tête de côté, comme intriguée, et lui décrocha un large sourire totalement condescendant :

"Vous pourriez gagner de l'argent honnêtement. Vous devriez essayer. Parce que je vous fais remarquer que vous vous retrouvez souvent avec des personnes peu recommandables."

"Bah ouais, t'as raison…" tenta-t-il de la couper, mais elle poursuivit :

"Vous pourriez vous montrer utile et me dire un peu qui sont ces gens. Ou encore, quel est le service que vous leur avez rendu ? Savez-vous où nous allons ?"

Elle jeta un coup d'œil aux alentours et vit que son molosse attitré s'approchait, suspicieux, tandis que Gabriel commençait à se détourner d'elle, elle s'exclama :

"J'y suis allée, à Tulorim ! Quelle ville vivante et crasseuse ! Ab-so-lu-ment fascinante !"

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 11:50 
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>> On the road again, again ... III

A la chasse aux brindilles ... et aux crosses I


Le bois sec était abondant dans cette dense garrigue. Et les petits bras de l’enfant furent bien vite remplis de brindilles. Elle ne connaissait pas le nom des arbustes au pied desquels elles les avaient récoltées ; la végétation de sa contrée natale était nettement plus luxuriante avec ses chênes centenaires et ses spongieux tapis de mousses en bords de rivière. Mais, elle aimait bien leur aspect rustique que procurait ces épaisses épines d’un noir luisant et ces délicates clochettes violettes ou roses en bout de branche.

Haple contempla avec satisfaction le fagot qui s’était petit à petit constitué entre ses mains et jugea que cela ferait l’affaire pour ce qui était du petit bois. Il manquait cependant de plus grosses branches pour faire de la braise et que le feu durât. Alors, déposant en vrac le bois d’allumage, la petite monta sur une pierre de plus grosse taille que les autres et se hissa sur ses pointes de pied.

Son regard dépassait tout juste les feuilles rases des arbustes les plus hauts mais cela suffit. Une vingtaine de mètres plus loin se détachait du labyrinthe épineux la frondaison jaune et rouge d’un arbre aux branches suffisamment épaisse pour entretenir une belle flambée. Sautant pieds joints à bas, Haple se mit en marche dans sa direction avec un enthousiasme que n’entamaient pas même les épines qui effilochaient le tissu de son manteau lorsque celle-ci se faufilaient entre les arbustes de plus en plus rapprochés. Elle s’imaginait déjà rapporter fièrement sa contribution au campement ; on ne dirait pas qu’elle ne servait à rien !

Enfin, alors qu’elle touchait au but, elle remarqua que les buissons se faisaient plus rares et plus maigres, avant de laisser finalement entièrement place au sol rocailleux au pied de l’arbre. Le crépuscule naissant ne permettait pas de l’apprécier entièrement mais le dense habit feuillu des branches devait projeter une ombre épaisse qui empêchait la garrigue de s’y étendre.

La compétition pour la survie faisait son œuvre jusque dans le règne végétal ! Peut-être ce noble pommier était-il le dernier représentant d’une forêt qui avait été progressivement remplacée par la végétation rase suite à des incendies ou à la coupe des hommes des montagnes… ? (Pommier… mais bon sang, un pommier !!!)

Les yeux ébahis, Haple levait la tête pour contempler les lourds fruits qui pendaient des hautes branches. Un pommier sauvage avec des fruits d’un tel calibre, voilà qui était rare. Par chez elle, les pommes sauvages étaient petites, dures et acides… tout juste bonne à faire cuire en ragout ou en compote. Alors elle ramassa l’une des rares pommes tombées au sol qui ne semblaient pas gâtées et croqua dans sa peau jaune aux écailles rousses afin d’en juger le goût.

Et qu’elle ne fut pas sa surprise, une heureuse surprise, lorsqu’un jus sucré et frais s’en échappa pour courir sur sa langue et ravir chacune de ses papilles ! Paupières fermées, l’enfant se délectait de ce met aussi exquis qu’inespéré… Et lorsqu’elle les rouvrit, la faim qu’elle avait volontairement refoulée revint au galop maintenant qu’elle avait de quoi la sustenter. Et tout en suçant avidement le nectar de la pomme dans sa main, Haple cherchait déjà d’un regard gourmand les longues branches de l’arbre croulant sous les fruits… (trop hautes)

La petite savait bien que les horticulteurs de son bourg natal faisait tomber les pommes en tapant fortement le tronc au moyen d’une lourde masse en acier…mais elle n’en possédait pas, ni n’avait-elle la force de manier un outil de fortune qui aurait pu remplacer celle-là. A moins que…

Et laissant rouler dans la poussière la pomme à moitié finie, Haple s’essuya les mains sur son pantalon comme si elle se préparait pour une tâche ambitieuse. Un regard à droite, un coup d’œil à gauche… (Personne, bon, voyons voir ce que ça donne).

>> A la chasse aux brindilles... et aux crosses II

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 14:16 
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>> A la chasse aux brindilles ... et aux crosses I

A la chasse aux brindilles ... et aux crosses II

[:waraxe:]

Et la petite ferma les yeux pour appeler à son esprit le parchemin du luthier. Ses bras feraient office de bâton ; il ne lui restait plus qu’à effectuer la danse rituelle. (Qui échouera sûrement). Si seulement elle avait pu lire le texte qui accompagnait les gravures ! Il devait fournir des renseignements complémentaires … (A moins que…) ceux-ci étaient peut-être symbolisés visuellement dans les lignes gravées ? Les dessins comportaient-ils un second niveau de lecture… ? (Oui, bien sûr!!! Tête courbée, dos voûté, pieds solidement enraciné dans le sol… je ressens la terre qui me soutient)

Et cette même énergie, intense et profonde, qui était emprisonnée dans le flacon du Sinari, ce fluide terrestre, elle le perçut dans chaque lien qui maintenait ensemble sous ses pieds poussières, rocailles et fragments végétaux en décomposition, façonnant ainsi cette matrice dure et inébranlable qu’était le sol.

Mais, elle, Haple la Simple, la Pure, la Vraie… elle n’avait pas à se plier au décret du fluide. Et se redressant brusquement, dos, nuque, visage et mains alignés vers le zénith comme l’arbre au-dessus, une sève de pure énergie lui parcourant l’échine des talons jusqu’à ses doigts tendus, elle s’enracinait dans le fluide de la terre autour d’elle ! (Moi, toi… nous sommes continus. Par le fluide qui court en moi, je te commande … Aaaah !)

Soudain, avec un cri de stupeur étranglé, l’enfant comprit qu’il n’en était rien ; la situation lui avait échappé au moment où elle s’était connectée. Une chaude et vibrante douleur lui avait brusquement envahit le dos, irradiant par vagues toujours plus puissantes, et menaçant à tout moment de lui briser sa frêle colonne vertébrale. Yuimen débordait en elle, réceptacle infinitésimal qu’elle était devant la mer terrestre !

Et avant que celle-ci n’explose dans un geyser de pure énergie, la petite acheva précipitamment la gestuelle tant répétée, forte de sa compréhension nouvelle des fluides, en abattant ses mains violemment contre le sol avec cette injonction mentale (SORS DE MOI !). Et comme un caillou jeté dans un lac, la goutte de fluide que l’enfant contenait en elle rida temporairement la surface immuable du fluide de Yuimen. Alors le sol trembla sous ses pieds. Et comme l’averse après le tonnerre, une pluie d’or tomba des branches dansantes du pommier.

***


A ce moment, libérée de l’emprise terrifiante de l’énergie tellurique, Haple rouvrit les yeux pour contempler cette récompense bénie : elle avait réussie ! Par dizaines, les pommes jaunes et rousses tombaient autour d’elle, certaines éclatant sous le choc, certaines roulant sous les buissons environnant, d’autres n’attendant que d’être ramassées. Mais alors qu’elle s’apprêtait à se relever pour ramasser les fruits tant convoités, un cri retentit.

Strident mais brusque, il laissa aussitôt place à un silence lourd de menaces… Un léger frisson refroidissant le plaisir de son accomplissement, Haple leva la tête dans la direction supposée du bruit : rien. Elle ne voyait rien d’anormal dans le branchage touffu de l’arbre. Une nouvelle plainte, celle-ci plus longue et plus aigüe, déchira à nouveau le ciel crépusculaire.

Ne se préoccupant plus tellement de savoir d’où venait cette voix inquiétante, Haple se hâtait de mettre dans les poches de son manteau les pommes à portée de main… lorsque, les feuilles rougissantes du pommier s’agitèrent frénétiquement à quelques mètre seulement au-dessus d’elle et qu’un oiseau abominable en surgit dans un ultime cri de haro à son encontre.

Mais l’orpheline en avait vu d’autre, et bien que terrifiée, son instinct prit le contrôle de ses jambes et elle se releva en courant vers le couvert des buissons épineux. Cependant, c’était sans compter sur la multitude de pommes qui trainaient au sol n’attendant que les pieds malheureux de la fuyarde, laquelle perdit aussitôt l’équilibre et bascula tête la première, heurtant le sol dur dans un choc inattendu qui lui coupa la respiration.

L’adrénaline aidant, elle n’attendit pas de retrouver ses esprits et pivota sur le flanc afin de dégager son champ de vision… juste à temps pour voir l’horrifique créature fondre sur elle ! Alors Haple se couvrit le visage de ses bras par automatisme et attendit avec appréhension la douleur qu’elle savait devoir subir.

Mais rien ne l’avait préparé à ce que cet oiseau de malheur lui infligea : plongeant profondément dans sa chair potelée, lacérant sa douce peau d’enfant avec férocité, les serres et les ergots de l’animal ailé causaient une douleur sans nom à la pauvre enfant. Dans un sursaut de combativité qui sûrement prenait pied dans sa rage de vivre, Haple poussa un hurlement désarticulé en réponse aux piaillements hargneux de son agresseur et aussi brusquement que celui-ci l’avait assailli, elle le repoussa de ses avant-bras dans formidable mouvement circulaire de rejet.

***


Libérée du maelström de coups, Haple bondit aussitôt sur ses pieds et constata avec horreur les coulures rouges qui zébraient sa peau d’albâtre avant de tourner la colère naissante dans ses iris d’acier vers son tortionnaire. Et c’est à ce moment qu’elle prit la mesure du danger dans lequel elle était réellement : l’oiseau n’avait rien d’un volatil ordinaire, pas même un oiseau de proie comme elle l’avait initialement supposé au vu de son agressivité…

Non… En lieu et place de plumes, la créature était dotée d’écailles et les os de ses ailes tendaient une membrane grise d’un cuir luisant qui lui donnait l’air reptilien propre aux dragons des légendes hiniones ! Et son gabarit de volatile de basse-cour n’enlevait en rien à la crainte que suscitait pareille vision : reflétée dans l’ébène de ses pupilles dilatées, l’image d’aberration de la Nature que constituait cette chimère entre coq et serpent glaçait le sang de l’elfe hébétée.

Mais dans le temps que dura l’examen de cette monstruosité, celle-ci se redressa, ébouriffant ses ailes et tourna vers sa proie des yeux où brulait un feu surnaturel. Et après une seconde d’éternité durant laquelle les deux adversaires se jaugèrent du regard, la bête repartit à la charge et Haple s’extirpa en hâte de son manteau pour s’en saisir à deux mains comme d’une cape de dompteur de taureaux.

Campée résolument sur ses pieds, la petite ne broncha pas et le cœur battant à tout rompre guettait le moment opportun pour jeter son étole à la manière des rétiaires kendrans dont les agiles prouesses dans l’arène humaine faisaient rêver, ou frémir, les enfants de l’Anorfain lors des soirs de veillée…

Mais la petite n’avait pas leur expérience, et malgré sa vivacité elle manqua le coche d’une fraction de seconde. En effet, lorsque son manteau jeté devant elle s’abattit sur le sol, le prédateur l’avait déjà dépassé et seule sa queue fut recouverte par l’étoffe, ne le ralentissant qu’imperceptiblement. Alors, sans plus aucun recours, Haple prit ses jambes à son cou, l’animal chargeant sur ses talons à grand renforts de piaillements malveillants.

En l’espace de quelques enjambées, la fuyarde parvint sans encombre à la lisière de la garrigue et peu après elle zigzaguait entre des buissons toujours plus haut, toujours plus dense, toujours plus rapprochés jusqu’à ce qu’elle dût ralentir l’allure car les branches épineuses du maquis lui rouvraient ses entailles aux bras et en traçaient de nouvelles sur son visage juvénile. Mais elle ne pouvait pas s’arrêter car les cris stridents la suivaient malgré que la bête ait disparu, portant loin au travers du dédale végétal comme une menace d’autant plus insécurisant qu’elle était invisible.

Elle s’éloigna ainsi, en marche rapide, du lieu de la confrontation, faisant fi des arbustes qui lui tiraient toujours par intermittence sa longue chevelure ébouriffée et lui arrachaient des larmes de douleur…jusqu’à ne plus entendre le sinistre appel au meurtre de son poursuivant. Alors, Haple s’autorisa à reprendre son souffle. Alors, elle prit sur elle de s’arrêter. Puis la peur au ventre, elle se retourna et attendit de voir si l’oiseau cauchemardesque pointerait son bec au détour du dernier buisson qu’elle venait de passer.

>> A la chasse aux brindilles ... et aux crosses III

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 14:17 
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A la chasse aux brindilles ... et aux crosses III


A mesure que son cœur se calmait, le silence reprenait ses droits sur la nuit tombante. La lumière se faisait de plus en plus rare. Les étroits passages formés par l’étouffante végétation étaient désormais entièrement gagnés aux ombres. Une ombre oppressante qui obligeait Haple à plisser des yeux pour discerner l’éventuelle arrivée du coq draconique.

Et c’est là qu’elle les vit : deux yeux noirs luisants d’une étincelle de cupidité malsaine à travers le feuillu dense d’un arbuste à sa droite. Ou plutôt qu’elle les sentit posé sur sa nuque… Tournant la tête dans cette direction, la petite ne distinguait cependant plus rien. Et elle croyait les avoir vu à hauteur d’homme, c’est-à-dire bien trop haut pour qu’il s’agisse du volatile endiablé. Son imagination lui jouait des tours, assurément … (froussarde, ressaisi-toi !)

Se secouant la tête pour se remettre les idées en place, Haple avisa qu’elle était belle et bien tirée d’affaire. Seulement, il lui fallait se dépêcher de retourner au campement car la lumière de la lune ne suffirait pas forcément pour retrouver son chemin. Mais que faire pour les pommes succulentes et le manteau qu’elle avait laissés derrière elle… ? (Le manteau !)

Dans un éclair de lucidité, elle réalisa que s’y trouvait dans le manchon ventral le second flacon qu’elle avait acheté au luthier. Il n’était pas question de perdre cette fiole qui lui paraissait d’autant plus inestimable que le Sinari l’avait avertie que sa survie pourrait venir à en dépendre si ledit Monsieur Pulchinel « tombait son masque ». Qu’il s’agisse d’une vile médisance à l’encontre de celui qui l’avait ridiculisé dans sa propre boutique ou bien d’un conseil ingénu, il n’en demeurait pas moins que le fluide terrestre qu’il contenait lui permettrait d’augmenter ses chances de survie par la suite, quel que soit le danger qui la guetterait forcement tôt ou tard. Alors, avant que sa bravoure ne flanche, Haple rebroussa chemin, remontant le cours des branches brisées et des pelotes de bure restés accrochés aux épines acérées des arbustes.

***


Le retour au pommier sembla durer infiniment plus longtemps que sa course folle dans les buissons. Déjà elle marchait… aussi silencieuse qu’un chat, guettant de son ouïe elfique le moindre claquement d’aile dans l’air ou raclement de serre sur le sol. Mais aussi, parce que l’ingénieuse enfant concoctait un plan d’action.

En effet, son orgueil avait été aussi meurtri que sa chair par la précédente débandade et, ne voulant laisser aucune place à l’erreur en cas d’une nouvelle confrontation, elle trainait le pas pour s’assurer de parvenir à la lisière de la garrigue, prête et confiante. Et c’est finalement dans cet état d’esprit qu’elle se tapit derrière l’un des petits buissons qui entouraient le grand arbre fruiter.

Allongeant le cou de manière à ne faire dépasser que ses yeux, Haple emprunta aux marmottes éclaireuses de ses montagnes natales leur discrète manière d’évaluer le danger… Nulle trace du prédateur. Elle voyait son manteau en revanche, et à proximité, la ribambelle de pommes qu’elle avait ramassées et tentées de mettre dans ses poches avant qu’elles ne s’en échappent lorsqu’elle avait lancé le manteau sur l’oiseau. Heureusement, les fruits ronds avaient roulé sous le couvert des buissons en nombre suffisant ; elle n’aurait qu’à récupérer son manteau et partir sans trainer.
Et c’est ce qu’elle fit en bondissant hors de sa cachette et en courant courageusement jusque sur le lieux de l’attaque.

L’instant suivant, la petite se jetait à terre dans une glissade silencieuse et finalement mit la main sur le manteau qu’elle tira à elle afin de mettre en lieu sûr la fiole de fluide… (Mais…) Elle tâta d’une main agitée le manchon ventral… sans rencontrer le moindre flacon (les poches de côtés alors… ?). De ses doigts frénétiques elles parcouraient désormais chaque repli du manteau et de la doublure, mais elle devait se rendre à l’évidence. Le fluide chèrement payé avait disparu… pas même de trace à proximité, il n’avait donc pas roulé en même temps que les pommes… il s’était tout bonnement envolé !

(A moins que… oiseau de malheur !). La seule conclusion possible la frappa comme une évidence : la fiole de verre était tombée au sol et le coq reptilien avait été attiré par sa sombre luminescence, tout comme les pies chapardeuses de la Grande Forêt par tout ce qui scintille. Le trésor magique devait donc être dans le nid de l’oiseau désormais !

Alors Haple scruta avec des yeux à présent plus excédés qu’effrayés en direction de la frondaison du pommier, là d’où était tombée la créature, avant de saisir de la première pomme qu’elle trouva au sol.

- Saleté de piaf !

Et elle jeta avec force le fruit qui disparut dans un bruissement de feuille. Dans la seconde qui suivit, la voix familière de la bestiole lui répondit d’un cri effarouché.

- Tu vas me rendre ma fiole, oui ?!!! vociféra Haple en appuyant son ordre par le jet d’un second projectile.

Cette fois le projectile fit mouche. Heurtant avec un bruit sourd quelque chose dissimulé derrière le feuillage, la pomme retomba aussitôt à la verticale, accompagnée d’un nid en brindilles qui s’écrasa dans un tintamarre métallique (Hum… ?) et de faibles piaillements affolés. Mais Haple n’eut pas le temps de se pencher sur les possessions de l’oiseau chapardeur ni sur ses poussins qui gisaient pêle-mêle à quelques mètres devant elle.

Car au même moment, un hurlement tonitruant lui vrilla les tympans! Et, courant sur une branche basse de l’arbre, l’oiseau de proie émergea de sous le feuillage avant de se jeter dans le vide et de fondre à nouveau sur l’intruse, ses ailes déployées et ses griffes postérieures tendues droit devant.

Mais cette fois, Haple était préparée. Elle avait un plan.

>> A la chasse aux brindilles ... et aux crosses IV

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 14:19 
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A la chasse aux brindilles ... et aux crosses IV

[:waraxe:]

Au lieu de prendre la fuite, Haple resta campée sur place, ses pieds résolument encrés au sol et se connecta au fluide terrestre. Elle prit toutefois garde à ne pas se lier aussi intimement et aussi profondément que la fois précédent pour éviter de nouvelles surprises. Et la chose lui sembla plus naturelle que la première fois. Etait-ce sa confiance en elle qui lui répétait de nouveau, comme une voix d’outre-tombe, cette litanie à la limite de son inconscient (« Haple la Simple » « Haple la Pure » « Haple la Vraie »)… ? Quoiqu’il en fut, elle lia son énergie à la force tranquille de la terre plus rapidement mais aussi avec plus de retenue qu’auparavant. L’urgence la pressait néanmoins : l’impact était imminent. Alors sans perdre un instant, l’enfant affermit sa prise mentale sur le fluide qui les reliait, Yuimen et elle, avant d'expulser l'énergie vers son attaquant qui lui restait.

Plus tôt, elle avait failli être brisée par l’afflux du fluide terrestre… assurément un animal de ce gabarit en souffrirait encore plus ! Et en effet, alors que Haple sentait l’énergie s’échapper par ses mains tendues en direction de l’agresseur, celui-ci sembla perdre l’équilibre avant de tomber comme une pierre à quelques pas de la courageuse enfant.

Il se débattait rageusement, battant des ailes de manière désordonnée pour se remettre sur pied mais ne parvenant qu’à mieux retomber, et poussait des cris de frustrations de manière erratique. Haple reconnaissait là la magie qui avait provoqué la mort de sa mère : une gangue de boue et de poussière se formait tout autour du volatile, ses plumes collées par une mélasse brune qui se propageait de proche en proche sur sa peau à vue d'oeil, comme un filet de boue qui se tissait et se resserrait en soudant particules de poussières et écailles de matière organique morte. Et l’oiseau monstrueux s’empêtrait dans cette cage visqueuse de plus en plus épaisse et imperméable.

***


Mais Haple savait que ça ne durerait pas ; sa mère en avait été libérée en moins d’une minute et n’en aurait eu aucune séquelle si elle n’avait pas fait une mauvaise chute, déstabilisée par l’effet du sort. Alors, elle s’élança vers son adversaire pour tirer profit de sa position pitoyable, ramassa une pierre au passage et, dans un hurlement barbare désarticulé, l’abattit de toutes ses forces sur la créature sans défense. Aucun effet. Ou plutôt, si : son visage enfantin déformé par la rage, Haple s’emporta dans une frénésie sanguinaire nourrie par sa colère devant l’impuissance de ses attaques.

Des larmes de furie perlaient au coin de ses yeux… Ses bras la meurtrissaient tant elle frappait fort et le sang qui coulait entre ses doigts venait autant des blessures rouvertes que de celles qu’elle s’infligeait elle-même à chaque fois que le choc de la pierre sur la carapace de boue se répercutait dans sa chair potelée. Etait-ce plutôt des larmes de douleurs alors ? Elle n’aurait pu le dire, car à cet instant, son corps lui était étranger, ainsi que sa raison de toute évidence. En effet, l’elfe continuait de frapper alors que la pellicule magique protégeait visiblement l’objet de son ire aussi bien qu’il l’immobilisait.

Et lorsque cette coquille de boue commença à se fissurer laissant s’échapper l’oiseau comme au sortir de l’œuf, Haple frappait toujours, de manière rapide et désordonnée, aveuglée qu’elle était par le rouge dans ses yeux. De sorte que, à peine dégagée de l’étau de boue, la créature abominable se retrouva plongée sous une averse de coups, d’une force dérisoire certes, mais assenés à une fréquence qui ne laissait pas le temps à son esprit désorienté de riposter ou même de s’écarter.

Alors quelques craquements sinistres plus tard, les gesticulations maladroites et protestations vocales de l’oiseau prirent fin, et sa vie se dilua dans la poussière du sol.


>> Paroles de menteurs

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 14:20 
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Paroles de menteurs



La petite n’en perçut rien cependant. Le cadavre encore chaud entre ses mains sanguinolentes, elle ne prenait pas conscience de ce que ses coups ne faisaient plus qu’éclabousser de rouge son visage hébété, comme une pluie tropicale sur un sol ferralitique. Pas plus qu’elle ne sentait les tièdes coulures qui marbraient progressivement la peau blanche de ses avant-bras dénudés. Ni qu’elle entendait les clappements de mains derrière elle… (des clappements de mains ?!)

Et Haple fit volte-face aussitôt, brandissant son arme de fortune parsemée des débris ensanglantés de sa précédente victime, prête à combattre le nouvel assaillant… Mais il s’agissait du Monsieur Pulchinel qui applaudissait mollement d’un air ricaneur. Et alors, une douche froide s’abattit sur l’enfant au poing levé. Quel spectacle devait-elle donner !.... Maquillée de rouge et de blanc qu’elle était par cette bouillie sanguinolente, qu’on aurait pu croire être de lait et de fraise sur ce visage enfantin si elle ne se trouvait pas accroupie sur un monceau de plumes éparpillées, d’os brisés et de débris de cervelle !

- Bravo, bravo ! applaudit-il encore. Impressionnant.

(vite, vite, un mensonge !...)

- L’oiseau… il m’a attaqué, alors… commença-t-elle d’une diction hachée.

M. Pulchinel eu un sourire en coin et fit signe à l’enfant de le laisser parler.

- Gard' ta salive, j’ai tout vu.

(oh c’est mauvais ça, mauvais, mauvais)

- Le piaf d’malheur t’a attaquée à vue et tu t’es défendue comm’ t’as pu mais qu’est-c’qu’une p’tiote sans défense comm’ toi pouvait ben faire… alors je suis intervenu et j’ai butté l’volatile, ajouta-t-il avec amusement comme s’il cherchait par jeu à tisser une histoire qui tenait debout, fut-elle vraie ou non.

Haple ne savait trop quoi penser. Le rustique inconnu semblait vouloir l’aider à trouver à cet incident une issue qui ne mettrait pas en péril son identité d’emprunt. Car en effet, la vérité d’une enfant maniant les fluides telluriques qui combattait sauvagement un monstre ailé ne collait pas tout à fait avec le portrait fictif de l’innocente et ingénue Jeanne Dracque qu’elle incarnait depuis la Grotte des Affaires. Mais à y bien réfléchir, peu importait ses intentions: s’il voulait protéger son secret sans qu’elle eut besoin de l’en supplier, tant mieux pour elle, songea-t-elle alors qu’il venait à sa rencontre.

***


Haple se retourna et chercha du regard le nid de l’oiseau tombé de son perchoir avant que la bataille ne reprenne. (Là !) Elle le localisa aussitôt aux faibles piaillements qu’émettaient les poussins ayant survécu à la chute plus qu’à sa silhouette tout juste discernable dans l’obscurité crépusculaire. Et elle rampa aussitôt les quelques mètres qui l’en séparaient avant que M. Pulchinel ne l’ai rejointe.

D’un geste brusque et hâtif, elle retourna la coupole de brindilles et écarta les oisillons apeurés qui appelaient leur mère (elle est pas prête de vous entendre…) afin de découvrir le butin de l’oiseau chapardeur. Ses doigts fébriles parcoururent alors le bric-à-brac de pierreries et de pièces métalliques en tout genre. Finalement, son cœur fit un bond lorsqu’elle aperçut un flacon de verre. Mais malheureusement, les ombres lui avaient joué des tours, il s’agissait d’une coupe en fer blanc dont la surface polie reflétait les derniers rayons de lumière du jour.

- C’est ça qu’ tu cherches ? lança une voix moqueuse dans son dos.

Haple tourna la tête si brusquement qu’elle se froissa un muscle. Sous le pied du saisonnier, la fiole tant convoitée ; elle avait dû y rouler, songea Haple alors qu’elle observait d’un mauvais œil le grand efflanqué se pencher pour ramasser son bien le plus cher. Se massant machinalement la nuque, elle rétorqua alors avec humeur :

- Rendez-la-moi.

- Non

(Grrr)

- S’il vous plait, ajouta-t-elle après un instant, mais d’un ton qui en niait la politesse.

- Ah ça, si tu d’mandes gentiment… entama-t-il d’un air joueur avant de conclure : c’est toujours non.

(je rêve, de quel droit!!!)

Et ne pouvant contenir la diatribe qui suivit:

- De quel droit ?! Ça ne vous appartient pas. Je l’ai payé de mes propres sous. Mes derniers sous ! Je le dirai à Monsieur Bertrand. Je lui dirai que vous m’avez attaquée et que vous m’avez blessée, menaça-t-elle en exhibant avec hargne ses entailles aux bras. Et que vous m’avez volé le fluide que j’ai acheté au Sinari. Il était témoin. Il le sait que c’est vrai!

Le grand rustre partit alors d’un rire franc qui prit la petite de court. Il était désormais à deux pas d’elle et la surplombait de toute sa taille, des ombres intimidantes s’étirant sur son visage osseux.

***


Un sentiment de danger dissipa soudain la colère qui avait habitée l’enfant quelque secondes plus tôt : elle n’était pas en position de proférer des menaces ! Et il le savait :

- La vérité… ? La belle affaire. Il a aucune raison d’ m’ croire ton bonhomme, pour sûr. Pas plus qu’ d’ te croire toi, en tout cas. Mais moi, j’peux lui donner une raison d’se méfier d’ toi, dit-il en faisant tomber d’un geste théâtral le fichu qui pendait désormais de guingois sur les oreilles pointues de l’elfe. Alors comm’ ça on est d’Beauclair … ironisa-t-il finalement en plantant son regard dans les yeux apeurées de l’enfant ?

Haple était tétanisée. Sa comédie avait été dévoilée. Et Roche l’avait bien avertie d’éviter par tous les moyens d’attirer l’attention des locaux sur elle… pour une raison que elle n’avait pas juger nécessaire de partager avec l’enfant mais qui devait néanmoins être sérieuse puisqu’elle lui avait coûté la vie !

- Z’y voient p’tet que du feu les aut’ à ton p’tit manège, mais pas moi. J’ai vu du pays moi. Chui pas ben riche comme l’aut bonhomme, mais j’en ai vu des choses. Et c’te pair d’yeux que t’as là, c’te peau claire… c’est pas du montagnard ça. Oooh non… Et c’ que j’ t’ai vu faire là, ta magie là, c’est pas à la portée d’ la premièr’ garce.

Haple s’apprêtait à répondre qu’elle dirait la vérité cette fois, qu’il comprendrait qu’elle était aux abois et qu’elle avait cru prudent de cacher sa qualité d’étrangère à des inconnus. Mais M. Pulchinel lui intima de se taire avant de poursuivre avec son parler rustique :

- Une fois qu’les gens t’voient comm’ la p’tite menteuse qu’ t’es, i’ t’écoutent p’us. Pas la peine d’ les bassiner avec des promesses d’vérité alors. Et moi non plus d’ailleurs : ton histoire, j’ m’en fiche ben. Mais t’as d’la chance…

Et il laissa ces mots flotter dans l’air du crépuscule. ("chance") Le mot qui résonnait dans les oreilles incriminantes de l’enfant avait du mal à faire réalité dans son esprit. Et son interlocuteur parut satisfait de l’expression d’égarement qui gagnait le visage de Haple. On eut dit que tout son sermon avait dû le conduire précisément à ce moment et qu’il s’apprêtait à conclure :

- D’la chance qu’ ce soit moi qui ai compris ton jeu et qu’ j’ai rien à gagner à te dénoncer au marchand. Et qu’ j’ t’aime bien aussi : t’as du feu dans les yeux mais tu gardes la tête froide…en général. De toute façon, l’honnêteté, les gens comme nous on laisse ça aux aut’ qui peuvent s’payer l’ luxe.

Finalement, M. Pulchinel contempla la gamine à ses pieds. Haple elle sentait la fatigue monter en elle, menaçant d’emmener avec des larmes de soulagement : ("comme nous"), répéta-t-elle en son for intérieur. Il s’identifiait donc à l’enfant et peut-être l’aiderait-il par solidarité !... Elle devait toutefois se ressaisir rapidement et rester forte. Ne surtout pas lui donner à penser qu’il l’avait surestimée. Alors elle déglutit et lui répondit enfin maintenant que son silence l’y autorisait :

- Merci M. Pulchinel, commença-t-elle d’une voix qulque peu tremblotante avant de poursuivre plus posément, et ma fiole ?

- Humpf, tu perds pas l’Nord, grogna-t-il avec amusement. J’ te la rendrai. P’tet… Quand j’saurai qu’ tu t’bless’ras pas avec. T’as t’nu l’coup chez l’luthier, c’est prometteur. Mais t’emballe pas. T’as failli t’briser comm’ une brindille quand t’as fait trembler l’ sol.

(hein…?) Haple resta perplexe l’espace d’une seconde, en comprenant qu’il l’avait observée depuis le début, avant que le reste de son discours ne chasse le souvenir troublant d’une paire d’yeux avides cachés entre les buissons :

- T’as des os d’moineaux oublie pas ; faut qu’ t’apprenne à t’connaitre avant d’ chercher à maitriser autant d’ fluide. Et si j’suis pas convaincu qu’t’es à la hauteur, j’ trouv’rai repreneur une fois à Beauclair.

Alors la petite le regarda avec amertume ranger le flacon de fluide dans une poche rapiécée de son long manteau brun. (garder la tête froide…)

- Allez lève-toi maint’nant. Et r’met ton fichu sur tes oreilles.

***


Et Haple d’obtempérer, lentement et péniblement, poussant sur ses mains meurtries et ses jambes engourdies. La frénésie qui l’avait emportée et lui avait assurée la victoire avait un coût ; elle en payait la dette.

- T’étais pas censée rapporter du bois ?

Ne lui laisserait-il donc aucun répit ? Mais Haple resta muette. Protester qu’il pouvait s’en charger lui-même ne la mènerait nulle part. Avec des gestes prudents car douloureux, la petite constitua un fagot certes moins gros que celui qu’elle avait laissé dans les fourrés mais qui devrait suffire.

Et lorsque M. Pulchinel sembla finalement satisfait, il se mit en marche vers la garrigue, intimant à la petite de le suivre. Elle n’obéit cependant pas sur le champ, mais se dirigea plutôt vers son manteau de fourrure lequel gisait encore au sol et y déposa sans aucune précaution le fardeau qui lui pesait sur les bras.

Elle tourna la tête vers son aîné et constata qu’il poursuivait sa sortie. (vite, vite) Elle ne voulait pas renoncer au reste du pactole : si elle ne récupérerait pas sa précieuse fiole aujourd’hui, au moins pouvait-elle rassembler ce qu’elle était initialement venue chercher sous ce pommier, ainsi que le butin inespéré qui était tombé de l’arbre.

En hâte, elle entreprit alors de faire rouler du pied une douzaine de fruits ronds vers son manteau avant de finalement grappiller ce qu’elle put du trésor de l’oiseau chapardeur et d’empaqueter le tout en un balluchon de fortune avec les carcasses de poussins – ces derniers, pas avant d’avoir réduit au silence leurs piaillements d’une machinale torsion de nuque.

- Ça vient ? gronda une voix rocailleuse dans son dos.

Son lourd paquet entre les bras, Haple se releva en vitesse et rejoignit d’un pas précipité M. Pulchinel qui l’attendait à l’orée du maquis. Et aussitôt fait, celui-ci tourna les talons puis s’engouffra dans le dédale d’épines, et la petite le suivit se débattant sous le poids de son fardeau et de cette incertitude troublante … (Puis-je vraiment lui faire confiance ?)

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Prise de tête et insolation


Le jour n’était pas encore levé ; le reste du groupe, si. Haple entrouvrit des yeux ensommeillés sur le dos de M. Bertrand qui s’éloignait de la charrette après y avoir déposé un sac dont la chute sur les lattes de bois grinçantes avait réveillé l’enfant. Celle-ci se frotta les paupières pour chasser la brume qui lui engourdissait l’esprit.
Elle n’avait trouvé le sommeil que tard dans la nuit. Bien longtemps après que les adultes aient fini leur conversation, que le feu de camp se soit éteint et qu’ils aient tout trois rejoint l’abri de la carriole.

Alors, c’est un visage cerné qui émergea timidement de sous la toile tendue pour regarder les hommes s’affairer : ils avaient déjà rangé les affaires sorties hier lors de la veillée – des ustensiles de cuisine et quelques caisses qui avaient fait office de sièges – de sorte qu’il ne restait pour témoigner de leur passage qu’un monticule de suif et quelques squelettes aviaires empalés sur des brochettes en bois. Le grand efflanqué, lui, s’affairait autour des chevaux, leur passant le harnais par l’encolure et ajustant rudement la bricole sur leur poitrail. Les chevaux ne semblaient eux se préoccuper de rien d’autre que de brouter leur dernière ration d’herbe de la matinée quand Pulchinel leur laissait baisser la tête.

Haple songeait que la scène avait quelque chose de paisiblement familière. Et lorsque M. Bertrand revint à la carriole pour ranger la toile du faisant office de plafond pour leur tente de fortune, il aurait pu s’agir tout aussi bien d’un de ses oncles un matin de retour des alpages. Si ce n’est évidemment le prénom par lequel il l’appella :

- Oh, tu es réveillée petite Jeanne. Bonjour.
- Bonjour Monsieur Bertrand, répondit-elle d’une voie volontairement attendrissante.

Le drapier sourit alors qu’il commençait à plier grossièrement la toile cirée en deux puis en quatre avant d’en façonner un petit coussin et de le tendre à sa protégée avec un mot gentil :

- Tiens, prends ça pour t’asseoir et met toi à ton aise. Nous ne t’avons pas réveillée pensant que tu aurais besoin de te remettre de tes mésaventures d’hier. Quand j’y songe… heureusement que Pulchinel était là pour te protéger. La route est encore longue jusqu’à Beauclair et on avancera tant que les températures le permettront.

Et quelques minutes plus tard, les préparatifs furent achevés et la charrette s’ébranla dans un sonore claquement de bride.

***


Bercé par les cahots, l’esprit de l’enfant s’égarait entre rêve et réalité. Le paysage restait semblable à celui de la vieille, bien que la route les éloignait des montagnes et les conduisait à travers une garrigue toujours plus aride. Alors, entre deux assoupissements interrompus par une embardée du véhicule, Haple voyait ses pensées se tourner vers les évènements de la veille tandis que son regard ne faisait que glisser sur cet environnement monotone. Les paroles de M. Pulchinel avaient résonné dans sa tête toute la nuit, l’empêchant de dormir tant elle cherchait à déterminer ce qu’elle devait en déduire. Car il avait dit ne pas s’embarrasser d’honnêteté… alors pouvait-elle le croire lorsqu’il disait que ses intentions étaient louables ? Qu’il cherchait à lui éviter un accident de magie en lui refusant l’accès à son flacon de fluide terrestre ? Et elle médita longuement sur la question tandis que le soleil montait progressivement dans le ciel sans nuage.

Par moments, elle se pensait être sotte de chercher une ombre à un tableau pourtant rassurant : elle trouvait enfin en ce personnage rustique un adulte qui ne la réduisait pas à son statut de fillette, et qui prétendait même vouloir l’aider à réaliser son potentiel dans de bonnes conditions.

Mais lui rendrait-il son bien une fois qu’elle aurait fait ses preuves ? Elle ne pouvait s’empêcher d’en douter. Car il lui avait bien dit qu’ils étaient fait du même bois, elle et lui… et assurément, si elle avait été à sa place, elle aurait gardé le fluide pour elle-même. Après tout, si quelqu’un était suffisamment faible ou stupide pour s’en faire déposséder, alors il ne méritait pas de l’avoir en premier lieu.

Pouvait-elle même se fier à sa parole lorsqu’il faisait ce rapprochement avec elle ? Quelqu’un de malhonnête, comme il reconnaissait l’être aurait pu le prétendre pour l’amadouer et endormir sa méfiance… Mais comment seulement croire quelqu’un qui n’a pas de parole lorsqu’il se dit être un menteur éhonté… (ARRRGH !!!)

Haple se faisait des nœuds dans la tête, et la fatigue se mêlant à l’inconfort de la route, ce dédale d’inversion logiques lui donnait une nausée qui mit fin à toute tentative de résoudre cet obscur paradoxe. Elle devrait remettre à plus tard son jugement. Elle y verrait plus clair lorsqu’elle n’aurait pas le cœur au bord des lèvres… (Espérons-le). Et sur cette pensée optimiste, la carriole ralentit et déboita sur le bas-côté.

- Ho, ho…

Et les chevaux s’arrêtèrent finalement à l’injonction du drapier.

- Comme je disais à M. Pulchinel, on va faire une halte en haut de cette ravine. Le soleil chauffe et je ne veux pas fatiguer les bêtes trop vite, expliqua-t-il en attachant les rênes devant lui avant de se retourner vers la jeune voyageuse. Hé !… tu n’as pas l’air dans ton assiette mon Jeannot ?

Maintenant qu’il le disait, c’est vrai qu’elle se sentait particulièrement étourdie. Elle n’était pas habituée à la lourde torpeur qui s’abat lors des chaudes journées de l’été kendran. Et si celui-ci touchait à sa fin, avec la parure d’automne naissante des bruyères alentour pour en attester, elle était néanmoins restée exposée au soleil pendant ce qui avait dû être plusieurs heures de trajet. Alors M. Pulchinel enjamba le banc de conducteur avec souplesse et s’accroupit devant l’enfant.

- C’est le contrecoup de sa prise de fluide encore ? s’enquérit le marchand alors que l’autre lui mettait une main glacée sur le haut du front.

Mais celui-ci secoua sèchement la tête.

- Insolation. J’ l’emmène s’ rafraîchir dans la rivière.
- Bien, oui, faîtes donc, dit-il apparemment ravi de ne pas avoir à s’en préoccuper. Je vais faire un somme à l’ombre du char moi en attendant. Nous repartirons lorsque les températures descendront un peu ou que le soleil se cache…ce qui ne risque pas d’arriver, marmonna-t-il pour lui-même au vu du ciel de plomb qui les accablait.

Ses mains calleuses passées sous les aisselles de l’enfant, l’énigmatique M. Pulchinel l’aida à se relever puis à sauter à bas de la carriole. Haple eu malgré son état la présence d’esprit de noter la différence de traitement qu’il lui accordait lorsque le drapier était là pour les voir…

- Profitez-en pour emmener les chevaux se désaltérer, mon bon Pulchinel, lança-t-il en s’installant une couche de fortune à l’ombre. Et si vous pouviez remonter de l’eau fraîche, je vous en serai éternellement redevable.

Et celui-ci entraina la petite derrière lui sur un chemin qui descendait entre les buissons de bruyère.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 14:31 
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Une sieste productive (aka. Aïe aïe aïe !) I


La rivière n’était pas visible depuis le haut de la colline sur laquelle la route pavée passait. Il leur fallut cinq bonnes minutes sur une pente escarpée pour parvenir à la berge. Là, la végétation arborée reprenait ses droits, de larges platanes plongeant leurs racines dans les bords limoneux de la calme et sinueuse rivière. C’était sans exagération une véritable oasis de verdure protégée par l’ombre des arbres et rafraichie par l’eau des montagnes lointaines ; l’elfe s’y sentit instantanément à son aise. En effet, après les déserts de neige et les landes arides, ce rappel de la végétation anorfine lui faisait le plus grand bien, et sans attendre elle suivit le saisonnier au bord de l’eau et y étancha sa soif tout en se rafraichissant la nuque. L’idée que leur compagnon préféra rester dans la poussière de la route lui posait cependant question et elle se redressa, ses sourcils où perlaient de lourdes gouttes d’eau froncés de perplexité.

- Pourquoi M. Bertrand ne descend pas ? demanda-t-elle à son guide qui s’éclaboussait abondamment le visage d'eau turbide.

- C’est un marchand. Ça fait pas confiance à personne pour garder son bric-à-brac, ça, un marchand. Même pas à sa femme ; alors encore moins à un inconnu, répondit-il le visage encore ruisselant.

Et il bascula sur ses talons avant de se relever puis, après un court instant où il sembla examiner la petite d’un œil critique, il enchaîna :

- Bouge pas d’ là, j’lui remonte d’ l’eau.

L’idée de fausser compagnie à ce troublant M. Pulchinel ne lui avait pas traversé l’esprit en cours de chemin mais maintenant qu’il le disait…ce germe de tentation lancé, elle laissa cours à son imagination. Elle pourrait suivre la rivière en aval et finirait bien par tomber sur une bourgade. En l’occurrence, elle découvrirait dans de futurs voyages que ce havre de paix se situait à une petite journée de marche du Val d’Orian et que la rivière n’était autre que la voix de navigation éponyme.

Mais que se passerait-il ensuite ?... Elle ne serait pas plus avancée ; surement y aurait-il un autre M. Pulchinel là-bas pour troubler son sommeil de pensées inquiétantes. Au moins, à Beauclair pourrait-elle gagner son pain à la fête des vendanges en tant que musicienne – elle semblait avoir des prédispositions avec les instruments de percussions. Et il y avait le fluide terrestre qu’elle devait récupérer… Non, c’était décidé. Mieux valait une situation précaire mais connue que l’illusion d’un dénouement heureux. Et forte de cette décision, Haple entreprit de se dévêtir et entra dans le cours d’eau jusqu’aux genoux pour faire sa toilette.

Quel délice ! L’eau qui caressait ses mollets ! Ses orteils qui s’enfonçaient à moitié dans le doux limon ! Depuis combien de temps n’avait-elle pas gouté au plaisir de se laver en nature ? Rien ne l’amusait autant, dans son enfance en Anorfain, que de se soustraire à la surveillance de sa mère et d’aller à la rivière. Ou peut-être si : la réprimande qui suivait inévitablement ("tu es la fille du notaire, pas une sauvageonne taurionne"). Mais alors que la voix de sa mère sonnait encore dans sa tête, Haple se souvint qu’elle ne l’entendrait plus jamais tempêter après elle … (soit).

Et sa nostalgie pour le moins étouffée par la certitude qu’elle ne reverrait pas de sitôt les rivières des montagnes anorfines, la jeune fille commença à se laver méthodiquement. Ses cheveux d’abord qu’elle plongea dans le cours d’eau en baissant la nuque et tenta tant bien que mal de démêler délicatement avec ses doigts… sans grand succès. Au moins avait-elle ôté une partie de la poussière du chemin, constata-t-elle en essorant l’eau grisâtre hors de sa natte d’ébène. Puis elle ôta sa blouse et la jeta sur la rive avant de s’asperger le torse et de se frotter sous les bras dans l’espoir d’en atténuer le fumet qui s’enrichissait de jour en jour.

Elle ne se rappelait avoir eu autant de problème d’odeur par le passé, et elle avait souvent réussi à éviter le bain quotidien qu’on lui imposait chez ses parents. Un signe annonciateur de la puberté en vérité. Mais en l’absence de modèle féminin pour lui expliquer, Haple haussa les épaules avec indifférence devant ce problème insignifiant qui devrait rester sans réponse, et la jeune fille s’accroupit dans le cours d’eau pour finir ses ablutions les plus pressantes avant de finalement revenir sur la berge, grelotante, ses chausses dégoulinantes mais forte d’une énergie renouvelée.

C’est alors qu’elle remarqua la présence silencieuse de M. Pulchinel, tapi sous l’ombre d’un platane, l'observant un sourire taquin lui étirant les lèvres :

- T’as oublié que’qu’ chose, gamine, lança-t-il sans faire mine de bouger ou de détourner son regard.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 15:08 
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Une sieste productive (aka. Aïe aïe aïe !) II


Mal à l’aise, Haple se recroquevilla légèrement, tentant avec ses bras de dissimuler au regard du rustre sa féminité naissante. Ce qui sembla ne faire qu’accroître l’espièglerie de l’observateur :

- Oh oui, parce qu’ ça m’intéresse tes affaires. Non, p’tite, te rhabille pas déjà : lave-moi c’te guenille avant. T’aurais l’air fine à Beauclair, avec des tâches d’ sang sur ton vêt’ment.

Haple arrêta son geste alors qu’elle s’apprêtait à renfiler sa blouse par pudeur et ne put que se ranger à son avis. Le vêtement que Roche lui avait donné seulement quelque jours auparavant ressemblait désormais plus à un tablier de boucher qu’à la simple mais jolie étoffe de lin qu’elle avait été. Et quelque peu rassurée par l’absence de grivoiserie dans le ton moqueur de son ainé, Haple se détendit et retourna à la rivière pour suivre son conseil.

Les tâches sombres restaient incrustées dans la fibre… Elle avait beau racler vigoureusement le tissu contre le lit de fine caillasse en bord d’eau, seules les traces rosacées s’étaient estompées… (jus de cervelle ?) et elle écarta cette vision aussitôt avant de souiller son vêtement davantage.

- T’as rien d’aut’ à t’ mettre, parc’ que ça parait mal parti là, commenta une voix caverneuse derrière elle…

- Nan… On m’a… pris… ce que j’avais, répondit-elle entre chaque frottement. Puis elle se redressa et s’essuya le front avec le dos de sa main avant de tourner la tête pour ajouter : Et puis, ils étaient de facture elfique, alors on a vu mieux pour passer inaperçue.

M. Pulchinel la gratifia d’un grognement qui, elle supposait, constituait un signe d’agrément dans le langage du saisonnier.

- Tu peux toujours d’mander au marchand d’te couper un bout d’tissu à enfiler, proposa-t-il vaguement.

Cependant, Haple n’avait aucunement l’intention d’augmenter encore sa dette vis-à-vis du drapier. Elle se débrouillerait bien autrement le moment venu.

***


Mais pour l’instant le résultat de sa tentative de lessive infructueuse était qu’elle se trouvait en possession d’une blouse complètement détrempée. Suivant son regard dépité, M. Pulchinel lui suggéra alors sans l’air d’y toucher :

- Sèche le donc avec ta magie…

*Pardon… ?*

- J’ai jamais rien fait de pareil, s’exclama-t-elle, prise de court par l’entrée en matière inopportune !

- Et ben essaye donc pour voir, pardi ! C’est quoi qu’tu fais avec la terre. Pour la faire trembler tout ça, demanda-t-il son regard inquisiteur intensément planté dans les prunelles nerveuses de l’enfant.

Ça, au moins, elle l’avait déjà compris. Mais elle hésitait à le divulguer ; ce savoir nouveau lui faisait l’effet d’un secret inestimable. Le grand efflanqué exigerait néanmoins une réponse et elle lui répondit franchement :

- J’essaye de faire le pont entre moi et cette… énergie qui relie chaque grain du sol. Qui grouille dans l’obscure moiteur de l’humus.

M. Pulchinel ouvrit grand les yeux à la mention de cette énergie et ils dirent tous deux simultanément :

- Le fluide terrestre

- Le fluide de Yuimen

Et ils sourirent.

- Alors ca va etr’ pareil là : faut qu’tu tapes dans l’ fluide de l’air, déclara-t-il comme s’il s’agissait d’une évidence.

Il lui en coûta, mais Haple parvint à retenir la réplique cinglante qui lui était venue spontanément. (« tapons dans l’ fluide de l’air » alors)

Et la jeune mage tenta de renouveler sa prouesse de la veille en se concentrant. C’était par l’ancrage de ses pieds dans le sol qu’elle était parvenue à se relier au fluide terrestre. Par analogie, elle cherchait maintenant à s’emplir de la sensation des courants d’air sur sa peau mouillée, du picotement de l’eau qui s’évapore… rien n’y faisait : aussitôt elle les appelait à son esprit qu’ils étaient révolus. Et une colère profonde montait progressivement en elle alors que ces manifestations fugaces de l’énergie aérienne lui échappaient…

- Nan, rien à y faire. C’est pas pour moi, c’te salop’r…

A défaut d’être en mesure de suivre les instructions de M. Pulchinel, la petite semblait adopter son langage de charretier. Et celui-ci s’en amusait ostensiblement ce qui ne faisait qu’alimenter l’ire tout juste bridée de la jeune fille.

***


Il s’abstint cependant de tout commentaire et se borna à rediriger sa frustration :

- Dans c’ cas, met le à sécher et concentr’ donc toi sur c’que tu sais faire. Tu t’débrouille en magie d’ terre apparemment, poursuivit-il tandis qu’elle sautait pour pendre sa blouse sur une branche basse du platane voisin, alors on va commencer par là. Un truc qu’ j’ai vu faire, c’est une sorte d’armure d’ terre. Tu voulais t’couvrir… bah voilà : met toi donc en une sur la peau.

(Oui !) Haple bondit intérieurement : elle savait exactement de quoi il parlait pour avoir vu Roche exécuter cet enchantement sur elles deux lorsqu’elles affrontaient le Djinn Marid au col du Temple de Yuia. Elle avait alors psalmodié une litanie en rapport avec différentes formes que prend la terre, et…

(rhaaa !) si seulement elle pouvait s’en souvenir mot pour mot.

- J’ vois qu’ tu vois d’ quoi j’veux parler. Tu l’as d’jà fait, c’te armure d’terre … ? demanda-t-il avec une voix plus basse que d’ordinaire.

- Non. Silence. Je réfléchis.

Il n’était pas question d’être diplomatique ; seulement de se souvenir. (« la terre… nous protège ») Haple ferma les yeux pour visualiser Roche s’interposant entre le démon ailé et sa jeune protégée. Elle tenait son bâton de pèlerin entre les mains et …

- Aïe ! s’écria Haple en rouvrant les yeux alors qu’un projectile la percutait au bras. Qu’est-ce qui vous prend ?!

- Tic, tac, tic… et M. Pulchinel l’air content de lui jeta un autre caillou en direction de la petite … tac. Tu f’rais bien d’ réfléchir vite.

…son baton de pèlerin et… (« que la poussière sur la cape du pèlerin durcisse » , j’y suis) Alors dans un crescendo qui défiait les projectiles pierreux que l’autre lui jetait par intermittence, Haple récita avec ferveur ces paroles mystiques :

- Que la fange sur les pieds du mendiant s’affermisse ! Que la poussière sur la cape du pèlerin durcisse !! Que la terre sur les bras du laboureur nous protège !!!

La respiration courte suite à cette grande tirade, Haple manqua un battement de cœur dans l’attente du verdict, au cours de cette seconde d’éternité qui aboutirait sur un échec cuisant ou sur… et c’est alors que… rien. Rien du tout.

- Ra-té, articula moqueusement M. Pulchinel en visant soigneusement le dessus du crane de l’enfant échaudée. Et celle qu’ j’avais vu faire, el' f'sait ça en silence : drôlement plus classe !

***


Mais la taquinerie ne l’atteignait pas plus que ça. Elle avait déjà refoulé l’embarras pour analyser son échec. Encore une fois, ce ne semblait pas être la forme qui comptait mais le fond. Et la clé de celui-ci se trouvait peut-être dans ces paroles rituelles qui, au dire du saisonnier, n’étaient en elles-mêmes pas indispensables. (Aïe)

- Franchement, ça n’aide pas, les cailloux, protesta-t-elle.

Et bien qu’elle n’eût pas geint comme une gamine, elle récolta tout de même une caillasse dans les jambes en guise de réponse. (Soit, faisons avec. « La fange s’affermit », « la poussière durcit », et tout ça « nous protège ». AIE, bon sang !... C’est pas sorcier : il s’agit de changer la terre de l’environnement, sous quelque état qu’elle soit, en une carapace solide.) Restait à trouver comment intimer au fluide d’opérer cette transformation ! Pour la secousse, elle se connectait au fluide terrestre avant d’y expulser le sien pour en rider la surface. Pour l’étau… (Aïe)

Haple, exaspérée, courut se mettre à l’abri du tronc le plus proche tout en poursuivant son raisonnement : (Pour l’étau, je projette mon fluide sur ma cible … qui alors en déborde et s’empêtre dans une couche de boue… oui, l’effet est similaire au bouclier de terre que Roche avait invoqué). Mais M. Pulchinel l’avait rejoint et, réduite à jouer au chat et à la souris de nouveau, la jeune mage se précipita derrière un large rocher au bord l’eau.

***


L’envie la démangeait de riposter, mais chaque seconde de réflexion la rapprochait de la solution ; elle en était convaincue. Et en effet, c’est par en se référant à ce sort qu’elle avait déjà exercé à deux reprises, l'étau de boue, qu’elle identifia le mécanisme derrière celui du bouclier de terre. (Maintenir le fluide en tension juste à la surface de la peau, plutôt que de le projeter sur une cible au loin, de manière à solidariser tous les grains de poussières, les peaux mortes et autres débris microscopiques en une couche protectrice, fine et souple mais infranchissable… Aie).

Elle serait prête pour le prochain. Et un air de défis peint sur son visage, Haple bondit hors de sa cachette imparfaite pour faire face à son adversaire.

- Hoho… s’amusa-t-il. On s’ rebelle ?

- Allez-y pour voir, lança-t-elle entre ses dents serrées par son intense concentration.

Elle était ancrée dans le fluide terrestre. Elle en sentait sa couche la plus superficielle, la plus volatile, celle qui constamment se mouvait et reliait en d’innombrables combinaisons grains de roche et échardes de matière organique décomposée. Elle sentait ce microcosme tout autour d’elle, mais aussi par extension, tout autour de M. Pulchinel, lequel alors levait son bras dans une magnifique rideau de flocons de poussière qu’il fit creva soudainement en abattant son…

- Aïe !! J’étais pas prête.

- Vas dire ça à un agresseur. L’ aurait attendu ton piaf d’hier ?


Et comme pour appuyer ses dires, il lui jeta une nouvelle pierre en pleine tête, bien qu’à moindre puissance.
(Mais !... On va voir ce qu’on va voir. Le fluide en surface… oui… celui en moi… oui… Vite, le voilà qui arme son bras… maintenant !)
Et Haple brandit ses mains en avant au même moment que l’autre lançait le projectile.

Alors une chose des plus inattendues arriva : partant d’un noyau au point de sa surface le plus proche de Haple, une épaisse gangue fibreuse se propagea à toute vitesse, enrobant le caillou d’une laine d’une splendide couleur ambrée et….

- AAAAIIIIEEEE !!!

… et d’une dureté pareilles à celles de l’argile cuite. La petite avait mis un genou en terre et se massait à deux mains sa cuisse touchée où l’afflux de sang sous-cutané rougissait déjà le point d’impact. Et cette fois la douleur lui tira quelques larmes. Car le choc avait cette fois réellement meurtrie sa tendre chair potelée du fait de la masse anormale du projectile. Ce qui signifiait que … (j’ai réussi !) Et un sourire de triomphe sur les lèvres, la jeune fille essuya ses larmes d’un revers de bras tout en se saisissant de l’objet enchanté tombé à ses pieds.

- J’ai réussi ! lança-t-elle à son entraîneur, radieuse comme un soleil perçant la pluie.

Et elle lui jeta le projectile en retour, par jeu plus que par hostilité, si bien que M. Pulchinel l’attrapa sans mal et l’examina un instant avant de répondre, non sans son habituel ton railleur :

- Non.

L’exaspération menaçait de gagner l’adolescente en bourgeon. (Comment ça, « non »)

- Y a d’l a terre sur l’cailloux non, alors ?! répliqua-t-elle avec insolence.

- Mais toi t’es toujours tors’ nue comme un ver sans défense.

(ah…oui…)

- En position. On r’commence.

Et M. Pulchinel se pencha pour prendre un nouveau projectile de pierre au lit de la rivière.

>> Bouclier de terre

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Dernière édition par Haple Mitrium le Mar 2 Aoû 2016 23:51, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 2 Aoû 2016 15:48 
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>> Une sieste productive (aka. Aïe aïe aïe !) II

Bouclier de terre


- Hum...

Haple se massait prudemment la peau des bras. L’entraînement s'était poursuivi sur deux jours et le seul changement notoire par rapport à là où ils s'étaient arrêtés la veille était l’apparition d’hématomes violacés sur ses avant-bras. La petite ne parvenait toujours pas à ériger une barrière efficace et les projectiles continuaient de trouver leur cible… une cible de plus en plus lasse de cet apprentissage à l’aveugle. Et M. Pulchinel semblait porter de moins en moins d’intérêt aux efforts de l’enfant à mesure qu’il devenait évident qu’elle ne parvenait pas à maîtriser le fluide terrestre convenablement. Or le temps comptait : Il lui fallait rapidement convaincre son entraîneur retors qu'elle méritait de récupérer son flacon de fluide, car ils approchaient de leur destination.

En effet, le trio improbable avait parcouru une grande distance à travers le duché de Valorian à en croire le drapier. Le paysage ne changeait cependant que peu, mis à part peut-être qu'il s'adoucissait. Les arrêtes rocheuses enneigées de Nirtim dominaient toujours l'horizon, mais elles s'y distinguaient tout juste sur le bleu du ciel. Et la rivière en surplomb de laquelle ils avaient fait hâte aujourd'hui s'écoulait paresseusement entre les chênes et les platanes qui remplaçaient la végétation sèche et rase des jours précédents.

- J'y suis presque, lâcha-t-elle d'une voix empreinte d'une lasse persévérance.

- Ah ouai ?… D'où j'étais, moi, j' t'ai vue t' prendre l' dernier dans l' ventre, rétorqua Pulchinel avec flegme.

- Mais je l'ai enrobé encore.

- Pour le bien qu' ca t' fait…

- Vous ne comprenez pas, répliqua-t-elle vivement avant de s'expliquer d'une voix irritée, il suffit que je trouve la juste mesure. L'équilibre…

- J' comprends pas. Et j' m'en carre. Il est temps d' faire tes preuves, petite.

***


Haple ne répondit pas mais opina du chef et lui fit signe de la main de lui laisser un temps de préparation. Qu'elle ne fut sa surprise lorsqu'il lui accordat ce moment de concentration ! … Les yeux baissés sur la berge rocailleuse, l'adolescente se demanda combien des cailloux à ses pieds l'avaient heurtée avant de choir au sol et de retrouver leur inertie. (Beaucoup). Et elle expira profondément. (Le point d'équilibre. Ni vers moi, ni vers l'extérieur. À l'interface…) Puis elle inspira en relevant la tête.

Ses sens, tournés vers la scène devant elle, s'ouvraient au monde : Pulchinel, faisant machinalement sauter une pierre dans sa paume, le vent susurrait des mots doux aux feuilles des arbres et l'eau tranquille transpirait des odeurs de limon frais… Le paisible bucolisme de la scène nourrissait sa paix intérieure. Mais elle ne s'y attarda pas plus longtemps et, une expression vide gagnant son visage, elle ramena son esprit vers elle, tranquillement, progressivement, jusqu'à sentir qu'elle l'avait trouvée : l'interface. Elle la tenait ; elle ne la lâcherait plus !

Alors, elle fit un signe de tête imperceptible. Alors, elle nota dans un recoin de son esprit qu’une main se levait. Une main dont elle savait qu’elle contenait un caillou anguleux. Un caillou qu’il fallait arrêter sous peine de nouvelles souffrances. (interface). Ni la pierre, ni sa chair ne comptaient, seul l’infinitésimale tranche de vide qui séparaient les deux. Et qu’il fallait combler …

- MAINTENANT !!!

Aussitôt, une bourrasque se leva autour de l’enfant mage, emportant particules de poussière et de limon sec dans un tourbillon vertical, alors qu’au même instant, dans un mouvement antiparallèle, le bras du saisonnier s’abattit et son projectile siffla dans les airs.

Les évènements s’enchainèrent si rapidement qu’Haple n’aurait su dire si elle réagit ensuite consciemment ou par pur réflexe. Les deux peut-être. Car en effet, elle tenta de garder sa concentration sur cet entre-deux intangible qu’elle savait devoir fortifier tout en sentant la menace de l’impact prendre une réalité grandissante dans son esprit. Et avec, la nécessité de ramener le flot de particules entre le projectile et elle pour s’en protéger. Ce qu’elle fit aussi naturellement que si elle avait inspiré une grande bouffée d’air en anticipation d’un choc inévitable. Et finalement, le choc vint.

Et le verdict tomba au même instant que la pierre chuta à ses pieds. Les oreilles carillonnantes, la poitrine battante, les jambes flageolantes, Haple porta une main fébrile sur son ventre endoloris.

Alors son cœur se décrocha comme s’il cherchait à se frayer un chemin à travers sa gorge. Et la petite tomba à genoux, sa main toujours crispée sur cette zone de son bas ventre où elle sentait la douleur irradier par vagues. L'autre y avait mis toute sa force... et elle avait été touchée ! (Tout ça pour rien…)

Les larmes lui montaient aux yeux. Elle ne cherchait même pas à les réprimer. Quelle différence cela faisait-il désormais ? Elle avait perdu la face devant M. Pulchinel et devrait se ranger à son avis : elle n’était pas prête pour arpenter les chemins risqués de la magie et de l’aventure. Et vaincue, elle s’avachit lourdement sur ses talons et leva un regard de chien battu vers son juge. La silhouette du voyageur était indistincte à travers le rideau de larmes accrochées à ses cils et l’enfant s’essuya les yeux d’un revers de la main.

***


C’est alors que son chagrin d’enfant … s’arrêta. Comme un mécanisme qui s’enraye, quelque chose désamorça la débandade de ses sentiments. Une observation inattendue, un fait incongru… Sa main ! Elle était couverte de terre. Rêche au toucher, elle avait même laissé des éraflures en passant sur ses paupières délicates.

(Qu’est-ce que… ?) Et une lueur de compréhension perça les brumes de son fatalisme : elle avait en fait réussi. Sans joie ni regain de fierté cependant, elle prit acte de cet état de fait : son sortilège avait fonctionné. Mais elle était émotionnellement vidée et cette victoire personnelle n’avait pas le gout de triomphe. D’autant moins que sa magie n’avait surement pas opérée aussi efficacement qu’elle l’aurait imaginé.

Mais qu’en savait-elle ? Peut-être cette protection magique ne permettait que d’amortir les chocs et ne conférait pas une immunité totale aux dommages physiques. Machinalement, elle parcourut du regard l’écorce brun sombre qui recouvrait ses bras et ses jambes : mis à part quelques zones où sa peau d’albâtre transparaissait sous un filigrane de poussière, la terre avait formé une couche continue à la fois robuste et…. flexible, jugea-t-elle en faisant tourner son poignet.

- Bien, bien… On est parv’nu à que’q’chose, commenta l’entraineur d’une voix satisfaite. Y a du progrès. Mais on va s’arrêter là avant qu’tu m’claqu’ ent’ les mains.

Et Haple ne put qu’approuver car elle sentait que toutes ses forces, aussi bien physiques que mentales, s’étaient épuisées au cours de ces dernières minutes riches en émotion.

***


Ce fut d’ailleurs au prix d’un grand effort qu’elle se remit sur pied et se mit en marche vers le chemin qui serpentait jusqu’à leur camp sur les hauteurs.

- Hep là ! l’interpella M. Pulchinel. Où c’est qu’ tu crois aller comm’ ça ? Avec ta magie partout sur les mains… t’ veux pas l’i dire qu’t’es une menteuse d’elfe aussi non ?

Un frisson d’effroi parcourut l’enfant et agit comme une douche froide, emportant sa lassitude dans la rivière. Elle ne pouvait en effet pas se montrer aux du drapier avec cette protection magique sans révéler son subterfuge. Et si M. Bertrand avait été le plus patient et le plus coopératif des dupes, Haple n’osait espérer qu’elle s’en tirerait à bon compte s’il venait à apprendre comment elle l’avait manipulé. Mais que faire ? Elle ne savait pas comment défaire ce qu’elle avait eu tant de mal à réaliser, songeait-elle en tâtant distraitement la gangue de terre qui emplâtrait ses membres.

Et c’est alors que l’Univers sembla enfin lui donner un coup de pouce : la carapace terreuse se fissura d’abord imperceptiblement puis, rapidement, sur toute la longueur jusqu’à ce que tombent les fragments restants. Il n’y eut aucun bruit de chute : il se désagrégèrent dans un « pouf » de poussière et le silence ne fut finalement rompu que par la voix railleuse de M. Pulchinel.

- Rien n’t’arrête plus, on dirait.

Il semblait penser qu’elle avait défait sa protection elle-même. Elle ne l’en détrompa pas. Car il lui vint à l’esprit qu’une dernière chose restait non résolue. Et l’enfant interpella l’adulte alors qu’il la devançait sur le chemin du retour.

- M. Pulchinel, s’il vous plait ?

Il se retourna, le visage inexpressif.

- C’est que… mon flacon. Je peux l’avoir ? J’ai réussi l’épreuve n’est-ce pas ?

Elle détestait l’accent puéril qu’avait pris sa voix. Et elle s’inquiétait de ne plus savoir si cette soumission à M. Pulchinel relevait encore de son jeu de comédienne ou si le saisonnier avait réellement développé une emprise mentale sur elle au cours de ses quelques jours d’entrainement. Un sentiment désagréable qui la travaillait tandis que son interlocuteur prenait son temps pour considérer sa requête. Comme si la réponse n’allait pas de soi, bien que la petite avait indiscutablement remporter le défi qu’il lui avait imposé. Et sortant le flacon de sa poche de pantalon, un éclair de cupidité traversa fugitivement son regard. L’espace d’un instant, Haple cru qu’il allait revenir sur sa parole, mais lorsqu’il ouvrit enfin la bouche, la jeune mage fut ravie de l’entendre dire :

- T’es à la hauteur p’tite. Tiens, et va pas t’étouffer avec hein ! …

La main tendue, c’est avec soulagement qu’elle sentit le poids de la fiole de fluide faire baisser son bras. Sans attendre, elle le rangea précipitamment dans sa poche de pantalon afin de soustraire l’objet de la convoitise de Pulchinel qui n’avait pas lâché du regard le fluide terrestre et son contenant. Lequel sembla s’en apercevoir en croisant le regard perturbé de la jeune fille car il se redressa imperceptiblement et porta son regard avec ostentation derrière l’épaule l’enfant.

- Après vous, dit-elle poliment pour rompre le malaise qui avait subitement fait irruption entre les deux voyageurs.

M. Pulchinel pivota aussitôt sur ses talons avant de remonter vivement la pente douce qui menait à la charrette du drapier. Et Haple le suivit, mais pas sans avoir auparavant descendu les manches de sa tunique sur ses bras couverts d’ecchymoses, dissimulé ses oreilles pointues sur son carré laineux et remit avec une réticence grandissante son masque de Jeanne Dracques, Beauclairoise en détresse.

>> Beauclairois, Beauclairoises … et Haple I

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 27 Sep 2016 00:34 
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Mais avec de la neige jusqu'au nombril et recouvert de morve, nos deux nains auraient bien eu tous les maux du monde à essayer de distancer un troll dans la neige. C'est qu'il en avait de grandes guibolles, le géant affamé. Enfin ça, c'était sans compter sur Gorog, qui eut une idée de génie. Une idée de génie comme seul un génie qui a de l'idée pouvait avoir. Un plan ! Un ingénieux d'un nain génie, pour échapper à leur poursuivant. Poursuivant impatient et persuadé de pouvoir se repaître de la pitance que représentait pour lui la paire de pimpants petits poilus pitoyablement pris au piège. Ce plan incroyable était pourtant d'une non moins incroyable simplicité et se résumait en deux mots. Deux tout petits mots. « On plonge ! » Sur l'instant, Broginn, encore un peu groggy du gros choc morveux en lui et son ami Gorog, ne comprit pas tout de suite de quoi il en retournait. Il fixait l'air bête, la barbe rousse de son compagnon disparaître sous la neige avec son propriétaire, avant de les voir ressortir quelques secondes plus tard, quelques mètres plus loin, pour aussitôt replonger.

Broginn se gratta la barbe, se lécha les doigts, et n'attendit pas plus longtemps avant d'imiter son confrère. Les bras en l'air de chaque côté de la tête, il plongea sur le côté aussi gracieusement que possible. Graisseusement aurait sans doute été plus approprié, mais toujours est-il qu'il plongea. Il plongea puis creusa, creusa, creusa. De toute la force de ses grosses paluches, il creusa, creusa et creusa encore. Mais il était une règle d'or chez les nains. Et Valyus seul savait que les nains respectaient toujours leurs règles surtout si elles étaient faites d'or. Et cette règle qui tenait presque de la philosophie, c'était celle-ci : Qui veut piocher loin, dirige ses tunnels. Ce qui voulait bien évidemment dire qu'il fallait éviter de creuser dans n'importe quel sens, au risque de tomber sur du caillou plus dur et d’abîmer les pioches. Parce que les pioches en mauvais état c'était chiant et ça coûtait une fortune de les faire réparer ou d'en acheter des neuves. Bref, Broginn sortit sa tête de la neige pour se situer et replongea presque instantanément quand la pogne du troll essaya de l'agripper, encore une fois. Le manège se répéta, encore et encore, inlassablement. Deux nains creusaient comme des taupes, un troll essayait de leur taper la tête quand cette dernière ressortait. Son poing frappant le sol tel un marteau visant le pauvre clou qui dépasse. Dans d'autres circonstances et surtout avec le risque de mort imminente en moins, Broginn aurait même pu trouver sa amusant, mais là, il s'agissait vraiment de survivre, de ne pas finir dans l'estomac du troll, aussi vide que sa boite crânienne.

Sauf que creuser de la sorte, c'était fatiguant, épuisant et bien vite, arriva le moment où les deux nains furent capturés, après deux ultimes coups de poing rageurs. Broginn se retrouvait encore une fois la tête en bas, mais cette fois ci, il n'était pas le seul dans cette fâcheuse position. C'était la fin pour eux. Ils allaient mourir et le pire là dedans, c'est qu'ils allaient mourir sobre, avant même d'avoir trouvé la taverne recherchée. Mais la providence était de leur côté parce que le troll, ce benêt n'y était pas allé de main morte pour les attraper. Des coups, le sol en avait reçu plusieurs. Pas un, pas deux, pas trois, mais bien QUATORZE grosses patates plus ou moins bien placées. Et quand on est au milieu des montagnes avec des crevasses un peu partout, le sol, il aime pas toujours ça, de manger des patates. Et l'ami troll était sur le point de s'en rendre compte. A peine avait-il ouvert grand sa bouche, exhalant les relents de quelques restes moisis entre les chicots, qu'un puissant craquement se fit entendre. Puis un autre. Et finalement, le sol décida de se dérober sous les pieds.

Le géant à la peau grumeleuse et nos deux compères poilus churent. Sous leurs pieds, depuis le début, se trouvait une cavité immense, une grotte gigantesque, une caverne démesurée. Et c'est par le plafond que les nains y faisaient une entrée...Fracassante. Enfin pour ce qui est du troll, elle était plutôt perforante, car la pauvre créature, étant tombée d'un peu plus bas avait fait une fâcheuse rencontre avec quelques stalagmites. Lui transperçant le torse, comme les cornes d'une cocue le ferait sur la maîtresse d'un mari concupiscent. Sur le corps du défunt prédateur, rebondirent deux nains voltigeurs. Qui après quelque involontaires cabrioles, s'écrasèrent par terre, à côté du troll. Le premier fut assommé, le seconde préservé. Car de sa tête ornée, d'un casque suranné, il fut protégé, d'une violente céphalée.

Broginn se releva, difficilement, mais pris tout de même soin de prendre une pose victorieuse en regardant la monstrueuse engeance qui venait de trépasser et d'indirectement les sauver.

« Voilà c'qui en coûte de s'attaquer à de fiers Mertariens, bougre d'imbécile de raclure puante de fond d'tonneau. T'fais moins le malin maintenant ! »

Le nain défoulé et de sa frustration libéré, se dirigea d'un pas rythmée, vers son ami inanimé. Par le col il décida de l'attraper et par la méthode ancestrale des gros lendemains de soirée, il entreprit de le réveiller. Une bonne grosse paire de baffes bien placée, pour résumer. Bien souvent, les baffes étaient rendues, mais c'était comme ça chez les nains. Une tradition ! Et chez les courts sur pattes on ne rigolait pas avec les traditions. Comme les prières à Valyus avant d'aller miner, les chants en Fa et en Sol avant d'aller brasser la bière ou les concours d'insultes sur les elfes. La paire de baffes, c'était sacré !

Étrangement, cela ne semblait pas marcher. Mais même dans ces cas là, tout était prévu par la tradition. Il suffisait de recommencer, jusqu'à que le nain soit réveillé...ou crevé. Mais ce deuxième cas de figure n'arrivait que très rarement.

« Allez, réveille-toi ! On va pas glander ici comme des bouffeurs de salade dans un champ de fleur ! Faut trouver la taverne ! »


[HJ: cataracte]

_________________
Broginn - Brasseur - Rôdeur

Un tonnelet de bière pour me réchauffer, un tonnelet de bière...Pour vous éclater!


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 15 Oct 2016 12:24 
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L’amour.

Concept inventé, testé et breveté par l’humain depuis des générations afin de donner du piment à sa vie foncièrement ennuyante, qui consiste à s’attacher à une personne quelconque et à se donner l’illusion que leur amour est éternel, que tout est mieux avec de l’amour, y compris le fait de se reproduire comme des vaches pour assurer que plein d’autres concepts inutiles existeront.

Comme la vérité anéantirait les gens, leur cerveau a un mécanisme de défense, le déni. Le déni le plus sombre et le plus total. Rappelez-vous que tout peut arriver avec les êtres évolués, les races telles que nous les connaissons aujourd’hui. Comme exemple : le déni de grossesse, phénomène ou la maman est tellement persuadée de ne pas avoir d’enfant que son corps ne se transforme pas pour accueillir le bébé, la mère continue d’avoir ses…Enfin, vous voyez, et son ventre reste plat. Notre cerveau est exceptionnel, et si nous sommes convaincus de quelque chose, nous pouvons le ressentir ! L’amour est donc une pure invention de notre esprit.

Voyez...un simple gâteau. Ça, c’est la vie des humains. Et voyez de la crème et des décorations. Ça, c’est l’amour. Appliquez la déco, et vous aimerez plus ce gâteau là qu’un non décoré. Pourquoi ? Ça reste un simple gâteau, juste avec des décorations. Vous l’aimerez plus parce que justement, vous le trouverez plus beau, plus attrayant…Mais ça reste un simple gâteau au final. Donc on peut se passer d’amour. Comme on peut se passer de décorations en sucre. Sauf que c’est vous qui les avez inventées, ces décorations, avec l’idée que c’était normal d’en avoir !

Je ne peux m’imaginer baver sur quelqu’un, penser qu’un lien mystique nous unit et me reproduire avec lui pour cette raison. Après, quand je vois le comportement d’Insanis, s’il en est capable, c’est triste. J’ai envie de lui expliquer, mais si je le fais, il va me contredire, tenter de me rallier à son idée et si par bonheur il se rend compte de la réalité, Nibelung et lui vont être tristes, car ça signifiera la fin de leur relation. Non décidément ce serait égoïste de lui dire, mais ce ne serait pas correct de le laisser dans le mensonge. Je ne peux pas faire un choix…

Je ne peux pas faire de choix. Alors, je lève mon regard vers la brume mystique de la nuit, espérant que les étoiles me portent conseil. Oui, qu’une petite étoile vienne me murmurer à l’oreille ce que je devrais faire. Qu’elle descende du ciel, du voile de satin d’argent sur lequel elle a décidé de se poser. Que le vent la porte ici, qu’elle me réchauffe le cœur qui bat dans ma poitrine mais qui me semble être éteint.

Je veux m’éveiller au monde.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 24 Déc 2016 00:13 
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Localisation: Nessima, Naora
L'air est si limpide que j'ai l'impression de pouvoir toucher les blancs sommets, qui trônent sur le continent de Nirtim comme des souverains sur leurs sujets, simplement en tendant la main. Mais je connais assez la montagne pour savoir combien la notion de distance peut être trompeuse. Le massif sur lequel je me trouve est immense, j'ai commencé par gravir une longue pente en me disant qu'il me faudrait tout au plus deux heures pour parvenir au col visé, mais je ne l'atteins qu'au bout de près de dix heures de pénible progression au milieu de rocs et d'épineux dont la taille ne cesse de se réduire. J'ai le souffle court malgré mon entraînement en arrivant à cette première destination, j'ai le sentiment de ne pas avoir assez d'air à respirer quelle que soit l'amplitude de mes respirations mais le panorama dantesque que je découvre de ce point de vue justifie à lui seul mes efforts.

En contrebas et au sud, d'infinies forêts couvrent les pentes du massif, elle paraissent douces et régulières, d'ici, mais pour les avoir parcourues ces derniers jours je sais qu'il n'en est rien. Crêtes abruptes et profondes vallées forment en réalité un dédale complexe et souvent infranchissable qui nécessite de longs contournements, mais ce n'est visiblement rien comparé à ce qui m'attend au nord-ouest, direction des plus hautes cimes qui sont le but de ma quête impromptue. Si le massif fait penser, de loin, à un formidable monolithe, il s'avère finalement constitué d'un entrelacs insensé et chaotique de chaînes montagneuses imbriquées les unes dans les autres qui s'élèvent progressivement jusqu'à des hauteurs inquiétantes. Les forêts laissent la place à de maigres buissons qui, eux-mêmes, cèdent la place à de simples mousses alors que l'altitude s’accroît. A partir d'une certaine hauteur les végétaux semblent disparaître totalement, ce n'est plus alors que roc dénudé et rébarbatif, qui précède de peu le domaine des neiges éternelles. Les distances à vol d'oiseau ne signifient plus rien ici, du moins pour les êtres condamnés à rester au sol. Je pensais atteindre en deux ou trois jours les hauts plateaux, je sais maintenant que j'aurais de la chance si j'y parviens en une dizaine.

Tandis que je me repose et me sustente, j'aperçois dans la vallée en contrebas du col où je me trouve quelques panaches de fumée qui s'élèvent paresseusement dans le ciel orangé du crépuscule, révélant sans doute la présence d'un village montagnard. Il ne se situe pas vraiment sur ma route, je pourrais tenter de couper droit sur le col suivant, mais y passer ne constituera pas un très long détour et je songe qu'acquérir quelques vêtements plus chauds que ceux que je possède ne serait probablement pas un luxe si je dois passer de nombreux jours dans ces régions élevées. D'autre part, chercher un fauve sans doute rarissime dans cette immensité revient à chercher une aiguille dans un entrepôt plein de foin, les habitants de ces contrées pourraient peut-être me fournir des renseignements utiles, si bien que je décide de m'y rendre sans plus tarder.

La nuit est largement tombée lorsque je parviens aux abords d'une palissade de troncs pointus entourant le petite village d'une dizaine de maisons, ou, plus exactement, de cabanes sommaires. Je m'avance jusqu'à proximité de la porte, close à cette heure, et m'arrête lorsqu'une voix m'interpelle rudement:

"Pas un pas de plus ou je tire! Qui êtes-vous? Que voulez-vous?"

Un archer se tient derrière le mur de bois haut d'environ trois mètres, sans doute sur une plateforme qui lui permet de surveiller les environs. J'écarte les bras pour mettre mes mains nues en évidence et réponds calmement:

"Bonsoir. Je ne suis qu'un simple voyageur en quête d'un abri et d'un repas, j'ai de quoi payer."

"Vous êtes lourdement armé pour un simple voyageur... on ne veut pas d'ennuis, passez votre chemin!"

"Je ne vous veux aucun mal, j'ai besoin de vêtements chauds et de provisions pour poursuivre ma route, pouvez-vous m'en vendre? J'aimerais aussi quelques informations sur la région afin d'éviter de me perdre, je ne vous créerai pas d'ennuis, vous avez ma parole."

L'archer hésite brièvement puis lance un appel dans le village, auquel répondent rapidement quelques-uns de ses compatriotes qui s'approchent vraisemblablement de la porte pour parer à toute éventualité. Le battant finit par s'ouvrir, dévoilant deux autres jeunes humains qui me menacent de leurs arcs en me scrutant d'un air méfiant, et un troisième plus âgé un peu en retrait qui me fait signe d'entrer après m'avoir jaugé.

"Un Sindel...vous êtes le premier que je croise dans le coin. Baissez vos armes, vous autres, voyez bien qu'il a pas la dégaine d'un maraudeur, j'ai vu des princes moins bien équipés."

Quelques minutes plus tard je me trouve dans la plus vaste bâtisse du village, qui tient apparemment lieu de maison commune. La nouvelle de mon arrivée se répand visiblement comme une traînée de poudre car la plupart des habitants ne tarde guère à se rassembler dans le bâtiment, les yeux brillants de curiosité. L'homme qui m'a invité à entrer, un solide gaillard d'une cinquantaine d'années aux cheveux courts et à la longue barbe poivre et sel, m'offre une place près de l'âtre où brûle une bonne flambée ainsi qu'une chope de bière, ce que j'accepte en le remerciant chaleureusement de son accueil. Les questions ne tardent pas à fuser et près de deux heures passent avant que la curiosité des villageois ne soit plus ou moins satisfaite et que la plupart se retire pour la nuit. Il ne reste finalement que le chef du village, son épouse qui s'active discrètement pour me fournir un repas chaud et une paillasse pour la nuit, ainsi qu'un vieillard fumant tranquillement une longue pipe au coin du feu. Repu et réchauffé, je profite du calme revenu pour questionner mes hôtes sur le sujet qui m'amène dans le coin:

"J'ai entendu dire qu'il y avait des fauves très rares dans la région, leur pelage serait blanc et ils vivraient là où la neige ne fond jamais...savez-vous s'ils existent vraiment?"

C'est le vieillard qui me répond après avoir expiré un long jet de fumée par les narines:

"Z'êtes chasseur?"

"Par nécessité de me nourrir, oui, mais ce n'est pas pour les chasser que je recherche ces fauves. Vous en avez déjà vu?"

"Ben, j'ai croisé quelques léopards des neiges, du temps où mes jambes me portaient encore assez bien. Sont pas fréquents, ils se planquent quand ils voient des humains, mais sont pas vraiment rares non plus."

"Je ne parle pas de léopards des neiges, grand-père."

"J'me disais aussi. Alors non, je n'ai jamais vu les fauves dont vous parlez. Mais y'a des histoires qui courent, quoique la plupart soient sans doute que des menteries de fanfarons."

"La plupart? Que disent celles qui ne sont pas de cet ordre?"

"Y'en a une qu'est plus qu'un tissu de bobards, j'le sais parce que j'ai vu de mes yeux des trucs pas banals. C'était y'a une trentaine d'années, en hiver. Un matin, y'a une douzaine de types qui se sont amenés ici, des chasseurs, armés jusqu'aux dents un peu comme vous, quoique y z'avaient des armes à moitié aussi inquiétantes que les vôtres. Enfin, toujours est-il que les types cherchaient aussi ces fauves et qu'à l'époque y'avait un vieux ménestrel qu'habitait ici. L'genre qui connaît autant d'histoires qu'y a de feuilles sur un arbre. C'bougre leur a raconté une vieille légende dont j'me souviens plus bien, et les types sont partis dans la montagne. Une quinzaine plus tard, l'en est revenu un, le seul qu'on ait jamais revu faut l'dire et pourtant les gars z'avaient pas l'air de bleus, si vous voyez c'que j'veux dire. Ben l'type, j'sais pas ce qu'il avait vécu mais c'qui est sûr c'est qu'il avait plus toute sa tête. Y bavait comme un marmot et y tremblait sans arrêt en répétant qu'tous ses potes avaient été bouffés par une bestiole qu'il a jamais réussi à décrire. Et v'là que notre ménestrel compose une chanson sur c't'aventure, j'm'en rappelle pas bien non plus mais j'me souviens d'un truc qui disait à la fin: en lieu ignoré de tous chassent encore les âmes blanches de l'ancien temps, que nul n'approche s'il n'est aussi pur que l'eau et la glace."

Le vieil homme hausse les épaules en concluant:

"J'sais pas si ça a un rapport avec vos fauves, mais l'type qu'est revenu baragouinait des trucs incompréhensibles à propos de crocs comme des sabres et de griffes comme des épées, alors j'me suis dit que ça vous intéresserait peut-être."

"Il y a peut-être un lien, en effet. merci de m'avoir conté cette histoire. Sauriez-vous dans quel coin ils sont allés, ou connaîtriez-vous quelqu'un qui puisse m'en dire plus à ce propos?"

Le vieux secoue négativement la tête mais le chef du village intervient pensivement:

"Depuis ici, il n'y a qu'un chemin pour accéder à la zone des neiges éternelles, à moins d'être un chamois je veux dire. Il passe devant une petite grotte où habite un vieil ermite, je n'y suis jamais allé mais mon père me parlait déjà de lui et il est mort depuis de nombreuses années. Si ces chasseurs se sont rendus dans les hauteurs, ils sont certainement passés devant chez lui, il pourrait peut-être vous renseigner, s'il est encore en vie évidemment. Je pense que c'est le cas parce qu'un ami m'a parlé de lui voilà peut-être deux ans, il s'était égaré dans une tempête et a trouvé refuge chez lui."

"Intéressant...je commencerai par là, merci de cette information. Pourriez-vous m'expliquer le chemin à suivre pour me rendre chez lui?"

L'humain fait mieux que cela, il trace rapidement un croquis à l'échelle certes douteuse, mais qui comporte suffisamment de repères pour que j'aie une bonne chance de trouver l'ermite sans errer pendant des semaines. Je négocie encore avec lui des fourrures qui me fourniront une chaleur suffisante pour espérer survivre aux températures glaciales qui règnent en altitude ainsi que des provisions roboratives pour une semaine de voyage. J'en emporterai volontiers davantage mais le poids de mon paquetage serait trop conséquent et ne tarderait pas à m'épuiser, sans parler des risques de déséquilibre sur d'étroits sentiers de chèvres pavés de cailloux instables. Le lendemain matin, désormais muni de tout le nécessaire à mon périple, je remercie mes hôtes et me remets en route d'un bon pas, priant Sithi pour que cet ermite puisse m'indiquer une piste à suivre pour trouver les mythiques Thithilarthëa.


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Mar 10 Jan 2017 13:50, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 24 Déc 2016 05:05 
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Les jours passent, succession de montées et de descentes plus ou moins abruptes, courtes ou interminables, selon les cas. Néanmoins, de manière générale je gagne chaque jour un peu plus d'altitude, les arbres ont cédé la place à des buissons rabougris et souvent tordus par les vents qui, je le découvre le deuxième soir, peuvent s'avérer violents. Les épaisses fourrures acquises au dernier village me préservent parfaitement du froid et coupent le vent, ma sphère d'intimité me permet en outre de me reposer dans une atmosphère agréable, si bien que je ne souffre pas vraiment du climat pourtant rigoureux. Je complète mes provisions des dernières baies de la saison, délicieusement sucrées bien qu'elles soient parfois racornies par le gel, ainsi qu'en chassant lorsqu'un lapin ou une marmotte passe à portée de mes flèches. Je commence chaque nouvelle journée par deux heures d'entraînement martial, usant non seulement de mes épées et de mon arc, mais aussi de mes fouets et de ma dague afin d'être à l'aise avec ces armes bien différentes de mes lames habituelles.

Le soir, je poursuis mes tentatives d'apprentissage de cette danse complexe que m'a montrée ma Faëra au travers d'un souvenir, jusqu'à avoir le sentiment d'avoir atteint un stade où seul l'usage du Ki me permettra de progresser. Je maîtrise incontestablement l'aspect purement technique de cet enchaînement, mes pas sont désormais sûrs et mes lames décrivent leurs orbites sans plus s'emmêler, mais cela ne suffit pourtant pas. L'ensemble est trop lent et, même si je doute que beaucoup de guerriers partagent mon avis, trop pataud, manquant de cette grâce céleste qui m'a tant impressionné dans le souvenir que m'a fait partager Syndalywë. Pire, lorsque je tente d'accélérer mes gestes, mon équilibre se trouve vite compromis, la force centrifuge engendrée par mes lames me déstabilise et leur inertie m'empêche souvent de les placer parfaitement pour les dissimuler comme j'ai vu le Danseur d'Opale le faire. Je rassemble donc mon Ki et le modèle de façon à ce qu'il abaisse mon point d'équilibre et le centre davantage, ce qui a pour effet d'alléger mes armes puisque leur centre de gravité se trouve plus proche de mon corps. Je n'éprouve guère de difficulté à modeler mon énergie intérieure en une sorte de tronc central, mon corps, d'où partent de fines ramifications semblables à des branches, mes bras et mes lames. Après quelques essais, je parviens ainsi à accélérer significativement ma danse sans perdre l'équilibre, mais je réalise vite que cela pose un sérieux problème: mes coups manquent sévèrement de force. En modelant mon Ki de cette manière je perds tout le bénéfice des ellipses qui devraient au contraire accentuer leur puissance.

Je tente, selon cette même méthode, de trouver un juste milieu entre équilibre et puissance mais, malgré de nombreux essais je ne parviens pas à grand chose de plus concluant, ce qui me conduit finalement à penser que la forme que je donne à mon Ki n'est pas la bonne. Pourtant, cette danse me semble très similaire à la Danse des sabres, ou encore à la technique des lames défensives, que je maîtrise toutes deux parfaitement!

(La clé c'est le mouvement des astres, là tu penses à un arbre, ça n'a rien à voir!)

(Tu en as de bonnes! Un arbre je le vois, je sais à quoi ça ressemble. Les mouvements des astres...ils tournent, d'accord, mais ça reste très abstrait...)

(Bah, c'est comme un fléau ou, plutôt, comme trois fléaux: tes deux armes et ton corps. Chacun tourne indépendamment, mais pourtant ils doivent tourner ensemble sur un cercle commun pour ne jamais se percuter. Et tous ces cercles doivent pouvoir s'incliner sur tous les plans sans jamais se contrarier.)

(Euh...moi aussi je t'aime. Et puis, ça ne résout pas le problème de l'équilibre.)

(Mais si, ton problème c'est que tu raisonnes en termes de lignes droites, tu veux que ton corps soit une sorte de pilier autour duquel tournent tes armes. Alors qu'en fait il faut juste un point central. Qui se subdivise en trois, certes, mais tous liés au centre principal. Un soleil autour duquel tournent deux mondes, en somme. Et autour de ces mondes, autant de lunes que tu veux, mais si chaque lune tourne autour d'un monde qui tourne lui-même autour d'un soleil, eh bien la lune tourne elle-aussi autour du soleil. Son cycle semble dissocié, mais en réalité il ne l'est pas, c'est juste que c'est difficile à voir. Et c'est justement ça qui rend cette technique redoutable et apparemment imprévisible. C'est aussi ça qui fait que tes armes semblent surgir de nulle part, métaphoriquement parlant c'est comme si une lune passait derrière son monde et que tu ne la voyais plus. Tu comprends?)

(Non. Enfin si, en théorie je conçois l'idée, mais de là à la transposer dans une danse de guerre...et je ne vois pas comment modeler mon Ki pour parvenir à ça.)

(Eh bien, ton Ki c'est les forces qui relient les lunes à leurs mondes, et les mondes au soleil.)

(Hum. C'est...compliqué, ton histoire.)

(Si ça ne l'était pas, tout le monde connaîtrait cette technique. C'est la première Danse d'Opale, seul un combattant capable de rêver des équilibres supérieurs peut lui donner vie.)

(Ils sont fous, ces danseurs d'Opale...)

(Oui, c'est peut-être pour ça que le ciel leur est tombé sur la tête.)

(Quoi?)

(Laisse tomber, essaye!)

Bon...un point central, donc. Mon centre de gravité, je présume. Je ferme les yeux pour mieux me concentrer, puis je rassemble tout mon Ki en ce point, me déplaçant légèrement pour définir plus précisément ce centre sans cesse mouvant. Laissant mes armes au fourreau, je tente d'esquisser les premiers pas de cette danse cosmique en stabilisant mon équilibre à l'aide de mon Ki. Jusque là tout va bien, c'est une technique de base que j'applique à tous mes mouvements lorsque je combats. Je dégaine ensuite mes lames et y projette mon Ki en fins filaments issus de ce point central, aucun souci non plus à ce stade. J'entame une nouvelle fois les pas de cette valse à trois temps en faisant tournoyer mes épées reliées à mon centre de gravité, et là ça se gâte parce j'ai l'impression d'être à peu près aussi souple qu'une barre à mine! Je tournoie, certes, mais mes lames ne se meuvent qu'en fonction des rotations de mon corps, c'est comme si on plantait une baguette au travers d'une orange et qu'on la faisait tourner comme une toupie! J'ai beau faire, je ne parviens pas à visualiser les orbes distinctes que devraient réaliser mes lames. Je repense aux paroles de ma Faëra et tente alors de modeler mon Ki différemment, le canalisant non seulement dans le centre de gravité de mon corps, mais aussi dans ceux de mes deux armes. Ah! Voilà qui va tout de suite mieux, mes reliques commencent à fendre joliment les airs au gré de mes pas virevoltants! Je jure sourdement lorsque, soudain, l'une de mes lames menace de m'échapper des mains! Par Sithi, cela fait des années que ça ne m'était pas arrivé, une vraie erreur de débutant! Je prends quelques instants pour examiner mentalement ce qui vient de se passer, cherchant à comprendre où se situe mon erreur. Je la cerne assez rapidement, j'ai bien renforcé les trois points cruciaux avec mon Ki, mais j'ai omis de les relier correctement...

Je retente l'expérience le lendemain soir, modelant mon énergie spirituelle en trois sphères compactes, les trois centres de gravité, reliant ceux de mes armes au mien par des sortes de cordes souples et résistantes. C'est avec la plus grande satisfaction que je sens, cette fois, la danse prendre véritablement forme! Néanmoins ce n'est là qu'une ébauche encore grossière, bien loin de la perfection que j'ai pu observer au travers des souvenirs de ma Faëra. L'équilibre est bon, les ellipses également, mais je n'occupe pas l'espace et mes mouvements restent basiques, prévisibles. Au fil de nombreux essais, je réalise que je peux varier presque à l'infini les orbites de mes lames, je peux les rapprocher de mon corps, les éloigner, les orienter différemment. Chacune de mes articulations constitue un pivot susceptible de varier les arabesques de mes lames, la clé étant de respecter un équilibre céleste entre les centres de gravité de mes armes et de mon corps. Peu à peu, j'en viens à visualiser cette danse comme un plan dément d'astrologue, mes gestes sont autant de courbes qui ne doivent jamais entrer en collision, un exercice incroyablement délicat qui me demande une concentration totale et une véritable débauche d'énergie pour maintenir l'équilibre permanent de ces trois centres de gravité et des liens qui les unissent. Les jours passant, mon corps et mon esprit s'habituent peu à peu et la danse devient plus naturelle, instinctive, gagnant ainsi en rapidité et en fluidité. Lentement elle se complexifie, se peaufine et me demande moins d'énergie, aussi bien physique que spirituelle. J'apprends à utiliser le strict minimum de Ki pour maintenir l'équilibre souhaité, plus les gestes de base sont justes et en adéquation avec le schéma céleste, moins j'ai besoin d'y consacrer ma force mentale. Un beau soir, le huitième depuis mon départ du village, je parviens pour la première fois à réaliser un enchaînement correspondant à l'idéal que j'en avais! Je le répète encore trois fois avant d'aller me reposer, certain cette fois d'avoir enfin cerné cette Danse machiavélique, et la reproduis le lendemain matin pour être bien sûr de ne pas avoir rêvé.

Je me remets en route, légèrement euphorique, et marche environ une heure avant de découvrir au détour d'une arête rocheuse une petite cahute de pierres empilées d'où s'échappe un mince filet de fumée. Je consulte le plan que m'a fait le chef du village et scrute le paysage en quête des repères indiqués, comprenant en les trouvant que je suis arrivé à destination: la demeure de l'ermite se dresse juste devant moi.


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Dim 8 Jan 2017 15:07, édité 1 fois.

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