(
Avant)
Pas à pas, on avance. Pas à pas, en silence. Pas à pas, en cadence. Tatata tala ta ! Et allez ! Encore une mélodie merdique coincée dans l'crâne ! C'est d'la faute des deux autres aussi, là ! L'grand gars en armure noire lève tellement haut les genoux en f'sant cliqueter ses protections qu'c'en est ridicule. Surtout qu'il le fait en rythme c't'abruti ! Genre, il s'croit en train d'parader d'vant une femelle ou quoi ? L'aut' en tunique le suit avec la caissette. Ce s'rait tellement facile d'balancer les bolas dans ses guiboles, d'le faire s'casser la tronche et d'piquer l'matos !
Oais, mais nan.
D'abord parce que Maya marche pas assez vite pour mater son super tir, et qu'faut pas s'faire remarquer. Et ils sont attendus en plus.
La clairière habituelle qu'la peau-verte avait cru entendre. Ou alors c't'ait une menace du croulant genre "
grouille ou j'te r'façonne le derrière à coup d'semelles". Faut êt' con pour l'dire quand même. S'tu veux botter un fion, tu l'fais quand l'envie d'prend, comme quand t'veux aller aux...
"
Chut !"
"
Ben nan, chio...", commence à rectifier la peau-verte avant qu'un poids fonde sur son crâne et lui martèle la raie. Des ch'veux, hein ? Pas...
"
Si-lence Zu-zu.", gronde la voix du corbac.
Ah oaip, ça a pris moins de temps qu'elle le croyait. Ils ont fini par atteindre une sorte de monticule dégagé sur le d'ssus. On dirait l'crâne d'un vioque ! Tout broussailleux autour, et avec un bout d'racine sur l'dessus ! C'trop drôle !
Sauf que la Coureuse n'a pas le temps de s'esclaffer que l'piaf à trois yeux la corrige à coup d'bec avant d's'envoler. Aroroa fait un peu l'tour du coin et s'pose sur une grosse branche. Pis, sans rien d'mander à personne, la v'là qui joue les meneurs. Genre, l'a suffit qu'elle sente le regard rouge sur ses plumes. Elle n'attend même pas qu'la garzoke s'soit installée derrière un buisson pour lui caler sa vue dans la tronche. Elle s'voit d'en haut, mais y'a d'autres trucs qui lui font hausser un sourcil. À elle, hein ? Les corbacs ça n'en a pas. Quoique vu la tronche que fait parfois son piaf, c'est à s'demander...
Mais pas maint'nant, trop d'trucs auxquels réfléchir déjà !
'Fin en gros, la peau-verte remarque plusieurs choses. Maya et elle sont derrière les gars du camp, qui sont face à une souche. À leur gauche, y'a une p'tain d'pente toute glaiseuse avec d'la caillasse et qui donne sur une marre dégueulasse. C'qu'est sûr c'est qu'vaut mieux pas s'en approcher. Ou alors faut avoir envie d'une glissade dans la boue avant un bain. Beurk ! Un bain...
Venant vers le duo d'livreurs, y'a deux garzoks avec du métal partout sauf sur la gueule qui s'pointent. Un avec une arbalète, l'autre avec une grosse masse. Ils en font un bordel ! Et comment ils peuvent bouger avec des trucs aussi lourds sur l'dos ? M'enfin, au moins, si Zu'Gash a une crampe, elle pourra s'étirer sans qu'sa gueulante s'entende.
Les mirettes d'Aro' virent un peu, et s'rapprochent d'leur position. Et là, la garzoke s'rend compte qu'va y avoir du grabuge. Y'a deux autres peaux-vertes en planque pas loin. Z'ont qu'des protections en cuir et d'gros gourdins, mais aussi des gueules... Particulières. Genre, z'ont un pif qu'a tellement du prendre d'coups qu'il est rentré d'dans. Ça leur fait une gueule aplatie, et comme y'a pas beaucoup d'volume sous l'front non plus, doivent pas être bien malins ceux-là.
Zu'Gash sourit, se sentant l'envie d'aller les faire chier, quand la vision change encore une fois. Pas loin d'la pente, planquée derrière un arbre, y'a une autre silhouette. En armure grisée, mais tachée d'boue, genre pour pas s'faire voir en f'sant ton sur ton. Y'a un casque, mais la longue tignasse entre marron et noir dépasse dans l'dos. Ça a une épée dégainée, et un gros bouclier avec un dessin d'ssus. La Coureuse a beau être un peu co-conne, elle sait r'connaitre quand des yus ont été claqués dans du matos. Et là, y'en a pour un sacré poids en bouffe !
Dingue quand même. Pas un ratissa pendant tout l'voyage, et d'un coup, quand l'est pas censé y'avoir d'témoins, vlan ! Sept gugusses venus d'nulle part ! Va falloir essayer d'réduire un peu les effectifs, parce que même si elle a envie d'péter des tronches, se farcir quatre porteurs d'armure ça doit être crevant. Autant commencer par l'plus simple !
Accroupie, la garzoke secoue la tête, rompant le lien avec son piaf. Langue tirée sur l'côté, elle s'avance vers les orcs planqués, ignorant les petits cris d'souris de la Maya. Zu'Gash s'amuse déjà d'la trouille qu'elle va leur coller !
...
Mais merde, faut pas pourtant ! Fais chier ! S'ils beuglent, ils vont attirer l'attention, et donc tout faire foirer. Perdre à ce jeu comme ça, ce s'rait tellement con ! Va falloir changer d'tactique... Ce que ne fait pas la garzoke en s'approchant encore et en se plantant derrière les deux couillons, matant la clairière comme eux. D'ailleurs, les deux groupes s'font face, et commencent à causer pognon, sous la surveillance attentive des deux orcs sous peaux mortes, qui s'curent le pif. Enfin, essaient, parce que loger un boudin pareil dans un nez qu'on n'a pas...
Zu'gash se marre en douce, rabat sa capuche pour que la gueule de Mama Ourse recouvre la sienne et interpelle ses voisins d'un sifflement. Les deux se tournent vers elle, et comme s'ils l'avaient fait exprès, tombent en même temps sur l'fion, gueule ouverte. Dans lesquelles la Coureuse colle ses mains, camouflant les bruits possibles. Ses épaules se soulèvent alors que son rire porcin parvient à s'glisser ent' ses crocs.
"
Oh p'tain ! C'te tronche ! Hihigriiiik. Z'avez pas flippé quand même ?"
Elle retire ses mains des bouches, les essuyant sur les fringues des couillons... Parce que là, y'a pas d'autre mot. Les deux restent immobiles, le bec ouvert, à s'dégueulasser l'torse à force d'baver. Quand l'plus gros s'reprend, après avoir vu Zu'Gash repousser sa capuche, il agrippe son gourdin et a l'air de faire la gueule. Mais ni lui ni l'autre ne l'ouvre... Enfin si, ça n'a pas changé, mais juste ils ne disent rien, quoi. Enfin, juste le temps d's'essuyer les lèvres.
"
Qu'est-ce tu fous là, toi ?", fait le plus gros.
"
T'es con ? J'viens vois si v'z'êtes prêts, tiens !"
"
Ben ça s'voit, nan ?", dit l'autre en brandissant son gourdin, le foutant presque dans l'pif de la Zuzu.
"
Ben nan, justement. Et cause moins fort ! L'a pas dit d'êt' discret l'aut' ?"
"
Oaip. L'frérot a dit 'Silence. Pas un bruit, pas un mouv'ment. T'obéis que quand l'garzok te donne l'ordre.'"
Sourire à crocs de la Coureuse, qui se sent d'humeur à faire chier. Et à s'amuser avec les deux crétins. Elle fait la gueule, exactement comme son ancien chef quand elle avait dit une connerie, encore une fois.
"
C'te con, faudra qu'j'lui fracasse les g'noux. J'suis une femelle, bordel. C'pas le mais la garzoke, p'tin !", souffle-t-elle avec un air mauvais, pendant que les deux idiots se regardent. Ca a pas l'air d'bouger fort sous l'peu d'tignasse qu'ils z'ont. Y s'posent pas la plus p'tite question, et la matent comme s'ils avaient trouvé un autre pote de jeu. Et la peau-verte compte bien en profiter. "
Faites voir les armes."
Et le duo débile de montrer les gourdins. En bois, renforcé d'anneaux de métal. Y'a pas à tortiller, s'manger ça dans la caboche, ça doit faire de beaux bleus. C'con, maint'nant qu'elle les voit d'près, Zu'Gash sait qu'elle aura du mal à les étaler tous les deux sans attirer l'attention. Sont costauds quand même. Forts, mais pas bien malins.
Idée à la Zuzu !
Elle les mate en haussant un sourcil. "
Sont chouettes, mais j'vois pas lequel fait l'plus mal."
Et allez, le truc qui rend les mâles encore plus cons qu'd'habitude : les attaquer sur les performances. Et ça n'loupe pas ! Les v'là qui commencent à dire qu'leur arme est la meilleure, et à s'chamailler. Les yeux rouges les matent un moment, puis la Coureuse lève les mains et choppe les gourdins.
"
Ben on va tester. Vous prenez votre arme, et vous vous en foutez un gros coup sur l'front. Vous m'dites ensuite qui qu'a l'plus mal.", fait-elle en tirant son gourdin d'os de sa ceinture. "
J'vous montre.", dit-elle sous leurs regards attentifs, avant de se donner un coup et surtout de mimer l'étourdissement qui va avec, masquant sa blessure d'une main.
Là, la garzoke se dit que même des débiles n'peuvent pas tomber dans c'piège.
Vlan ! Blam !Et ben si. En même temps, les deux crétins viennent de s'aplatir le peu d'front qu'ils avaient. Mais ça suffit pas. Ils sont étourdis, mais pas encore par terre. Et ils recommencent à s'engueuler doucement. C'qu'est marrant, c'est qu'l'un des orcs en armure s'met à hausser l'ton aussi, comme pour couvrir l'bordel fait par les deux ahuris. Ou alors l'est vraiment en train de s'fâcher, mais ce s'rait une sacrée coindi... Cinci... Coden... Bref, un gros coup d'chance, quoi.
Sur une suggestion d'la garzoke, les deux cons échangent leurs armes pour recommencer. Et paf ! Encore une fois ! Bon, ils saignent un peu du bout d'nez qu'ils ont, mais ils sont résistants ces imbéciles ! M'enfin, z'ont plus l'air très alertes. Déjà qu'c'était pas l'cas avant...
"
Toujours pas d'gagnant, hein ? ... Je sais ! Toi tu cognes lui et lui frappe toi, comme ça, pas d'hésitation. On verra quel gourdin est l'plus fort !", dit-elle, comme ayant trouvé une idée de génie.
Et elle retient son souffle. Et ceux qui l'écoutent obéissent à l'ordre d'un autre garzok. Donc les gourdins se lèvent et...
Double paf ! Double pof...Faut-il être abruti pour se laisser berner à ce point... Zu'Gash touche du bout du doigt les tempes des garzoks, les trouvant bien fêlées. Elle n'sait pas si ça va les tuer, mais en tous cas, vont plus pouvoir s'battre pendant un moment. Elle les fouille un peu et trouve de quoi les ficeler et les bâillonner. Problème réglé !
La peau-verte se tourne vers Maya et lui fait signe d'approcher. À pas feutrés, la p'tite la rejoint, faisant une tronche blasée en matant les deux orcs. Elle finit par sourire malgré le côté angoissant d'la situation.
"
Bien joué. Mais ce n'est pas fini.", susurre-t-elle en rassemblant sa tignasse noire.
Oaip, reste encore pas mal de monde. Et s'en débarrasser, c'va pas être aussi simple.
(
Après)