Rangement et écritureLa jeune magicienne ne voulait plus penser à rien. Elle se tourna sur le côté afin de trouver plus facilement le sommeil. Son gantelet percuta légèrement une des fioles qui fit un léger tintement. Cela fut comme un déclic, elle rouvrit les yeux en grand en fixant les deux fioles de feu. Elle ne dit rien du tout les fixant pendant un long moment. La jeune magicienne se recroquevilla davantage autour des fioles. Elle posa sa main dessus laissant seulement dépasser les bouchons. Elle colla son front dessus, le froid du verre la fit frisonner légèrement. Comme un sursaut d'éveil, elle en avait assez d'hésiter ainsi comme une cruche.
" HO ET PUIS MERDE ! " Elenwë laissa libre cours à ses envies et à son vocabulaire. Elle domina de sa hauteur les fioles comme un fauve prêt à fondre dessus. Puis elle s'assit en tailleur ouvrant les deux fioles d'un coup. Son cœur battait la chamade, elle avait peur, mais elle était grisée par son envie de pouvoir. Elle les but l'une après l'autre sans se donner de pause.
La jeune adolescente dans sa lancée se retourna vers la table de nuit afin de boire les suivantes. Elle ne put en finir le geste restant le bras tendu vers son objectif. Sa gorge puis rapidement son ventre la brûlaient comme si elle avait avalé un charbon ardent. Elle ouvrit de grands yeux, toute surprise par la réaction de son corps. Elle s'écroula sur le lit ne pouvant que lâcher un faible râle à cause de l'intense douleur, qui lui déchirait les entrailles. La Filaïraëne ferma ses yeux fortement en se contorsionnant sur elle-même. Elle avait les mains tremblantes de toutes parts sur son ventre, qui semblait se tordre dans tous les sens. Son cœur battait rapidement, elle ne contrôlait plus rien du tout.
Le mal semblait se répandre dans l'ensemble de son corps. Ses intestins paraissaient se replier sur eux-mêmes dans d'atroces douleurs, comme si on lui enfonçait des dagues dans le ventre. Elle pressa ses deux jambes contre son corps dans une position fœtale en lâchant un faible cri de douleur.
"Qu'est-ce qui m'a pris ... Cela fait si mal ... je .... aaaaaaaah ... " Elenwë roula dans son lit plusieurs fois dans l'espoir t'éteindre ce feu intérieur, mais rien ni fit. Elle sentait comme si son corps allait exploser, elle commença même à se demander si elle allait survivre. Est-ce que son corps pouvait supporter autant à son âge ? Était-elle trop jeune ? Très rapidement, elle sentit parfaitement l'ensemble de son corps dans de terribles douleurs. Elle était en sueur dans les efforts énormes de son corps afin d'évacuer cette chaleur. Elle eut rapidement de la fièvre qui la fit voir quelques lueurs colorées irréelles.
Cette torture dura pendant une bonne demi-heure avant d'avoir passé le plus dangereux cap de la souffrance. Avec la fatigue précédente et toutes ses douleurs, la jeune magicienne s'effondra dans ses songes n'en pouvant plus. C'était beaucoup trop pour son jeune et frêle corps. Elle s'endormit alors à moitié débraillée au-dessus de son lit, avec les deux fioles vides sur le côté.
Après une courte sieste, elle partit manger copieusement le soir même, la jeune demoiselle Filaïraëne se sentait étrange. Elle trouvait que sa chambre n'était pas normale, quelque chose clochait. Bien entendu, elle ne pensait pas à sa petite taille. Elle ne savait pas trop ce qu'il n'allait pas. Sans doute qu'elle craignait ce qui allait se passer le l'an demain. Elle allait se faire tatouer le symbole magique de son choix. La jeune rouquine n'aimait pas tellement l'idée. Elle en restait convaincue de la bonne foi de cet acte, vu la puissance qu'elle aurait des chances de gagner.
"Allez ce n'est rien, cela va vite passer. Tu n'y penseras plus du tout après quelques jours. Tu seras bien heureuse de sentir le résultat ! Espérons que cela ne gratte pas trop. Il faudra que je pense à acheter de la crème."La jeune adolescente se mit sur son lit sans les draps. Elle avait si chaud, cela lui pesait fortement. Elle tourna plusieurs fois avant de trouver enfin un sommeil dit réparateur. Dans un sommeil profond, Elenwë faisait un rêve des plus classiques pour elle. La jeune rouquine se trouvait dans un grand manoir richement décoré aux abords de Cuilnen, il lui appartenait bien entendu. Il y avait une multitude de serviteurs à son service exclusif, qui faisaient des pieds et des mains pour la satisfaire.
Elle se retrouvait dans une immense pièce très lumineuse. Il y avait toute sorte de tableaux aux murs tous plus grands et impressionnant les uns des autres. De la paille d'or un peu partout ornait les murs reflétant la richesse de la jeune elfe. Dominait enfin la pièce le plafond taillé en forme de rosaces sculpturales. Les murs faisaient à peu près cinq mètres de hauteur afin de montrer la magnificence des lieux. Les fenêtres parcouraient presque tout le mur ce qui offrait un très grand éclairage naturel. De flamboyants chandeliers en cristal éclairaient la pièce avec de multiples bougies. Les serviteurs s'affairaient à les monter et descendre afin de changer les bougies trop usées. Elenwë était assise sur un colossal siège dominant presque toute la salle de son estrade. Devant elle, une très longue table de marbre parcourait presque l'entièreté de la pièce, elle devait peser des tonnes. La table n'était destinée qu'à la jeune femme, personne n'était assez bien pour lui tenir compagnie. Tous ses caprices culinaires, envies soudaines ou saugrenues, de changement d'idées au dernier moment, étaient satisfaits. Une multitude de serviteurs s'affairaient à combler les exigences particulières de cette dame. Il fallait toujours apporter une solution à la moindre exigence, peu importait comment.
C'était un moment très plaisant, une sorte d'ivresse de bonheur et de contentement. Elenwë se voyait fort bien finir par vivre comme cela, loin de tous les problèmes actuels. Elle saurait parfaitement s'adapter à la vie de château et de luxe. Plus de travail, plus d'efforts, plus de professeurs, elle n'avait plus besoin de se construire mentalement comme physiquement. Elle avait seulement besoin de vivre comme elle l'entendait.
Soudain, une grande chape noire recouvrit entièrement la vision féerique du merveilleux rêve. On n'y voyait plus rien du tout, on ne distinguait plus aucun son, ni repère, ni sensation. Elenwë se retrouva alors seule assise sur son magnifique fauteuil comme si c'était un trône. Elle était un peu déboussolée de ce changement brutal. Elle et son fauteuil se retrouvaient seuls dans l'obscurité la plus totale, la situation devenait ridicule. Elle avait quitté ses beaux vêtements de riche baronne comme par magie, pour se retrouver avec ses vêtements de tous les jours. Elle se voyait ainsi telle qu'elle était le jour précédent.
C'était une situation oppressante, difficilement supportable pour la jeune demoiselle qu'elle était. Elle se sentait comme enfermée dans une glauque prison obscure. Bien qu'elle se trouvât au beau milieu d'un rêve, Elenwë sentit poindre son côté claustrophobe revenir au galop. Elle détestait ce genre de situation. La jeune rouquine se leva prestement de son trône afin d'explorer les alentours. Elle espérait trouver quelque chose, n'importe quoi.
Immédiatement après s'être levée, l'unique repère dont elle disait disparu alors complètement. Il n'y avait donc maintenant absolument plus rien autour d'elle, comme si elle se trouvait dans une partie du monde oubliée des dieux. Elle avait de plus en plus peur devenant comme terrifiée. Son cœur battait rapidement, elle se pinça les lèvres comme pour retenir pleures et larmes. Cette petite fille elfe savait qu'elle se trouvait dans un rêve, quelle sensation étrange que d'être prisonnier de son propre esprit. Elle voulait hurler, déchirer ce voile noir afin de se réveiller. Mais tout cela était impossible, elle était comme embourbée dans les marais et les méandres de son cerveau complexe. Elle se retrouvait alors totalement piégée, elle ne contrôlait pas du tout ce qui lui arrivait.
Partout où elle pouvait aller, tout était plat, morne et noir. Il était impossible de sentir le moindre relief ou une sensation quelconque. Elenwë allait complètement paniquer de la situation lorsqu'elle entendit une voix lui parler. Il était impossible de savoir d'où elle venait même en regardant dans tous les sens. La voix était étrangement familière, comme si la jeune rouquine la connaissait parfaitement. Elle réfléchissait où elle avait déjà bien pu l'entendre, avant de finalement réaliser que c'était la sienne. La voix était simplement plus grave, plus sombre, comme emprise par les ténèbres qui l'entouraient complètement à ce moment-là. On aurait dit que ce lieu pouvait en plus de corrompre les âmes, affecter jusqu'au son que l'on pouvait distinguer. Le rythme était lent à en être dérangeant, presque acide, irritant les personnes les plus patientes. Pour la jeune rouquine qui était très énergique, pressée et curieuse, c'était comme une douce torture.
"N'en as-tu pas assez de cette situation ? Qu'est-ce que tu attends à la fin ? Mais réveilles toi donc ! Il va bien falloir que tu ouvres les yeux, regarde donc ta situation actuelle. " Elenwë était en premier lieu déjà fortement surprise, c'était comme si elle discutait avec elle-même. Était-ce une forme de conscience qui lui parlait ? Un sursaut d'orgueil qui hurlait de faire quelque chose ? Ou était-ce quelqu'un d'autre ? Espérant ne pas devenir folle, la jeune demoiselle elfe commença à répondre à cette voix entre intriguée et craintive, mais terriblement curieuse.
" De quoi parlez-vous exactement ? " Elenwë sentit qu'elle avait un parfait contrôle sur ce qu'elle pouvait dire, elle n'était en aucun cas dirigée par son fantasme nocturne. Dans son rêve, elle était totalement vulnérable. Elle était perdue, elle n'arrivait pas à réfléchir comme elle l'aurait fait dans la vie réelle. Tout allait trop vite, elle subissait tout de même les événements qui lui arrivaient dans ce rêve. La voix reprit alors sur le même ton, bien décidée à expliquer sa présence à la jeune adolescente.
"Ils t'utilisent .... Tu es en prison. C'est juste que les murs ne sont pas visibles, tu risques de les découvrir que trop tard. Tu es manipulée comme une jolie petite poupée efficace." Soudainement, le voile noir qui recouvrait tout se déchira en morceaux pendant un court instant. Le but était d'argumenter en image ce que cette voix inconnue voulait exprimer. On y voyait Elenwë comme un jouet de bois manipulé par une main géante surpuissante, dominatrice et translucide. Elle déplaça alors cette petite fille de bois dans tous les sens, la faisant marcher, sauter, tomber et se relever. Rien n'avait de l'importance, elle n'était qu'un jouet de bois informe. Cette main lui faisait vivre de formidables aventures, mais Elenwë n'avait aucun contrôle sur celles-ci.
" Tu es enfermée dans un piège qui se referme lentement et inexorablement sur toi. " De la même façon que précédemment, Elenwë se voyait elle-même courir dans tous les sens à grande vitesse entre l'école, le nobélium et la ville de Kendra Kâr. Elle voudrait aller plus loin, découvrir plus de choses, aller voir cette jolie petite prairie, mais une sorte de champs de force magique l'en empêchait. Ce n'était pas agressif, comme si c'était pour une bonne cause. Il ne fallait juste pas s'éloigner des limites imposées par une personne inconnue. Les règles y étaient imposées, malgré le fait que l'on ne les lui avait jamais dictés.
Puis tout d'un coup tous les murs devinrent alors visibles pour la jeune demoiselle de part et d'autre de l'école jusqu'au nobélium. Ils se recouvraient lentement d'une couleur acier. La jeune fille était tout à fait consciente d'être dans une vision hypothétique. Les murs très lentement se refermaient sur elle, comme le ferait un piège à ours sur sa proie. Cette vision était terrifiante et détestable pour la jeune demoiselle noble. Elle détourna l'espace d'un instant les yeux.
"Tu n'as plus aucun choix ni décision sur ta vie. Réfléchis, regarde bien, ouvre les yeux bon sang ! Ils t'entraînent à devenir de plus en plus forte, à développer un peu ton potentiel. Pourquoi crois-tu qu'ils font tout cela ? Pour le plaisir ?
Évidemment que non ! Tout ce qui les intéressent c'est de t'envoyer faire leurs sales boulots. ce qu'ils ne veulent pas faire, tout ce qui est gênant et fastidieux. Tu l'as bien vu de toi-même quelle sorte de personne se trouve dans cet institut. Elles sont toutes si gentilles, si aimables, si niaises. Tu es un diamant brut au beau milieu d'un filon de cilice. " Afin d'appuyer ses dires, la voix montra une vision peu idyllique et enfantine du conseil de l'équilibrium. Elenwë se retrouva alors dans une immense pièce sombre et terrifiante, elle ne semblait n'avoir presque aucune fin. Il y avait devant elle une énorme table qui se déformait comme à l'infinie, grandissante et occupant tout l'espace. Des chandeliers éclairant peu s'accrochaient sur la table par miracle avec de puissantes serres d'aigle. On pouvait deviner trois personnages gigantesques qui se cachaient dans les ténèbres de la pièce.
On distinguait d'eux que leurs ombres inquiétantes envahissant les murs et le plafond derrière eux. Ils avaient des sourires machiavéliques aux lèvres avec des dents de requin acérées. Ils semblaient en tout cas bien s'amuser vu leurs rires. Ils décidaient du destin de chaque personne qui passait devant eux sous forme de carte. À chaque cas, trois grandes cartes étaient disposées devant le trio, une symbolisait la vie, une autre la mort et la dernière la mansuétude. Presque à chaque fois dans de grands éclats de rire, ces trois personnages aux longs doigts cadavériques prolongés de griffes pourrissantes pointaient la carte de la mort.
Immédiatement après, Elenwë pouvait se voir être comme une pauvre, pitoyable et esclave petite fille. Elle avait la tête baissée de honte due à cette faiblesse. Elle traînait des pieds, mais elle devait obéir. Elle devait aller exterminer dans les flammes la proie que l'on lui avait désignée.
Un peu vexée, la jeune adolescente reprit la parole en croisant les bras. Cette vision était tout bonnement ridicule, elle ne pouvait pas croire une chose pareille.
"Ils ? vous ne parlez tout de même pas de l'Equilibrium tout de même ? Ils ne sont pas comme cela ! Ils sont bons et gentils avec moi .... peut-être même trop, mais bon peu importe. Ils ne sont pas comme vous les décrivez ! " Elenwë se raccrochait au peu qu'elle avait en tête pour répondre à cette voix après toutes ces graves accusations. Ce n'était pas son conscient qui parlait dans les rêves, mais bien son inconscient. Il était plus vulnérable, plus influençable, plus malléable et beaucoup plus accessible. Qui écouterait un pareil discours une fois réveillé ? Personne assurément. Puis la voix reprit, peu surprise ou inquiète de ce que venait de dire la jeune rouquine. À croire que cette voix s'y était déjà préparée.
"A oui vraiment ? Ils se fichent complètement de toi. Ils te manipulent sans aucune espèce d'hésitation pour leur propre intérêt. Ils jouent sur ta corde sensible, là où tu es le plus vulnérable. La plupart ne sont que des humains, comment peux-tu leur faire confiance ? Tu n'es qu'un jouet entre leurs mains ..." Des images symboliques firent leur apparition immédiatement après les dires de la voix. Elles entouraient la jeune rouquine, comme si elle se retrouvait dans un siphon d'icônes de sa mémoire s'allongeant jusqu'à l'infinie et au-delà. Tout semblait s'imbriquer comme si chaque moment de son passé était lié entre eux.
Puis au sommet de cette vision, on devinait la directrice Farah beaucoup plus machiavélique que d'habitude. Elenwë pouvait découvrir qu'il y avait sur chaque membre de son corps une fine cordelette. Elle venait de remarquer seulement maintenant. En les suivant, la jeune demoiselle voyait la directrice de son école jouer comme une marionnettiste avec son corps. Elle la dominait complètement de sa hauteur démentielle. Farah bavait légèrement comme une bête enragée. Elle avait les yeux rouges comme un être surnaturel, des cornes de bouc sur la tête partant en arrière et offrait un rire amusé des plus irritants. Elenwë sentit alors qu'elle ne maîtrisait plus aucun de ses mouvements pendant un bref instant. Ils étaient alors dictés par la croix en bois où était reliée chaque fine cordelette.
Puis tout redevint noir encore une fois. La jeune rouquine était à nouveau dans ce vide inquiétant. Elle était essoufflée comme épuisée par cet exercice sportif irréel. Elle n'eut pas réellement le temps de réfléchir à tout ce qui venait d'être dit que la voix reprit sa démonstration littérale.
"Ils peuvent lire en toi comme dans un livre ouvert. Pour eux, tu es si facile à commander comme un mignon petit soldat de plomb. Ils doivent bien en rire entre eux d'ailleurs.
Il est très facile de savoir comment t'appâter. Il suffit de parler de puissance, de défis et tu accours ! Comment peut-on être autant de mauvaise foi avec toi ..." Peu de temps après, Elenwë se revoyait sur le terrain d'entraînement du nobélium pendant l'apprentissage de la boule de feu. Elle avait une vision du dessus. On pouvait imaginer que les dieux voyaient toujours ainsi d'une manière détachée.
Cette fois-ci, James avait derrière lui une sorte d'ombre avec un grand sourire moqueur. Comme si grâce à cette vision, elle venait de gagner le pouvoir de lire les sentiments cachés des gens. Le mental ainsi révélé de son professeur shaakt faisait des signes de main à Elenwë de venir. Puis James lui dit d'une manière légèrement plus sarcastique qu'avant, qu'elle n'allait certainement pas toucher les arbres derrière lui.
Immédiatement après, elle se revoyait s'énerver de toutes ses forces envers son professeur. Un défi avait été lancé et elle ferait tout pour le gagner. Cette petite fille donna tout ce qu'elle avait pour réussir ce dangereux exercice. Puis alors, elle s'évanouit à cause de tous ses efforts. La vision commença lentement mais sûrement à se refermer sur cette idiote de petite fille. Nathanael et James riaient de bon cœur devant cette enfant si manipulable qu'elle s'était évanouie devant eux. Ils dirent alors tout en étant très amusés qu'elle était bien stupide, mais malgré tout sera utile pour le futur.
Elenwë n'aimait bien évidemment pas du tout ce qu'elle voyait actuellement. Elle détourna les yeux une seconde fois, alors que tout replongeait dans l'obscurité. Le problème ne venait pas du fait de voir Nathanael se gausser d'elle, mais plutôt de voir James le faire également.
La voix s'éloignait petit à petit d'elle. Elle était à genoux sur le sol, les larmes lui montaient au nez pointant sur les abords de ses yeux rougis. Elle garda tout de même le contrôle dans le rêve. C'était tout bonnement étrange, elle se demanda comment elle pouvait ressentir de tels sentiments dans un songe. Était-ce possible de pleurer en vrai pour un rêve ?
La jeune rouquine ne voulait pas que tout cela se termine ainsi, elle se leva prestement pour suivre la voix.
" Attendez ! ne partez pas ! Je veux en savoir plus ! Continuez ! " C'était comme si la voix s'y attendait, elle avait sans doute bien étudié la jeune noble elfique ou elle la connaissait par cœur. La voix l'attendit avant de poursuivre. On pouvait imaginer un sourire dans la voix lorsqu'elle répondit sans aucune forme d'hésitation à Elenwë.
"Alors ouvre donc cette porte, car c'est ton choix seul qui déterminera la suite des événements. Je ne te force en rien, tu peux très bien aller te rendormir et aller retrouver le petit lapin blanc dans tes mignons songes d'enfant. " Apparut alors une porte d'intérieur des plus classiques avec une poignée de métal. Elle sentait très clairement que la voix était derrière, un sentiment puissant, comme un appel du plus profond de ses chaires. Elle leva sa main, hésitante un bref instant en fixant la poignée. Elle était dans un rêve, cela n'avait donc pas nécessairement une grande incidence, elle ne risquait rien après tout. Elle ouvrit alors la porte avec une grande force la laissant claquer contre le mur. Son cœur battait rapidement, elle était entre les sentiments de peur et d'une curiosité maladive.
Elenwë arriva alors à nouveau dans un grand espace de noir profond, elle n'avait plus du tout aucun repère. Elle commençait cependant à s'habituer au traitement de choc que lui faisait subir la voix. La porte derrière elle avait disparu comme par enchantement une fois s'être refermée.
" Comme tu l'as dit, ils sont gentils, amicaux, le cœur sur la main. Leur école est gratuite, ils ne veulent que le bien de tous pour le meilleur des mondes. Il faut arrêter de croire aux contes de fées ma petite Elenwë. Tu sais très bien que n'importe quelle structure de cette taille ne s'est pas faite sans argent. Cette manne financière ne poussant pas aux arbres fruitiers, ils ont nécessairement de grandes rentrées d'argent ailleurs. Ils ont une très bonne réputation, sinon les parents n'enverraient pas leurs charmants bambins entre leurs quatre murs, ni les gouvernements d'ailleurs. Tu as été malgré toi piégé dans un engrenage parfaitement huilé. Je vais tâcher de t'aider à en sortir ... " Tout débutait en haut d'une horloge géante en or massif avec un arbre qui brûlait sans discontinuer. Elenwë était attachée au niveau des pieds à l'aide d'une grande pièce en métal noir, qui était entraînée lentement dans de multiples engrenages. Elle ne pouvait donc pas du tout contrôler ses mouvements. La jeune demoiselle Filaïraëne suivait alors la course folle du temps, qui était actionnée par deux pantins mécaniques représentant la reine de Cuilnen et Farah la directrice.
La voix reprit rapidement gardant toujours un ton sinistre.
" Ils vont te préparer lentement à faire leurs sales boulots. Ils voudront te faire faire tout ce qu'ils ne peuvent pas reconnaître officiellement. Au pire, si tu te fais coincer ... ils n'auront qu'à dire que tu n'es qu'une folle assoiffée de sangs et de violences. Qu'ils n'aient pas pu te refréner, que tu étais partie de toi-même et que tu l'as fait. Ils t'abandonneront à la moindre occasion. James lui-même te la dit, il suivra n'importe quel ordre de la directrice, donc du conseil. " Elenwë se retourna alors vers de nouvelles images qui apparaissaient soudainement. Ce que disait cette voix n'était pas totalement faux, il y avait du vrai la dedans. Et si elle avait raison ? Et si tout ce qu'elle avait pu vivre depuis peu n'était qu'un piège ?
La jeune rouquine pouvait voir parfaitement bien les acteurs principaux de l'école et de la guilde s'asseoir autour d'une table. Des gardes haut en couleur de Kendra Karr se trouvaient devant eux. C'était donc une visite officielle pour avoir un éclaircissement sur les récents événements hypothétiques. Sans aucune hésitation et avec un verbe impeccable, la directrice Farah expliqua, sous les approbations des autres qui se contentaient de hocher la tête docilement, qu'Elenwë était partie folle de rage vers la ville. Ils avaient été incapables de la retenir, qu'elle les avait donc tous tués seule et sans leurs approbations.
La jeune demoiselle elfe pressa une main sur sa bouche, elle n'en revenait pas du tout de cette vision possible du futur. Elle n'était que dans un rêve, mais en y réfléchissant rapidement et selon le peu qu'elle en connaissait, la jeune rouquine se dit que tout cela était de l'ordre du possible finalement. Elle avait tout de même un doute, elle voulait s'accrocher à la moindre excuse qui lui permettrait de garder un repère.
" James ne ferait jamais une chose pareil ! il ... il ..." " t'aime ? Soyons sérieux ..." Pendant que cette voix parlait, elle se déplaçait vers la droite lentement. Elenwë la suivait désespérément comme un papillon cherchant de la lumière. Elle voulait en savoir davantage, encore plus, elle ne pouvait pas la laisser partir ainsi.
C'était comme si la jeune rouquine connaissait cette voix sans la reconnaître, c'était très troublant. Elle n'arrivait pas à remettre un visage à cette voix, cela l'intriguait encore plus. Une chose était certaine, cela ressemblait à sa propre voix, mais ce n'était pas la sienne. Elle ne pourrait jamais parler ainsi, ce n'était pas elle ce genre de discours.
" Nous parlons bien d'un shaakt actuellement ? Ce n'est pas moi qui vais te donner un cours sur eux n'est-ce pas ? Tu les connais beaucoup mieux que moi, tu sais comment ils sont sournois. Ils seraient capables de te planter une dague dans le dos à la moindre occasion ou à un moment de faiblesse de ta part. Tu ne peux pas faire leur confiance totalement, ils n'agissent que par intérêt." Elenwë vit alors sous ses yeux une image des plus déplaisantes. Elle se voyait marcher avec un grand sourire, sûr d'elle-même comme à son accoutumer. Un peu derrière, elle pouvait apercevoir également James un papier à la main. On pouvait très clairement lire qu'il s'agissait d'une lettre de mission de la part de Farah, elle lui intimait de tuer sa bien-aimée élève sans autre explication.
Il avait alors un air très sérieux, froid, aucune hésitation dans son regard. C'était la même façon qu'il avait regardée la jeune demoiselle dans sa chambre. James prit alors en main une longue dague shaakt magnifiquement travaillée d'un métal noir avec des motifs de couleur violette. En profitant d'un moment de faiblesse, la jeune rouquine lui avait malheureusement tourné le dos. Il n'hésita pas une seule seconde se sachant plus faible que cette formidable magicienne,. Il poignarda la fort surprise Elenwë de part en part. Elle glissa ses mains autour de la pointe qui dépassait de son cœur de l'autre côté, la mort fut rapide et sans trop de douleur. Comme c'était délicat de sa part ! Elle se vit perdre les couleurs de la vie avant que la voix ne reprît sa marche funèbre.
" Ils sont manipulateurs. Afin d'arriver à leurs fins, ils sont capables de mentir et jouer avec tes sentiments. C'est un jeu pour eux, c'est leur façon de survivre dans leur monde barbare." Pendant les paroles de cette voix, elle entendit à nouveau une phrase de James qui lui disait qu'il tenait énormément à elle. Mais elle sentit que quelque chose sonnait faux, quelque chose n'allait plus dans cette phrase qui l'avait enchantée auparavant.
Elenwë vit ensuite comment James s'était énervé dans sa chambre, la plaquant contre la porte sans aucune espèce de respect. Elle n'avait pas trop eu le temps d'y réfléchir, la suite de la journée s'était enchaînée si hâtivement. Mais s'il l'avait voulu, elle serait morte à ce moment-là. Elle n'avait pas même eu le cœur de se défendre, complètement paralysée par ce qui lui arrivait. Une pauvre petite gamine innocente perdue dans un monde cruel et impitoyable.
" As-tu nécessairement besoin d'un exemple ? Je pense que tu es bien trop intelligente pour cela, non ? Comment quelqu'un comme lui a osé porter la main sur toi ?! Te traiter comme une moins que rien. Quelqu'un qui aurait des sentiments à ton égard aurait réagi autrement. As-tu déjà vu père et mère se violenter ? Réfléchi bien Elenwë ...
James est l'esclave de la directrice, elle en fera tout ce qu'elle désire de lui. Il suivra le moindre de ses ordres, le plus amusant c'est qu'il te la dit lui-même. Il accuse sa propre faiblesse, son propre état. Il essaie de te prévenir qu'il ne peut rien du tout pour toi.
Est-ce faux ce que je dis ? " Elenwë regarda alors dans la direction hypothétique de la voix, afin de lui répondre. Elle était totalement chamboulée, une cruelle vérité lui était imposée devant le visage et elle n'arrivait plus à trouver quelque chose à y redire. Tout ce dont elle était témoin actuellement était du domaine du plausible, mais elle conservait des doutes.
Un escalier apparut alors au bout de quelques mètres devant elle, il était massif et en colimaçon. Sans trop y réfléchir, Elenwë suivit la voix descendant à l'étage d'en dessous sans hésiter. Elle était bien trop préoccupée à digérer tout ce qu'elle était en train d'entendre pour réfléchir à sa propre situation dans ce rêve. Elle devait répondre, avec une main sur le front Elenwë reprit la parole d'une voix enraillée par le chagrin et le doute.
" Non ... tout ce que tu as dit est juste ... Mais en quoi pourrais-tu faire mieux ? Comment pourrais-tu donc m'aider ? Tu dis beaucoup de choses qui vont mal, mais où sont tes solutions ? C'est facile de dépeindre un tel tableau, mais cela ne suffit pas." Elenwë hésitait vraiment sur la façon de penser de cette voix. Elle en émettait des doutes, à quoi tout ceci menait-il à la fin ? Pourquoi me dire tout cela ? Et qui était donc cette voix ? À quoi cela lui servait-il de me dire tout cela ?
Tentations