Heureuse de ma trouvaille dans le coffre, je glisse l'anneau au fond de ma poche. J'ignore ses pouvoirs, mais une chose est certaine, il est magique. Je ne connais rien à l'utilisation de la magie...
Descendant nonchalamment les quelques marches qui me séparent des autres aventuriers, croisant quelques hommes à la recherche d'un lit pour se reposer. Je les retrouve tous dans la grande salle, tandis que le pont n'est plus. Eva me demande si j'ai trouvé quelque chose là haut. Sans trop savoir pourquoi, je lui dissimule ma trouvaille. Je n'ai pas encore confiance en tous ces gens qui m'entourent et si je détiens un objet important, j'aime autant en faire usage dans un moment plus précaire que celui-ci. La regardant droit dans les yeux, je répond donc le plus naturellement du monde:

- "Non, rien. Que de vieux vêtements et quelques bibelots sans intérêt"

Je me laisse alors tomber sur le premier siège à ma portée, frottant mes mains poussiéreuses de fouilles sur mes vêtements encrassés. J'ai les yeux qui piquent, le visage fermé. Je suis épuisée.

J'essaye néanmoins de maintenir toute mon attention pour écouter tour à tour la blonde, le chapeauté, Eva et Xël. Ils s'expriment sur le lieu où nous rendre à présent et les deux derniers semblent d'accord pour se séparer. Ce n'est pas mon avis et je puise dans mes dernière ressources pour m'exprimer à mon tour:

- "Si Fan'Ming nous a fait venir ici en groupe, je doute que ce soit pour se la jouer perso... N'oublions pas que l'union fait la force!"

Me retournant directement sur Eva et Xël:

- "Et franchement, vous vous voyez vraiment progresser seuls dans un monde dont vous ignorez tout? Car si on suit votre plan, on part tous de notre côté. Mais après? On se fera descendre par des peuples inconnus, sans doute plus cruels et sanguinaires que les pires des pirates, sans que les autres ne soient au courant de nos sorts respectifs. Enfin si, car nous nous retrouverons tous... aux Enfers!"
Alors certes, je n'ai pas de solution, je ne sais pas ce qu'il faut faire. Mais nous séparer me semble être la décision la plus parfaite pour mourir chacun de notre côté. Néanmoins, si je devais choisir un endroit où me rendre, mes origines me pousseraient à me rendre dans la ville des elfes en forêt. La forêt, c'est mon territoire, ma vie.

Une dernière chose me vient encore à l'esprit:

- "Ah et, laisser des gens dans le donjon... pour quoi faire exactement?? Si on part tous, il n'y a personne à y protéger. En plus, la faille du pont n'est pas infranchissable avec un peu de temps. Les monstres noirs finiront par arriver ici, à un moment où un autre..."

Ziresh avait échoué. Il avait parié pour la victoire de cette ville, jusqu'à aller se jeter au cœur de la marée d'ennemis qui s'écraser contre sa paroi. Mais s'il aurait été probablement possible pour lui de tuer Vallel, avec quelques minutes de plus, il n'en était pas moins pitoyable maintenant. Il n'était pas seulement défait de ses possessions, dont une qui lui avait valu son surnom de "Porteur de Lumière". Il avait perdu tout son honneur. Les menottes d'acier lui avaient serré les pattes dans son dos, et à ce moment là, il presque l'impression d'être un animal en cage. Plus un liykor fier, valeureux combattant et représentant de son peuple.

La marche jusqu'à Esseroth lui sembla durer des heures alors que son ascension vers l'adversaire ne lui avait paru que quelques minutes. Son cœur était serré à la vue des murailles dévastées, abandonnées par les défenseurs, et les regards insistants des garzoks et autres sombres créatures sur lui. Il sentait les rires, les moqueries. Il se sentait encore jaugé et mésestimé. Mais c'était bien plus difficile à supporter que lorsque c'était encore Vallel qui lui adressait tout cela.
Il ne s'attendait pas à voir une Esseroth encore debout quand il commença à passer les portes défoncées. Mais son corps s'arrêta de battre quand ses yeux passèrent sur le bourg, presque entièrement carbonisée, jonché des corps des défenseurs et innocents, parfois écrasés par projectiles enflammés qui avaient été tirés plus tôt. Ziresh ne put s'empêcher de froncer le museau et de laisser couler des larmes, alors qu'il détournait le regard. Il avait le sentiment qui tout était de sa faute.

Il fut mené toutefois assez vite dans une masure à moitié brûlée, où se trouvait un lit en aussi mauvais état que la ville. Il restait praticable, mais ce n'était pas vraiment le soucis du loup d'argent à l'instant. Un loup peut dormir sur le sol. Le seul avantage que lui conférait sa cellule, c'était le fait de pouvoir pleurer sans être vu.
Quand il s'était rendu, il était persuadé d'avoir raison, que cela l'aiderait à battre Oaxaca de l'intérieur. Mais en voyant tous ces morts à Esseroth, et en entendant encore les cris des quelques innocents encore en vie, en train d'être massacrés purement et simplement non loin de lui... Il se demandait encore si son allégeance valait encore la peine.

Et puis il se souvint d'une chose. Il avait pensé à prendre un carreau avec lui, oui. Mais il avait laissé son paquetage à ses ennemis. Et dans son paquetage se trouvait son bien le plus précieux. La fiole de cristal qui renfermait les cendres de Kâhra. Ce souvenir l'anéantit dans sa tristesse. S'il perdait cette fiole, il romprait sa promesse auprès de sa fiancée.

"J'aurais dû la garder avec moi..."

S'il demandait à ces orcs de lui rendre ce bien, ils risquaient aussi bien de le lui prendre par pure méchanceté. Il allait devoir rester silencieux pour le moment, s'il voulait récupérer ses affaires. S'il agissait en bon prisonnier, on ne pourrait rien lui reprocher. Mais il fallait admettre que les cris des victimes aux alentours ne l'aidaient en rien à garder son calme.

Il devait faire quelque chose. Il ne pouvait pas s'enfuir, c'était le meilleur moyen de se donner à Thimoros avec ses deux pattes liées. Mais peut-être que ces seuls gardes pouvaient lui en apprendre plus sur cette armée. Ils étaient chargé de garder un liykor qui prétendait à assassiner Vallel après tout. Ils avaient beau se plaindre de leur poste, peut-être n'étaient-ils pas si peu gradés.

"Eh ! fit Ziresh timidement. On ne l'entendit pas la première fois, alors il répéta plus fort, avec plus de confiance. Eh ! Je dois avoir un peu de vin et quelques vivres dans mon sac."

Devant les regards interloqués des deux gardes, il poursuivit.

"Écoutez, regardez-moi. J'ai tout perdu. Je n'ai plus d'honneur, plus de noblesse. Ma majesté est nulle désormais. Là, je ne suis qu'un loup qui a faim et soif. Je dois en avoir pour trois jours de vivres, alors partageons. Votre travail en sera moins pénible, tout comme mon incarcération."

Il laissa une longue pause, laissant le choix aux orcs, mais aussi se donnant l'occasion de poser une question qui pourrait paraître désintéressée puisqu'il ne pourrait rien faire, mais dont il avait terriblement besoin d'une réponse.

"Alors... Que va-t-il se passer maintenant ? Pour Esseroth, moi, mes amis de Yuimen. Tout le monde ne va pas simplement être massacré, non ? Il y a des personnes importantes à Esseroth."

Esseroth – Donjon. (17h)

Simaya et Arthès étaient les derniers Esserothéens à être restés écouter les propositions des Yuimeniens quant à leur situation à tous. À la suite des trois expositions de points de vue, c’est Arthès qui prit la parole en premier.

« J’ai peine à le dire, mais je rejoins Keya dans ce qu’elle dit pour le Donjon. Ça a beau être le dernier bastion de notre peuple, de notre ville, il finira par tomber aussi. Et laisser des personnes ici signerait simplement leur arrêt de mort. Il nous sert juste de… point de départ vers d’autres horizons. Mais tout le monde doit partir. »

Simaya intervint à son tour.

« J’ignore s’il vaut mieux rester groupés ou ratisser plus large. Chaque solution a ses avantages, et ses inconvénients. Ce que je sais, c’est que toutes ces solutions sont envisageables, de par l’union du pouvoir de Finarfin, et du mien. Tout le monde pourra voyager, par un ou plusieurs portails. Mais… ça ne sera faisable qu’une fois avant un nouveau repos. »

Arthès, lui, réfléchissait… Sous son chapeau, les pensées naissaient et disparaissaient aussi vite, refoulées par quelque argument pertinent sorti de son esprit. Il finit par baisser la tête, vaincu par ses propres réflexions.

« J’ignore la meilleure destination. Toutes me paraissent dangereuses ou vaines. Je crois qu’on a tous besoin de repos, moi compris. La nuit porte conseil, n’est-ce pas ? Si d’autres idées ne germent pas, sans doute ferons-nous comme l’a dit Eva : un groupe à Nagorin, un autre à Neo-Messaliah. Préparez votre choix pour le réveil, nous n’aurons alors plus beaucoup de temps devant nous. Nous partirons avant l’aube. »

Et sur ces mots, les deux grimpèrent les escaliers menant à l’étage, laissant le trio discuter ou… partir se reposer à son tour, après un dernier commentaire.

Esseroth – Bourg de la ville. (19h)

Les orques, apostrophés par le lupin, jetèrent des regards avides vers les sacoches de celui-ci. L’un d’eux se fit néanmoins le voix de la raison.

« Hé, on peut pas prendre ses trucs, tout r’vient à Vallel. »

Et l’autre, de contre argumenter.

« Vallel n’a rien à foutre de deux saucissons et d’un bout d’pain rassis. Pis il sait même pas c’qui a dans c’sac. »

Le premier se gratta l’arrière du crâne, et finit par ouvrir le contenant, pour en sortir les rations de nourriture. Il lorgna Ziresh de ses yeux porcins, et se leva pour ouvrir la porte de la chambre et lui balancer, sans plus de considération, l’une des rations… De la viande sèche, un peu de pain et une outre de vin.

« Tiens. Gobe-ça et dis pas un mot à Vallel. Ça s’ra notre petit secret. Si tu t’tiens à carreau, on t’fra pas chier. Sinon, t’vas en baver, ça tu peux m’croire. »

Et il referma la porte, laissant Ziresh avec des vivres, et repartant pour sa part à la table, où son confrère avait déjà commencé à grignoter le reste des rations, bien vite rejoint par son collègue garde.

[Ziresh : 0,5 (post) + 0,5 (acquérir de la nourriture). Mot : 0XP (trop tard) - Cascade.
Xël : 1 (posts). Mot : 1XP. - Paluche.
Keya : 0,5 (post). Mot : 1XP. - Trident.
Eva : 0,5 (post) Mot : 0 XP (ça vient un peu de nulle part, le bovin maudit là. J'y ai pas cru perso. Tu feras mieux au prochain !) - Averse.]

Ziresh ne s'était pas attendu à ce que son petit stratagème fonctionne aussi rapidement. Mais recevoir un peu de nourriture et de vin sut le satisfaire pour quelques instants. Même si la courtoisie du garde était franchement discutable, il ne broncha pas et ramassa bien vite la viande séchée pour la mastiquer. Même avec sa puissante mâchoire, il lui semblait difficile de la réduire en bouillie pour l'avaler. Pourtant, entre le déjeuner de Fan Ming et son arrivée à Esseroth, il ne lui avait pas semblé que tant de temps s'était déroulée, même si sa faim avait fini par le motiver à dévorer ces quelques rations. Le plus difficile, bien entendu, était de mâchouiller toute cette nourriture sans pouvoir utiliser ses pattes pour l'arracher, la rendre plus facile à déguster

Il mangea ensuite la miche de pain de manière toute aussi maladroite et avala plusieurs grosses gorgées de son outre quand il eut réussi à mettre son goulot avec succès autour de sa gueule. Il ne la finit pas pour autant. Il ne savait pas pour combien de temps il allait rester ici, peut-être en aurait-il besoin d'un peu plus.
Mais le plus important n'était pas son confort. En proposant à ces orcs de piocher dans ses propres réserves, il attendait des réponses et on ne les lui avait toujours pas données. Au risque de se faire détester par les garzoks, il insista alors.

"Merci pour la nourriture, mais j'ai besoin de savoir ce qu'il va se passer précisément."

Devant le désintérêt total des gardes, il perdit son calme.

"Bon sang, je ne demande pas une cascade d'informations cruciales ! Je veux seulement savoir ce qu'il va se passer pour moi et les habitants de cette ville ! Je n'imagine simplement pas que l'on puisse tuer tout le monde sans réfléchir ici. Il y en aura forcément qui seront importants."

Puis il réfléchit un instant... Ces orcs n'étaient pas assez fidèles à Vallel pour suivre ses ordres à la lettre. S'ils y trouvaient leur compte, peut-être seraient-ils enclins à aider quelques habitants, selon s'ils pouvaient leur apporter quelque chose.

"Ces citoyens sont tous mages, mais ils n'obéissent à personne. Vous pourriez y trouver quelque chose d'intéressant selon leurs pouvoirs... Par le Père et la Mère, certains pourraient bien changer vos miches en or massif !"

En écoutant la sauvageonne, qui n'a visiblement pas que l'apparence de sauvage, je suis convaincu d'avoir été mal compris. Mes intentions ne sont pas de me la jouer perso mais, au contraire, de prévenir le plus de cité possible du danger. Encore moins de progresser à l'aveuglette mais, justement, d'être certain d'avoir une destination sûre pour nous tous. Je suis sur le point de m'expliquer à ce propos mais, elle poursuit, donnant un argument qui, cette fois, me parait juste.

C'est ensuite les derniers Esserothiens présents, c'est-à-dire Arthès et Simaya, qui prennent la parole. L'homme au chapeau appui l'argument de Keya, insistant pour que tout le monde quitte le donjon. J'incline la tête, il était en effet stupide de vouloir garder des gens derrières. Je m'en rends compte, maintenant.

La belle blonde nous confirme que tout le monde pourra voyager grâce à son pouvoir et celui de Fin'. Enfin, avant qu'ils ne quittent tous les deux la salle, Arthès affirme que nous sommes à court de véritables solutions et qu'il faudra prendre une décision demain matin.

Je reste silencieux un instant en me retrouvant seul avec les deux femmes restantes, accoudé à la table, le menton posé sur mon poing. Je prends finalement la parole après un soupir en me tournant vers Keya:

"Tu as raison ma jolie, laisser des gens dans le donjon, c'est idiot. Tu as aussi raison quand tu dis que l'union fait la force. Mais ça ne concerne pas que les nous et les Esserothiens. Tout le monde sur cette planète est en danger, ce sont eux qu'il faut unir. Mais la priorité est de nous éloigner des paluches de l'armée juste en dessous. Nous sommes sûrement tous les trois d'accord là-dessus."

Je soupire de plus belle.

"Je ne pense pas que se séparer en deux groupes soit une bonne idée. Donc, au final, on en revient à choisir une destination au hasard..."

Je m'étire en laissant échapper un bâillement avant de poursuivre en me passant une main dans les cheveux.

"Une fois tout le monde à l'abri, l'un de nous pourra prévenir les autres cités en partant avec Fin' ou Sim'."

Je me relève et vais me planter à côté de la carte.

"Je sais pas pourquoi... Mais Néo-Messaliah, ça me parait classe."

Le regard rieur tourné vers mes interlocutrices, je sors une des rares pièces de monnaie en ma possession de ma poche avant d'ajouter.

"Pile pour Neo-Messaliah, face pour Nagorin ?"

Assise contre mon mur, j'écoute Xël, le regard perdu sur la pierre sombre et froide du sol. Mais mon visage se redresse et mes yeux foudroient l'homme du regard à ses mots.

("Ma jolie"? Non mais pour qui il se prend?)

Je n'ai pas la force nécessaire pour faire passer mes pensées au travers de mes lèvres. De toute façon, mon regard en dit bien assez long... Et le principal est qu'il soit finalement d'accord avec moi. Pas la peine de dépenser plus d'énergie que nécessaire.

Arthès nous propose donc deux destinations. L'une pleine de mage de feu, l'autre rassemblant des érudits. Contrairement à Xël, j'opterais plus pour la seconde. J'ai envie d'en apprendre davantage sur ce monde, sa magie, son histoire, ses habitants. Et les érudits sont sans doute les plus aptes à répondre à ces questions. Par ailleurs, ils sont peut-être en possession d'information importantes, qui nous seraient utiles dans notre périple. Leur intelligence pourrait nous aider à mettre au point des tactiques efficaces contre l'armée noire.

Les membres engourdis, je me remet sur les jambes, exposant mon point de vue, en me promenant de long en large dans la pièce.

- "J'opterais pour les intelligents. Ils pourront nous renseigner sur les peuples d'ici, ceux qui seront le plus à même de nous aider. Ils auront peut-être plus d'idées pour sauver ce monde que des mages de feu... Non?"

Passant devant une fenêtre, je m'y attarde. Au loin, j'aperçois les silhouettes sombres évoluer, toutes armes dehors. Je ne peux m'empêcher de relater à voix haute les horreurs que j'aperçois. Mes tripes se retournent.

- "Ils sont dans le village. Le pillage est abominable... Un orque vient de... avec son trident... sur une enfant..."

Je ne trouve plus les mots, l'horreur est accablante. Je me détourne de ce spectacle digne d'un cauchemar et me laisse glisser le long du mur glacé, ne pouvant retenir des larmes de creuser un sillon clair sur ma peau sombre de crasse. Au fond, peu importe notre destination. Je veux juste partir. Loin. Et espérer ne plus avoir à les affronter. La fatigue me gagne comme jamais. Mon corps me semble lourd, mes paupières tombent sans que je ne puisse rien maîtriser, poussées par ses larmes qui me brûlent les yeux.

L'homme au chapeau était d'accord sur un point, il ne fallait pas laisser des personnes ici, à Esseroth. Cela signerait immédiatement leur arrêt de mort. Le donjon finirais par tomber.

Personne n'avait l'air d'avoir d'autre idée. Ainsi, ils partirent tous se coucher, à l'étage.
Eva était toujours couché près de la cheminée, le dos appuyé contre un mur.
Xël se tourna vers les deux aventurières, il appuya les dires de l'archère et proposa, sortant une pièce de ses poches, de tirer à pile-ou-face pour la destination. Nagorin ou Néo-Messaliah ?

"Au moins on va pas se taper une averse... fit remarquer Eva en regardant au delà d'une fenêtre.

"J'irais à Nagorin. Même si je doit-y aller seule. A mon avis, ils auront des renseignements, et j'ai envie d'en savoir plus sur ce monde, sa magie et tout ce dont nous ne sommes pas au courant."

Les paupières d'Eva commençaient à devenir lourde. La magie l'avait vidé de toute énergie... Elle s'endormit donc, après avoir prononcé ces quelques phrase. Demain, elle irait à Nagorin. Demain elle en apprendra plus sur Aliaénon, enfin, elle espérait.

Le regard courroucé de Keya ne me fait que sourire davantage. Tandis que je fais rouler la pièce entre mes doigts, les deux Yuiméniennes s'accordent à dire que Nagorin est la destination la plus intéressante, je range la pièce dans ma poche :

"Je me plie à la majorité, ce sera Nagorin."

Tout aurait pu s'arrêter là pour ce soir, partir se reposer et quitter cet endroit dans quelques heures. Mais il en est autrement, la sauvageonne à la peau sombre s'attarde devant une fenêtre, décrivant ce qu'elle y aperçoit avant de se laisser glisser le long du mur en pleurant.

Je sers les poings, mon sourire disparait et mon regard s'assombrit. Que ce soit un ivrogne ou un milicien qui s'en prenaient à eux, j'ai toujours défendu les enfants. Mais l'horreur que j'entends va au-delà de tout ce que j'ai pu voir et même entendre entre les murs de Kendra-Kâr.

"Comme s'ils constituaient un moindre risque... " Dis-je la voix coléreuse en m'approchant de la fenêtre.

Incapable de venir en aide à ceux qui se trouve dehors, je ne peux que me consacrer à m'occuper de ceux qui sont avec moi.

J'attrape une cape qui traîne sur une chaise et la dépose sur les épaules de Keya sans un mot pour ensuite m'agenouiller face à elle et poser une main ferme sur son épaule en m'efforçant de ne pas pleurer, moi aussi, malgré l'humidité de mes yeux.

"Allons-nous reposer. " dis-je après un instant.

Je me relève ensuite, avant de craquer et me dirige vers l'escalier qui mène aux lits.

Je ne pensais pas réussir à trouver le sommeil à cause, dehors, les cris du peuple Esserothien. Pourtant, avec mon bonnet vissé jusqu'aux oreilles et l'épuisement, je finis enfin par m'endormir d'une nuit qui me paraît extrêmement courte quand quelqu'un vient me réveiller ce matin pour partir. D'une voix encore endormi, je réponds, alors que la personne est déjà partie continuer sa tâche de réveiller ceux qui dorment encore :

" Ouais, je ramène ma fraise..."

Je me redresse sur ma couche, redressant par la même occasion mon couvre-chef et me lève de mon lit. Je me sens en forme, l'épuisement dû à mon sort de la veille est passée. Je devrai faire plus attention à l'avenir, apprendre à canaliser ma magie.

Après m'être longuement étiré, je rejoins les autres dans la salle du dessous.

Tous sont autour de Fin' et de la belle blonde qui prend la parole pour annoncer le départ. J'en déduis qu'Eva et Keya sont déjà réveillées puisque Sim' connait la destination choisie.

Ils créent le portail et Arthès prend la tête, suivi des autres. Je m'engouffre à mon tour dans le portail sans plus attendre.

Même si les deux orcs ne s'étaient bien entendu pas ouverts à ses propositions, il s'est avéré qu'au moins, l'un d'entre eux s'était montré enclin à lui donner des informations, même de façon désintéressée. La purge d'Esseroth n'était donc pas seulement une revanche pour Vallel : cela faisait partie d'une prophétie. Puisqu'il répondait aux ordres d'Oaxaca, cela signifiait une chose pour le Loup d'argent : le retour de cette déesse ne concernait pas seulement Yuimen, mais au moins deux mondes. Aliaénon était tout autant en danger que Yuimen et ne servait pas seulement d'outil. Ce n'était pas seulement un portail ouvert pour le mal. C'était le début de la chute pour eux tous. Cela incluait probablement plus d'une terre. Mais à l'instant, ce monde était bien plus en danger que Yuimen. Et il assistait justement à cette déchéance, à la chute d'Aliaénon.

Il aurait aimé pouvoir prévenir ses compagnons, mais même s'il n'en avait pas les moyens, il savait aussi que cela ne suffisait pas. Même s'il trouvait une manière de s'enfuir, il n'aurait aucun intérêt le faire maintenant. Il était trop proche de pouvoir agir réellement, en frappant au cœur de l'ennemi.
Mais même s'il savait que c'était une erreur, il ne pouvait pas vivre avec l'idée de laisser mourir simplement quelques innocents, pour justifier le secours des autres.
Alors il continua. Il n'avait pas épuisé tous ses arguments. Et il savait qu'il était encore en sécurité. Ces gardes ne pourraient pas le tuer. Ils hésitaient déjà à piocher dans quelques vivres. Jamais ils ne tueraient une personne qu'ils censés surveiller.

"Qui a dit que ces Esserothéens travailleraient pour Vallel ?"

Il marqua une pause. Le premier orc était légèrement plus ouvert que l'autre, ou bien il était plus idiot. Quoiqu'il en soit, Ziresh s'était adressé essentiellement à lui, qui lui avait donné des informations qu'il n'était manifestement pas censé divulguer, vu le ton de son partenaire.

"Écoutez, je comprends bien que je ne suis pas censé en savoir plus sur ce qui se passe ici, mais c'est vous et seulement vous qui manquez une occasion de gagner quelque chose. Quelque chose qui vous appartienne à vous, et pas seulement à Vallel."

Le liykor entendit alors quelques cris et des bruits de pas groupés. Son ouïe, fidèle à sa race, lui laissait deviner que non seulement des habitants d'Esseroth étaient proches et en danger, mais aussi que des groupes de soldats les pourchassaient. Quand les cris s'atténuèrent, sans qu'il n'y ait de bruits de lutte, il devina qu'ils avaient réussi à se cacher... Mais pour combien de temps ?
Des situations similaires devaient pulluler dans la ville entière. Si ce n'était eux, il fallait au moins agir pour d'autres.

"Pensez-y. Si ces habitants sont sauvés, même par des orcs, n'oubliez pas que je me suis battu pour eux. Dès qu'ils me verront, ils sauront qu'ils peuvent vous faire confiance, et alors, pensez à l'honneur et à la reconnaissance qu'il vous accorderont. Tout ce qu'il vous faudra faire, c'est les cacher et ne rien dire."

Plus loin, des cris retentissaient encore, sans que Ziresh ne puisse discerner où cela se passait. Mais les mêmes rangées de soldats se faisaient entendre.

"J'entends des cordons de vos troupes marcher et des citoyens essayer de se cacher. Tout ce qu'il vous faut faire, c'est intercepter vos alliés et guider les habitants. Quelle reconnaissance est la plus valable pour vous ? Celle de Vallel ou celle d'hommes et de femmes qui vous doivent la vie ?"

Et si cela ne suffisait pas, Ziresh avait encore un dernier tour dans son sac... Sans mauvais jeu de mots.

"N'oubliez pas que vous me devez quelque chose pour avoir fouillé mes biens. Ce serait dommage que Vallel soit au courant de tout cela, non ?"

La nuit m'a semblée courte. J'ai l'impression que je viens à l'instant de fermer les yeux, alors qu'on me réveille déjà, que je me suis assoupie quelques minutes à peine.
Pourtant, je sens que j'ai repris des forces, et que l'énergie me gagne à nouveau. Pas comme si j'avais passé une bonne nuit complète, c'est sûr. Mais mon état de fatigue extrême d'hier soir n'est plus qu'un souvenir. C'est bien la preuve qu'au final, j'ai dormi d'un sommeil de plomb.

Je m'étire longuement, et me dresse sur mes longues jambes nues et ambrées. Une crampe se déclenche dans mon mollet, me faisant grimacer. Mais je n'ai pas le temps de me plaindre: il faut qu'on passe le portail.

Je m'approche de celui-ci. J'ai beau connaître la sensation que cela crée, pour l'avoir déjà vécue une dois, je n'en reste pas moins impressionnée.

Après une longue inspiration, je franchis le pas, retenant ma respiration jusqu'à atteindre l'autre côté.

Rien ne marchait. Ziresh faisait tout ce qu'il pouvait pour amener ces monstres à changer de camp, à sauver ces hommes, ces femmes et ces enfants juste pour un instant... Mais s'ils ne semblaient pas accorder de l'importance aux ordres de Vallel, cela ne changeait pas le fait qu'ils attendaient sa reconnaissance. Même si cet homme ne leur apportait rien. Mais outre ces refus ou le fait que ces orcs savaient qu'on leur accorderait plus de crédit à eux qu'à un bratien, le plus difficile à encaisser fut de l'entendre déprécier les gens d'Esseroth. La "vermine fuyante". Et lui, le "clébard mort".

Ziresh aurait pu simplement s'assoir sur son lit et laisser le temps passer. Rabattre ses oreilles pour ne plus entendre les cris. D'ici peu, de toute façon il n'y en aurait plus aucun. Il aurait pu simplement essayer d'oublier, infiltrer son ennemi plus sûrement et décidant de ne rien faire.
Mais il ne pouvait simplement pas s'y résoudre.

"Personne ne me traite de clébard." Grogna-t-il lourdement.

Comme il avait les poignets liées par des menottes d'acier, il ne pouvait pas simplement utiliser son carreau pour couper de quelconques liens. Et il n'était pas capable, encore, de crocheter une véritable serrure. Mais il pouvait encore se battre les pattes jointes. Il s'accroupit alors jusqu'à pouvoir passer ses bras sous ses pattes arrières. Après un court mais intense effort de souplesse, il réussit à avoir ses pattes avant devant lui. Liées, certes, réduisant ses capacités au combat, mais bien devant lui.
Il rugit alors, tout en frappant violemment sur la porte de métal.

"Personne ne me traite de clébard, tu entends ? Personne ! Tu aurais très bien pu simplement m'écouter et avoir ta bourse pleine d'or, de rubis, et autres foutus joyaux ! Mais tu as dépassé les bornes en me traitant comme un chien et en regardant simplement ces gens mourir. Tu crois pouvoir me tuer ? Et bien viens ! Parce qu'il faudra me passer sur le corps si tu veux seulement que je me tienne tranquille alors que vous êtes en plein génocide !"

Il ne s'agissait pas seulement pour Ziresh de tuer cet orc et de sauver les quelques citoyens qu'il pouvait croiser. S'il se contentait de cela, jamais il ne pourrait infiltrer l'ennemi. Il ferait son possible et il reviendrait ici. Il avait été capable de grandes prouesses, ce qui faisait justement que Vallel ne le tuait pas. S'il tuait ses geôliers et qu'il revenait ici en attendant les autres, cela montrerait sa "soumission" à l'ennemi. Quoiqu'il fasse, s'il ne désobéissait pas directement à Vallel, il avait encore un espoir. Mais là, il ne pouvait pas juste laisser les choses passer.

Fermement, il tenait son carreau. Assez petit pour ne pas être vu entre ses deux grosses pattes. Si son garde était assez idiot pour le provoquer, il gagnerait ce combat. Il devait le gagner pour sauver quelques personnes de cette ville. Seulement quelques personnes.

Et me voilà seul face à l'un des treize et ce qui doit être sa garde rapproché. Je sais que je suis censé faire partie de son armée, mais je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine crainte. Je ne suis plus autant aveuglé par la colère que lors de ma rencontre avec les autres dans le bagne. Non, cette fois, je ressent très clairement mon impuissance face à Vallel, mais pourtant, je ne dois pas me laisser intimider, je dois agir naturellement. Et je dois surtout arrêter de tergiverser, car mon interlocuteur s'impatiente et ce n'est visiblement pas plus enviable que l'impatience de Cwedim. Il faut que trouve des informations à lui donner, qu'elles soient vraies ou non...Il faut juste que je sois crédible du début à la fin.

"Pardonnez-moi Sire Vallel, je cherchais la manière la plus rapide de vous donner seulement les informations les plus importantes et je me suis perdu dans mes pensées. Pour ce qui est de la mission qui m'a été donné avant que j'arrive sur ce monde, et bien à ma plus grande surprise et incompréhension, je pense l'avoir accomplie. On m'a chargé de découvrir ce que mijotais les Oraniens, et au final, ce n'est rien de bien surprenant. Ils veulent juste défendre leur forteresse. Ils connaissent la force des aventuriers qui parcourent les terres de Yuimen et ils veulent en profiter tout simplement. Sauf que l'on ne contrôle pas aussi aisément un aventurier...pour preuve, je suis face à vous."

Je ne pense pas que Vallel se satisfasse d'informations aussi banales et qu'il doit sans doute déjà connaitre. Il faut que j'invente quelque chose et que j'essaye, par la même occasion, de sauver quelques Esserothéens.

"Après, j'ai aussi eu vent d'une rumeur, mais je n'ai pas pu la vérifier. Il serait possible que des renforts arrive de la Cité Blanche. Pour soutenir Oranan qui risque d'envoyer plus de troupe à Fan-Ming. Comme je vous le dis, je n'ai pas pu vérifier l'exactitude de ces informations, mais si c'est le cas, prendre Fan Ming sera encore plus compliqué que prévu et si je peux me permettre Sire Vallel, les Esserothéens pourraient devenir des alliés plus qu'efficaces dans cette entreprise."

Je ne connais pas vraiment le caractère de Vallel et je ne sais pas à quoi m'attendre de lui. Quelle réaction va-t-il avoir ? Tout ce que j'espère c'est que cette dernière ne fera pas en sorte que ma tête roule sur le sol.