Dans l'ombre de la capitale noire, les terres incultes d'Omyrhy s'étalaient en plaines stériles et monotones. Les rares touffes d'herbes s’aplatissaient fébrilement face aux vents venus de la houle nordique, tout comme les esclaves courbaient l'échine face à leurs maîtres Garzoks. La civilisation en ces lieux se résumait bien souvent en groupes assassins d’humanoïdes monstrueux et corrompus, s'affrontant pour des biens et de la nourriture qu'ils ne savaient produire.
Mais dans le couchant se faisait jour la pâle verdure d'une vaste étendue d'arbres surélevée cerclée de montagnes rocheuses. Elle était là, rempart naturel délimitant la frontière austral menant aux terres des hommes, profonde et mystérieuse. La poussière et la mousse grisâtre qui recouvrait ses premiers enfants faisait ressembler l'endroit à une nature morte ensevelie sous la fatigue et l'oubli. C'était le Bois Sombre, dont l'obscurité renvoyait aux ténèbres de son cœur sans retour et à l'ultime noirceur accueillant le trépas de l'explorateur pénétrant en son sein.
L'espacement des premiers arbres chétifs laissait rapidement la place à un resserrement labyrinthique de végétation épineuse. De vastes buissons de ronces évoluaient au pied d'arbres nus aux branches avachies. De prime abord, l'unique source de vie semblait provenir du souffle discontinu d'un vent s'apparentant à la respiration lancinante de quelque géant endormi. Pourtant, dans cet endroit sans bruit, chaque territoire était sous le joug d'un maître qu'il était dangereux de réveiller. Prédateur, chasseur, tueur, chacun vivant de son côté en espérant ne pas déranger un voisin plus dangereux encore.
C'est dans ce milieu qu'évoluait une tribu de Sektegs qui servait parfaitement à tout l'écosystème. Garde manger pour les uns, car leurs prédateurs naturels étaient très nombreux, agent de la sélection pour les autres, car ils s'attaquaient principalement aux cibles âgées et malades. Il s'agissait du clan de la Dent Longue... l'analogie avec l'expression « avoir le bras long » avait sombré dans l'oubli depuis des générations. Car si jadis la tribu jouissait bel et bien de relations avec les autres peuplades Gobelines de ces lieux, aujourd'hui elle les avaient presque toutes absorbées, pour ne former qu'un peuple innombrable grouillant sous terre. Devenue sauvage à l'extrême, cannibale et pléthorique, seul les jeunes membres étaient autorisés à mourir dans le grand extérieur, comme ils aimaient à appeler le monde qui s'étendait en dehors de leur repaire. L'entrée principale de leur résidence n'était rien de plus qu'un talus jonché de feuilles mortes et d'excréments perclus de moisissures. Il n'y avait nul chemin tracé, mais il était impossible de louper les ossements qui, un peu partout, formaient de macabres témoignages des sacrifices consentis par la cohorte sauvage.
Rares, pour ne pas dire inexistantes, étaient les excursions qui se déroulaient sans morts. La dernière en date était celle d'un groupe téméraire ayant survécu tant bien que mal après une malencontreuse attaque qui avait rapidement tourné au fiasco. Désormais perdus et dispersés, les survivants convergeaient tous vers le seul endroit susceptible de les protéger. Tous haletaient, chacun ayant donné ses forces dans une course au travers bois. Les plus vifs reprenaient haleine à l'entrée de leur habitat, mais nombreux étaient ceux qui couraient encore pour leur vie...
« 'ssez-vous ! 'ssez-vous ! » Hurlait frénétiquement le Tatoué en dispersant violemment un groupe des siens qui commençaient à fatiguer. Comme tous les jeunes il se faisait reconnaître sous un ersatz de nom, tiré de l'une de ses particularité. En l'occurrence, son visage était toujours peinturluré de dessins tribaux qu'il devait imaginer terrifiants. A cette heure de débandade, ils ne faisaient que renforcer son expression de terreur déconfite. Derrière lui, des pas lourds se faisaient entendre : le bruit rythmé de la course calme des deux mastodontes qui le suivaient, parfois sourde, mais plus souvent abominablement craquante lorsqu'elle rencontrait en chemin le corps chétif d'un Gobelin tétanisé.
Éclairé par une inspiration subite, il se jeta la tête la première dans une flaque d'eau croupie, s'étalant en écorchant ses bras sur le sol incrusté d’innombrables petites pierres aux arêtes saillantes. Ses poumons étaient presque vides mais pourtant il demeura la tête enfouit dans l'eau sombre, sa poitrine se convulsant en spasmes retenus. Ses oreilles frétillèrent tandis que de minuscules bulles gazouillantes s'exprimaient depuis la commissure de ses lèvres douloureusement pincées. Puis un immense pied vert de la taille de sa tête s'écrasa sur sa jambe. Tout son buste se releva d'un coup et sa bouche se décrocha dans un cri de douleur muette. S'il avait eu encore assez de respiration pour produire un son, il serait peut-être mort. Au lieu de quoi, il ne produisit rien de plus qu'un chuintement avant de s'effondrer sur le côté, haletant. Les cheveux collés à son visage par une nasse de boue, il tenta d'apporter péniblement de la vie à son esprit jusqu'alors résigné à la fin. Le second géant était lui aussi passé, bien plus loin, sans lui prêter attention. Tout autour n'était que hurlements de ses frères. Quelques uns encore couraient vers le terrier sans se douter qu'ils suivaient ceux qu'ils fuyaient. Leurs regards passèrent à peine sur le Tatoué qui ne se distinguait guère des dizaines d'autres corps qui témoignaient du passage des deux Garzoks vengeurs. Le tatoué se releva en produisant un sifflement ténu, visualisant la succession d’événements ayant mené à cette débandade...
Cela faisait des jours que le groupe de Garzoks avait fixé son camp dans les bois. Ils étaient trois seulement et les Sektegs bien plus d'une cinquantaine. Même si aucun d'eux ne savait compter, ils avaient compris leur avantage. Tous considéraient les Orques comme les avatars de leur Dieu primitif, Ter Zignok, patron de la terre. Leur logique voulait qu'en abattant ses champions ils s'attireraient ses faveurs. Ils en avaient eu un, par surprise, il n'avait rien vu venir. Les deux autres ne laissèrent pas aux Gobelin une seconde chance.
Désormais les deux survivant ne cherchaient plus vraiment à se venger - leur rage ayant retombé -, mais à éradiquer la menace ; détruire le trou des rats qui vivaient assez proche pour les attaquer. Tuant froidement comme l'on chasse des insectes, ils étaient maintenant en train d'enfoncer l'entrée du repaire Sekteg avec le tronc d'un maigre arbre déraciné. Le Tatoué s'approcha en rampant et observa le premier Orque tourner son engin de siège de misère dans l'entrée, élargissant le passage. Le second repartit rapidement chasser les Gobelins qui couraient encore ça et là autour d'eux, paniqués. Tout n'était plus qu'un cratère retourné de terre sanglante et de ronces envahies de frêles corps inanimés ou encore agités d'ultimes spasmes.
Puis, ce fut l'explosion. Si surprenante que l'assiégeant ne put rien faire. Ils jaillirent comme une marée : la multitude déchaînée des habitants du trou dérangés dans leurs activités, pressés entre eux au point de ne former qu'une unique masse grouillante. Les premières lignes s'écrasèrent face contre terre tandis que ceux, derrière, qui les poussaient, les piétinèrent sans hésitation. C'était une ribambelle compacte se déversant en un tapis piaillant et ricanant. Le premier Garzok s'effondra presque aussitôt sous la surprise et la force déployé par la nuée implacable. Et lorsque le second se désintéressa de sa chasse pour prêter attention aux hurlements de son compagnon et qu'il le vit se faire dévorer par une armée qui, toujours, s'extirpait du trou qu'ils avaient prit pour cible, il fut prit d'un instant de stupeur. De quelques brassés il chassa la première fournée de Gobelins qui se jetaient sur lui, mais ce faisant ces derniers s'agrippèrent à son bras en une guirlande gigotante armée de griffes et de dents. Un autre mouvement pour les chasser et ses tendons furent sectionnés par les lames rouillées des autres qui grouillaient désormais autour de ses jambes. En tombant, tout comme son compère, il en tua bien quelques uns, mais déjà la vie s'échappait de son corps. Cinq minutes de festin plus tard, il n'y avait plus rien. Même les corps des Segteks tombés avaient disparus. Le Tatoué se trouvait toujours au dessus de la scène, émettant un ricanement ignoble, similaire à celui de l'armée qui avait rapidement disparu sous la terre protectrice. Puis il se laissa glisser, la jambe traînante et les avant bras à vif, jusqu'à l'entrée désormais béante de l'endroit qu'il appelait sa maison.
Bien que l'entrée fut rapidement reconstituée à base de terre, de branchages et de matière organique, le rescapé solitaire put profiter de l'élargissement temporaire de cette dernière. Claudiquant, il n'eut pas à ramper ni même à baisser la tête avant d'arriver au goulot principal, quelque dizaines de mètres en profondeur, qui menait au centre du terrier. Ce tenant le bras droit avec la main gauche et remuant sa jambe valide, il finit tant bien que mal par se glisser – non sans douleurs - , jusqu'au premier dénivelé. Ce dernier se présentait sous la forme d'une échelle grotesque creusé à même la terre, qui servait aussi parfois d'étagère primitive et dont chaque profondeur habitait un bouquet de champignons grisâtres. La terre était particulièrement friable et partout, même sur les parois éloignées, se voyaient des sillons profonds de mains et de pied, dans les deux sens, seuls signes du passage successif de l'armée qui était venu à bout des Orques quelques minutes auparavant. Soudain, un pan du mur s'effondra sur la tête du Gobelin qui, prudemment, tentait d'affronter les marches une à une. Il fut emporté et perdit l'équilibre, tant est si bien qu'il s'effondra en contrebas, griffant les parois pour ralentir sa chute. Le sol était mou et particulièrement retourné, ainsi n'eut-il pas à payer sa malchance. Mais lorsqu'il leva la tête, il fit face à deux yeux brillants qui, depuis l’alcôve la plus basse de « l'escalier », s'approchaient de lui, jusqu'à dévoiler le visage disgracieux d'un autre Gobelin. Le renfoncement avait dû être creusé en profondeur récemment, car le Tatoué ne s'en souvenait pas. Il demeura avachit, sa jambe brisé formant un angle absurde. Puis il se releva partiellement, les bras dans son dos, les mains enfoncés dans un amas de terre meuble.
« Qu'vons nous là ? Kih kih kih... L'jeune trop cabossé d'la pensante pour mourir dans l'grand extérieur. Non pas ? » Susurra le Sekteg sorti des ombres. Son visage était marqué de rides nombreuses et son crâne rabougrit n'était orné que de quelques cheveux disparates. Pourtant, alors que les yeux de l'ancêtre se balançaient du visage de son interlocuteur à sa jambe et de sa jambe à ses bras couverts de terre écarlate, un sourire énorme s'étira, dévoilant une dentition toujours effilée.
«'cul'toi ! 'cul'toi ! Vieux rat ! Tu d'vrais êt' mort trois fois déjà. » Le Tatoué répondit avec une rapidité exagéré, comme il savait que les siens ainsi que lui même n'étaient guère enclins à la discussion, si ce n'était pour jouer avec leurs proies. Mais face à lui il avait non seulement un Sekteg âgé et fripé, mais aussi visiblement affamé. Les os de ce dernier étaient visibles au travers d'une peau livide. L'ancêtre lança une pierre qu'il sorti de son pagne, heurtant sa cible au menton, puis, lançant un cri strident, il se jeta en avant, les deux bras ouverts comme des ciseaux qu'il referma au moment de retomber sur sa victime.
« Kiaaah ! » A cause de la promiscuité du tunnel, le hurlement ne résonna pas, mourant presque instantanément tandis que le Tatoué s'égosillait tout en tentant de se rouler de droite et de gauche, projetant la sangsue gobelinoïde qui l'entravait contre les parois de l'endroit. Le vieillard avait plongé ses dents dans le cou de sa proie et secouait frénétiquement la tête dans l'espoir d'y arracher un morceau de chaire crue. Ses bras malingres étaient d'une longueur aberrante pour sa taille et il n'eut aucun soucis à encercler le Tatoué d'une clé implacable.
Il semblait ne résider aucun espoir pour le plus jeune qui se débattait de moins en moins. Lorsque soudainement il eu le souffle coupé par la chute d'un autre Sekteg qui venait de l'extérieur et avait jugé bon de se servir de ses deux confrères pour amortir sa chute. Il ricana en s'éloignant, bientôt suivit d'un second qui attendait simplement que son compagnon passe le premier. A ce second choc, le vieillard lâcha prise et tomba sur le côté. Le craquement inquiétant qui se fit entendre provenait de son dos. Il rampât vers sa cachette en gémissant, bientôt suivit du Tatoué qui n'eut pas à se faire prier pour tirer sa lame. Titubant, il prit sa vieille dague à deux mains comme une épée et se laissa chanceler jusqu'à s'effondrer dans le dos de son ancien agresseur, plongeant l'arme entre les côtes. Un chuintement se fit entendre, il ressentit le poux sous lui, puis plus rien. Il demeura quelques secondes allongé comme cela sur le dos du corps frêle du vieux gobelin, profitant de la chaleur morbide de sa victime. Autour de lui étaient visible les ossements nombreux des anciens repas de celui qui s'en était prit à lui. A son cou lui brûlait encore la morsure qu'il venait de subir. Il se sentait de plus en plus faible. En face, une obscurité pleine d'un amas de crânes et de déjections, était visible un maigre passage plus obscure encore que le tunnel principal, toujours visible derrière lui. Au loin résonnait par intermittente la cacophonie tribal de milliers d'autres Gobelins. Le tatoué était faible et impuissant, agonisant. Il glissa son arme à la taille avant de ramper dans le passage probablement creusé à la main par la frénésie de celui qui gisait désormais sans vie. Dans ces ténèbres inexplorées le Tatoué s'enfonça, accompagné par le craquement sinistre de sa jambe brisée devenue inutile ainsi que par la sensation poisseuse du liquide invisible qui suintait de sa blessure nouvelle.
¤ ¤ ¤
«Rajoute en encore. Oui... encore un peu. Y en a jamais trop. » Le conseil provenait d'un Sekteg, bien entendu, et il se trouvait très proche du Tatoué, ce dernier n'osa pas même ouvrir un œil. Tout son corps était engourdit et insensible et il sentait résonner des tapotement, comme s'il se trouvait enterré et que plusieurs individus sautaient à cloche-pied à la surface. Il n'avait aucun souvenir de ce qui lui était arrivé, si ce n'est que l'inconscient l'avait frappé durant ses derniers efforts pour avancer.
«Tape ! Tape ! Fredonnait l'un.
- Tasse ! Tasse ! Lui répondit une autre voix, tout en accompagnant ses mots du bruit de claquement sourd de sa main heurtant le crâne de son compère. Avant de reprendre :
- Ne pas l’abîmer pas plus qu'il n'est. La terre du grand Dieu de la terre va reconstruire lui ! Tonna de nouveau la voix impératrice, suivit d'un cœur respectueux, presque incantatoire, de multiple autres individus subjugués par celui qui leur lançait ses injonctions.
- Dieu de la terre ! Dieu de la terre ! »Et le martellement se fit plus rapide, plus multiple et de moins en moins sensible. Le Tatoué osa enfin ouvrir les yeux. Il était toujours là où il s'était évanouie, dans les noirs profondeurs d'une salle dont il n'avait pas eux conscience jusqu'alors. En effet, la torche artisanale que tenait l'un des gobelin dévoilait un espace vaste, si vaste que l'unique source de lumière ne permettait pas d'en voir les parois éloignées. Autour du Tatoué, ils étaient des dizaines, en rangées désordonnées, comme une foule venue observer un objet d’intérêt. Dans les rangs les plus éloignés, seule des ombres immobiles étaient visibles, même pour le regard perçant d'un Sekteg. Plus loin encore, dans d'autres couloirs étroits que celui qu'avait pratiqué le Tatoué ramper jusqu'ici, étaient audibles les murmures de ceux qui n'avaient pas eux la chance d'êtres aux premiers rangs.
S'il était désormais éveillé, il ne pouvait toujours pas bouger. Et pour cause : tout son corps, jusqu'à sa tête, était maintenu par un cercueil de terre puissamment tassé. Sa jambe lui faisait toujours mal et il avait une envie folle de gratter son cou à l'endroit de la blessure. Pourtant il demeura silencieux, ses yeux allant en tous sens pour essayer de comprendre. A sa gauche, dissimulant l'une des sortie, un gobelin en parure de peaux éleva ses mains, regardant tour à tour chaque coin de la pièce.
« Je suis Celui-qui-veut-être-chef ! Et vous connaissez mon nom et mon grand pouvoir ! Il parlait lentement, détachant ses mots pour tenter de formuler des phrases à la syntaxe correct, ce qui semblait subjuguer l’intérêt de son auditoire.
- Mon véritable nom, gravé dans la terre, a déplu au chef Croulant et c'est pour ça que je vie loin du terrier, à cause de ce chien stupide, vociféra-t-il,
mais vous savez que le Dieu est avec moi et donc que vous êtes avec moi ! Vous avez vu comme moi ce frère mourant ! Vous avez tous goutté de vos langues et de vos doigts ses blessures ! Écoutez maintenant la parole du miracle de la terre ! »Sans même attendre quoi que ce soit, tous poussèrent des soupires impressionnés par le discours oh combien intelligent pour eux, de celui qui monopolisait la parole. Aucun n'avait l'habitude d'entendre plus de deux phrases à la suite. Ils étaient comme hypnotisés par l'incongruité de la scène.
Celui-qui-veut-être-chef se tourna alors vers le Tatoué et posa ses doigts écartés sur son visage, l'autre tendue vers la petite foule.
« Déjà, te voilà sortie de la vie dans la tête. Dis moi, que ressent tu de tes blessures qui étaient douloureuses avant que je ne te sauve par ma magie ? Le Tatoué n'avait aucune marge d'action. Il voulait fuir mais la terre compacte qui l'encerclait l'en empêchait.
- Gn... Je pas 'sentir rien. » Il ne pouvait pas bouger et son corps commençait à s'habituer à la chaleur de sa prison. Pourtant il souffrait et savait qu'au moindre mouvement, l'une ou l'autre de ses douleurs pourraient éclater violemment. Néanmoins, il n'avait aucune idée de ce qu'il devait répondre, mais avait l'intuition que contrarier son interlocuteur pourrait amener à d'autres traitements de magie tellurique qu'il n'avait guère envie de goûter.
Le meneur de cette scène sembla satisfait et présenta ses mains paumes au ciel devant lui, au dessus du corps prisonnier de son complice forcé. Il les maintint ainsi, comme s'il tenait un monde imaginaire entre ses extrémités crochues.
« Voyez le pouvoir de la terre ! La douleur est partit ! » Un silence, puis l'assemblée s'embrasa. Tous les gobelins agitèrent frénétiquement leurs bras, claquant leurs mains l'une contre l'autre avec violence dans une démonstration simiesque de leur assentiment. Le miracle avait eu lieu et ils le comprirent grâce à celui qui venait de rendre ça possible. L'aspirant chef se pavana au milieu de ses croyants tout en criant pour couvrir la cacophonie exaltée que provoquaient ceux-ci.
« Nous ne croyons plus au chef ! Je suis celui qui doit être chef ! La terre parle ! »La cacophonie des Gobelins fanatisés suivit celui qui voulait être chef et ils s'éloignèrent sans plus prêter une seule attention au « miracle ». Petit à petit l'obscurité reprit ses droits, la faible lueur qui donnait à l'endroit un semblant de vie disparut dans un tunnel lointain. Le Tatoué se rendit alors compte du vide immense de l'endroit où il résidait et se sentit misérable. Il ne voyait plus rien si ce n'est ce que les sens autre que la vue lui indiquaient. L'odeur des excréments et de la pourriture, familière aux zones où vivent les Sektegs, le son lointain de ceux qui s'éloignaient, probablement pour rejoindre un quelconque repère, ainsi que celui, plus proche, du grattement d'une quelconque créature souterraine. Il décida de se focaliser sur ce son et après une heure, il s'endormit.