Entre deux mondes Elenwë rentrait de sa longue quête d'achat en ville. Ce fut périlleux, dangereux, mais elle les avait tous vaincus ces fichus marchands ! Elle faisait la fière devant les autres, mais cela lui avait coûté tout de même très cher. Sa famille était riche, c'était une évidence, mais elle-même l'était beaucoup moins. Si elle pouvait avoir tout ce qui était beau, c'était surtout grâce à son père qui l'arrosait d'argent à la moindre demande.
La jeune noble n'avait jamais eu besoin de faire un scandale devant tout le monde, son père ne lui refusait jamais rien. Une robe ? Aucun problème. Un cinquième cheval ? Et bien pourquoi pas si cela pouvait lui faire plaisir. Les Filaïraëne avaient des rentes régulières de biens fonciers, de retours sur investissement avec des magasins, de politique qui ouvrait à son père de nombreuses portes. Avec tout cela, comment pourrait-elle comprendre ne serait-ce que la peur de manquer de quelque chose ? Les réflexions de la tatoueuse étaient encore bien présentes dans sa tête. Elle se dit qu'après avoir insisté de la sorte, c'était qu'elle était certaine de son laïus.
L'adolescente balaya le tout d'un revers de main négligeant dans les airs. Décidément, elle ne comprenait vraiment pas ces humains. Elle ne pouvait pas comprendre que le problème ne provenait pas nécessairement des humains, mais de son statut de la haute noblesse. Elle arriva enfin dans la cour de son école, elle n'avait jamais été si heureuse de profiter de ses graviers.
"Si j'étais chez moi, j'irais me faire un bain de pieds avec de l'eau salée. Cela rend la peau douce en plus ! ensuite je demanderais à un serviteur de me masser avec de l'huile ! Quelle épreuve vraiment ... Heureusement que ce n'est pas tous les jours comme cela. "Dit alors Elenwë à elle-même ignorant joyeusement si quelqu'un était autour d'elle. C'était devenu comme une habitude chez elle de parler toute seule. Elle était très souvent seule ou avec des serviteurs, personne à qui parler en fin de compte. C'était sans doute très cruel ou triste à dire, mais elle s'y était fort bien habituée. Elle ne se rappelait guère d'un moment où une autre présence lui avait fait défaut.
La jeune rouquine ne regarda pas une seule seconde ceux qui l'entouraient, pas même un petit regard. Rien ni personne à ce moment-là ne l'intéressait, pas même James. Elle était épuisée, elle n'en pouvait plus. Elle serait de très mauvaise compagnie si elle devait parler à quelqu'un. La demoiselle Filaïraëne avait du mal à garder les yeux ouverts. Elle traînait des pieds en essayant de se motiver pour les derniers pas à effectuer.
La monter de l'escalier fut une longue torture. Elle s'imaginait une montagne à gravir avec des piolets et des cordes, d'ailleurs qu'elle sottise cette idée de vouloir grimper une montagne ! Histoire de voir le soleil de plus près ? Tous ses efforts pour redescendre juste après ... totalement inutile ! Elenwë avait mal aux jambes, sans doute que tout cet épuisement était davantage dans sa tête. Elle n'était pas habituée à autant d'efforts. En plus de tout cela, elle était assez jeune ce qui n'arrangeait pas les choses.
Lorsqu'elle entra dans sa chambre, la jeune elfe laissa tomber tout ce qu'elle avait dans les mains ou sur son dos sur le côté du lit. Elle s'écroula sur les draps sans autre forme de procès dans un râle. Elle ne pensa pas à fermer la porte, elle était beaucoup trop loin maintenant.
La jeune rouquine allongée dans son lit n'avait qu'un bras balant de libre pour ranger plus ou moins ses achats. En premier lieu, elle sortit tout d'abord les six fioles de fluide de feu qu'elle avait acheté sur le marché. Elle soupira légèrement en les regardant, elle hésitait tout de même à en reprendre. La jeune mage se rappelait fort bien ce qui c'était passé la dernière fois. Elle s'était évanouie dans les bras de James à se retrouver au bord de la mort. L'avantage se fut de se rappeler quelque chose enfouit très très loin dans sa mémoire. Mais elle ne pouvait pas jouer avec sa vie de cette façon pour seulement ce type de bénéfice.
"C'est vrai que j'en avais pris beaucoup à l'époque. Je ne peux cependant pas rester oisive et faible. Si j'en prends peu comme une ou deux potions, cela irait peut-être ? " Elenwë se retourna sur le dos avec une main sur son front en regardant le plafond. Elle hésitait toujours, tiraillée entre son envie de puissance et de magnificence contre sa raison et la prudence. Elle prit deux potions de sa table de nuit afin de les faire onduler sous ses yeux. L'adolescente regardait ce liquide rouge orangé s'incliner en tous sens au gré de ses mouvements. Elle soupira en laissant tomber son bras au-dessus de sa tête, les fioles glissèrent un peu dans le lit sans fracas. Elle se recouvrit ensuite ses yeux de sa main, ses cheveux en bataille étalés sur les couvertures.
" Si je m'écoutais, je boirais tout en même temps, advienne que pourra. Si je survis c'est que je méritais mon destin. Sinon tant pis pour les faibles ! C'est cela que je devrais faire, ou plutôt ce que j'aurais fait avant. Je ne le sens plus du tout ainsi maintenant. Que m'arrive-t-il ? Est-ce que je deviens lâche et faible ? Ou est-ce que je deviens sage et raisonnable ? C'est cela que l'on a essayé de m'inculquer ?" Soudain, la jeune et innocente elfe eut l'impression d'étouffer, d'avoir trop chaud. Sa tunique était trop lourde, trop encombrante. L'adolescente l'ouvrit en grand sans la retirer, elle se retrouvait ainsi comme en petite tenue dans sa chambre. Elle respira rapidement de grandes bouffées d'air.
" C'est beaucoup mieux ... il a fait un bon travail, mais là je n'en peux plus. J'ai la tête qui tourne, je suis fatiguée ... "Elenwë poussa avec un pied puis l'autre ses chaussures loin de ses pieds. Elle était incapable de faire mieux que cela, ce fut d'ailleurs une longue lutte afin d'arracher les chaussures de cuir de ses pieds. Elle retira ensuite son pantalon de cuir plutôt résistant, mais assez souple pour ne pas être aussi rigide qu'une armure de mailles. Elle finit donc par végéter sur son lit en sous-vêtements, gardant uniquement sa tunique ouverte sur les épaules et son gantelet de combat.
Avec un grand effort, la jeune rouquine leva son bras gauche recouvert du poing des flammes, son gantelet de combat. Elle sourit largement en l'admirant de ses grands yeux brillants. Elle l'aimait tant, il avait toujours eu une si grande importance dans sa vie. Elle laissa son gantelet de combat tomber sur ses yeux dans un soupire, son bras était devenu trop pesant.
"Quand je pense que j'aurais pu te perdre aujourd'hui, je m'en sors à bon compte dans cette histoire de rune. Comment aurai-je pu pour vivre sans toi ? Heureusement, tout s'est bien passé. "Elle se contenta d'un grand sourire à moitié caché derrière son bras. Plus ou moins dans un demi-sommeil, Elenwë avait des bribes de conscience en réfléchissant à son futur tatouage. Il n'était plus question de savoir si elle allait en avoir un ou non, mais davantage où le mettre et sous quelle forme. Elle tenta de s'imaginer avec de belles robes du soir et son tatouage, tantôt sous son gantelet, une autre fois dans le dos, sur les jambes peut-être ? Elle ne trouva rien qu'il ne lui convienne totalement. Elle ne savait pas trop quoi en faire, mais ce qui était certain, c'était qu'il soit tout petit et discret.
"Pour la forme, je ne vois pas un animal ou un nom. Cela serait idiot et inconvenant, imagine donc si on le voyait ! Hooo c'est qui J... Jam... Ah non pas question ! Demain matin, je tâcherai de chercher dans la bibliothèque un symbole magique. C'est classique et efficace, je pense. "La jeune rouquine n'en pouvait plus du tout, elle n'arrivait plus à réfléchir correctement. Elle s'endormit comme un rien encore habillée dans son lit.
SA salle de bains