J’observe avec amusement Xël faire connaissance avec sa monture. Il ne sait peut-être pas encore monter, mais il sait s’y faire pour que la jument s’intéresse à lui, et la petite friandise qu’il lui tend n’y est pas pour rien. Je l’entends l’appeler Gaïka et hoche la tête d’un air appréciateur, cela lui va bien. Le jeune homme se tourne ensuite vers moi en me remerciant de l’aider et m’indique qu’il a suivi mon conseil concernant l’équipement à apporter, s’attardant sur le bonnet qu’il a également trouvé. Le regard toujours amusé, j’acquiesce. Il m’indique également qu’il a pris une tente pour Karz et lui afin de me laisser mon intimité. Je dois avouer être touchée par son attention, j’aurais vu avec un certain malaise de partager ma tente avec des hommes, n’ayant pas l’habitude qu’ils entrent ainsi dans mon intimité. Il me demande si ses équipements suffiront.
- Je l’espère, nous verrons sur place si nous trouvons quelque chose d’autre d’utile, pour le moment cela fera l’affaire. Pour le bonnet, cependant… il sera sans doute utile la nuit, dis-je avec un petit sourire, avant de poursuivre en lui montrant comment tenir les rennes. Prends bien les rennes à cet endroit-là pour le moment, le temps de te sentir à l’aise sur le dos de Gaïka. Pas trop long pour garder une maîtrise de ton cheval, et pas trop court pour ne pas lui faire mal aux mords. Garde aussi les talons vers le bas, ton assise sera meilleure. Par ailleurs, si cela vous intéresse, la couleur de sa robe s’appelle palomino.
Le Chevalier d’Or me répond d’une voix affable que je ne suis pas certaine d’apprécier en me disant que je ne connaîtrais pas son nom, mais pour que je puisse le nommer, il m’en donne tout de même un. Ser Thersien d’Esseroth. Je retiens avec peine un haussement de sourcil critique quoi que légèrement amusé. Je lui demandais un nom par lequel l’appeler, je n’avais pas besoin de tous ces salamalecs. Il me confirme qu’il ne quittera pas son armure non plus, mais il est conscient des risques de la porter dans un désert trop chaleureux. Il aurait néanmoins pris l’habitude de vivre avec, jour et nuit en ne l’ôtant que pour ses ablutions. Il semble faire une tentative d’humour – ou est-il sérieux ? – en ajoutant qu’il ne se changera pas en fait-tout sur pattes. Je retiens là encore un regard critique. Outre le fait que je doute grandement de sa capacité à supporter réellement la chaleur, je crains qu’il ne se transforme en amas d’odeurs nauséabondes et méphitique. Je prends mentalement note à rester le plus loin possible de lui lorsque nous serons dans le désert.
- Asheara, simplement demoiselle Asheara, Kel signifie clan pour les miens, le corrigeai-je néanmoins.
Xël a la franchise de lui expliquer qu’il souhaite avant tout tenter un dialogue avec le Sans-Visage et lui demande s’il interfèrera dans cette tentative de façon violente. Le Chevalier ne répond pas directement à sa question, ce que je ne manque pas de noter en nous disant que son engagement le force à occire les suivants hérétiques du Sans-Visage. Je me renfrogne un instant. Ce sont là les propos d’un fanatique et nous considèrera-t-il comme hérétiques si nous souhaitons parlementer ? C’est une éventualité que je garde bien présente à l’esprit. Il ajoute souhaiter exclure le Sans-Visage d’Aliaénon, s’attirant cette fois un véritable haussement de sourcil de ma part.
- Et vers où comptez-vous exclure le Sans-Visage, une fois que vous aurez mené votre tâche à bout ? demandé-je.
Un autre monde ? Si cela me semble être la réponse la plus évidente, ne serait-ce pas là déplacer simplement le problème pour le mettre entre d’autres mains ? Ma question, sans surprise, le déstabilise. Il me répond en bafouillant que sa tâche consiste à amoindrir son influence sur Aliaénon, mais, manifestement, la pensée de son ordre s’arrête là. Et la sienne, sans doute. C’est pour cette raison que je ne peux m’empêcher de demander :
- Et vous, Messire, qu'en pensez-vous ?
Le Chevalier hésite une nouvelle fois, ne répondant pas tout de suite. Lorsqu’il prend la parole, c’est pour bafouiller de nouveau. Il pense ou espère que la situation de résoudra d’elle-même et que la solution se présentera clairement le moment venu. Je retiens une moue sceptique et hoche simplement la tête en répondant :
- Je vois, Messire, j'espère qu'elle se présentera sous de bons augures pour tous.
Le nain, lui, m’accueille avec un signe de tête auquel je réponds. Il me dit qu’il souhaite justement nous rejoindre car nous ne l’avons pas abandonné à son sort. Il ajoute qu’il aura tout le temps de nous expliquer la situation une fois en chemin, car celui-ci sera long. Le Chevalier, lui, tel le preux qu’il est, lui annonce d’ores et déjà qu’il pourra compter sur son aide.
Sans un mot de plus de ma part, je monte sur le dos de mon étalon pommelé. Ignorant le nom de ma monture et trouvant cela inconvenant d’en avoir une sans la nommer, je me penche pour lui murmurer :
- Hisan, qu’en penses-tu ? C’est joli, hein ? Va pour Hisan.
Les groupes ainsi formés et tous sur nos montures – aussi étranges soient-elles – nous nous mettons en route. Je lance un dernier regard à la Tour d’Or avant d’effleurer des talons le flanc d’Hisan qui se met tout de suite à marcher. Un cheval sensible, je préfère ça que les bourriques à qui il faut donner de véritables coups pour qu’ils avancent. Celui-ci a l’air bien dressé, même si je sais déjà que je ne pourrais pas m’empêcher de lui apprendre quelques petits ordres en chemin.
Le chevalier nous annonce que nous partons avec ceux qui se rendent au Royaume Pâle car les routes y sont aisément praticables. Nous bifurquerons ensuite vers le sud pour Arothiir et ensuite Methbe-el. Si une partie de moi est irritée de ce contretemps induit par le détour que nous allons faire avec autant de personnes, je ne peux m’empêcher d’être curieuse de découvrir un peu plus d’Aliaénon. Après tout, le désavantage de la monture ailée que nous avions est qu’elle nous empêchait d’en apprendre plus sur le pays.
Nous sommes rejoints par l’un des ancien « Sauveurs d’Aliaénon », Kiyoheïki que je ne peux, encore à présent, m’empêcher de regarder à la dérobée, étonnée de son apparence générale. Ses traits sont étranges, mêlant de l’humain et de l’elfique, je pense, mais sa taille, elle, me laisse pantoise. Il est si petit ! Peut-être en réalité son ascendance est-il elfique mixée avec les semi-hommes ? Si je n’en ai jamais vu, j’ai entendu dire qu’ils étaient pas plus grands que des nains. Toujours est-il que j’ai entendu du bien de lui, aussi suis-je curieuse d’en apprendre plus à son sujet. Nous sommes également accompagnés des deux frères Dongho, de la jeune enfant, de l’elfe Galelia, du grand loup Algaries et de deux autres aventuriers. Je dois également avouer être un peu surprise de voir l’homme-loup parmi nous. Sa masse est impressionnante et le noir de sa fourrure me donne des frissons d’angoisse. Malgré tout, je chasse ses pensées et garde un visage relativement ouvert à leur égard, leur adressant un signe de tête.
Le Chevalier prend la tête du groupe et nous annonce que nous en aurons pour sept jours de voyage avant d’atteindre Methbe-el. Et bien ma foi, ce sera fort long, comme trajet, mais au moins aurons-nous l’occasion de faire plus ample connaissance.
Le soleil, lui, a déjà commencé sa lente déclinaison, baignant les épis de blés de son doux éclat. Le lieu est magnifique et je ne puis m’empêcher de l’admirer. Je ressens cette petite flamme de l’aventure brûler dans mon cœur. Je sais que je dois éviter au plus de l’utiliser, mais je ressens sa présence apaisante, et cela me suffit. Ah ! quel plaisir de me retrouver de nouveau sur les routes, baignée de soleil et montée sur un étalon vigoureux ! Je suis tirée de ma contemplation par Celemar, l’un des deux frères, lorsque sa voix retentit à mes côtés. Je tournais la tête vers lui, et lui adressai un léger sourire de bienvenue. J’aurais souhaité passer cette première partie du voyage dans mon mutisme, en profitant pour apprendre à connaître Hisan, mais je savais que rien de ces pensées ne transparaissait dans mon sourire. Ainsi avais-je été élevée par mon père et mon clan.
Il s’exclame, ravi, que je me rends dans le Désert de Feu pour aller visiter la cité dont je lui ai parlé avant de poursuivre en me disant que son frère et lui ont décidé de se rendre au Royaume Pâle. Il semble confiant dans les aventures qui les attendent car le demi-elfe, Kiyoheïki, semble savoir ce qu’il veut. J’acquiesce en disant :
- Je le connais très peu, mais j’en ai entendu beaucoup de bien, je ne doute pas que vous saurez vous plaire au Royaume Pâle.
N’était-ce pas eux qui m’avaient surnommé Flamme de l’Ouest ? Mes yeux se plissent légèrement à ce souvenir.
- Quelle est votre première impression sur Aliaénon ?
Il me répond avec un sourcil amusé qu’il a été reçu dans la Tour d’Or par une liche et de charmantes dames, qu’il a vu des dragons partir à la chasse d’un dieu, … Que ce monde n’est que démesure et que cette démesure lui plaît grandement. Un sourire flotte un instant sur mes lèvres avant que ma mine ne s’assombrisse et que je le regarde pour dire :
- Prenez garde, tout de même, les dangers de ce monde sont à la mesure de sa démesure et qui sait ce qui nous attend avec cette situation tendue ?
Celemar se fait charmeur en me répondant que pour sa part il espère que nous nous reverrons avant car il doute de faire de vieux os dans la forêt. Il s’agit d’un citadin qui compte bien visiter les grandes villes de ce monde. Si son attention me fait détourner les yeux, gênée de son attention, moi qui y suit si peu habituée, mais je réponds tout de même :
- Je crains de ne pas être très à mon aise dans les grandes villes, j'ai grandi dans les grands espaces avec seulement le ciel et le désert pour seul horizon.
Il poursuit son attention, toujours souriant, en me disant que ce sera au moins un domaine où il aura plus d’expérience que moi et qu’il se ferait un plaisir de m’y guider afin de ne pas tomber dans les nombreux pièges d’une grande cité. Mon regard se tourne de nouveau vers lui et je penche légèrement la tête sur le côté, me demandant ce qu’il veut dire par là.
- Il doit y avoir de nombreux sujets sur lesquels vous avec plus d’expérience que moi, Messire Celemar. A quels pièges faites-vous référence ?
Il éclate de rire et je me retrouve à sourire tandis qu’il me répond qu’il existe de nombreux pièges dans les villes, comme les vols à la tire, les arnaques commerciales ou ludiques, les querelleurs ou encore les ivrognes. Il semble aimer ce danger, de cet inattendu qui cours les rues là-bas. Je secoue la tête, toujours souriante. J’ai du mal à imaginer comment on peut aimer tout ceci.
- N’avez-vous pas peur, parfois ? Ne souhaitez-vous pas vous retrouver au calme, au milieu de nulle part ?
Il hausse un sourcil, étonné de ma question. Il me demande si moi-même j’ai peur du désert avant de me répondre que la ville est son élément. Ses dangers, ses inconforts ne l’empêchent pas de s’y sentir chez lui. C’est au contraire se retrouver seul au milieu de nulle part qui pourrait lui faire peur.
J’esquisse de nouveau un sourire en disant :
- Je tâche, depuis le massacre des miens, de repousser la peur. La peur est le chemin vers le côté obscur : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine… mène à la souffrance. Alors je tente de l’occulter au plus profond de moi. Si vous m’apprenez à aimer la ville, peut-être vous apprendrai-je à aimer le désert et son calme, son empyrée plus brillant que vous ne le verrez jamais.
Le sourire de Celemar s’accentue avant qu’il ne me dise que ce sera un plaisir non feint pour lui. Je détourne la tête, incapable de soutenir son attention et je sens un peu de chaleur remonter à mes joues.
Plus tard, en fin de journée, nous quittâmes la pleine d’or pour retrouver des paysages plus ordinaires de bosquets nichés au creux de vallons. Je décide alors à mon tour d’aller engager la conversation avec l’un des aventuriers. Mon choix se porte sur Kiyoheiki, l’aventurier avec lequel je partage une histoire commune sur Aliaénon, sans pourtant lui avoir jamais parlé. Il m’intrigue, je dois bien l’avouer. Je m’approche donc de lui avec un sourire avenant, quoi que légèrement réservé. Je ne parviens pas à être parfaitement à l’aise avec des étrangers en prenant ainsi les devants.
- Bonjour, il me semble que n'avoir jamais officiellement fait votre connaissance, je suis Charis Kel Asheara du Désert d'Imiftil. J'ai entendu parler de vous en bien.
Il abonde en mon sens, disant que nous n’avons en effet pas eu l’occasion de nous parler lors de notre dernier voyage. Il se dit également honoré de faire ma connaissance et se présente sous le nom de Sergent d’Esh Elvohk Kiyoheiki d’Oranan avant de me remercier de nouveau pour la pierre de vision. J’incline la tête à son encontre avant de le voir extirper un pendentif auquel est accroché l’ancienne pierre.
- En effet, je pense me rendre à Messaliah où se trouve la pierre maîtresse pour tenter de comprendre la situation là-bas. Je crains qu’elle soit mouvementée, car la politique locale est très tendue avec les Sorciers de Feu. Néanmoins j’espère faire mon possible afin d’améliorer la situation. Et vous, quels sont vos buts ? Que pensez-vous de tout ceci ?
Kiyoheiki serre brièvement la pierre entre ses mains avant de la replacer sous son vêtement. Il me répond que tension et conflits sont les termes qui nous ont accueillis à notre arrivée sur ce monde et a le sentiment d’avoir reculé malgré le pas en avant que nous avons fait il y a cinq ans. Il se demande si le Sans-Visage a provoqué ces schismes ou si elles reflètent un mal plus profond. Il m’avoue ne pas se sentir aussi légitime à présent que lors de sa première venue. Je penche la tête sur le côté, méditant. J’ai le sentiment inverse, étrangement. Peut-être est-ce dû à mes expériences personnelles, au fait qu’Aliaénon m’a vue m’émanciper et devenir ce que je suis.
Son regard, lui, se porte au loin avant de revenir sur moi qui l’observe toujours avec intérêt. Il semble troublé par la Reine Sheeala d’Argentar qui, selon lui, n’aurait pas abandonné le Conseil si les troubles avaient été passager. Il veut l’aider et se rendre de nouveau utile, mais ne comprends pas ce qui peut séparer Treeof d’Andel’Ys, les deux cités étant dirigées par des amis à lui.
Je hoche la tête d’un air sombre, comprenant sa vision.
- Bien trop de zones d’ombre demeurent et d’avis divergent. Je crains de baser mon jugement sur des allégations biaisées, que ce soit à l’égard du Sans-Visage, des Chevaliers ou encore des différentes situations politiques. J’aimerais avoir le temps d’embrasser la situation dans son ensemble avant d’agir, mais je crains de ne pas avoir ce luxe.
Mon regard s’adoucit et un léger sourire nait sur mes lèvres :
- Je ne doute pas que vous puissiez agir pour le bien des peuples que vous avez aidé. De même que je pense que notre présence est plus légitime que jamais en ces lieux car nos regards sont plus neutres, nouveaux et extérieurs. Votre légitimité, Messire d’Esh Elvohk, est plus forte que jamais.
Le Sergent me rend mon sourire, léger, peut-être un peu circonspect. Il me fait penser à ce que j’étais avant, en ces temps où sourire était un luxe que je m’accordais rarement.
J’écarquille brièvement les yeux à sa réponse, étonnée de l’entendre ainsi parler de moi. Il pense que mon cœur est fort et que si le sien est affirmé, il ressemble encore trop à celui d’un enfant. Il me remercie pour la sagesse de mes paroles qui lui a permis d’aborder les choses sous un angle nouveau. Je ne me suis jamais considérée comme une personne sage ou forte. J’ai toujours agit comme je pensais être le mieux dans chacune des situations qui m’ont été données, voilà tout.
Le semi-elfe incline la tête avant que son visage ne se referme de nouveau. Il craint manifestement que cette pensée puisse monter trop rapidement à la tête de certains Sauveurs car les propos tenus à l’égard des Chevaliers étaient d’une violence inappropriée. J’incline la tête, rejoignant son propos. Si le seul Chevalier d’Or que j’ai rencontré ne m’apparaît pas comme quelqu’un pensant par soi-même, je n’ai encore rien vu qui justifie ce traitement. Son regard se perd un instant avant qu’il ne reporte son attention sur moi, faisant remarquer qu’après cinq ans, certaines de mes connaissances pourraient avoir rejoint leurs rangs. Je songe un instant à cette situation avant de secouer la tête.
- Je ne pense pas. Je me suis liée à peu de personnes lors de mon dernier passage, même si ces personnes ont fini par compter énormément pour moi. Il n’y a guère que Zaria, l’une des plus brillantes sorcières de feu de sa génération que je sais œuvrer à Messaliah, où je la rejoindrais, Belliand, un homme d’Ouesseort qui ne rejoindrais pas leurs rangs. Des hommes-lézards rencontrés dans les profondeurs de Messaliah, donc les Chevaliers ne voudraient assurément pas malgré leur bravoure et finalement le Seigneur Ibn Al’Sabbar, encore dans la tour.
Je secoue la tête encore une fois, mon regard se portant sur le dos du Chevalier qui nous accompagne, menant la marche :
- La seule chose que j’ai pu découvrir des Chevaliers est qu’ils sont dévoués corps et âme à leur cause, sans remettre en question leur savoir. Ils veulent bouter le Sans-Visage hors d’Aliaénon, mais ne semblent pas avoir la moindre idée de comment s’y prendre.
Le Sergent d’Oranan semble réfléchir aux raisons qui ont poussé le peuple d’Aliaénon à faire une nouvelle fois appel à nous. Il se demande néanmoins s’il est possible de neutraliser un Immortel et s’il est seulement encore présent sur ce monde, à la tête de tout ce qu’il s’y passe. Il marque une courte pause avant de souligner que si l’on pouvait cerner la véritable nature de l’entité, le mystère serait peut-être moins épais.
Je m’enferme dans un léger mutisme alors que je songe à ses propos. En effet, la question demeure.
- Pouvons-nous seulement cerner la véritable nature d’un être tel que lui ? Xël, l’un de mes compagnons qui se rend également dans le désert a pour ambition d’entrer en contact avec lui et de discuter avec lui. Le Seigneur Al’Sabbar l’a mis en garde contre le Sans-Visage et ses paroles aux interprétations multiples, et en connaissance de cause, car c’est le Sans-Visage qui a réduit en cendre la cité de Messaliah sur un simple de ses souhaits.
Kiyoheiki semble un instant surpris par mes paroles et prends manifestement ma mise en garde au pied de la lettre. C’est sans doute préférable. Il pense que le passé des différents peuples recèle peut-être des réponses que nous pourrons déceler et j’acquiesce, c’est pour ça que je pense que nous avons quelque chose à apporter à ce monde. Il souligne cependant les problèmes auxquels nous auront à faire face, problème dont on ne fait qu’effleurer la surface, je crains. Le Sergent se détend légèrement avant de poursuivre en disant que nous aurons le temps de nous en préoccuper une fois sur place, mais que pour l’heure, cerner nos compagnons de route est à notre portée. J’acquiesce, n’est-ce pas pour ça que je suis venue discuter avec lui ? Ce que j’ai appris, en tout cas, a tout pour me plaire. Le Sergent me paraît être quelqu’un de modéré et de réfléchis, engageant pour la suite.
- En effet, réponds-je avant d’hésiter un très bref instant pour poursuivre : si jamais vous nécessitez mon aide, n’hésitez pas à faire usage de la pierre pour me contacter, de même si vous apprenez quelque chose.
Le Sergent me réponds que je peux faire de même. Il s’interroge également sur les pierres en se demandant à quand remonte leur première utilisation et que ce ne sera qu’un mystère de plus parmi toutes les choses qu’il souhaiterait apprendre. Un nouveau sourire étire légèrement mes lèvres alors que mon regard s’adoucit en pensant au Seigneur Al’Sabbar.
- Pour les pierres que nous utilisions jadis, je ne puis vous répondre, Messire d’Esh Elvohk, je sais seulement qu’elles sont teintées d’un sombre pouvoir que j’espère découvrir. Quant aux nouvelles pierres… elles ont été façonnées par le Seigneur Al’Sabbar et n’ont pas connu d’autres mains que les siennes, les miennes puis enfin les vôtres. L’usage que vous ferez de la vôtre sera donc le premier.
Je sais que ce n’est pas grand-chose, mais c’est au moins une bribe de savoir que j’ai à lui offrir. J’espère, moi aussi, que plus tard nous pourrons échanger notre savoir dans un monde en paix.
Sur ces espérances, nous hochons la tête l’un envers l’autre. Une marque de respect, de compréhension mutuelle.
Profitant de ces heures au calme, j’entreprends de parfaire légèrement l’entraînement d’Hisan. Je ne peux aller guère loin sans manège et sur la route, néanmoins je lui apprends à obéir à certains de mes ordres et, surtout, à obéir sans que j’aie besoin d’utiliser mes rennes, simplement en utilisant mes genoux. Alors que je suis en plein entraînement, je perçois soudain un ronflement puissant et des pas lourds. Alertée, ma main se porte à l’Epine au moment où la voix du Chevalier retentit pour nous dire que nous allons dormir ici cette nuit, au milieu du troupeau de Buffapas. Il semblerait qu’il s’agisse d’un animal particulièrement calme et placide.
Je descends d’Hisan et, plutôt que de monter tout de suite le camp comme le demande le Chevalier, je prends ma monture par la bride et m’approche des créatures en question. Il s’agit de grosses créatures aux longs, très longs poils pourvus de cornes et d’une grosse flèche au milieu du front formée par des poils bleutés. Etonnée, je remarque que les buffapas sont pourvus de six pattes terminées par de gros sabots. Ils ne semblent en effet pas agressifs et je me détends légèrement. Dormir au milieu d’animaux sauvages n’est pas dans mes habitudes. Je n’ai rien d’autre à espérer qu’il ne leur vienne pas à l’idée d’écraser ma tente pendant la nuit.
Je m’attelle à mon tour à monter la tente en la plaçant à côté de celle de Karz et Xël et, tandis que Celemar et d’autres s’en vont pour aller chercher du bois, je me propose pour aider à préparer la cuisine. Je n’ai pas les ingrédients du désert, mais j’ai appris auprès des grands-mères du clan à cuisiner comme une Asheara se doit de le faire : bien.
Alors que nous mangeons, le Chevalier se montre perplexe quant au fait que les créatures soient ainsi si proches de nous, car d’ordinaire ils ne descendent pas à ce point au sud. Il pense que quelque chose s’est passé par là pour ainsi les pousser à migrer au sud.
- Si cela vous sied et puisque nous sommes aussi nombreux, peut-être pourrions-nous organiser des tours de garde ? Mettons deux personnes à la fois. Je veux bien prendre le tour après minuit.
L’un des tours qui, par expérience, est le plus ingrat, néanmoins je ne peux pas faire cette proposition sans faire ma part du travail, telle n’est pas la façon dont j’ai été éduquée.
(4016 mots, citation de Star Wars).
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