L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 24 Déc 2016 17:03 
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Lorsque j'atteins la masure adossée au rocher, je découvre un très vieil homme assis sur un banc, presque invisible du fait de ses haillons uniformément gris qui se fondent dans la couleur de la pierre. Ses yeux bridés le désignent comme un Ynorien, son crâne tavelé est chauve et son menton aigu prolongé par une interminable barbiche religieusement tressée. Ses prunelles, aussi noires que les miennes, sont rivées sur moi, sereines, et un léger sourire étire ses lèvres tandis qu'il me détaille. Je le salue d'un signe de tête auquel il répond avec simplicité avant de tapoter d'une main le banc sur lequel il est assis.

"Ardu est le chemin qui mène ici, et bien rares sont les visiteurs. Assieds-toi, la vue est magnifique d'ici, ne trouves-tu pas? Veux-tu une tasse de thé?"

J’acquiesce à sa proposition d'une boisson chaude et prends place sur le banc, contemplant le paysage somptueux durant quelques instants avant de lui répondre:

"Oui, c'est une très belle région, apaisante. Je suis venu te voir car on m'a dit que tu pourrais peut-être me renseigner. Je suis à la recherche de fauves rares et mystérieux, j'ai appris qu'un groupe de chasseurs les recherchant également était probablement passé devant chez toi voilà bien des années, t'en souviens-tu?"

"Cela ne leur a pas porté chance, guerrier. Un seul est revenu et il n'avait plus toute sa raison. Je vais aller préparer le thé."

L'ermite se lève et rentre dans sa demeure où il s'affaire durant quelques minutes avant de revenir avec une théière en fonte et deux tasses qu'il remplit cérémonieusement, m'en tendant une que je prends en le remerciant d'un sourire. Ce n'est que lorsque nous avons goûté au breuvage brûlant mais délicatement parfumé qu'il daigne reprendre la parole:

"Ces montagnes recèlent bien des mystères, tous ne sont pas destinés à être percés. Je vis ici depuis de longues années, mais je n'ai jamais vu ces fauves dont tu parles. Peut-être n'existent-ils pas. Mais dans le cas contraire, les chasser serait un crime, car ils seraient en effet fort rares."

"Ce n'est pas pour les chasser que je les recherche. Certaines de ces créatures étaient liées à mon peuple, autrefois, nous les considérions comme des êtres sacrés et merveilleux qui n'acceptaient de s'allier qu'aux plus dignes d'entre nous."

"Et tu penses être un de ceux-là?"

"Je ne sais pas. Je suis le plus mal placé pour en juger."

Le vieillard me dévisage longuement d'un regard perçant, puis il finit par hocher la tête en remarquant:

"Ce sont de sages paroles, étonnantes dans la bouche d'un combattant. Pourquoi as-tu choisi la voie des armes, Sindel?"

"A cause d'un rêve que je faisais souvent, étant enfant."

"Oh. Tu rêvais de devenir un puissant guerrier massacrant de nombreux ennemis?"

"Non. Je rêvais que je protégeais mon peuple, que je le ramenais auprès de notre Mère, Sithi. Je n'aime pas faire couler le sang mais, parfois, certains doivent mourir pour que d'autres puissent vivre. La nature est ainsi faite, c'est dans l'ordre des choses."

"Il est périlleux, guerrier, de décider qui doit mourir et qui doit vivre. Tuer pour se nourrir est une chose, tuer pour d'autres raisons en est une autre. Es-tu certain que tous ceux que tu as privé de vie le méritaient?"

"Non. Parfois tout est clair, parce que ma survie ou celle de mes proches en dépend. Mais souvent...ce n'est pas aussi simple. Je m'efforce d'agir en accord avec mes principes, qui définissent subjectivement ce qui est "bien" et ce qui est "mal", mais est-ce juste? Je ne sais pas, je ne peux que l'espérer et vivre avec mes erreurs en faisant mon possible pour ne pas les répéter. Celui qui tremble à l'idée d'échouer ou de se tromper ne fait rien de sa vie, et je pense qu'il n'y a pas pire manière de mener son existence car cela signifie cesser d'évoluer."

"C'est en faisant des erreurs qu'on apprend, en effet. Tu réfléchis beaucoup pour un soldat, peut-être parviendras-tu à découvrir certains mystères dissimulés dans ces montagnes, si tu fais les bons choix."

"Comme toujours, oui. Mais quels sont-ils, au juste?"

"Je ne suis qu'un vieil homme ignorant, guerrier. Mais regarde plutôt. De ma retraite partent trois chemins. Le premier est celui dont tu viens, tu peux donc retourner sur tes pas. Le deuxième grimpe directement vers les hauteurs, il ne présente guère de difficultés et te mènera dans une vallée où poussent, en été, de nombreuses plantes médicinales. De là tu pourras accéder à un dangereux glacier. Le troisième contourne ce grand pic que tu vois au nord, il est risqué de s'y aventurer car ce n'est qu'une sente mal tracée qui mène dans une région où il est aisé de se perdre. Il a dû être utilisé autrefois, mais je n'ai jamais vu personne l'emprunter à part ces chasseurs, et tu sais ce qu'il leur en a coûté."

Je réfléchis un moment en silence, examinant les choix qui s'offrent à moi. Revenir sur mes pas est exclu, ce qui me laisse donc deux possibilités. Le deuxième chemin semble familier à l'ermite, mais il m'a affirmé n'avoir jamais aperçu ces fauves que je recherche. Quant au troisième, les chasseurs qui s'y sont aventurés y ont laissé la vie, à l'exception d'un seul qui n'y a perdu que son esprit. L'ancien du village où je me suis approvisionné quelques jours plus tôt m'a dit que le survivant rabâchait une histoire de crocs et de griffes, ils ont donc dû croiser quelque chose, une ou plusieurs créatures agressives, mais lesquelles? Et si un groupe d'une douzaine de tueurs expérimentés ne s'en sont pas sortis, quelles sont mes chances de survivre alors que je suis seul? Maigres sans doute, mais je n'ai pas de meilleure piste.

"Je vais suivre ce troisième sentier. As-tu un conseil à me donner pour en éviter les pièges?"

"Un conseil? Non, je ne connais pas ce chemin. Mais il y a un vieil adage montagnard qui dit ceci: ce n'est pas dans les montagnes qu'on trébuche, mais sur de petits cailloux."

J'opine pensivement. Dans ce monde minéral frôlant les nuages, le moindre faux pas peut signifier la mort, mais il en va de même en combat et j'ai le pied sûr. Je remercie l'ermite pour le thé et les renseignements, puis je reprends ma route en m'engageant sur l'étroite sente qu'il m'a indiquée, profondément songeur quant à cette étonnante rencontre et aux paroles du vieil homme. Mon instinct me dit qu'il en sait plus qu'il n'a bien voulu me révéler, se peut-il alors que son proverbe soit plus qu'une simple mise en garde sur les dangers de la montagne?


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mer 4 Jan 2017 01:23 
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La sente étroite grimpe interminablement, la progression me paraît relativement aisée durant les premières heures, bien que le sol soit traître et que le chemin frôle parfois des précipices inquiétants. Je souris pensivement en songeant que, quelques années plus tôt, j'aurais sans doute franchi à quatre pattes certains passages périlleux, passages que je parcours aujourd'hui aussi aisément qu'un trottoir dans une ville. Même les pierres qui roulent parfois sous mon pied ne me déséquilibrent pas, tout mon corps compense aussitôt sans que j'aie besoin d'y penser, c'est une impression bien étrange que cette sensation d'équilibre inébranlable, je n'avais jamais eu l'occasion de me rendre compte à quel point j'avais appris à ce niveau. Je chasse vivement la légère euphorie qu'engendre cette fallacieuse certitude que rien sur cette montagne ne saurait me faire tomber, un faux pas au mauvais endroit serait certainement le dernier et je me contrains à rester concentré sur mes gestes afin que cela ne risque pas d'arriver. Alors que le soleil disparaît derrière le massif, je parviens à un vaste pierrier très incliné dans lequel la discrète piste disparaît totalement. Comme il me semble discerner de l'autre côté la suite de la sente, je m'engage prudemment sur l'éboulis mais à peine ai-je fait trois pas que tout le sol sous moi frémit légèrement! Je m'immobilise aussitôt, le coeur battant, cherchant du regard un passage sûr dans ce chaos rocheux qui, visiblement, ne demande qu'à partir en avalanche. Un regard en aval m'apprend que le pierrier se termine abruptement par une falaise, si ce maudit sol se dérobe je n'aurai rien à quoi me raccrocher et je plongerai dans le vide avec une masse de rochers en mouvement, une idée pour le moins désagréable...

Je recule avec tout un luxe de précautions pour rejoindre la roche stable en bordure de l'éboulis et pousse un soupir de soulagement en l'atteignant sans provoquer d'avalanche malgré quelques grincements de mauvais augure. Je le sens très mal, ce passage...les derniers mots de l'ermite sonnent de manière un peu trop prophétique à mon goût, juste là, si bien que j'examine les alentours pour tenter de trouver un moyen de contourner cette zone. Aller vers le bas n'est pas une option à cause de la falaise qui me barrera la route, quant à aller vers le haut ce serait peut-être envisageable pour un grimpeur compétent mais, bien que le flanc de la montagne ne soit pas absolument vertical, les prises sont trop rares pour mes compétences limitées en la matière. Je m'efforce de me remémorer le chemin que je viens de parcourir, en quête d'une échappatoire que j'aurais pu apercevoir, mais je n'ai pas le moindre souvenir qu'il y ait eu un autre passage praticable durant les dernières heures. Sourcils froncés de contrariété, j'examine une fois de plus le passage scabreux, qui doit faire quelques deux cents mètres à vue de nez. Tout en réfléchissant, je ramasse un rocher d'une vingtaine de kilos et le projette sur la pente instable, le plus loin possible. Immédiatement une petite avalanche se déclenche, emportant dans un fracas de fin du monde tout un pan du pierrier dans le vide en contrebas.

(Tu en penses quoi Syndalywë?)

(Que tu devrais trouver un autre passage. Même si ça fait un long détour.)

(Moui... rien ne dit qu'il en existe un, mais je me demande...en allant assez vite...)

(C'est téméraire, au moindre faux pas...mais ça pourrait fonctionner, oui.)

(Bon, alors accroche-toi!)

Je prends quelques instants pour définir le tracé qui me semble le plus sûr dans ce traquenard, resserre les diverses sangles de mon équipement afin que rien ne bouge et ne risque de me gêner, puis après une profonde inspiration je me lance à toute allure dans le pierrier! J'ai parcouru près de vingt mètres lorsque j'entends derrière moi la masse de rocailles se mettre en branle, mais je ne m'attarde pas pour l'observer et bondis de pierre en pierre vers un salut qui me semble bien lointain maintenant que je suis engagé dans l'éboulis. Concentré à l'extrême pour ne pas perdre la moindre fraction de seconde dans ma course, je ne touche le sol que pour me propulser le plus loin possible en avant, parvenant ainsi à conserver une avance salutaire sur l'avalanche massive et tonitruante qui déboule maintenant derrière moi. Il me reste moins de cinquante mètres à parcourir lorsque la masse déjà en mouvement ébranle toute la pente instable, qui se met à glisser avec lenteur sous mes pieds! Mon sens de l'équilibre me permet de parcourir encore une vingtaine de mètres dans le chaos mouvant en prenant appui sur les plus gros rochers, mais devant moi c'est une véritable rivière de petits cailloux qui dévale la pente, ne laissant pas le moindre point d'appui assez conséquent pour simplement y poser correctement un pied! Je n'ai pas le temps de réfléchir, encore moins de m'arrêter, mais mon instinct et les réflexes issus de nombreux combats me font dégainer mes deux lames les plus accessibles d'un geste vif et y projeter une massive explosion de Ki en les tendant devant moi pour un ultime bond!

Je vole, littéralement, durant quelques secondes. Jamais je ne me suis senti porté ainsi par Rana, mais il faut dire que cela fait un bon moment que je ne m'étais plus servi de cette technique et que la puissance de mon énergie intérieure est sans commune mesure avec celle dont je disposais la dernière fois. Mais, un instant avant d'atterrir, je réalise aussi que cela ne suffira pas. Je vais retomber dans le torrent de petites pierres, à une bonne dizaine de mètres de la roche en place la plus proche...Je tente désespérément une nouvelle croix de Rana à l'instant où mon pied touche le sol, mais l'appui se dérobe sous moi comme du sable sur le versant d'une dune et l'avalanche m'aspire littéralement, transformant ma tentative d'envol en une chute brutale dans le lit de caillasses! Je me sens aussitôt emporté, les pierrailles commencent à me submerger et je sens la panique me gagner alors que de multiples chocs m'ébranlent au gré des cailloux qui me percutent et que je me rapproche inexorablement du vide! Mon instinct de survie le plus primitif voudrait me forcer à lâcher mes lames pour tenter de m'agripper à quelque chose, mais ma raison me dit que cela ne servirait à rien et que je ferais mieux de m'en servir! Je rassemble une nouvelle fois mon Ki et l'expulse dans une fébrile frappe colossale visant à planter l'une de mes lames dans le sol, en espérant qu'il y ait quelque chose de solide dessous...ma Vorpale se plante jusqu'à la garde dans la caillasse et le déluge de cailloux qui me déferle dessus semble redoubler d'intensité, m'apprenant que cela m'a un peu ralenti! Je réitère furieusement un coup colossal avec ma lame d'Eden, me retrouvant à plat ventre et agrippé de toutes mes forces à mes deux armes, tandis qu'un véritable raz de marée de petits rocs m'ensevelit et me prive de toute vision de ce qui se passe autour de moi.

Au bout d'un temps qui me paraît interminable, tout finit par s'immobiliser, un silence de plomb prend place là où ce n'était que tonnerre de rochers s'entrechoquant rudement. Plongé dans le noir, je reste immobile durant plusieurs secondes, tétanisé par l'effort ultra violent que je viens d'accomplir pour rester accroché à mes armes, mais aussi par la peur et l'incrédulité: je suis encore en vie...Néanmoins le premier mouvement que je tente m'apprend que je ne suis pas sorti d'affaire car il n'en faut pas davantage pour que quelques pierres recommencent à rouler. Prudemment, je m'efforce de me dégager des cailloux qui me recouvrent afin de voir où j'en suis exactement, et ce que je découvre me fait frémir. Mes pieds sont à moins d'un mètre du vide, sans doute la couche de caillasse était-elle plus mince au bord du précipice et c'est certainement cela qui a permis à mes armes de se coincer dans le socle rocheux en dessous...Le bon côté des choses c'est qu'il y a un éperon de bonne roche en place à environ trois mètres sur ma gauche, si je parviens à l'atteindre je serais hors de danger. Mais pour ça il faudra que je libère mes mains et que je franchisse cette distance sur l'amas vacillant au bord du gouffre, une belle partie de plaisir en perspective, j'en ai des sueurs froides rien que d'y penser. Avec une infinie lenteur, je porte mon poids sur ma lame gauche qui, à mon plus grand soulagement, ne fait pas mine de céder. Au même rythme, je fais levier sur ma lame droite pour la dégager, finissant par y parvenir après quelques minutes de lutte craintive et prudente.

Bon, et maintenant? Tenter de la planter un peu plus près du rocher salutaire et me déplacer ainsi pied à pied? L'idée me plaît moyennement, chaque choc comporte le risque mortel de déclencher un nouvel éboulement, mais alors quoi? J'avise soudain un petit rocher triangulaire qui semble bien coincé contre le côté amont de l'éperon rocheux, si je parvenais à m'y accrocher je pourrais me tirer jusque là mais je n'ai pas de corde. Quoique...je rengaine ma lame sans geste brusque et me saisis de l'un de mes fouets, visant soigneusement avant de le faire claquer pour l'enrouler autour du bloc coincé. J'y parviens à la troisième tentative et exerce une traction de plus en plus grande dessus afin de m'assurer qu'il résistera à mon poids. Comme il ne bronche pas, je me décale au moyen de reptations dignes d'un escargot anémique en me tirant dessus, assurant toujours ma sécurité au moyen de ma lame encore plantée dans l'éboulis. Au dernier moment possible, je la dégage précautionneusement mais non sans mal et la rengaine à son tour avant de continuer à ramper vers mon salut que j'atteins enfin quelques instants plus tard! A peine parvenu sur le bon vieux roc de la montagne, je m'éloigne de la zone mortelle en titubant jusqu'à être certain d'être hors de danger, puis je m'effondre dos à une paroi, tremblant de tous mes membres et incapable de faire un pas de plus quand bien même ma survie en dépendrait.


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 5 Jan 2017 04:43 
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Il me faut de longues minutes pour retrouver mon calme et remuer précautionneusement mes membres endoloris. Sithi a veillé sur moi car je n'ai rien de cassé, mes puissantes protections m'ont épargné le pire, mais je suis tout de même contusionné des pieds à la tête par les innombrables impacts. Il aurait suffit d'un roc un peu plus gros que les autres et je finissais au fond du précipice...Je finis par me relever en grinçant des dents, puis après quelques étirements prudents je me remets en marche, savourant avec une intensité nouvelle chaque bouffée d'air, de vie, qui emplit mes poumons!

Le lendemain soir, j'atteins enfin la limite des neiges éternelles et, suivant toujours l'étroite sente, m'engouffre dans une sorte de défilé profond d'une vingtaine de mètres. Les parois ruissellent de cascades glacées aux teintes bleutées, le sol recouvert de neige poudreuse et immaculée peu profonde monte en pente douce, étrangement régulière. Après plusieurs heures de progression sous la neige qui s'est mise à tomber et trois autres de repos dans l'atmosphère plaisante issue de ma sphère d'intimité, je finis par arriver au terme du couloir et débouche soudain dans un vaste cirque rocheux entouré de hautes falaises verglacées. Un silence sépulcral règne, la neige fraîche qui recouvre le sol semble absorber les sons et nul animal ne trouble la paix des lieux de ses cris. Je n'ai vu aucune trace au sol, pas la moindre empreinte, et guère d'oiseaux dans les airs. Il y a quelque chose de surnaturel en cet endroit, quelque chose qui me met mal à l'aise mais que je ne parviens pas à définir. Je dégage doucement mon arc de mon épaule et y encoche une flèche sans le bander, le regard balayant nerveusement les alentours.

Il n'y a pas le moindre signe de vie, juste le silence et le très léger craquement que produit chacun de mes pas sur la neige. Je m'assombris légèrement, aurais-je fait tout ce chemin, pris tous ces risques, pour tomber dans un fichu cul de sac?! Cela m'en a tout l'air, mais je veux en être certain et je décide donc de faire le tour du lieu en suivant les parois. J'ai fait les deux tiers de la circonférence du cirque lorsque je remarque subitement, presque entièrement dissimulée par la glace, une sculpture taillée dans le rocher. Je range mon arc et dégaine ma dague pour la dégager, faisant rapidement apparaître une statue féminine d'une grande beauté, presque aussi haute que moi. Redoutant de l’abîmer avec mon arme, je la remplace par ma lame ardente qui a tôt fait de faire fondre les derniers vestiges de la gangue qui dissimulait cette femme de pierre que j'identifie presque aussitôt pour avoir en avoir vue une très semblable dans un temple il y a bien longtemps: Moura. Perplexe quant à la raison de la présence d'une statue de la déesse de l'océan en ce lieu, je remarque soudain qu'elle fait probablement partie d'une fresque plus grande car je distingue à ses pieds la queue d'un poisson qui disparaît sous la glace voisine. De plus en plus intrigué, je taillade davantage la masse gelée afin de voir de quoi il retourne lorsque Syndalywë me lance une mise en garde:

(Attention, il y a quelqu'un qui vient!)

Je me retourne d'un bloc, ma flamboyante en position défensive et mon autre main sur la garde de ma Vorpale, pour découvrir une silhouette humanoïde vêtue d'une ample cape bleue qui débouche par le défilé d'où je suis arrivé. Un profond capuchon dissimule ses traits et elle ne semble pas porter d'arme, mais je reste tout de même sur mes gardes, m'aurait-elle suivi?! Elle s'approche d'un pas fluide, s'arrête à une dizaine de mètres de moi en paraissant me dévisager avant de s'adresser à moi d'un ton dur et indubitablement féminin:

"Laisse ce lieu en paix, pillard. Je ne te le dirai qu'une fois. Retourne sur tes pas."

"Pillard? Tu te méprends, je ne suis pas venu te voler tes statues. Qui es-tu? Que fais-tu ici?"

"Je protège ce lieu des voleurs et des menteurs dans ton genre. Vas t'en!"

Je la fixe sans aménité, domptant la colère qui m'envahit à ces mots injustifiés:

"Garde-toi de m'insulter encore, qui que tu sois. Ce n'est pas moi qui dissimule mon visage, entre nous deux, femme."

L'être abaisse sa capuche d'un geste vif, dévoilant un visage incontestablement Elfique, à la peau d'un bleu très pâle. Une Earionne...probablement âgé d'après la profondeur de son regard d'un cyan si foncé qu'il en est presque noir. Son visage est très fin, presque trop, comme si elle mangeait rarement à sa faim, sa chevelure couleur de cobalt est longue, pleine de noeuds, mais elle n'en est pas moins belle et dégage une impression de force surprenante.

"Qui es-tu, si tu n'es pas un pillard? Que fais-tu ici?"

Je rengaine ma lame, ne sentant pas vraiment d'agressivité dans sa posture ou ses yeux, avant de lui répondre:

"Je me nomme Tanaëth Ithil. Je suis un Danseur d'Opale, un guerrier de Sithi. Je cherche des fauves rares et légendaires, des Silnogures...un vieil ermite m'a indiqué ce chemin. Enfin, plus ou moins. Et toi, qui es-tu, et que fais-tu en ces lieux désolés?

"Je m'appelle Alayä. Je...vis ici. Je veille sur ce lieu."

Je hausse un sourcil un peu incrédule en remarquant:

"Eh bien, tu ne dois pas voir souvent du monde...j'ai bien failli ne jamais parvenir jusque là et pourtant j'ai le pied sûr. Comment trouves-tu à manger ici? Je n'ai pas vu un seul animal et rien ne pousse avec toute cette glace!"

"Cela n'a pas d'importance. Quelqu'un doit veiller sur ce sanctuaire et je...je suis la dernière."

Je la dévisage plus intensément, j'ai perçu une douloureuse amertume teintée de tristesse dans sa réponse mais je n'en comprend pas la raison. Pas plus que je ne comprends ce qui l'oblige à rester ici.

"La dernière? Que veux-tu dire? De quel sanctuaire parles-tu, je ne vois qu'une statue, ou une fresque...je ne comprends pas."

"C'est une longue et triste histoire. Retourne sur tes pas, guerrier de Sithi, il n'y a rien pour toi ici, hormis la mort."

"Cela, Alayä, c'est à moi d'en juger. Raconte-moi cette histoire, veux-tu?"

"A quoi bon?"

"Je ne sais pas. Parfois de longues et tristes histoires se finissent bien."

L'Earionne me fixe d'un air dubitatif, mais elle finit par m'inviter à la suivre d'un signe de la main et retourne sur ses pas, m'entraînant jusqu'à l'entrée du défilé. Après y avoir pénétré sur une trentaine de mètres, elle s'approche de la paroi gauche et pousse sur un pan de roche qui, à ma profonde stupéfaction s'écarte sans un bruit, dévoilant un obscur passage souterrain parfaitement rectangulaire. Ma guide, avisant mon air effaré, m'explique alors:

"Ce sont les Thorkins qui ont creusé ces souterrains, ils avaient une petite colonie ici, il y a très longtemps. Longtemps après leur départ, des prêtres de Moura ont trouvé ce lieu et y ont fondé un temple."

A son invitation j'entre dans la galerie juste assez haute pour que je me tienne debout, l'Elfe bleue referme la porte derrière nous et je me rends compte alors que l'obscurité n'est pas totale. Une faible lueur devant nous fournit juste assez de lumière pour que nous puissions avancer sans risque de nous cogner, ce qui serait en fait assez difficile tant la galerie est uniformément taillée, large d'un bon mètre pour le double de hauteur. Une vingtaine de pas et deux coudes plus tard, nous parvenons dans une petite salle approximativement ronde d'une douzaine de mètre de diamètre dont le plafond culmine maintenant à près de deux fois ma taille. Deux portes de bois, fermées, percent les parois, une grande cheminée dans laquelle brûle un maigre feu se trouve entre les deux et deux torches brûlent également, fixées à des appliques de fer scellées dans les murs. Une grande table entourée de huit chaises trône près de l'âtre, deux gros coffres, un tonneau et un lit sur lequel sont empilées plusieurs épaisses fourrures complètent l'ameublement sommaire du lieu. L'Earionne me fait signe de m'asseoir, allant pour sa part chercher une casserole dans l'un des coffres et puisant ensuite de l'eau dans le tonneau avant de la mettre à chauffer sur le feu. Comme elle fouille apparemment en quête de thé ou d'herbes à y faire infuser, et que je suppose que c'est pour elle une denrée des plus précieuse, je sors de mon sac le petit sac de tisane que m'ont donné les villageois quelques jours plus tôt et le lui tend. Elle le prend en me remerciant d'un signe de tête et en hume le contenu, l'odeur florale doit lui plaire car je la vois alors esquisser un pauvre sourire, le premier que je vois sur son visage émacié.

Un peu plus tard, attablés devant un thé fumant et quelques provisions sorties de mes affaires, je l'observe discrètement savourer le breuvage et le pain de seigle qui date pourtant déjà de bien des jours. Diverses expressions se bousculent sur le visage de l'Elfe, son regard est si brillant à la lueur des torches que je réalise qu'elle a les larmes aux yeux de retrouver des saveurs sans doute oubliées depuis longtemps. Ému malgré moi, je détourne le regard afin de ne pas risquer de la gêner, la laissant longuement savourer ce plaisir simple avant de lui demander doucement:

"Raconte-moi, Alayä..."


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Jeu 5 Jan 2017 16:10 
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"Autrefois, au centre du cirque rocheux, se trouvait un petit lac qui, l'été, étincelait comme une turquoise sertie dans la montagne. Une rivière s'en écoulait, elle cascadait dans le défilé que nous avons emprunté et dévalait le massif jusqu'à disparaître dans le sol au pied des monts. A l'endroit où elle s'enfonçait sous terre, un petit village existait, réputé pour ses teinturiers qui savaient donner à la soie une couleur nacrée unique et magnifique, que le temps n'altérait pas. Un jour, un teinturier maladroit renversa une cuve de sa teinture dans la rivière, quelques jours plus tard les prêtres du temple de Moura eurent la surprise de voir l'eau de leur source sacrée colorée de mille reflets nacrés, et ils en cherchèrent la raison. Ils finirent par apprendre l'histoire du teinturier et comprirent alors que la rivière qui disparaissait sous terre près du village était la même que celle qui rejaillissait dans leur temple. Comme cette eau était considérée comme sacrée, certains d'entre eux se mirent en quête de la source originelle, ils remontèrent le cours d'eau durant de longs jours et, non sans péril, finirent par arriver ici-même. Il y avait une source au pied de la falaise, qui donnait naissance au petit lac dont je t'ai parlé.

Certains de ces prêtres décidèrent de rester ici et de créer un sanctuaire près de cette résurgence cachée qui, ignorée de tous, était la véritable source sacrée de l'eau qui alimentait les bassins de leur temple et le lac Nostyla. Ils découvrirent les souterrains creusés longtemps auparavant par les Thorkins et les utilisèrent comme refuge, découvrant ainsi une partie du cours souterrain de la rivière qui jaillissait dans le cirque rocheux. Dans la salle où elle apparaissait, ils sculptèrent la roche pendant des siècles et en firent un lieu merveilleux dédié à Moura, secret et hautement sacré car, pour eux, il représentait les mystères que la Déesse ne dévoile qu'à ses plus fidèles adeptes. Ils sculptèrent aussi la roche autour de la source proprement dite, c'est une partie de cette fresque que tu as aperçue. Le temps passa, une petite communauté s'enracina ici et y vécu religieusement pendant des siècles, comptant jusqu'à une vingtaine de personnes et accueillant des pèlerins et des fidèles en quête d'une retraite liée à leur Déesse.

Une nuit, voilà une trentaine d'années, un gigantesque pan de la montagne s'effondra et coupa le seul chemin qui permettait d'accéder jusqu'ici. Plusieurs membres de la communauté tentèrent de franchir le chaos qui remplaçait désormais le passage, mais ils périrent tous et nul pèlerin ne vint plus, le sanctuaire était désormais coupé du monde et livré à lui-même. Quelques jours après l'effondrement, une nouvelle calamité nous frappa, une terrifiante créature apparut dans le coeur même du sanctuaire, elle massacra la plupart des membres de la communauté et, pire, lança une malédiction sur la source, la figeant à jamais dans un étau de glace. Certains tentèrent alors de la combattre, d'autres essayèrent d'aller chercher de l'aide, mais ils moururent les uns après les autres, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que moi. Faute de pouvoir m'en aller, j'ai prié chaque jour la Déesse de purifier ce lieu sacré, en prenant ma vie s'il le fallait, mais les années ont passé et nul miracle ne s'est manifesté. Je m'étais résignée à finir ma vie seule ici, et puis je t'ai vu arriver dans le défilé, tu es le premier être à parvenir ici depuis trente ans, si l'on excepte quelques animaux. J'ai d'abord pensé que tu venais piller notre temple, comme tu le sais, mais...j'ai vu au fond de tes yeux que tu ne mentais pas. La suite tu la connais."

Captivé par le récit de l'Earionne, je réalise soudain qu'elle a finit de parler et que je la dévisage depuis de longues secondes comme le dernier des cuistres! Je détourne vivement les yeux et finis mon thé maintenant à peine tiède pour me redonner une contenance, puis je lui demande pensivement:

"Il y a une trentaine d'années que cet effondrement s'est produit, dis-tu...c'est étrange...j'ai entendu dire qu'un groupe de chasseurs était venu dans la région à cette époque, cela te dit-il quelque chose? Et cette créature que tu évoques, sais-tu à quoi elle ressemble?"

L'Elfe frissonne en répondant tout d'abord à ma dernière interrogation:

"A un monstrueux serpent croisé avec un humanoïde...la partie postérieure de son corps est celle d'un serpent, mais elle possède deux bras pourvus de mains prolongées de terrifiantes griffes et un torse d'homme, bien qu'il soit recouvert d'écailles. Sa tête évoque celle d'un lézard, elle est surmontée de deux grandes excroissances en forme de nageoires. Elle est extrêmement rapide et dangereuse, certains de mes compagnons étaient de bons combattants mais pas un n'a eu la moindre chance face à ce monstre."

(Un naga pourpre), s'exclame soudain Syndalywë!

(Ah? C'est quoi au juste?)

(Une créature très rare et puissante créée par Sisstar, la palfrenière dragonnique d'Oaxaca...l'une des treize...)

(Chouette...enfin, j'avais l'intention de la faire saigner du nez, je peux bien commencer par étriper un de ses reptiles.)

(Oui, enfin fais en sorte que ce ne soit pas l'inverse, je te l'ai dit c'est une créature vraiment redoutable.)

L'Earionne poursuit cependant sa réponse alors que je converse avec ma Faëra, et ses mots attirent toute mon attention:

"Je me souviens de ce groupe de chasseurs, en effet. Ils cherchaient la même chose que toi et ne se sont guère montrés respectueux de notre sanctuaire. Ils n'ont pas tenu compte des avertissements de notre prêtre supérieur et ont escaladé la falaise au-dessus de la source. C'est la nuit suivant leur départ que l'éboulement s'est produit..."

"De quoi votre supérieur les a-t'il avertis? Sais-tu quelque chose sur ces fauves qu'ils recherchaient, et que je recherche également?"

"Je sais que ce sont des êtres sacrés et d'une extrême rareté. Ils sont...protégés. Notre supérieur les a prévenus qu'ils mourraient tous s'ils poursuivaient leur folie, mais ils n'ont pas écouté. Je suppose qu'ils sont morts dans l'effondrement de la montagne."

"L'un d'eux a survécu, mais il avait perdu la raison. Il parlait de griffes et de crocs m'a-t'on dit, et tremblait de frayeur en l'évoquant...Tu parles de protection, est-ce vous qui les protégiez, par le secret?"

L'Elfe bleue me scrute longuement en silence, puis elle secoue lentement la tête en signe de négation:

"Je ne peux rien te dire de plus, Tanaëth."

"Tu ne peux pas, ou tu ne veux pas?"

"C'est pareil. Je te l'ai dit, ils sont protégés, renonce ou tu finiras comme les précédents."

Je la fixe longuement au fond des yeux, réfléchissant à ce que je viens d'entendre. Je suis désormais certain qu'elle en sait bien plus qu'elle ne le dit, je suis persuadé qu'elle est au courant de l'existence des Thithilartëa et sait où ils se cachent. Mais comment la convaincre de me révéler son secret? Je souris légèrement, je crois que je sais...

"Dis-moi Alayä, si je tuais cette créature, ce serpent humanoïde qui a porté atteinte à votre sanctuaire...m'apprendrais-tu ce que j'ai besoin de savoir?"

"Pourquoi recherches-tu ces fauves, guerrier de Sithi? Pour en faire un trophée? Un chien à ta botte?"

"Pour en faire un compagnon, un frère d'armes si je peux m'exprimer ainsi. Certaines légendes de mon peuple doivent reprendre vie, nous devons sortir de notre isolement et nous battre pour préserver ce monde, non parce qu'il nous appartient mais parce que nous en faisons partie. Les Thithilartëa sont devenus un mythe mais, jadis, ils étaient des symboles puissants, un lien entre les Sindeldi et leur Mère, leurs racines les plus profondes. Nous avons besoin de retrouver nos origines, Alayä, de nous souvenir que nous sommes des êtres libres, fiers et dignes. Un Ithilartëa est le symbole de cela, il est temps que l'un d'eux reprenne place parmi nous."

L'Earionne me dévisage une nouvelle fois avec intensité, cherchant visiblement à lire en moi, puis elle finit par soupirer:

"Je te l'ai dit, ils sont protégés, et pas seulement par moi. Te révéler ce que je sais te mènerait certainement à ta perte, guerrier. Mais je rêve depuis trop longtemps que ce monstre qui hante notre sanctuaire soit abattu. Je ne crois pas que tu y parviendras, mais c'est ta vie après tout, alors soit. Si tu libères ce sanctuaire de sa malédiction, je te dirai comment trouver les Silnogures."

"Merci, Alayä. Je vais me reposer deux ou trois heures afin d'être au mieux de ma forme, ensuite tu me conduiras à cette créature et je l'affronterai. Cela te convient-il?"

L'Elfe acquiesce lentement mais il n'y a guère d'espoir dans son regard, juste une profonde, très profonde, tristesse.


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 7 Jan 2017 05:13 
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La prêtresse de Moura ouvre la porte située à la droite de la cheminée et m'entraîne dans une incroyable succession de couloirs et d'escaliers, nous passons devant plusieurs autres portes de bois fermées mais elle ne s'arrête pas ni ne m'explique ce qui se trouve derrière. Le lieu glacial exsude une sensation d'abandon poignante, bien que fort peu de poussière se soit déposée au sol. Seule la torche qu'a emportée Alayä éclaire notre progression qui finit par nous mener jusqu'à un huis bien différent de tous les autres. Le battant est constitué, ou revêtu, d'un métal étrange que je n'ai jamais vu, au sein duquel de l'eau semble se déplacer lentement comme au gré de courants marins. Ma guide m'apprend qu'il s'agit d'Ondrya, du métal élémentaire d'eau très rare et précieux, et que seule une fine couche recouvre l'acier qui compose la majeure partie de la porte. L'Elfe extirpe une clé de sa toge et me désigne l'huis du menton:

"Derrière cette porte il y a un couloir d'une vingtaine de mètres qui t'amènera dans le sanctuaire où prenait naissance la rivière, autrefois. Tout y est gelé, maintenant. Outre le sanctuaire, il y a trois autres salles, auxquelles on accède par un passage situé derrière la plus grande des statues de Moura. La première servait de dépôt pour les offrandes, la deuxième servait à ranger les tenues et le matériel de cérémonie. Quant à la troisième, j'ignore ce qui s'y trouve car je n'y suis jamais entrée, seul notre supérieur en possédait la clé et s'y rendait parfois, rarement. Je refermerai derrière toi. Si tu réussis, la rivière coulera à nouveau et tu pourras la suivre pour sortir. Que Moura te donne force et courage, Tanaëth Ithil."

J'incline le visage pour remercier l'Earionne de cette bénédiction et dégaine mes deux lames les plus puissantes, l'Ardente et la Vorpale, puis je modèle mon Ki de façon à améliorer au maximum ma maîtrise d'armes avant de lui faire signe que je suis prêt. L'Elfe insère la clé dans la serrure prévue à cet effet et la fait tourner, entrouvrant le battant afin que je puisse m'y faufiler, ce que je fais sans attendre afin qu'elle puisse le refermer au plus vite. L'imposante flamme de ma lame éclaire vivement les lieux, un simple couloir de pierre recouvert de givre que je parcours en silence, prêt à déchaîner une tempête d'acier et de Ki au moindre signe de présence. Je parviens rapidement au sanctuaire proprement dit, un vaste caverne approximativement rectangulaire d'une trentaine de mètres de large pour près du double de longueur dont la plafond parcouru de failles béantes culmine à une hauteur de trois ou quatre étages selon les endroits. Le sol est recouvert d'une épaisse couche de glace, de même qu'une partie des murs, et quatre statues de la Déesse marine ornent le lieu, ouvragées avec un tel art qu'elles semblent vivantes à la lueur vacillante de ma flamboyante. D'autres fresques se devinent sous la glace mais je ne leur prête guère attention, une créature meurtrière rôde ici et je ne tiens pas à lui laisser l'opportunité de me surprendre alors que je contemple des bas-reliefs...

Je m'approche de la plus grande des quatre statues, lieu où je devrais trouver le passage pour les salles suivantes selon les indications de la prêtresse. Je la contourne prudemment, tous les sens aux aguets, et me fige en découvrant qu'un mur de glace obture totalement le couloir menant aux autres chambres. Je me retourne vivement, nerveux, la créature doit donc se trouver dans cette salle, mais où?!

La glace se trouvant derrière moi explose soudain avec une violence inouïe, une masse énorme me percute brutalement dans le dos et m'envoie valdinguer au centre de la salle, où je glisse encore sur une dizaine de mètres avant de m'immobiliser, sonné! J'aperçois du coin de l'oeil un mouvement si rapide que je crois l'avoir rêvé, le temps d'entamer le geste de me relever c'est un autre coup qui me heurte et me projette cruellement contre la paroi la plus proche! Le choc a été si puissant cette fois que j'en ai le souffle coupé et une sévère douleur dans la poitrine, que je suppose due à quelques côtes fissurées au vu de la souffrance qui me taraude lorsque je tente de prendre une ample inspiration! D'un rude effort de volonté, je relègue la douleur au rang d'information et me redresse hargneusement, juste à temps pour apercevoir le monstrueux reptile qui sinue vers moi à toute allure!

Il est tel que la prêtresse me l'a décrit, un colossal serpent à buste d'homme-lézard pourvu de deux bras terminés par des griffes plus tranchantes qu'il n'est permis! Deux espèces d'oreilles aux allures de nageoires surmontent son crâne évoquant celui d'un cobra, mais par Sithi je ne l'imaginais pas aussi rapide! Il se dresse déjà devant moi et me porte une attaque vicieuse de sa patte droite, cherchant visiblement à m'éventrer! Je pare sèchement de ma Vorpale, réalisant tardivement que son coup n'était qu'une feinte destinée à m'obliger à ouvrir ma garde! Plutôt que de tenter une deuxième parade très hasardeuse, je bondis sur lui afin que l'allonge de son autre bras le desserve et empêche ses griffes de me toucher. La créature est surprise par mon geste et je la percute de toute ma masse, épaule en avant! J'ai un peu l'impression de heurter un mur et, à défaut de parvenir à le bousculer, c'est moi qui repart aussi sec en arrière! Il doit peser trois ou quatre fois mon poids en armure, au bas mot! Sa queue siffle dans les airs comme un fouet géant, à ras le sol, et me balaye comme une poupée de son! Je parviens néanmoins à amortir ma chute et à rouler très provisoirement hors d'atteinte, profondément ébranlé par l'aisance avec laquelle la bête vient de m'asséner cette série de coups!

Le Naga Pourpre n'entend pas me laisser le temps de me reprendre, il glisse à nouveau vers moi avec une rapidité effarante et la ferme intention de m'empaler sur ses griffes! Miséricordieuse Sithi! Je réagis à l'instinct, déployant une débauche de Ki que je modèle de façon à porter une attaque féroce de mon Ardente sur la main qu'il brandit un peu imprudemment vers moi! Le coup est précis et brutal, fracassant écailles, os et chairs dans un craquement jouissif qui me révèle que la créature n'est pas prête de se servir à nouveau de cette patte! Elle siffle rageusement de colère et de douleur tandis que ma Vorpale décrit un arc de cercle remontant destiné à le frapper à l'aisselle, mais une vague de froid surnaturel s'abat sur moi avant que je n'aie pu l'atteindre. Elle me ralentit juste assez pour que le maudit esquive ma deuxième attaque et m'en porte une à son tour de sa main intacte qui fuse droit vers mon visage! Je m'abaisse vivement et évite son coup de griffes mais je n'ai pas vu venir sa queue qui me fauche vicieusement et me fait choir brutalement sur le sol verglacé!

Le damné profite éhontément de ma position désastreuse pour enchaîner et tente alors de me clouer au sol de ses rasoirs malsains, que je n'ai aucune chance de parvenir à parer. Sentant de la pointe du pied un rocher qui dépasse de la glace, j'y insuffle une puissante poussée et glisse sur le sol verglacé, ce qui me permet d'esquiver de justesse les griffes meurtrières qui se plantent dans le sol juste entre mes deux jambes! Je riposte en fauchant sauvagement les airs de ma lame d'Adamantite, un geste circulaire à hauteur de genou qui manque un peu de force compte tenu de ma posture mais qui contraint le reptile à s'écarter précipitamment. Je roule sur moi-même pour accroître la distance avec mon adversaire et me relève en grognant de douleur, mes côtes malmenées se rappelant à mon bon souvenir. J'ai le souffle court et je ne parviens pas à récupérer vraiment, mais je n'ai pas le temps de sortir ma gourde et de boire une potion, l'abject ne me lâche pas et fond déjà sur moi. Je me remets vivement en garde et gronde entre mes dents serrées:

"Tu finiras peut-être par m'avoir, charogne, mais avant ça, je te promets un bal d'enfer!"

Le Naga se sent-il défié par mes mots, je n'en sais rien mais il se redresse de toute sa taille, culminant à près de trois mètres, et déclenche soudain une véritable tempête de grêle autour de moi! Surpris, je me protège instinctivement le visage de mes bras et bondis en arrière, juste à temps pour esquiver ses tranchoirs qui déchirent l'air encombré de glaçons gros comme des oeufs de pigeon à un cheveu de ma poitrine. A moitié aveuglé, je riposte d'une puissante taillade enflammée à hauteur de taille, sans parvenir à le toucher mais cela a quand même l'avantage de l'obliger à conserver ses distances. Le monstre se ramasse sur lui-même pour esquiver mon attaque et se détend subitement, prenant appui sur sa queue pour accélérer son assaut! Je n'ai que le temps de contracter tous mes muscles pour encaisser de mon mieux le choc phénoménal qui s'ensuit, mais je n'en traverse pas moins la moitié de la salle dans sa largeur avant de m'encastrer dans une paroi, si violemment que cela déclenche une averse de plaques de glace qui la recouvraient! Un voile noir passe brièvement devant mes yeux sous la puissance de l'impact, je me sens à deux doigts de sombrer dans l'inconscience mais un hurlement mental de ma Faëra chasse les brumes de mon esprit et je me contraint à me relever tant bien que mal et à faire front une fois encore.

Un bref regard circulaire m'apprend que la créature m'a piégé dans un angle de la salle, elle m'approche de biais cette fois, son long corps sinueux m'interdisant toute fuite. Sa queue interminable cingle une nouvelle fois les airs à toute allure pour m'aplatir contre le roc, fouet géant bardé de dures écailles que je n'ai pas la moindre chance de parvenir à esquiver. Je puise sans retenue dans mon Ki et le façonne de manière à porter un colossal coup de taille de ma Vorpale sur l'appendice qui s'abat sur moi, une technique plus digne d'un bûcheron que d'un maître d'armes mais qu'importe. Ma lame fracasse la livrée de la créature et fend comme du beurre la chair qui se trouve en-dessous, le Naga Pourpre crisse de douleur au choc dément qui lui tranche à moitié la queue mais je n'en prends pas moins son attaque de plein fouet, c'est le cas de le dire! Je vole à reculons, pas longtemps car le rocher peu complaisant se trouve juste derrière moi et interrompt brutalement le mouvement. C'est mon épaule gauche qui trinque, mon armure ne cède pas mais les os qui se trouvent en-dessous n'ont pas la même résistance et c'est à mon tour de hurler de souffrance lorsque je les sens se briser en moi. Mes doigts privés de force laissent échapper ma lame ardente qui tinte lugubrement en heurtant le sol, inutile.

Le monstre désormais enragé fond sur moi et tente de me gifler de sa patte valide, je n'y échappe que parce que mes jambes refusent de me soutenir et que je m'effondre devant lui. Ma tête heurte rudement une protubérance de la paroi, que je reconnais malgré mon état second comme étant le pied de l'une des statues de Moura. Je remarque aussi avec une étrange acuité qu'elle n'a pas été taillée dans la paroi mais posée devant, contrairement à ce que j'imaginais. Les griffes du monstre choisissent cet instant pour s'insinuer machiavéliquement entre les plaques de mes jambières et me lacérer profondément la jambe droite, me soutirant un nouveau glapissement de douleur. Je prends conscience à cet instant que je vais mourir là, dans cette tombe glacée, mais j'accueille cette pensée avec un détachement qui en dit long sur mon état. Pourtant, l'interstice entre la statue et le mur attire mon regard et, n'ayant plus rien à perdre, j'y insère ma flamboyante le plus haut possible et projette tout mon poids sur la poignée avec l’énergie du désespoir afin de faire levier. Avec une lenteur insoutenable, la lourde statue oscille, puis bascule pesamment! La créature, aveuglée par sa rage, ne réalise pas le danger et s'acharne sur ma jambe blessée, comprenant trop tard ma manoeuvre pour pouvoir éviter le bloc de pierre. Moura s'abat sur le corps du Naga dans un fracas de fin du monde, j'exulte en voyant ses chairs être compressées puis écrasées par la masse, puis je frémis lorsque la tête de la statue se brise en heurtant le sol...

Le reptile semble soudain pris de folie, son long corps est agité de violents soubresauts alors qu'il tente de se libérer avec une telle virulence que je crains fort qu'il y parvienne! Serrant les dents et bandant toute ma volonté, je parviens à me relever vaille que vaille en évitant les gestes désordonnés de la créature et à saisir l'une de mes gourdes pour y boire coup sur coup deux grandes potions de soin. Je sens avec un indicible soulagement mon corps se reconstituer partiellement, assez en tout cas pour être en mesure de tenter quelque chose. La bête est sur le point de se libérer, elle est gravement blessée mais pas encore mourante à voir l'énergie qui l'anime encore, il faut que j'en finisse maintenant! Je ramasse ma lame tombée au sol puis rassemble ce qui me reste de force intérieure et supplie avec ferveur la Déesse du vent de me prêter sa force. Il faut que je parvienne à atteindre le torse ou la tête de la créature sans me faire balayer par les saccades du monstre en l'approchant. Puisant au-delà du raisonnable dans mon Ki, j'allie la technique de la Croix de Rana à celle me permettant un coup surpuissant, je n'aurais sans doute droit qu'à une tentative et il faut qu'elle soit...percutante. Lorsque je sens les pulsations argentées de ma force spirituelle atteindre leur point culminant et la forme adéquate, je bondis comme une sauterelle en prenant appui sur la paroi derrière moi pour me propulser dans les airs et franchir le barrage mouvant du corps du reptile. J'atterris sur ce qui lui sert de ventre en hurlant et y plante mes deux armes de toutes mes forces! Elles se fichent profondément dans le corps du Naga, mais cela ne le tue pas et il se débat de plus belle, parvenant cette fois à se dégager!

Sans cesser de hurler ni tenir compte de la souffrance qui irradie en moi, je verrouille mes jambes autour du serpent et m'agrippe comme un damné à mes armes alors qu'il roule sauvagement sur lui même en ondulant puissamment pour me déloger! Ses pattes me martèlent follement et je rentre la tête dans les épaules pour éviter de me faire décapiter, sentant à plusieurs reprises ses griffes entailler ma peau, mais je sais que si je le lâche je suis mort et je tiens bon. Enlacés comme des amants maudits, nous roulons dans la salle et nous cognons cent fois contre les murs ou le sol, je sens mes lames fouailler sa chair et ses rasoirs la mienne, le temps semble s'étirer à l'infini et, inéluctablement, mes ultimes forces se consument dans cette lutte insensée. J'ignore totalement combien de temps s'est écoulé depuis que je lui ai sauté dessus, il me semble que c'était il y a des heures, ma chevelure s'est embrasée au contact de mon Ardente à un moment donné et j'ai senti la chair de mon crâne se racornir sous la chaleur, mais j'ai dû ensuite passer sous la bête et entrer en contact avec la glace car l'incendie s'est bienheureusement éteint. Mes forces m'abandonnent avec la soudaineté d'un château de sable qui s'effondre sous la marée et je suis rudement éjecté au loin, jusqu'à heurter une paroi au terme d'une longue glissade sur le sol gelé. Je suis vidé, si épuisé que je reste simplement là, le visage plaqué à la glace, incapable de faire le moindre geste. Ma poitrine se soulève comme un soufflet de forge pris de démence, mon corps n'est qu'une plaie et des vagues écarlates de souffrance submergent mon âme, je suis en train de mourir et je le sais. Je me sens partir, lentement, inexorablement, mon corps est brisé et mon esprit n'aspire plus qu'à la paix et au silence.

(TANAETH!!! NOOOOOONNNN! PENSE A SITHI! A ETHELL!)

Le hurlement de Syndalywë transperce les brumes de la douleur comme une lance chauffée au rouge, mais je n'ai plus la moindre force, plus la moindre envie de lutter. Je sens vaguement que quelque chose me secoue, mais je n'ai même plus la présence d'esprit de me demander qui, ou quoi. J'ai les yeux ouverts mais je ne vois rien, rien que des ténèbres. Des ténèbres et une sarabande infernale de visages flous qui ne me disent rien.

(IL VA TE BOUFFER! TANAETH!!! DÉFENDS-TOI!!!)

Bouffer? Qui? Quoi? Sithi? Ethell? Elles mangent quoi? Que mange Sithi? Sithi...Son visage. Son odeur, la caresse de sa chevelure sur ma peau. La fermeté de son corps contre le mien. Son regard plongé dans le mien, qui sait tout, absolument tout de moi. Sithi...Ullumë au Oialë. Pour toujours et à jamais.

"Si les devoirs d'une mère sont infinis, le seul devoir d'un enfant est de vivre, Tanaëth."

Ullume au Oialë, je t'en ai fais le serment, Bien-Aimée.

Un hoquet soulève brutalement ma poitrine, l'air entre à flot dans mes poumons et soudain je le vois. A quelques dizaines de centimètres de mon visage. Le Naga Pourpre, sa gueule ouverte sur ses crocs recourbés et jaunâtres. Ma main tâtonne, saisit un objet oblong qui semble fait pour elle. Elle l'extirpe de sa gangue, l'amène à portée de mon regard brouillé: ma dague. La gueule du Naga s'approche, je hurle et je lui plonge la courte lame noire dans la gorge, y enfonçant mon bras jusqu'au coude avec une force dont je ne sais vraiment pas d'où elle vient. Le serpent pousse un sorte de chuintement qui me déchire les tympans, puis il s'effondre à moitié sur moi, mort. Un rire fou, rauque, déchiré, s'échappe de mes lèvres. Je roule sur le côté en gémissant, retirant mon bras de la gueule du monstre, puis je trouve ma gourde en tâtonnant. Je la porte à mes lèvres, j'avale avidement deux potions de soin divines et je sombre.

Sithi. Ma vie t'appartient, et ma mort aussi.


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Dim 15 Jan 2017 21:36, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 7 Jan 2017 19:23 
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J'émerge, je ne sais combien de temps plus tard, dans une atmosphère enfumée aux relents de chair carbonisée qui me fait salement tousser. Je remue précautionneusement mes membres et constate avec soulagement que les fioles ont fait effet, mes os brisés se sont miraculeusement ressoudés et mes plaies se sont refermées. Il n'empêche que j'ai mal partout et que je me sens plus courbaturé que je n'ai souvenir de l'avoir jamais été. Je me relève en réprimant un pitoyable gémissement et découvre une scène qui me donne des haut-le-coeur: le Naga s'est en partie consumé, du fait de ma lame ardente qui a dû rester fichée dans ses tripes après le combat. A l'odeur de chair brûlée s'ajoute un déplaisant fumet d'entrailles déversées qui achève de me donner la nausée, si bien que je me détourne du spectacle pour vomir tout ce que j'ai dans l'estomac. Au bout d'un moment la nausée se calme et, alors que je repose les yeux sur le spectacle désolant, je commence enfin à me demander comment je vais sortir d'ici. Je récupère et nettoie mes lames avant toute chose, non sans dégoût lorsque je dois extirper ma dague profondément plantée au fond de la gorge du serpent, puis je me mets en demeure de trouver une sortie. La prêtresse m'a dit que la rivière devrait se remettre à couler à la mort du monstre et que cela me fournirait un moyen de quitter ce lieu, mais je ne vois aucun changement dans la glace qui m'entoure, pas le moindre signe de fonte en tout cas.

Songeur, je rengaine ma lame ardente afin de plonger le lieu dans l'obscurité, s'il y a une sortie quelque part la lumière du jour pourrait franchir une bonne épaisseur de glace et m'indiquer la voie à suivre. Mais de lueur je n'en vois aucune, il fait si totalement nuit que je ne distingue simplement plus rien malgré ma nyctalopie. Je demande à ma Faëra de faire luire le pendentif dans lequel elle aime à se lover et, grâce à la pâle lueur lunaire ainsi produite, je décide d'aller voir ces autres pièces dont Alayä m'a parlé. Je franchis le mur de glace explosé par le Naga et pénètre dans un étroit couloir percé de trois portes de bois défoncées par le monstre, une de chaque côté et la dernière au fond de la galerie. Les deux premières pièces sont envahies d'un chaos d'objets brisés et de vêtements ou de tissus déchirés et souillés, leurs murs de pierre nue m'apprennent sans le moindre doute qu'il n'y a aucune sortie par là, à moins qu'il ne s'agisse d'un passage secret soigneusement dissimulé. Je distingue bien quelques objets encore intacts, quelques bijoux entre autres, mais je ne m'y intéresse pas, n'étant pas venu en ce sanctuaire pour le piller. La troisième pièce n'est qu'une toute petite chambre circulaire de quelques quatre mètres de diamètre mais, détail intéressant, une partie de la paroi a été soigneusement maçonnée à l'aide de gros blocs de pierre et une espèce de levier en métal jaillit d'une encoche dans le mur. Je m'en approche et tente de voir s'il pourrait ouvrir un passage, mais je ne vois rien qui pourrait le laisser penser. Comme je n'ai aucune envie de rester enfermé plus longtemps dans ce sanctuaire et que je n'ai pas découvert la moindre esquisse de sortie, je me risque à peser sur le levier afin de découvrir à quoi il sert. Il n'a visiblement pas été utilisé depuis bien longtemps car il ne bouge pas d'un iota, mais quelques rudes coups de pied finissent par le débloquer et je parviens à l'abaisser. A mon grand dam, rien ne se passe. Je finis par soupirer et retourner dans la salle principale, il doit bien y avoir un passage bon sang!

Un inquiétant craquement retentit soudain, mes lames jaillissent de leurs fourreaux et je me mets instinctivement en position défensive en jetant des coups d'oeil nerveux alentour. Rien, si ce n'est un autre craquement qui semble provenir d'une paroi de glace située entre deux des statues de Moura. Je m'en approche et l'ausculte attentivement lorsque, subitement, la paroi explose littéralement! Il en jaillit une masse d'eau conséquente qui m'emporte comme une vague de fond et m'entraîne sens dessus-dessous jusqu'à l'extrémité opposée de la longue salle! Toussant et crachant, je parviens à me relever et constate avec inquiétude que l'eau monte à toute allure dans la salle, bons dieux j'espère qu'il y a une échappatoire pour toute cette flotte parce que sinon je suis mal! Nager en armure dans de l'eau glaciale est un exercice auquel je ne suis pas pressé de me livrer...Mais les dieux sont sourds à mes prières et le niveau de l'eau ne cesse d'augmenter, m'arrivant bientôt à la taille! Inquiet, je me dirige vivement vers l'une des statues de Moura et, pardonne-moi Déesse, l'escalade fébrilement afin de me mettre hors de portée des flots, provisoirement au moins. Inexorable, la montée de l'eau se poursuit, remplissant peu à peu la salle. Je grimpe le plus haut possible mais le liquide ne tarde guère à me rejoindre, je commence sérieusement à craindre de finir noyé dans cette caverne sans issue! Il arrive un moment où je n'ai plus que la tête qui dépasse de l'eau, je suis à moitié congelé et je rage de ce destin funeste qui m'attend, agrippé que je suis à une effigie de la Déesse marine!

Mais soudain un autre craquement retentissant se fait entendre et la masse liquide paisible se fait subitement torrent furieux, m'arrachant à mon perchoir en m'entraînant brutalement dans les profondeurs! Je me cogne durement à plusieurs reprises contre le rocher tandis que le flot m'emporte, je bois une bonne tasse et m'étouffe sans pouvoir reprendre mon souffle alors que tout devient obscurité et chaos aqueux autour de moi puis, aussi soudainement que cela a commencé, je me sens déposé au sol et tout se calme. Je rampe en crachant mes poumons pour m'éloigner de l'eau qui coule maintenant lentement sous moi, profonde de quelques mains seulement, et sens avec étonnement un vent froid me parcourir le visage. Relevant la tête, je constate avec stupeur que je suis sorti! Il fait nuit noire, les étoiles brillent dans les cieux et, au centre du cirque rocheux, un petit lac commence à se former, alimenté par une modeste rivière qui sort d'une grotte qui n'existait pas la dernière fois que je me suis trouvé ici! Une vanne...le levier que j'ai actionné n'était rien d'autre qu'une vanne et la pression de l'eau libérée a brisé le bouchon de glace qui obturait la source et l'entrée du sanctuaire! Néanmoins je ferais bien de me remuer si je ne veux pas finir congelé, trempé jusqu'aux os je tremble déjà de tous mes membres et un dangereux engourdissement me gagne.

Quelques minutes plus tard, je suis assis devant un bon feu et emmitouflé dans une épaisse fourrure prêtée par Alayä, qui m'a contraint à me dévêtir entièrement sans la moindre pudeur et a vigoureusement frictionné mon corps à l'aide d'un baume aux herbes odorant. Elle me glisse une tasse de thé brûlant entre les doigts, breuvage que j'avale avec reconnaissance tout en réprimant sévèrement les douleurs issues d'une féroce débattue alors que je me réchauffe lentement. L'Elfe bleue me dévisage avec intensité, un respect nouveau brille dans son regard et elle finit par murmurer:

"Je ne pensais pas que tu survivrais, guerrier de Sithi. Au nom de Moura et de tous mes compagnons disparus, je te remercie."

"Je t'en prie, Alayä. Me diras-tu maintenant comment je peux trouver les Thithilarthëa?"

"Oui, demain je te montrerai le chemin qui mène à eux si c'est ce que tu souhaites. Mais n'oublie pas ce que je t'ai dit: un Gardien veille sur eux. Il n'a jamais laissé passé personne pour ce que j'en sais."

"Eh bien, il y a un début à tout. Une fin, aussi, mais peu importe, je verrai bien."

"Repose-toi maintenant, je vais aller prier dans le sanctuaire, cela fait si longtemps..."

J'acquiesce simplement et finis mon thé avant de m'enrouler dans la fourrure pour dormir un moment, je me sens effectivement épuisé jusqu'à la moelle des os et la chaleur me plonge dans une douce torpeur à laquelle je n'ai pas la moindre volonté de résister.

Le lendemain matin, après un repas roboratif constitué d'une espèce de gruau enrichi de miel, l'Elfe me tend une chevalière de ce métal étrange nommé Ondrya dans lequel est enchâssé un petit morceau de corail taillé en forme d'étoile:

"Accepte ceci en gage de reconnaissance, guerrier de Sithi. Ce n'est pas grand chose mais, selon la légende, cet objet aurait été béni par Moura il y a fort longtemps. Il montrera aux prêtres de notre ordre que tu as rendu un grand service à notre cause et te protégera."

Je la remercie chaleureusement et passe la chevalière à l'annulaire de ma main droite, puis à l'invitation de la prêtresse je récupère mon équipement et la suis à l'extérieur. Elle m'entraîne dans le cirque rocheux, jusqu'aux abords du lac où elle s'arrête pour me faire face:

"Tu m'as dit être un Danseur d'Opale, alors j'ai encore une chose à t'offrir, une Danse que seuls connaissent ceux qui honorent Moura. Regarde."

Alayä se concentre et entame une gestuelle souple et puissante évoquant irrésistiblement le mouvement des vagues et des marées, tour à tour paisibles et colériques. Elle ondule, se dérobe, attaque et se replie vivement d'une manière qui me semble totalement imprévisible. Je reconnais dans sa technique l'usage du Ki, mais d'une manière que je ne connais pas bien qu'elle me semble assez proche de certaines danses que je maîtrise. Elle m'explique que cette danse magnifique emprunte sa force à l'océan et repose entièrement sur la fluidité de l'eau, mais qu'elle nécessite aussi que je prie Moura de m'accorder sa force pour parvenir à l'accomplir. Elle m'apprend ensuite que Moura n'est pas seulement la Déesse de l'Océan, mais aussi celle des torrents, des gouttes de pluie et même des larmes qui coulent de nos yeux, de la sueur qui coule et de l'eau que nous buvons. Elle me rend aussi attentif au lien qui existe entre les marées et la lune, me révèle que certains de mon peuple connaissent ce lien et l'honorent, bien qu'ils soient rares. Lorsqu'elle m'engage à prier sa Déesse avant d'essayer de mettre en pratique ce qu'elle vient de me montrer, je commence par demander pardon pour avoir brisé sa statue, un détail que je n'ai pas jugé utile de révéler à l'Earionne. Je la remercie pour la pluie qui fait pousser notre nourriture, pour l'eau qui nous abreuve et nous donne vie, puis je tente de reproduire cette danse superbe qu'elle m'a montré.

J'ai toujours visualisé mon Ki comme des rivières argentées parcourant mon corps, si bien que l'aspect fluide m'est familier. Je le rassemble donc sous cette forme et tente une première approche de cette technique en le modelant de manière à accroître la souplesse et la vivacité de mes gestes. Attaque, parade, esquive, mes gestes s'enchaînent parfaitement mais au sourire amusé qui ourle les lèvres d'Alayä je réalise vite que je viens de retomber dans une danse que je viens d'apprendre, celle de l'éclipse. La prêtresse m'explique alors:

"Tu te bats comme un courant d'air, Tanaëth. Tes coups sont des bourrasques vives et brusques, ils ont de la puissance mais c'est celle du vent. Tu tournoies, tu fouettes, mais tu n'ondules pas. La force de l'océan est profonde, sombre et patiente. Elle peut aussi paraître limpide et impulsive, mais sa puissance provient de son immensité, elle va puiser profondément et rien ne peut l'arrêter s'il est en colère. Visualise l'océan, guerrier de Sithi, laisse-toi emporter par sa houle..."

Je ferme les yeux et imagine la mer près de Nessima, les vagues qui s'échouent sur les plages, celles qui se fracassent sur les rocs, flux et reflux éternel qui, peu à peu se répand dans mes veines, dans mes muscles. Les prunelles toujours closes, je me laisse porter par ces sensations et effectue quelques gestes lents, rythmés par les ondulations de l'océan. Je tente de modifier légèrement la forme de mon énergie interne pour la faire correspondre à cette sensation et mes coups changent peu à peu de nature, deviennent plus souples. Pourtant je sens qu'il manque quelque chose, mes gestes ne sont que petites vaguelettes...

Je m'immobilise et, plutôt que de me concentrer sur les vagues, je plonge plus profondément en quête de leur source. Je sens mon coeur qui bat, qui propulse mon fluide vitale jusqu'aux extrémités de mon être, lentes et puissantes pulsations qui rythme ma vie. Je modèle mon Ki sur ce schéma, le rassemblant aux tréfonds de moi pour le projeter en vagues souples dans mes membres au gré de mes gestes, que je sens devenir plus puissants, plus profonds. Mais cette fois je m'enferre vite dans un rythme trop régulier, prévisible, ce qui n'est certes pas le cas de l'océan.

"C'est mieux, mais toutes les vagues ne se ressemblent pas. Paix, soudaine colère, lente marée, lame de fond furieuse qui emporte tout...deviens la mer, guerrier de Sithi...sens la force du vent qui lève la houle, celle de la lune qui engendre les marées...sens l'écueil sur lequel les vagues se brisent, les hauts-fonds sur lesquels elles s'élèvent soudainement...plonge dans leurs creux, élève-toi sur leurs crêtes, sois l'océan!"

Je commence cette fois par donner à mon Ki la forme d'une mer étale, sereine, qui me berce calmement des pieds à la tête. Puis je "souffle" mentalement dessus, faisant naître quelques vagues qui l'agitent et auxquelles je fais correspondre mes mouvements, allant toujours chercher leur source au plus profond de mon âme et de mon coeur. Lorsque je pense avoir trouvé un rythme suffisamment porteur, j'accentue l'amplitude de mes gestes soutenus par les puissantes ondulations de mon Ki, parvenant peu à peu à avoir l'intense impression d'être littéralement soutenu par une mer fortement agitée. Je sens la houle parcourir mes muscles, dicter mes mouvements, mais là encore je reste dans un schéma rapidement définissable, qui manque cruellement d'imprévu. Néanmoins j'ai l'impression d'avoir cerné une première base de cette danse et je l'entraîne longuement, habituant mon corps et mon esprit à cette perception nouvelle sous le regard attentif de la prêtresse.

Peu à peu j'insère dans ma danse des éléments nouveaux, un récif, un haut-fond, j'alterne gestes tempétueux et mouvements paisibles, avec plus ou moins de succès selon les cas. Mon énergie spirituelle parcourt maintenant mes muscles non plus comme des rivières mais comme des vagues irrégulières, de plus en plus imprévisible à mesure que je parviens à varier son intensité et sa fougue. Flux et reflux, je me laisse porter par mon instinct, avançant et reculant au gré de marées intérieures, attaquant furieusement comme une vague qui percute une falaise puis me repliant alors qu'elle s'effondre sur elle-même. Je me dresse sur les sommets de vagues géantes issues d'immensités sans le moindre obstacle, je plonge dans les creux abyssaux qui les séparent, me fracassant violemment sur une côte imaginaire avant de me replier comme marée descendante. Souvent ma concentration vacille et je reviens involontairement à des gestes aériens mais, au fil des heures, cela devient de moins en moins fréquent. L'après-midi est déjà bien entamée lorsque Alayä finit par hocher la tête en disant d'un air satisfait:

"Tu as renoué avec l'Océan, c'est bien. Moura a trouvé ton coeur, Sindel, sa force coule maintenant en toi. N'oublie pas de la remercier pour ses dons."

En nage, j'opine gravement et m'incline pour la remercier avant d'adresser une brève mais fervente prière à la Déesse de l'Eau, puis je m'essuie à l'aide d'un bout de tissu afin de ne pas attraper la mort et demande:

"Merci pour tout, Alayä. Peux-tu maintenant me montrer ce chemin vers les Silnogures? Je pense qu'il est temps que je me mette en route."

La prêtresse me désigne une faille à peine visible qui pourfend verticalement la falaise du cirque rocheux et s'incline à son tour en me répondant:

"C'est moi qui te remercie, guerrier de Sithi. Tu seras toujours le bienvenu ici. Il y a des prises taillées dans la paroi, discrètes mais suffisantes. Tu ne devrais pas avoir trop de mal à grimper. Sois prudent, je prierai Moura de veiller sur toi."

"Puisse Sithi éclairer tes pas, Alayä. A un jour prochain, j'espère."

Je lui souris une dernière fois et je me mets en route sans un regard en arrière, brûlant maintenant de découvrir ce lieu où, d'après elle, demeurent encore quelques Thithilarthëa.


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 7 Jan 2017 23:35 
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Gravir la faille, une étroite cheminée en fait, ne me pose en effet guère de problème. Les prises sont nombreuses et il est aisé de se bloquer en opposition, ce n'est au final qu'une question de force et d'endurance. Il me faut un peu plus de deux heures pour effectuer l'ascension et le crépuscule pointe déjà le bout de son nez lorsque je débouche au sommet. Je découvre alors en contrebas de ma position une vaste vallée suspendue orientée nord-sud et bordée au nord par ce qui semble être un glacier. Loin d'être une combe sommaire, la vallée est totalement chaotique, des amas de rochers colossaux la parsèment et j'entrevois plusieurs de ces formations nommée dolines, dont la moindre serait assez vaste pour y construire un petit village. Ses flancs sont tout aussi complexes, véritable entrelacs de crêtes et de canyons, le tout recouvert d'une épaisse couche de neige qui ne laisse apercevoir le roc qu'en des endroits épars. Le coeur battant d'excitation à l'idée d'être enfin arrivé à destination, je me force au calme en me souvenant de la mise en garde de la prêtresse à propos du gardien de ces lieux. Cependant, comme je n'en vois pas trace, j'entreprends de descendre d'un pas vif dans la vallée, le regard fouillant les environs à la recherche d'un Ithilarthëa ou de ce fameux gardien. Je suis en train de contourner un gros amas rocheux lorsque ma Faëra hurle soudain en mon esprit:

(Attention! En l'air!)

Je lève instinctivement les yeux et fais un grand bond paniqué sur le côté en apercevant le quartier de roc qui s'apprête à m'écraser! Je l'esquive de justesse et me plaque rapidement dos aux rochers en jurant, on ne peut donc jamais être tranquille dans ces montagnes?! 

(Il venait d'où ce truc, bon sang? Pas du sommet de cet amas en tout cas, j'aurais entendu quelque chose!)

(Je dirais qu'il a été...lancé.)

(Quoi?! Tu plaisantes? Il faisait au moins deux cents kilos ce pavé!!!)

(Je sais, mais...)

Un hurlement proprement monstrueux retenti subitement dans la vallée, se répercutant contre les rochers qui en renvoient un interminable écho. Je cille en voyant soudain une montagne se déplacer, jusqu'à ce que je réalise qu'il ne s'agit pas de rochers qui bougent mais d'une créature énorme qui en a la teinte! 

(Par les gonades de Phaïtos! C'est QUOI ce machin?!)

Il n'est pas dans mes habitudes d'être aussi grossier, mais la vue du monstre me fait sérieusement flipper, juste là! L'énormité mesure près de quatre mètres de haut, il est pourvu de gigantesques ailes membraneuses et son dos est hérissé de pics. Sa tête bestiale et cornue m'évoque celle d'un démon comme j'en ai vu sur certaines gravures, sa gueule est bardée de crocs dont le moindre ferait une dague des plus honorable et ses quatre membres puissants sont terminés de pattes griffues qui font passer celles du Naga pour une aimable plaisanterie. Je frissonne en sentant quelques gouttes de sueur glacée ruisseler lentement le long de ma colonne vertébrale et manque m'étouffer lorsque la créature pousse un nouveau hurlement à en faire cailler le sang dans les veines! J'en ai les oreilles qui sonnent...Syndalywë daigne alors me répondre d'un ton inquiet:

(C'est un Béhémoth, je crois...j'en ai entendu parler mais c'est la première fois que j'en vois un, je crois qu'il vaudrait mieux essayer de l'amadouer...)

(De...l'amadouer?! Non mais tu as vu le bestiau?! Je n'ai pas pensé à prendre une carcasse de boeuf avec moi...)

(D'après ce que j'en ai entendu c'est une créature intelligente capable de paroles.)

(Ah ouais. Génial. Je vais me taper la causette avec un Béhémoth gros comme une maison, ça manquait à mon palmarès, ça.)

(Tu préfères te battre contre lui?)

(Euh...non. Non, sans façon.)

"HEY! Calmez-vous, je viens en paix! Je voudrais juste...rencontrer un Ithilarthëa!"

Le monstre grogne de manière méprisante mais s'arrête, m'observant d'un air que je ne suis pas certain d'aimer, j'ai vraiment l'impression qu'il me lorgne comme un gigot appétissant plus que comme un interlocuteur digne d'intérêt...mais puisqu'il ne semble pas pressé, autant tenter ma chance:

"Je ne leur veux pas de mal! Je veux que l'un d'eux m'accompagne, c'est tout! Je...la prêtresse de Moura m'a autorisé à passer..."

Le Béhémoth me scrute comme si je venais de proférer une sottise magistrale et grogne en retour d'une voix rocailleuse qui fait trembler les airs:

"Pas moi." 

Et, d'une patte nonchalante, il frappe dans un rocher de la taille d'un cochon, le projetant droit sur moi! Je l'esquive précipitamment d'un nouveau bond, hurlant:

"Holà! On se détend! D'accord, pas vous, désolé. M'autorisez-vous à passer?"

"Pourquoi? Je t'écrase et je te mange. C'est mieux."

La créature percute un autre bloc de rocher qui traîne, me contraignant à une nouvelle esquive frénétique!

"Mais arrêtez de me bombarder, bons dieux! Regardez-moi, je suis tout maigre, tout petit et plein d'os, vous n'aimerez pas du tout!"

Le monstre laisse échapper un soupir aux allures de tornade et grogne:

"Elfe malingre...mais coriace, peut-être. Une chance. Je t'éprouve. Tu meurs ou tu passes."

Pourquoi ai-je la méchante impression que son épreuve ne sera pas une devinette? Quoi qu'il en soit j'acquiesce, n'ayant pas vraiment le choix. Le Béhémoth semble sourire, ce qui n'a vraiment, mais vraiment rien de rassurant, puis il hurle soudain à pleins poumons et se précipite sur moi toutes griffes dehors! Je manque défaillir tant l'onde sonore est puissante et cette vision terrifiante, son pas ébranle le sol et je n'ai qu'un instant pour réagir! Et vu la masse de la bête, il n'y a qu'un option: une retraite hâtive! J'échappe de justesse à l'impact mortel, le Béhémoth percute de plein fouet l'amas rocheux devant lequel je me tenais une fraction de seconde plus tôt et le choc est tel que le roc se fissure! Quelques blocs se détachent même de leur support et, avant que je n'aie eu le temps de tenter quoi que ce soit, la créature s'en saisit et me les balance dessus à toute volée avec une furie effrayante! Je me jette au sol pour éviter le premier qui me frôle le crâne de si près que j'en sens le vent! Je glapis en voyant le deuxième arriver et roule frénétiquement dans la neige pour l'esquiver, y parvenant à nouveau de justesse. Je me relève précipitamment et dégaine mes armes en rassemblant mon Ki pour entamer la danse de Moura que je viens d'apprendre, j'espère qu'elle me permettra d'éviter plus aisément la pluie de météores qui continue à s'abattre sur moi.

Le mastodonte, réalisant finalement qu'il aura du mal à m'atteindre avec ses projectiles, change soudain de stratégie et déboule sur moi comme une avalanche, écartant ses ailes au maximum pour se faire plus impressionnant et m'empêcher de le contourner sans doute. Qu'à cela ne tienne, Rana veille sur moi et je bondis follement dans les airs dans une explosion de Ki pour passer par-dessus! Le Béhémoth hurle de rage et de surprise, mais il relève brutalement ses ailes et forme ainsi un véritable mur dans lequel je m'encastre lamentablement, non sans perforer ses membranes de mes deux lames tendues devant moi! Je les déchire d'ailleurs sur une bonne longueur en chutant sur son dos, un coussin bien inconfortable au vu des piques qui y foisonnent! Mon armure m'épargne le pire mais cela ne m'empêche pas de glapir de douleur lorsque certains piquants trouvent les failles et se plantent dans ma chair! La créature monstrueuse s'ébroue violemment en émettant un feulement colérique, m'évacuant de son dos comme une brindille que l'on chasserait de sa veste! Je me ramasse en beauté un paquet de mètres plus loin, une chance pour moi que la couche de neige soit épaisse parce que sans elle je doute qu'un seul de mes os soit demeuré entier...

Sonné, je me démène encore pour m'extirper de la froide gangue dans laquelle je me suis enfoncé lorsque le gardien décide de m'enterrer vivant en me projetant dessus un énorme quartier de roc! Un ultime soubresaut suivi d'une roulade en catastrophe me permet d'éviter le bloc qui s'encastre dans la neige à moins d'un pas de moi, je jure sourdement en me relevant d'un bond, ce maudit va finir par me réduire en purée s'il continue comme ça! Il ne s'est d'ailleurs pas contenté de me balancer la moitié de la montagne sur la tête, il a suivit le roc dans la ferme intention de m'achever apparemment! J'esquive in extremis l'une de ses pattes qui cherche à m'aplatir, recule d'un saut pour esquiver la deuxième qui balaie férocement les airs d'un ample mouvement horizontal, mais j'ai oublié ses foutues ailes! L'une d'elle me percute le crâne avec une violence terrible, manquant de peu m'assommer pour le compte! Je ne dois probablement la vie sauve qu'au diadème que je porte, mais je suis tout de même projeté à terre et le monstre en profite pour me saisir une jambe dans sa gueule pleine de dents acérées! Là encore mon armure me sauve, ma jambière, oeuvre du maître forgeron du Rock Armath, résiste à la puissante pression! Furieux, le Béhémoth me secoue alors comme un chien déterminé à arracher un bout de viande à une carcasse, me faisant rudement voltiger dans les airs. Je n'ai pas trop de toute ma volonté et ma force pour conserver mes armes et, à la première seconde où la bête cesse de m'agiter en tous sens, je rassemble mon Ki et lui balance ma Vorpale dans le museau dans une frappe colossale et désespérée! Le monstre rugit de douleur lorsque ma lame lactée le défigure, ses mâchoires s'ouvrent dans la foulée et je chute durement au sol, juste entre ses deux pattes avant. Je roule une fois de plus au sol pour éviter celle qui menace de me réduire à l'état de crêpe et me relève rageusement pour porter à l'aide de mon enflammée un coup de taille, puissamment renforcé par mon énergie spirituelle, dans la deuxième. Le coup que je lui ai mis dans la face l'a visiblement perturbé car je le touche une nouvelle fois, entaillant salement sa patte! Il hurle à nouveau, m'assourdissant littéralement, puis me décoche un brutal revers dans le dos de sa main griffue intacte, que je n'esquive que très imparfaitement. Le choc m'envoie une fois de plus voltiger dans les airs, il faudra que je pense à me trouver une paire d'ailes un de ces jours...

Je m'écrase au sol, un raz de marée de douleur m'envahit, ce damné m'a fracassé le dos ou peu s'en faut! Je me relève une fois de plus, plante ma Vorpale dans la neige pour avaler hâtivement une grande potion de soin et la récupère aussitôt en voyant la furie déferler sur moi en rugissant férocement. Je modèle vivement mon Ki pour déployer un assemblage de techniques encore jamais tenté, mêlant la danse des sabres à la danse de l'éclipse en une unique méthode qui devrait me permettre, je l'espère, de prendre le monumental par surprise. Je me faufile souplement et vivement sous sa première gifle, glisse de trois pas latéraux pour esquiver la deuxième et fais déferler sur lui une avalanche de feintes et de coups réels qui semblent surgir de nulle part. Le Béhémoth en évite la plupart en sautillant comiquement sur place, mais le déluge est tel qu'il finit tout de même par encaisser un revers nerveux de mon ardente dans le buste! Il manque me percer les tympans en hurlant sa rage, et se déchaîne à son tour! Je bats précipitamment en retraite mais je ne suis pas assez rapide et il me cueille d'une patte puissante en pleine poitrine! Le rude coup me projette à terre, ça devient vraiment une déplaisante habitude! J'esquisse le geste de me redresser mais il me cloue au sol de sa main blessée, m'infligeant un tel fardeau que je ne parviens plus à respirer! J'ai l'impression de sentir mon armure plier sous le colosse...qui abaisse son faciès démoniaque vers moi pour grogner:

"Petit Elfe teigneux... Passe, je permets."

Je soupirerais de soulagement si je le pouvais, mais en l’occurrence je ne parviens qu'à haleter:

"Merci...vous...n’enlèveriez pas...votre patte? Plus facile pour...respirer..."

Une espèce de rire tonitruant secoue le monstre qui retire obligeamment la colonne de chair et de corne qui m'oppresse et se détourne comme si je n'existais pas. Je me redresse en palpant avec inquiétude mes côtes sous ma cuirasse, mais cette dernière a tenu bon et je n'ai vraisemblablement rien de cassé. Par contre j'imagine que j'aurai la couleur d'un Earion demain matin...Je soupire doucement et observe la créature légendaire disparaître derrière un pan de montagne, admettant à part moi que j'aurais eu du mal à le mettre à terre. Les blessures que je lui ai infligées, si terribles soient-elles, l'ont à peine ébranlé. Quoi qu'il en soit je suis heureux que ce combat s'achève sans mort, ce Béhémoth veille sur les Silnogures et je pense que c'est une excellente chose. Je me secoue et rengaine mes lames puis, le sourire aux lèvres malgré les contusions qui me font souffrir le martyre, je me remets en route vers le fond de la vallée.


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Dim 15 Jan 2017 01:26, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 8 Jan 2017 03:49 
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Trois jours ont passé. Je n'ai pas vu l'ombre d'un Silnogure, mais je suis tombé sur une piste. Quelques traces dans la neige, des empreintes de pattes semblables à celles d'un chat, mais d'une taille sans commune mesure et étrangement conformées. Des pattes conçues pour marcher dans la neige épaisse sans trop s'y enfoncer, je suppose. Les doigts semblent longs, capables de se ployer comme ceux d'une main d'elfe, certaines traces plus marquées que les autres me laissent penser que ces doigts sont prolongés de griffes rétractables de bonne taille. Cela fait un jour et une nuit que je suis la piste sans relâche, ce qui n'est pas tâche aisée car la créature franchit sans dévier des obstacles que je me vois contraint de contourner, faute d'être un grimpeur chevronné. Il faut chaque fois retrouver la piste, ce qui me prend parfois un temps qui me semble interminable. Malgré tout, les empreintes que je suis maintenant me semblent plus fraîches, mais je n'ai pas le talent d'un pisteur qui pourrait dire précisément de combien d'heures elles datent. Qu'importe, je prendrai le temps nécessaire, bien que mes provisions commencent à s'épuiser dangereusement. J'ai aperçu aussi des traces qui doivent appartenir à une espèce de mouflon et d'autres évoquant celles d'un lièvre, mais je n'ai pas vu la queue d'une de ces bêtes. Mon corps semble s'être acclimaté à l'altitude, le souffle ne me manque plus autant qu'aux premiers jours et je n'éprouve plus cette légère euphorie des débuts. La nuit, je médite bien à l'abri de ma sphère d'intimité, un répit agréable dans la froidure permanente qui règne ici, et je contemple la voûte céleste en priant Sithi. L'air semble plus pur qu'ailleurs en ces régions, les étoiles brillent d'un éclat incomparablement brillant et la lune semble assez proche pour que je puisse la toucher en tendant la main. La vie est rude avec ce froid et, bien souvent, le vent qui traverse les plus épais vêtements, mais il règne ici une paix, un silence, qui est comme un baume à l'âme. Jamais plus que durant ces jours je n'ai eu le sentiment de faire partie du monde, d'être lié aux éléments qui m'entourent et d'en dépendre presque totalement.

Le quatrième soir, le ciel se couvre de nuages, vaste masse blanchâtre qui s'accroche aux sommets désormais si proches. La nuit est tombée depuis environ deux heures lorsque la neige se met à tomber, drue et sèche, légère comme une pluie de plumes. Bientôt, je suis contraint de m'arrêter car c'est à peine si je distingue à trois pas devant moi. Je m'abrite sous un petit surplomb, je m’emmitoufle chaudement dans mes fourrures et je me laisse aller à somnoler, sans activer ma sphère d'intimité cette fois. Je fais partie de cet environnement rigoureux, mes pelisses sont conçues pour combattre le froid et j'aime sentir les flocons de neige caresser la petite partie découverte de mon visage. La nuit s'écoule lentement, la couche de neige s'épaissit peu à peu, mon univers se limite à un diamètre de quelques mètres. Un feulement résonne soudain non loin, me tirant de ma torpeur alors que l'aube diffuse déjà une très vague lueur. Je me lève aussitôt et me dirige silencieusement vers l'origine du son. Quelques minutes plus tard, je me fige en entendant un nouveau son, un grondement sourd et menaçant, cette fois. Quelques pas encore et je m'immobilise derechef, me retrouvant sans prévenir nez à nez avec un énorme fauve tout aussi surpris que moi! Sa tête, qui se trouve presque à la même hauteur que la mienne, évoque celle d'un très gros loup mais de fines lignes d'un bleu pâle et glacial dessinent d'étranges arabesques sur son front. Son regard est d'un bleu plus foncé, perçant et empli de cette tranquille assurance qui n'appartient qu'à ceux qui sont au sommet de la chaîne alimentaire. Sa fourrure est d'un blanc pur, très fournie, ses grosses pattes félines le maintiennent à la surface de la poudreuse malgré son poids sans doute conséquent. C'est un splendide animal, que je ne peux manquer de reconnaître pour l'avoir déjà vu au travers des souvenirs de ma Faëra: un Ithilarthëa!

Une bouffée d'exultation et d'émotion me submerge, je l'ai trouvé, enfin! Nos regards restent rivés l'un à l'autre durant plusieurs secondes, nous nous jaugeons comme deux prédateurs dissemblables mais pareillement confiants en leur force, il ne me craint pas plus que je ne le crains. Puis l'Ithilarthëa pousse un rugissement puissant qui se répercute dans les monts, auquel je réponds instinctivement comme si je n'étais qu'un animal sauvage. D'une posture d'observation mutuelle nous passons à celle du défi, le fauve se ramasse comme s'il allait bondir et je fais de même, modelant déjà mon Ki pour l'esquiver si nécessaire. Il ne me vient pas à l'idée de dégainer mes armes, quoi qu'il arrive je ne porterai pas la main sur ce prince des montagnes, ce serait un sacrilège. L'Ithilarthëa doit percevoir qu'aucune agressivité, aucune peur, n'émane de moi car il se détend peu à peu et finit par se détourner avec un sourd grognement. Bien déterminé à l'apprivoiser, je lui emboîte le pas en me pressant car il ne semble pas du tout décidé à m'attendre pour sa part. Il lui faut moins d'une vingtaine de pas pour disparaître de ma vue, contrairement à lui je dois lutter pour extraire chaque pied de la couche de neige dans laquelle je m'enfonce jusqu'au genou et cela me ralentit sévèrement. La neige qui continue à tomber m'inquiète, elle va effacer ses traces et je vais le perdre! J'accélère de mon mieux, conscient de dépenser mon énergie à une allure qui ne me permettra pas de continuer très longtemps cet exercice, mais je ne veux pas le lâcher!

Je parviens peu après devant une barre rocheuse haute de quelques mètres, rendue glissante par la neige et la glace. Quelques traces m'indiquent que le bougre l'a escaladée sans sourciller, ce que je ne suis pas prêt d'imiter! Je recule de quelques mètres, dégaine mes deux lames et prends mon élan avant de bondir en expulsant modérément mon Ki pour sauter jusqu'au sommet de l'obstacle grâce au pouvoir de Rana. J'y parviens sans mal, retrouvant au sommet les traces que je m'empresse de suivre à nouveau. Les heures passent, je glisse, m'enfonce, chute et me relève tant de fois que j'en perds le compte. A plusieurs reprises je dois réitérer mon bond de tout à l'heure en puisant dans mon Ki, manquant à deux reprises de repartir balourdement en arrière et de faire une belle gamelle. La fatigue commence sérieusement à se faire sentir, mes jambes deviennent des enclumes que je peine de plus en plus à soulever mais je m'obstine farouchement. Les empreintes deviennent de plus en plus difficiles à distinguer mais, aussi longtemps que je serai capable de les voir, je poursuivrai ma traque!

Lorsque la nuit finit par tomber, je suis contraint de m'arrêter, non seulement les traces deviennent indiscernables à mon oeil peu exercé, mais en outre je suis trop exténué pour mettre un pied devant l'autre. Je grignote le peu de nourriture qui me reste, l'esprit ailleurs, repensant à cette extraordinaire rencontre. Vais-je le retrouver? Je ris tout seul, songeant que la question n'est pas de savoir si je vais le retrouver, mais quand. Une idée saugrenue me vient, mais après tout pourquoi ne pas tenter? Je demande donc à Syndalywë de lui envoyer un rêve lorsqu'il dormira, après tout elle a été proche de l'une de ses créatures puisque mon ancêtre était accompagné de l'une d'elles. Qu'il rêve de mon ancêtre et du sien, qu'il rêve de moi et qu'il entende ma voix dans ses rêves, peut-être cela m'aidera-t'il à l'approcher? Quant à moi, je n'ai nul besoin de ma Faëra pour rêver de lui et de cette scène du passé se déroulant au sommet de la plus haute montagne d'Eden. Cette fameuse nuit où mon ancêtre, son Ithilarthëa et Syndalywë ont reçu la bénédiction de Sithi, ces quelques minutes dans l'éternité qui ont incité ma Faëra, celle d'Ethernëm à l'époque, à me diriger des dizaines de millénaires plus tard sur la Voie des Danseurs d'Opale.

Lorsque je me réveille, le jour est déjà levé, je devais vraiment être épuisé pour dormir aussi longtemps et aussi profondément. Le temps s'est calmé, le ciel est toujours couvert mais l'horizon est dégagé. Et j'ai faim. Une fouille minutieuse de mon sac m'apprend qu'il ne recèle plus rien à manger, mais qu'importe, je sais qu'il y a du gibier dans les environs. Trois jours passent. Au crépuscule du deuxième j'ai réussi à abattre un mouflon d'une flèche et, par ces températures, la conservation n'est pas un problème. Faire un feu pour dégeler la viande et la cuire, en revanche, serait impossible si je n'avais pas mon épée ardente car il n'y a pas le moindre combustible à ces hauteurs. Mais l'imposante flamme de ma lame me permet de pallier à ce problème et je mange à ma faim, bien que le menu soit pour le moins répétitif. Quant à l'eau ce n'est pas un problème, il me suffit de faire fondre de la neige dans ma petite casserole et de la transvaser dans ma gourde que je garde serrée contre moi sous mes fourrures pour éviter qu'elle ne gèle. J'ai aperçu à deux reprise l'Ithilarthëa, la première fois attablé sur la carcasse du mouflon que j'avais abattu, la deuxième fois après que je lui aie déposé non loin de mon abri une bonne grosse tranche de viande tout juste dégelée. Je crois que je le tiens, ce n'est plus qu'une question de patience, ou presque.

Le lendemain, je gravis péniblement le plus haut sommet de la montagne, d'en bas cela semblait être une grimpée courte et aisée mais les distances sont trompeuses et l'altitude se fait sentir lors d'efforts violents malgré l'acclimatation. Il me faut la journée mais, lorsque je parviens en haut, mes efforts sont récompensés par un panorama si grandiose que je passe près d'une heure à le contempler, les larmes aux yeux devant tant de beauté. A l'ouest, les montagnes s'abaissent rapidement en direction d'un immense lac et de vastes plaines, je crois même que j'aperçois la mer au loin. Au sud, le massif se fait collines, puis plonge dans une forêt apparemment sans fin. A l'est, le massif se poursuit interminablement, des chaînes tourmentées s'imbriquent les unes dans les autres à l'infini, me faisant me sentir si minuscule que j'en éclate de rire. Au nord, je distingue les terres sauvages de l'Omyrhie, immenses plaines parsemée ici et là de forêts. J'en distingue d'ailleurs la sombre capitale, Omyre la sordide, de si sinistre réputation. Mais, de l'endroit où je me trouve, elle semble belle. Le monde entier est beau d'ici, ce monde devenu le nôtre après que nous ayons détruit notre terre d'origine est magnifique, je me battrai pour qu'il le reste, jusqu'à mon dernier souffle.


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Mer 18 Jan 2017 00:10, édité 2 fois.

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MessagePosté: Dim 8 Jan 2017 05:39 
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Le sommet forme une esplanade approximative d'une vingtaine de mètres de diamètre, pourvue sur l'un de ses bords d'un petit pic arrondi par les intempéries surmontant le plateau de quelques mètres. Je m'installe à son pied et dégèle un peu de viande sur la flamme de mon ardente. J'en cuis une partie et vais en déposer une autre à une quinzaine de mètres de moi lorsque la nuit tombe. La nuit s'étend tranquillement sur le monde et je m'adosse au rocher pour contempler le coucher de soleil puis le lever de lune qui, d'ici quelques jours sera pleine. Une heure s'écoule jusqu'à ce que le fauve se décide à venir subrepticement s'emparer de mon offrande, non sans me scruter avec curiosité. Je ne bouge pas, me contentant de l'admirer et de lui parler d'une voix apaisante. Il reste quelques secondes, puis disparaît aussi vite qu'il est venu. Chaque nuit, je demande à Syndalywë de lui insuffler quelques rêves, jusqu'à ce que, de son ton le plus docte, elle m'apprenne que l'Ithilarthëa dort la journée. Amusé, je corrige donc ma demande non sans la taquiner en récriminant qu'elle aurait pu me le dire plus tôt. Le lendemain, je dépose la viande un peu plus près de moi. Le Silnogure ne manque pas le rendez-vous, il vient s'emparer de la pièce de mouflon et reste un peu plus longtemps que la veille, bougeant comiquement les oreilles au son de ma voix. Je décide alors d'accélérer un peu les choses et de lui fournir deux repas par jour. Le jour d'après, au matin, la viande n'est plus qu'à dix mètres de moi, ce qui n'empêche nullement le fauve de venir se servir comme c'est devenu la coutume. Le soir, elle n'est plus qu'à huit mètres, et à six le matin suivant. Sans cesse je lui parle calmement, modifiant l'intonation de ma voix en fonction de ses réactions. Sa curiosité semble grandir, le quatrième jour au soir il finit même par s'allonger pour dévorer tranquillement son morceau de mouflon, sans jamais cesser de me surveiller du coin de l'oeil.

Au cinquième matin la viande est posée à deux mètres de moi, l'Ithilarthëa hésite longuement mais finit quand même par venir la prendre, s'éloignant vivement de quelques mètres pour la manger. Le soir, sa tranche est dans ma main, je la lui tends à bout de bras tout en lui parlant et en l'incitant à venir la saisir. Il s'approche, hésite, s'éloigne puis revient, une bonne dizaine de fois avant de se décider à venir y planter les dents, sur la défensive. Je le flatte de la voix sans bouger, mais je ne lâche pas le morceau de viande et il ne parvient qu'à en arracher une bouchée, ce qui le contraint à revenir pour s'emparer d'un autre morceau. Pour finir, craignant quand même la moindre pour mes doigts, je lui abandonne le solde en retenant un rire devant son air indiciblement satisfait. Je répète la même manoeuvre le lendemain matin et une fois encore le soir. Ayant sans doute compris qu'il ne risquait pas une attaque impromptue, il se fait moins timoré et ne s'enfuit pas dès qu'il a obtenu une bouchée, se contenant de la mâcher sommairement avant de la déglutir tout en me scrutant de son regard d'un bleu intense. A l'aube du septième jour, je ne tends plus le bras qu'à moitié. Il n'hésite pas cette fois et vient délicatement prélever son dû, si proche que je pourrais le caresser. Je m'en abstiens malgré l'envie qui me tenaille d'autant plus que ma réserve de viande devient maigre. Le soir, je me décide à tenter ma chance et, avec une lenteur qui et mes nerfs à rude épreuve, j'approche ma main, celle qui ne tient pas la viande, de sa truffe. Méfiant, l'Ithilarthëa hume longuement ma dextre, que je suis prêt à retirer prestement en cas de réaction malsaine. Mais à ma surprise il la pousse du museau et laisse échapper un petit gémissement presque plaintif. Je me force à conserver un ton apaisant malgré l'excitation qui m'envahit à ce contact avec un être dont je rêve depuis si longtemps:

"Oui, je sais, tu as encore faim. Mais tu sais, il ne me reste pas des masses de viande et je pense que tu me trouveras beaucoup moins intéressant quand je n'aurais plus rien à te donner. Bon, d'accord, encore un bout mais après c'est tout."

Je lui tends un autre morceau de viande de ma main libre, sans pour autant baisser l'autre. Il saisit avec sa délicatesse habituelle sa pitance, l'avale, puis hume à nouveau ma main vide avant de la repousser d'un coup de truffe. Retenant mon souffle, je m'enhardis et la pose très légèrement sur son museau, ce qui le fait reculer précipitamment. Je lui parle patiemment, interminablement, jusqu'à ce qu'il se rapproche assez pour que je puisse recommencer. Il ne bronche presque pas cette fois, si bien que je peux le caresser avec légèreté sans qu'il ne se dérobe. Cela dure quelques secondes, puis il se détourne et entame un étrange manège, fouinant au sol de son nez pointu tout en faisant le tour de l'esplanade d'un air très affairé. Curieux, je l'observe longuement, sursautant lorsque, soudain, il se redresse et lève le museau vers les cieux en poussant un long hurlement semblable à celui d'un loup! Levant les yeux à mon tour, je découvre que la lune vient de se lever, merveilleusement pleine. Impulsivement, je me relève lentement et pousse un hurlement semblable, bien qu'il ne puisse sans doute pas tromper le plus médiocre des observateurs. Cela ne semble pas perturber outre mesure l'Ithilarthëa qui tourne vivement la tête vers moi, indéchiffrable, avant de réitérer son hurlement à Sithi! Le coeur battant à tout rompre, je lui réponds tout en m'approchant lentement de lui et, côte à côte, nous hurlons ainsi de concert en hommage à la lune durant un long moment. C'est une bien étrange sensation qui m'envahit alors que je hurle ainsi à la lune comme un loup, quelque chose d'incroyablement libérateur, qui trouve sa source en des âges antédiluviens dont je n'ai bien évidemment aucun souvenir conscient, bien que je sois certain qu'ils sont gravés en moi.

Au terme de plusieurs heures de concert nocturne, une chance qu'il n'y ait pas de voisins, le Silnogure finit par me pousser du bout du nez et s'allonge ensuite sans autre cérémonie dans la neige, se roulant en boule comme pour dormir! Un souvenir qui commence à dater un peu me revient, je me rappelle d'une des premières choses que Syndalywë m'avait dites à propos de ces êtres, alors que nous abordions les montagnes d'Hidirain: il faut passer une nuit de pleine lune au sommet d'une montagne avec un Ithilarthëa pour créer le lien! Je souris pensivement puis, me laissant emporter par la magie de l'instant, je m'assieds sans hâte aux côtés du Silnogure, si proche que je le touche presque. Il ne bouge pas mais ses prunelles m'observent sans répit. Prenant soin de ne faire aucun geste brusque, je m'appuie d'abord légèrement sur lui en m'adossant contre son flanc, ce qui me vaut un grognement que je ne sais pas trop comment interpréter. Cependant, comme il ne paraît pas avoir la moindre envie de se lever ou de m'enseigner la politesse d'un coup de dents, je m'appuie plus confortablement contre lui, sentant son poitrail se soulever au gré de son souffle ample et puissant. Au bout d'un moment, raisonnablement certain qu'il a accepté ma présence et mon contact, je m'allonge avec lenteur contre lui et passe un bras autour de son encolure, ce qu'il accepte avec un nouveau grognement. Pourtant, je ne décèle rien d'inquiétant dans ce son, au contraire cela me semble plus être un grognement d'approbation et de contentement qu'autre chose.

C'est une nuit de pure magie qui s'écoule, du moins est-ce ainsi que je la perçois. Je ne ferme pas l'oeil, la lune et la voûte céleste sont trop belles et l'instant trop précieux pour ça, mais mes rêves m'emportent tout de même loin, très loin, dans le temps et l'espace. L'aube nous trouve blottis l'un contre l'autre, trois êtres aussi différents qu'il est possible et pourtant unis par un lien qui traverse les âges. Nos regards se croisent, sereins, nous n'avons pas besoin de mots pour nous comprendre mais il en est quand même un qui doit être prononcé:

"Sinwaë."

Son nom, celui que je lui offre dans le monde des Sindeldi, qui signifie "Esprit du crépuscule".


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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Lun 9 Jan 2017 16:48 
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Les pillards s'étaient installés sur un replat émergeant des sapins enneigés alentours et protégé du vent par le pic rocheux auquel il était adossé. Ici, personne ne serait assez fou pour les attaquer en passant par les effleurements abrupts, et quand bien même quelque patrouille de soldats humains zélés tenterait sa chance, la pente était si escarpée que les soldats atteignant le camp, exténués par cette escalade, ne seraient plus capable d'affronter les garzoks attendant leur venue l'arme à la main.

La veille, ils avaient attaqué un camp de bûcherons isolé au milieu des denses forêts de conifères, ne laissant que quelques survivants et des bâtiments en flammes. S'ils s'étaient arrêtés aujourd'hui, plutôt que de continuer leur marche vers de nouvelles victimes à massacrer, cela n'était en rien anodin. Ce jour-ci était en effet le solstice d'hiver, jour sacré pour les adorateurs de Thimoros, dieu de la guerre vénéré par la plupart des garzoks, durant lequel se déroulait la cérémonie connue sous le nom de Ghwar. A cette occasion, chaque fidèle se devait de sacrifier un animal ou quelqu'un au dieu de la souffrance, c'était d'ailleurs le destin qui attendait les quelques malheureux bûcherons faits prisonniers lors de la dernière attaque.

Une immense tente de peaux fut élevée au centre du camp pour cette célébration annuelle et, alors que Kurgoth finissait d'allumer le grand feu au centre de l'édifice en prévision de la nuit rituelle, Olur vint le prendre à part.

"Kurgoth! J'ai à te parler! Suis moi à l'extérieur! Quelqu'un s'occupera du feu à ta place!"

Le garzok suivît nonchalamment son mentor à l'écart du camp, ce dernier, après avoir jugé la distance entre eux et les autres suffisante, se retourna vers son élève et, posant sa lourde main sur son épaule, déclara:

"Tu as bien grandi depuis que je t'ai pris sous mon aile. Tu es à présent prêt à devenir un membre à part entière de notre groupe. J'en ai parlé avec Kharn et Kharg, cela sera officiel ce soir! Sois fier!"

Kharn et Kharg, des jumeaux, formaient avec Olur le conseil dirigeant la troupe à laquelle ils appartenaient.
Kharn dit "Le sombre" était un prêtre de Thimoros, ou plutôt d'Oaxaca, et servait, de ce fait, d'autorité religieuse dans le camp. C'était aussi un chevalier du chaos terrifiant lorsqu'il troquait sa bure couleur de jais et sa ceinture rouge sang pour une armure d'acier noir et un fléau de métal sombre, du moins, avant que ses victimes ne le colorent. Que ce soit avec sa bure ou en armure, il prenait toujours soin de cacher au mieux son visage, non pas pour paraître moins effrayant à cause des cicatrices subie lors de son Ignesia, cérémonie durant laquelle le fidèle souhaitant devenir fanatique se fait torturer jusqu'à ce qu'il ne supporte plus la douleur, mais pour que ses ennemis éventuels ne voient pas l'orbite vide de son œil gauche, arraché dans le rituel subi.
Kharg dit "Le Brutal", son frère jumeau, était un imposant barbare, plus grand que n'importe qui parmi les pillards qu'il codirige. Protégé par une épaisse cuirasse et brandissant une hache gigantesque, il ne lui fallait qu'un coup pour se débarrasser de ceux contestant son autorité. Contrairement à son frère, craint pour sa maîtrise des ombres, lui se contentait de déployer sa force. Ne priant les dieux que par respect pour jumeau, il représentait le culte de la puissance brute prenant plaisir à sentir les os se briser sous ses coups jusqu'à ne laisser qu'une bouillie informe de ses ennemis.
Ces deux personnages commandaient, avec Olur "Le Fourbe", un groupe connu et craint dans tous les Duchés des Montagnes. Le dernier membre de ce trio était fasciné autant par Thimoros, dieu des ravages, que Meno, dieu du feu, les flammes l'attirant irrépressiblement. C'était un enchanteur embrasant ses glaives lors des combats et ne laissant derrière lui que des cendres portées par les vents. Fanatique du dieu de la guerre, son allégeance n'allait qu'à son intérêt personnel, il avait suivit cette voie pour se rapprocher des jumeaux et diriger avec eux. Le Fourbe était peut-être le plus dangereux des trois, n'accordant son pardon à ses rivaux que pour mieux leur ouvrir la gorge dans leur sommeil, peu osent ainsi contester sa place.

"J'ai parlé avec Kharn, je pourrai également procéder à ton Ignesia en ce jour sacré! Tu deviendras, tout comme moi, un fanatique du dieu du mal."

"Mais, la cérémonie..."

"Ne t'inquiète pas, Kurgoth, si je t'ai traité comme je l'ai fait, c'était pour te préparer à ce jour! Tu vas souffrir, comme j'ai souffert, mais j'ai survécu et toi aussi tu survivras! Ce soir, ta vie changera! Tu deviendras un garzok, un vrai! Rends moi fier!"

Ses yeux scintillaient et Kurgoth ne sut alors dire s'ils brillaient de fierté ou de ruse, ce mentor tyrannique semblait enfin le reconnaître comme son semblable et lui accorder une quelconque valeur. Il avait tant attendu la venue de ce jour...

(L'Ignesia doit être faite par un prêtre, pas par un simple fanatique... Olur voulait sans doute sous-entendre qu'il assisterait Kharn, ou avait-il négocié avec ce dernier pour faire une exception à la règle... Nous verrons bien ce soir, la soirée s'annonce pénible mais la nouvelle est trop bonne pour gâcher la journée, allons plutôt nous reposer)

Après ces pensées, Kurgoth, toujours surpris et légèrement perturbé par l'annonce de son mentor, parti se reposer quelques heures sous sa tente située à la limite du replat, au bord du gouffre.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mar 10 Jan 2017 01:49 
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La nuit était tombée et le blizzard dominait les alentours du pic sous lequel les pillards avait établi leur base. Kurgoth traversa les quelques dizaines de mètres séparant sa tente de l'édifice principal du camp sans prêter attention au froid ambiant, cela n'était rien par rapport à l'épreuve qui l'attendait cette nuit.

En entrant dans cette immense tente de peaux, le garzok compris l'étendue du carnage qui aurait lieu ce soir. A l'intérieur, chaque membre du groupe avait dressé un pilori et y avait attaché sa victime, on y voyait des humains capturés ainsi que des animaux de différentes tailles attrapés vivants. Il ne restait qu'un poteau vide, il lui était réservé et son mentor l'y attendait.

"C'est une grande nuit pour toi, montre toi à la hauteur!"

Recevoir des encouragements de celui qui serait son bourreau pour les heures, voire les jours, à venir provoquait en notre héros un sentiment de malaise, rien de plus normal dans une situation aussi malsaine. Il ne se laissa cependant pas submerger pour autant par cette sensation, il lui faudrait faire preuve de tout son courage pour traverser cette épreuve terriblement cruelle. Autour de lui, les animaux, sentant le danger, se débattaient frénétiquement et les hommes, perdant toute dignité, fondaient en larmes, implorant la pitié de leur ravisseurs. Alors que l'ombre de Phaïtos commençait à se faire sentir dans la pièce, une voix forte s'éleva et tous, animaux, humains, et garzoks, s'immobilisèrent en silence.

"Mes frères, en cette nuit de Ghwar, rendons hommage au puissant Thimoros, dieu de la souffrance, de la guerre et du mal. Rendons également hommage à sa fille, la déesse Oaxaca, par les sacrifices que nous leurs offrons."

C'était Kharn, dans sa bure noire et rouge rituelle, il se tenait à coté d'une structure plus complexe que les autres, destinée à contenir le magnifique cheval de bât qu'il torturera des jours durant. A ces mots, les pillards poussèrent alors, à l'unisson, un cri d'approbation tandis que leurs victimes prises de frénésie, tiraient inutilement sur leurs liens de toutes leurs forces pour s'en libérer. Kurgoth, impassible jusque là, sentit son courage vaciller lorsque Kharn continua, ramenant encore une fois le silence dans l'assemblée.

"Cette nuit sera aussi témoin d'un autre rituel, la Haténesia d'Olur! S'il se montre suffisamment doué dans cette cérémonie, il deviendra lui aussi un prêtre de Thimoros."

Olur ricana, les bourreaux applaudirent, et les victimes humaines se tournèrent vers Kurgoth dont l'expression noble jusqu'ici se décomposa soudain. Il s'était préparé à souffrir dans le but d'éprouver son courage et sa foi, pas à une mort certaine. La Haténesia d'Olur le condamnait par avance, il avait été trompé et maintenant il était destiné à mourir en d'atroce souffrance pour le plaisir sadique du mentor qui l'a maltraité, battu et violé durant toutes ces années. Pris de panique il ne pu que hurler, à ses mots tous les regards se tournèrent vers son visage écumant de rage, de haine et de désespoir.

"Traître! Comment as-tu osé me mentir ainsi? Je t'ai obéi fidèlement toutes ces années! Cent fois j'aurais pu te tuer! Cent fois j'aurais dû t'égorger! Cent fois j'aurais pu te dévorer vivant mais je t'ai épargné! Et c'est comme ça que tu me remercie ordure?!"

"Tu es faible, tu l'as toujours été. C'est pour ça que je suis encore en vie, tu avais peur des conséquences. Et maintenant tu vas mourir pour ta lâcheté."

Le calme avec lequel Olur répondit était pire encore que ses paroles. Il était glacial, déterminé et cruel. Il n'y avait rien à répondre à cela, toutes paroles étaient inutiles et Kurgoth allait mourir. Personne ne le sauverait, les jumeaux ne paraissaient pas surpris le moins du monde par la scène se déroulant sous leurs yeux, il étaient au courant et ils approuvaient.
Dans le silence qui suivit les mots du traître, les bourreaux s'attelèrent à leur sinistre tâche. Notre condamné n'entendit rien, aucun son, aucun cri, alors que ceux-ci déchiraient les tympans et auraient raisonnés dans les vallées environnantes si le blizzard n'y régnait pas. Il pendait mollement à son pilori, dénué de tout espoir de survie, attendant les souffrances qui arriveraient très vite, trop vite, et voyant déjà se dessiner devant lui les portes des Enfers.

Kurgoth fût brutalement ramené à la réalité par une intense et brûlante douleur à la poitrine. Il voulu pousser un cri mais celui-ci fut instantanément étouffé lorsqu'il ouvrit les yeux. Olur était là, à quelques centimètres de lui, le visage déformé par un sourire sadique révélant ses crocs acérés, ses yeux remplis de mépris fixaient ceux de sa victime et se délectaient de la terreur qu'ils y lisaient.
Les deux garzoks se fixèrent un instant qui sembla durer une éternité puis les yeux de l'offrande à Thimoros descendirent sur sa poitrine pour y découvrir un poignard, la lame enflammée par les pouvoir de son bourreau, traçant un profond sillon dans son pectoral droit, la chair, cautérisée par la chaleur, ne se refermant pas derrière la lame.
La douleur était insoutenable, Kurgoth tentait de se débattre mais il était attaché et son mentor le maintenait immobile en le pressant avec force, de son bras libre, contre le pilori. La victime impuissante ressenti brusquement les bruits environnants, ces cris déchirants émis par ses compagnons d'infortunes, humains et animaux.
Il laissa ses sens parcourir la pièce où il se trouvait, ce spectacle horrifique l'attirait autant qu'il le répugnait. Des membres écrasés dont il entendait les os se briser sous les coups de massues, des entrailles se répandant sur les jambes de leurs propriétaires y fixant leurs regards médusés, des litres de sang humain et animal commençant à se mélanger dans une neige écarlate, la fumée s'échappant d'un fer rouge appuyé contre la chair dépecée, un œil pendant de son orbite, le tout se déroulant dans un effroyable concert assourdissant et désorganisé de cris, de pleurs et de supplications.

La douleur ne s'arrêtait pas, Olur prenait son temps, après avoir fini de graver un scorpion, symbole de Thimoros, sur le pectoral droit de son apprenti, il se mit à tailler un corbeau à trois yeux sur le gauche. Kurgoth ne pouvait que suivre la lame embrasée des yeux, impuissant. Tandis qu'autour de lui les bourreaux continuaient leurs sombres loisirs, l'ancien mentor, après avoir gratifié sa victime d'un coup de poing, le retourna violemment contre le pilori pour s'attaquer à son dos.
Alors que notre malheureux héros attendait à sentir de nouveau la lame attaquer sa chair, celle-ci de vint pas, Le Fourbe allait se faire plaisir. Lui qui aimait le feu, avait décidé d’enflammer la chevelure de sa victime, la crinière dont elle était si fière. Il fallu quelques instants à Kurgoth pour remarquer cette odeur de roussi et cette chaleur grandissante dans sa nuque tant ses sens étaient agressés par la douleur de son torse et les effluves de sang et d'urines provenant des autres sacrifices. Lorsqu'il s'en rendit compte, la panique le saisit à nouveau, pour le plus grand plaisir de celui qui l'avait condamné à cela. Ses cheveux flambèrent comme de la paille sèche et s'il ne faisait rien, les flammes lécheraient bientôt son crâne.
Levant les yeux par désespoir, il eu un éclair de génie. Les liens, qui s'étaient maintenant profondément enfoncés dans ses poignets tant il s'était débattu, étaient constitués de corde... Le plus grand plaisir de son bourreau était devenu sa dernière chance de salut.
Frénétiquement, il se mit à cogner sa tête contre le pilori aussi fort qu'il le pouvait, tirant sur ses liens au maximum. Ses cheveux enflammés, toujours attachés au dessus de sa tête, finirent par fragiliser les cordes le retenant prisonnier. Ces dernières se rompirent enfin brutalement, faisant basculer le garzok sur son tortionnaire.
Coupant finalement les derniers liens à ses poignets avec ses crocs il ramassa le poignard pour se libérer les pieds alors qu'Olur, assis au sol, le regardait d'un air incrédule. Tous les regards se tournèrent dans sa direction, aussi eût-il le réflexe de lancer la lame qu'il tenait en main dans l'assemblée. Celle-ci ne toucha personne mais, forçant les garzoks à se mettre à couvert, elle lui fit gagner un temps précieux alors qu'il se ruait vers la sortie.

Plongeant la tête la première dans la neige, sitôt sorti, pour éteindre l'incendie capillaire dont il était victime, il se releva ensuite, patinant quelque peu suite aux coups de crâne répétés dans le pilori, et se dirigea vers sa tente. Là il l'attira à lui sans façon, peaux et bâtons sans distinction dans un amas difforme, attachant le tout sommairement avec une corde il agrippa ses armes et son sac à dos.
Il n'eu pas fallu qu'il se retourne ne serait-ce qu'une seconde plus tard, car comme il s'y attendait, il vu, en se relevant, que le groupe lui faisait face... et qu'ils étaient armés. Alors qu'il faisait un pas en arrière, avec sa main gauche, il fit lentement passer en bandoulière son sac et la corde maintenant sa tente. Durant un autre prudent pas en arrière, sans quitter des yeux la horde qui lui faisait face, il rangea son épée à sa ceinture. Un pas de plus et il plongeait dans le ravin, c'était ça ou se battre. Kurgoth fît donc volte-face n'ayant que sa lance pour contenir ses assaillants.

"Olur! Sale traître! Montre donc un peu de courage ne serait-ce qu'une fois dans ta vie! Le vainqueur sacrifiera l'autre mais sois certain que j'aurai ta tête!"

Hurlant cela, il savait qu'il jouait sa dernière carte, seul contre tous il était déjà mort mais en duel ... peut-être avait il une chance. Les minutes passèrent et aucune réponse ne parvint. Le groupe attendais lui aussi une réponse pour agir, mais celle-ci ne venait pas, ne figurant rien de bon pour l'évadé.

Soudain un casque commença à se frayer un chemin au travers des rangs ennemis, puis surgit le vieux mentor, il avait pris son temps, le temps de troquer sa bure noire contre son armure. Alors que Kurgoth était frigorifié par cette attente, à moitié nu dans le blizzard, Olur lui faisait face dans sa tenue de combat, patchwork de cuirs épais flanqué de plaques d'acier. Et lorsque ses glaive s'embrasèrent, notre héros pris conscience de sa situation désespérée. Il aurait eu ses chance s'il avait garder sa bure mais tous les espoirs de victoire s'étaient à présent envolés.

Alors que son adversaire approchait, parfaitement conscient de son avantage, Kurgoth pris tout le monde de court et bondit... dans le ravin enneigé.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Mer 11 Jan 2017 19:46 
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La couche de neige, épaisse d'une quarantaine de centimètres, amortit en partie sa chute. Les arbres qu'il heurta dans la glissade qui suivit ne se croisèrent pas la trajectoire de son occiput, permettant à Kurgoth de s'en sortir avec seulement quelques contusions. Il fuyait à présent, slalomant entre les arbres à en perdre haleine, ne sachant s'il était poursuivit.

Si tel était le cas, il ne pouvait ralentir sous aucun prétexte, le profond sillon qu'il laissait dans le manteau blanc mènerait ses poursuivants à lui sans la moindre difficulté. Le blizzard hurlant, les températures glaciales et le sol enneigé mirent son endurance, bien qu'exceptionnelle grâce à sa nature garzok, à rude épreuve toute la nuit durant. Au matin, il arriva, affamé et éreinté, en bordure d'une clairière où se dressaient les ruines fumantes d'un camp de bûcherons.

Kurgoth examina la scène depuis le couvert des buissons blancs. Trois hommes s'attelaient à réparer un bâtiment de bois sous les importantes précipitations. Trois autres constructions de bois noirci par les flammes composaient ce lieu, étrangement familier au garzok en fuite. Même si la neige continuait de tomber, le blizzard assourdissant avait disparu et, la neige atténuant le bruit de ses pas, notre héros, récupérant son souffle, atteignit la bâtisse la plus proche à pas de loup.

Observant les alentours de plus près, il compris finalement qu'il s'agissait du camp qu'ils avaient attaqué quelques jours auparavant. S'il restait des hommes réparant les constructions, il devait probablement rester de la nourriture, il pourrait ainsi avancer plus rapidement et perdre moins de temps à chasser pour quitter la région. Un problème se posait pourtant, s'ils venaient d'être attaqués, jamais ces bûcherons ne partageraient le peu de biens qu'ils auraient pu sauver... Il devrait donc les prendre par la force et les attaquer avant de se faire repérer.

N'ayant pas pour lui l'avantage du nombre, il était obligé de prendre l'initiative et de ruser s'il voulait l'emporter dans la confrontation qui s'annonçait. Ramassant une bûche à moitié brûlée à ses pieds, il la projeta de toutes ses forces sur le bâtiment voisin sur lequel les hommes étaient affairés, provoquant grand bruit à l'impact.

"Qu'est-ce que c'est que ce bruit? Qui est là? Montrez vous!"

Saisissant leurs haches, ces combattants improvisés se séparèrent, chacun partant dans une direction différente à la recherche de l'intrus. Entendant l'un d'entre eux s'approcher, Kurgoth se plaqua contre le mur de bois, sa lance à la main. Il l'attendait silencieusement, prêt à bondir. Les pas se firent plus discrets et soudain il entendit derrière lui:

"Hey! Qu'est-ce ..."

Le garzok ne le laissa pas finir sa phrase, se retournant brusquement, la lame de sa lance sifflant en direction de la tête de l'humain qui l'avait contourné. L'acier s'entrechoqua, le bûcheron, malgré sa surprise de voir un tel adversaire, eu le temps d'interposer son arme, in extremis. Il ne pu cependant la garder en main, le choc de la lance à pleine vitesse étant trop violent. Désarmé et perdant l'équilibre, toujours impressionné par la vue inattendue du monstre qui lui faisait face, il n'eu que le temps de hurler ses derniers mots à ses camarades alors qu'il tombait au sol.

"Un garzok! A l'aide!"

Une gerbe de sang repeignit le visage de son meurtrier. La gorge tranchée lors du second passage de la lance, le malheureux se noyait dans son propre sang, lequel rougissait déjà la neige, alors que son dernier appel au secours se résuma en un amas de bulles écarlates se formant au milieu du flot d'hémoglobine émergeant de son cou.
Alors qu'il entendait le reste de ses ennemis arriver, Kurgoth eu une idée. Il voulu tenter une technique souvent utilisée par son ancien mentor. S'il arrivait à mettre hors de combat un des adversaires en lui lançant son épée dessus, ses chances ne seraient que décuplées. Posant sa lance contre le bâtiment, il saisit son épée dans sa main droite et patienta en silence.

Les deux humains apparurent en même temps devant le garzok, ce dernier lança son arme, qui siffla dans les airs. Mais au lieu de se planter violemment dans la poitrine d'un ennemi, la lame effectua une gracieuse courbe, tournoyant dans les airs, pour disparaître de la vue des protagonistes, survolant le bâtiment près duquel ils se trouvaient.
Après avoir suivit l'arme des yeux d'un air incrédule, les ouvriers échangèrent un regard, laissant à Kurgoth le temps de reprendre sa lance. Ce dernier, bien qu'humilié par sa tentative plus qu'approximative, ne se laissa pas déstabiliser. Adressant un regard haineux à ses ennemis, il recula de deux pas et se jeta à couvert derrière l'angle de l'édifice.

"N'avance pas trop vite je fais le tour pour le prendre à revers."

Le garzok sourit, son plan de secours pouvait encore fonctionner. Restant immobile jusqu'à être certain qu'ils étaient de part et d'autre du bâtiment, il attendait leur signal pour agir.

"C'est bon tu es prêt? Mainte... nant!"

Il finit son mot empalé par notre héros. Ce dernier avait attendu ce moment précis où son attention serait légèrement détournée pour se ruer sur lui, lance en avant. Dégageant son arme du corps d'un coup de pied, il se retourna pour affronter son dernier adversaire qui pointait vers lui l'épée qu'il venait de ramasser.

"Pose mon arme et je te laisserai vivre!"

"Jamais! Les autres reviendront bientôt avec des soldats et ce sera à toi de poser tes armes! Mais comme tu es probablement un de ceux qui nous ont attaqué l'autre jour et que tu oses revenir, n'espère pas survivre!"

Ils se faisaient face alors que le vent se levait à nouveau, chacun pointant l'autre de son arme. Le temps semblait ralentir, les flocons encore innocents et blancs seraient bientôt témoins d’événements envoyant une âme de plus auprès de Phaïtos. Kurgoth senti soudain une vive douleur dans son mollet, le forçant à mettre genou à terre. Se retournant, il aperçu ce qu'il pensait être sa dernière victime, accrochée à la vie, tenant un couteau pénétrant sa chair.

"Meurs créature infâme!"

Son ennemi avait profité de la distraction pour se ruer sur lui. Mais il paya cher son inexpérience au combat, le garzok, dont la lance le pointait déjà, n'eu qu'à suivre son mouvement pour que la différence de portée ne suffise à lui entailler profondément le flanc, l'envoyant du même coup rouler de douleur sur le côté. Arrachant enfin la lame de sa jambe, il la planta dans le crâne de celui qui en était responsable, ce dernier, à bout de force, ne parvenant même plus à lever son visage du sol enneigé, finit exécuté sans plus de cérémonie.
Kurgoth se releva ensuite, ramassa son épée tombée au sol, et s'approcha du dernier humain en vie.

"Quand les renforts sont-ils sensés arriver?"

"Très bientôt et il te suivront! Tu es déjà mort!"

Sa voix était tremblante et le garzok, bien décidé à ne plus jamais se faire leurrer, attrapa les boyaux de sa victime par la blessure béante sur son flanc et les tira hors de son ventre en répétant sa question. Le blessé, voyant ses intestins le recouvrir petit à petit, répondit en pleurant.

"A... Avec ce temps... Ils devraient arriver dans quelques heures... Ayez pitié... J'ai une..."

"Tais toi. Garde tes forces. J'ai besoin que tu transmettes un message à tes amis... Dis leur que Kurgoth est venu vous achever."

Il laissa ainsi le bucheron à son sort et fouilla cadavres et bâtiment pour dénicher nourriture et équipement avant de disparaître dans la forêt enneigée.

1318mots

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Ven 13 Jan 2017 21:38 
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Ses doigts étaient bleus. Elle soufflait dessus, à intervalle régulier, pour les réchauffer - en vain. Sa face grise se tournait de tous côtés, cherchant à se repérer dans cette immensité immaculée. Les flocons tourbillonnaient, se prenaient dans ses cheveux noirs, dans ses yeux aussi sombres, l'aveuglant, la recouvrant d'une pellicule blanche, d'une aura surréaliste que seuls les animaux de la forêt pouvaient observer, cachés dans leur terrier. À l'abri de la demi-elfe et de ses deux longues épées.

(Et dire que j'étais juste sortie pour chasser un peu.)

Kay était transie de froid et elle ne voyait que désespoir quand elle levait les yeux vers un ciel opaque, indéchiffrable. Sa main droite glissa jusqu'à l'extrémité de la garde de son arme et d'un mouvement fluide, rendu inconscient à force d'avoir été fait, elle la rengaina. La lame pesa lourdement dans son dos, aux côtés de sa jumelle. Ses mains libérées, elle les glissa sous ses aisselles et regretta d'être plus souvent vêtue d'une armure - incomplète en plus - que d'un manteau. Un sourire amer écarta les traits pâles de son visage dont la couleur même révélait son ascendance partiellement elfique. Il fallait se rendre à l'évidence : elle était perdue. Et bien correctement.

La tempête de neige faisait rage, empêchant de voir à moins d'un mètre et surtout recouvrant les traces de pas avec une célérité qui ne laissait rien présager de bon. Le sol même, était déjà caché par un bon mètre de cette couverture ouatée. Chacun de ses pas lui coûtait de l'énergie et ses bottes s'enfonçaient trop profondément, permettant parfois à la neige de s'y glisser. L'horreur. Voyons, il fallait rester calme, se concentrer. Par où était-elle venue ? Eh bien, quelle foutrement bonne question ! La guerrière avait quitté la ville à l'aube, afin de profiter de toutes les heures ensoleillées et son entrainement puis sa chasse l'avaient emmenée loin au cœur de la montagne, sans qu'elle eût suivi une route pré-établie.

"Tanaëth ?"

C'était totalement ridicule. Le maître d'armes était certes, en cet instant, quelque part dans ce même massif, mais ce n'était pas son faible murmure qui le ferait soudainement apparaitre devant elle. Elle était seule, seule et perdue. Étrange sensation, au demeurant. Cela faisait longtemps qu'elle ne l'était plus - seule. Longtemps ? Cela lui semblait déjà faire une éternité qu'elle accompagnait le Sindel. Ce qui ne l'avait pas empêché de la renvoyer, quand ils avaient été à proximité de Luminion. Il avait, disait-il, quelque chose à faire de lui-même. Quelque chose qui avait donc condamné Kay à ne plus savoir quoi faire de sa vie. Bien sûr, elle devait continuer à s'entrainer durement, mais elle ne voulait pas le faire à portée de vue des villageois, ni n'avait trouvé un "endroit à elle" dans la forêt. Ce qui expliquait sa longue errance tout le jour durant, errance qui s'achevait pitoyablement.

"HÉHO !"

Elle ne devait pas être si loin. Il lui suffisait de marcher et elle tomberait forcément sur quelqu'un, un natif qui la raccompagnerait. C'était cela : il lui suffisait de marcher. Et puis, cela lui faisait faire de l'exercice et permettait à son corps de ne pas geler sur place. Courage ! Elle avait vu bien pire qu'une bête tempête de neige !

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Sam 14 Jan 2017 22:44 
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Une telle tempête, c'était presque incroyable. Il lui semblait que le sol et l'air et le ciel et toutes choses n'étaient plus que de la neige, froid, lui entrant dans les yeux, les narines, par toutes les pores possibles de sa peau grise, mais à présent bleue. Kay n'avait jamais expérimenté un tel événement climatologique avant. Ce n'était presque pas étonnant puisque la dernière fois qu'elle avait été à la montagne, c'était pour se rendre à Hidirain et le chemin, quoique ténébreux et franchement inhospitalier en partant de Khonfas, était tout ce qu'il y avait de plus dégagé et, aux abords de la Perle Blanche, de plus vert.
Elle réitéra son appel.

"Hého ! Y'a-t-il quelqu'un ?"

Un instant, la demi-elfe s'arrêta pour souffler sur ses doigts congelés, piétiner sur place pour se débarrasser de la neige qui était entrée dans ses bottes et tenter de se réchauffer. Elle plissa les yeux. Là-bas, pas loin, il lui semblait bien apercevoir une forme bouger. Difficile à dire ; ça pouvait n'être qu'un arbre après tout. Ce qui dans une forêt ne serait pas totalement déplacé. Néanmoins, intriguée, elle fit quelques pas et, subitement, l'écran blanc qui cachait l'ensemble de son champ de vision se déchira et elle se retrouva nez à nez avec une jeune femme, si près l'une de l'autre qu'elles faillirent se rentrer dedans. Par réflexe, Kay fit un vif pas en arrière et sa main droite se porta à son épée. Cependant, constatant que la personne qui se trouvait en face d'elle avait tout d'une pauvre âme perdue et inoffensive - ce qu'elle était à peu près elle aussi, en cet instant, sa main lâcha la garde polie et revint se frotter avec l'autre.

"U... une ville ? Un abris ? Est-ce qu'il y a quelque chose par ici ? S'il vous plaît !"

Kay observa la nouvelle venue. Elle avait les cheveux noirs comme elle, titubait sur place et ses lèvres étaient aussi bleues que la peau d'un Earion. Le premier réflexe de la guerrière fut de vouloir la couvrir, mais hélas, elle ne possédait que son armure et les plaques d'acier soudées entre elle ne constituaient qu'une faible protection contre ce vent glacial. La pauvrette semblait sur le point de s'évanouir de fatigue et sans doute de froid. Prise par surprise par cette brutale apparition, Kay ne sut comment réagir et arriva à peine à balbutier quelques mots.

"Je... Je ne sais pas... Je... suis perdue aussi... En fait."

Ses yeux parcoururent rapidement les alentours comme si elle allait subitement dénicher un abri. Les arbres étaient grands, mais nus, la végétation avait disparu sous l'épaisse couche de neige. Il n'y avait vraiment aucun endroit où s'abriter. Il y avait cependant une masse sombre qui tranchait avec le blanc, un pic noir qui ne semblait pas si loin. Kay l'indiqua d'un geste rapide et tremblant.

"Mais... Mais si on va par là, on devrait trouver une grotte... Je crois..."

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Kay de Kallah, Maître d'Armes et demie-Sindel

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Dernière édition par Kay de Kallah le Ven 27 Jan 2017 20:20, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les Chaînes de Montagnes
MessagePosté: Dim 15 Jan 2017 23:47 
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Après la mystérieuse nuit passée au sommet de la plus haute montagne des environs lors de la pleine lune, je convaincs Sinwaë de me suivre au moyen de fines lanières de viande que je lui tends à intervalles réguliers. Si ma descente du pic est lente et prudente, l'Ithilartëa se joue au contraire des obstacles, m'étonnant plus d'une fois par sa capacité à franchir des parois pourtant abruptes. Quelques heures suffisent pour que nous rejoignions à mon plus grand soulagement le fond de la vallée, je n'ai décidément pas l'âme d'une araignée, sentiment encore renforcé sans doute par le pesant matériel que je trimbale toujours avec moi et qui ne semble avoir de cesse de m'attirer dans le vide. Une fois bien en sécurité sur le sol très relativement plat de la vaste combe, je me dirige instinctivement en direction de la faille qui m'a permis de grimper jusque là lorsque Sinwaë laisse soudain échapper un sourd grognement et se détourne pour emprunter un autre chemin. Je l'appelle à plusieurs reprises, lui tends un nouveau morceau de viande qu'il s'empresse de venir saisir, mais rien n'y fait, il s'obstine à vouloir se diriger vers le glacier bordant le côté nord de la vallée. Intrigué et, surtout, peu désireux de m'éloigner de lui au risque de le perdre, je lui emboîte le pas en grommelant que je vais devoir me livrer à un dressage en règle si je ne veux pas passer mon temps à lui courir après.

Quoi qu'il en soit, nous ne tardons guère à rejoindre le pied du glacier qu'il entreprend alors de longer en reniflant le sol avec un intérêt déconcertant étant donné qu'il n'y a, à mes yeux du moins, strictement...rien. Enfin, mis à part une épaisse couche de neige, évidemment. Par chance mon fauve va plus ou moins dans la bonne direction et je ne désespère pas de parvenir à l'entraîner vers la faille lorsque son insatiable curiosité aura été assouvie. En début d'après midi, le bougre décide soudain de s'allonger sous un rocher, baillant copieusement pour me faire comprendre qu'il n'ira pas plus loin avant d'avoir fait un somme! Je ne peux m'empêcher de rire à ses mimiques expressives et, n'étant pas plus pressé que ça, lui accorde de bon coeur un peu de repos. Ma réserve de viande s'épuisant, je décide alors de tenter de chasser un peu dans les environs, l'Ithilartëa a bon appétit et le nourrir est pour l'instant la seule manière que j'ai de l'inciter à me suivre. Un lien s'est certes tissé entre nous lors des jours précédents et en particulier durant l'étrange nuit passée, mais je sens qu'il est encore trop ténu pour que je puisse être certain que le farouche animal ne m'abandonnera pas dès l'instant où je n'aurai plus de pitance à lui offrir. Quelques heures de traque me permettent de tirer un couple de gros lièvres au pelage blanc que je ramène jusqu'au refuge de Sinwaë qui n'a pas bougé d'une oreille. L'odeur de la viande le tire rapidement de sa léthargie et je regagne toute son attention en lui faisant don des entrailles des deux mammifères, qu'il dévore comme un glouton avant de s'intéresser au reste. Je n'ai pas trop de toute mon autorité pour l'empêcher de me dérober le produit de ma chasse, ce qu'il finit par accepter avec un grognement dépité du plus haut comique.

Nous marchons toute la nuit à la lueur de la lune qui commence à peine à décroître, ses reflets sur la neige et la paroi bleutée du glacier donnent un aspect enchanteur et épuré au paysage, spectacle qui me fait presque oublier le froid polaire qui règne lorsque l'astre du jour ne réchauffe plus l'atmosphère. Au petit matin, Sinwaë s'arrête subitement devant un interstice oblong perçant le pied du glacier et le renifle de plus belle, jappant à plusieurs reprises avant de vider sa vessie d'un air digne sur le côté du passage. Curieux, je me munis de mon arc sur lequel j'encoche une flèche et m'approche de l'ouverture haute d'environ un mètre pour le double de large, supposant qu'il s'agit de la tanière d'un animal quelconque. Je n'en distingue pas le fond mais le passage semble régulier et légèrement descendant, nulle odeur ne s'en échappe pour ce que je peux en percevoir mais d'étranges traces de griffures marquent le sol. Je les examine de plus près et, si j'ai d'abord pensé qu'il s'agissait de traces de griffes, je ne tarde pas à changer d'avis en apercevant une marque évoquant clairement l'empreinte d'une botte. Quelqu'un s'est faufilé là-dedans, mais pour quelle raison, ça je l'ignore. Peut-être pour échapper au Béhémoth ou encore à un Ithilarthëa, qui sait?

Je réalise soudain que j'ai bel et bien une manière d'en avoir le coeur net à ma disposition, je peux en effet utiliser le pouvoir que m'a offert Sithi et écarter les voiles du temps pour avoir une idée de ce qui s'est passé ici. Je m'installe donc en tailleur à l'entrée de la cavité et me concentre intensément sur ces traces et celui ou celle qui les a produites, jusqu'à me placer dans cet étrange état de rêve éveillé proche d'une transe.

Il fait nuit, le vent doit souffler fortement car ma vision est brouillée par un voile fluctuant de flocons se déplaçant à l'horizontale. Subitement, une lueur apparaît dans l'orifice, vacillante et orangée. Un visage émacié, dévoré par une barbe rousse hirsute parsemée de glaçons apparaît soudain, il est surmonté par un drôle de casque sur lequel se trouve une petite lampe à huile allumée. Un Thorkin! Il s'extirpe péniblement de la cavité et se redresse, je distingue alors qu'il porte un équipement de mineur: pioche, marteau, burin et une sorte de hotte comme j'en ai vu sur le dos des mineurs du Rock Armath. La vision se recule brusquement et je le vois s'éloigner de la grotte d'un pas lourd. Un autre changement de point de vue, tout aussi brusque, et je discerne soudain une énorme masse mouvante qui fond sur le nain! Ce dernier fuit à toutes jambes mais l'être que je reconnais pour être le Béhémoth croisé quelques jours plus tôt le rattrape rapidement et lui assène l'une de ces monstrueuses gifles dont il a le secret. Le Thorkin est projeté au loin et je grimace en me souvenant de mes propres vols planés. Seulement, contrairement au nain, je possédais une puissante armure, le malheureux n'a pas cette chance et j'ai l'impression à sa posture qu'il a les deux jambes brisées car elles forment un angle étrange avec son corps. Le petit homme parvient néanmoins à se traîner jusqu'à la grotte dont il est sorti et s'y laisse glisser tandis que le monstre déchaîne sa colère contre la face du glacier, bien inutilement d'ailleurs car sa proie lui a échappé.

Je reviens peu à peu au présent et me secoue pour sortir de la légère torpeur engendrée par ma transe. J'observe l'orifice d'un oeil différent maintenant que je sais à peu près quel drame s'est déroulé ici. Je doute fort que le Thorkin ait survécu à ses blessures, à moins bien sûr qu'il n'ait disposé d'une fiole de soin. Mais, plus probablement, son cadavre gelé repose à quelques mètres de moi, du moins si un prédateur quelconque n'en a pas fait son repas. Reste la question de savoir ce qu'il pouvait bien chercher en ces lieux reculés, sans doute un minerai mais lequel? De plus en plus intrigué je me décide à aller voir si je retrouve le corps de ce nain, s'il s'est donné la peine de venir seul jusqu'ici au mépris de tous les dangers ce n'était certainement pas pour extraire du fer...


Dernière édition par Tanaëth Ithil le Mer 18 Jan 2017 00:19, édité 1 fois.

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