Zarkozkursk était sorti de l’enceinte de Bohen après quelques minutes de marche dans la rue. Il avait quitté cette boutique magique peu avant midi, et se retrouvait face aux portes de la ville. Il regretta un instant de ne pas avoir vu le port, puis changea d’avis, considérant qu’en fin de compte, ce port devait être tout autant peuplé d’humains arrogants que le reste de la ville.
Il décida de se rendre à Kendra kâr. L’Elfe-qui-se-voulait-Noir avait entendu dire que dans cette grande ville se trouvaient toutes sortes de moyens d’aiguiser sa magie obscure, et que de plus, la ville était un peu plus cosmopolite que Bohen. Il faut dire que cette cité l’avait déçu par l’absence d’autre chose que des humains. Bien entendu, il ne s’attendait pas à voir une cité peuplée majoritairement d’Elfes Noirs de « sa » race, mais il espérait un peu plus de diversité. Quoiqu’il en soit, le trajet ne prenait que quatre jours, cinq dans le pire des cas à ce qu’on lui avait dit, et il avait soif de connaissance. Et dans le meilleur des cas, il pourrait régler son compte à un gobelin ou deux sur le chemin, on lui avait également signalé qu’ils abondaient la nuit sur cette route.
Zarkozkursk se mit donc en chemin le long de la voie qui quittait Bohen vers Kendra Kâr. Il marcha plusieurs heures, puis sentit qu’il devait se sustenter. Il eût apprécié un bon repas composé de pain voire de viande grillée, mais il dut se contenter d’un peu de viande séchée qu’il avait eu l’occasion de stocker quelques jours auparavant et d’un peu d’eau au goût amer qui avait apparemment stationné trop longtemps dans sa gourde. Une fois ce court repas ingurgité avec ferveur, l’Elfe continua sa route.
Dès la nuit tombée, Zarkozkursk s’éloigna un peu de la route et s’allongea dans l’herbe pour méditer, se reposer en somme. Par sûreté, il tenta d’utiliser l’Obscurité pour confectionner un charme de dissimulation, mais échoua lamentablement.
(Tant pis, l’obscurité naturelle me protège, et dans le pire des cas je saurai me défendre.)
Il resta dans cette position moins d’une heure, lorsqu’il fut réveillé par des cris stridents qui se rapprochaient. Il sortir lentement de ses rêveries, et reconnut le cri d’un Sekteg, sorte de cri qu’il avait déjà entendu plusieurs fois lorsqu’il marchait sur la route, mais toujours éloigné. Heureusement pour lui, il n’entendit pas d’autres cris lui répondre, le gobelin était seul. Il restait cependant dangereux, et s’approchait.
Zarkozkursk se leva, et prépara ses incantations dans son esprit. Il se les remémora plusieurs fois, et surprit sa main qui tremblait légèrement.
(Ca n’est pas vrai, je ne peux pas avoir peur d’un piteux petit gobelin ! Après tout ce que j’ai étudié, tout ce que j’ai vu… hier encore, je risquais ma vie dans une auberge de Bouhen !)
Et pourtant, sa main tressaillait quelque peu. Le Gobelin s’approchait de plus en plus. L’Elfe-qui-se-voulait-Noir vit sa peau bleue se détacher légèrement dans l’obscurité ténébreuse de la nuit, et surtout, il vit ses yeux presque lumineux qui semblaient le fixer, comme s’il le voyait parfaitement malgré la pénombre environnante.
Soudain, le gobelin chargea. Il avait une petite épée, qui semblait forgée grossièrement, et une armure assez peu élaborée par rapport à ce à quoi s’attendait Zarkozkursk : tout juste s’il aurait résisté à un coup d’une épée bien forgée.
(Heureusement pour moi, mon épée est la pénombre, son armure ne peut rien face à elle.)
L’Elfe esquiva le premier coup du gobelin, puis lui donna un coup de bâton sur son immonde crâne triangulaire qui lui faisait face. Le Sekteg resta immobile pendant quelques secondes qui semblèrent une éternité à Zarkozkursk, arborant un air de surprise, puis il dévoila ses petites dents pointues en un sourire plein de cruauté. Il s’élança à nouveau, épée en avant, vers le Fanatique qui ne sut esquiver le coup convenablement. La lame se planta dans la longue robe noire, à la hauteur de l’épaule.
(C’en est assez, il faut en finir. Je ne compte pas mourir dans une campagne entre deux villes, ignoré de tous ! Je mérite une meilleure mort, et ce gobelin ne me volera pas les dizaines d’années de vie qu’il me reste.)
Alors que son adversaire semblait savourer sa victoire pendant une ou deux secondes avec un sourire vicieux, Zarkozkursk lui lança un premier sortilège d’ombre. Son énergie fut canalisée, il l’avait bien senti, mais malheureusement, le Sekteg n’en sembla pas affecté. Pris de panique, l’Elfe Qui Se Voulait Noir se rendit compte que sa blessure à l’ épaule l’avait déconcentré, et il s’était détourné au dernier moment de son incantation, ce qui avait fait échouer le sort. Son adversaire, quant à lui, n’avait pas semblé s’en rendre compte, et lança son bras en avant vers Zarkozkursk, avec au bout la pointe d’une lame qui risquait bien d’être beaucoup plus fatale que lors de sa dernière utilisation. Rapidement, l’Elfe incanta à nouveau un sort d’ombre. Cette fois-çi, dans la nuit, on vit très nettement une ombre se détacher du sol, sous le Fanatique, et arriver à toute allure vers le petit humanoïde, puis pénétrer en lui avec violence. Le Gobelin tomba à la renverse, apparemment peu préparé aux combats magiques, et lâcha son arme, qui tomba loin de lui. Il se convulsait dans l’herbe, et cette vision rappela à l’Elfe une petite araignée que l’on attraperait par les pattes et qu’on ferait danser contre son gré. Il continua à l’observer quelques secondes.
(Bien, voilà une bonne chose de faite.)
Mais le Sekteg se relevait alors qu’il formulait cette pensée, et se jeta sur lui une troisième fois, armé de ses seuls crocs ce coup-ci. Zarkozkursk n’eut aucun mal à éviter cette attaque qu’il avait vu venir, et il abattit son bâton sur la tête du Gobelin. Cette fois encore, celui-ci sembla presque en rire. C’est tout juste s’il semblait sentir quelque chose. Le Fanatique prit alors la décision de lancer un second sortilège, afin d’achever son adversaire. Il concentra ses énergies, mais son souffle fut coupé par un coup de poing de l’humanoïde, qui le fit tomber à terre et lâcher son bâton.. Le gobelin sauta sur l’Elfe, profitant de sa surprise, et le bourra de coups de poing. Heureusement, Zarkozkursk eut la présence d’esprit d’attraper l’épée abandonnée par le Sekteg qui gisait à quelques dizaines de centimètres de lui. Il la planta de toutes ses forces dans le corps du gobelin. Si l’effet fut plus imposant qu’avec le bâton, son ennemi nocturne n’en paraissait pas beaucoup plus affecté, bien qu’il ait été surpris. Cette surprise lui fut fatale. L’Elfe-qui-se-voulait-Noir lança un ultime sortilège, et le gobelin tomba pour la dernière fois à ses côtés, dans l’herbe haute. Zarkozkursk se releva, et fit un bref état des lieux : son épaule était en sang, mais la blessure semblait superficielle. Son genoux souffrait encore quelque peu de la blessure de la veille lorsqu’il s’appuyait dessus, mais il ne l’empêcherait pas de marcher. Il récupéra son bâton, posé dans l’herbe, et examina le corps de son adversaire. Il y prit une petite bourse, dans laquelle il compta quinze yuens, et s'empara de son petit glaive ébréché.
(Pour un premier combat, je trouve que je ne m’en suis pas trop mal sorti. Heureusement que c’était un Gobelin et pas une bête plus grosse, je doute que je serais revenu vivant. Encore une fois, cette étrange sensation de vide après avoir lancé, voyons voir, deux sorts. Il faudrait que j’améliore sérieusement mes compétences magiques, deux sorts ne seront pas suffisants pour venir à bout de tous mes adversaires ; et je ne peux sûrement pas m’appuyer sur mes capacités au corps à corps, j’ai frôlé le ridicule sur ce point… En tout cas, pour cette première journée de route, on peut dire que je ne me suis pas ennuyé.)
Alors qu’il se faisait ces quelques réflexions, Zarkozkursk sentit une grande lassitude et un besoin de repos. Il n’avait pu se reposer convenablement à cause de cette agression soudaine. Il se rapprocha quelque peu de la route.
(Ne tentons pas les Sekteg)
Il s’assis, puis commença à méditer pour se reposer.
Dans le ciel, l’astre de la nuit entamait son déclin fatal, et allait laisser place aux premières fraîcheurs de la rosée.
Le lendemain matin, il reprit sa route, et fort de son expérience, il évita de trop quitter le chemin, notamment la nuit. Les trois jours suivants se déroulèrent sans réellement d'autre souci notable, et si Zarkozkursk croisa de nombreuses personnes, il se garda bien de tenter une approche d'elles, obsédé par l'inconnu et le mystère, qui l'attendaient à Kendra Kâr.
>>> Grandes Portes de Kendra Kâr <<<
_________________ Zarkozkursk / Elfe / Fanatique lvl2
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