Elwen se trouvait dans son carrosse en route pour sa nouvelle prison, l'école de magie de Kendra Karr, elle lâcha un soupir, elle ne savait pas trop comment elle pourrait éviter cette punition cette fois-ci. Et si jamais elle n'avait pas ce fameux diplôme ? Est-ce qu'elle ne pourrait jamais revenir dans sa ville natale ? Revoir ses parents, ses frères et soeur ? Non, ce n'était pas possible ! Elle gambergeait toute seule à toute allure, elle se remémorait comment son voyage avait commencé.
La bonté de la reine avait sauvé cette jeune tête brûlée du pire, être banni de sa ville natale, loin de sa famille. Elenwë ne se rendait même pas compte de ce que cela pouvait signifier, totalement innocente des lourdes conséquences. Il était clair que son père allait sans doute payer pendant quelque temps cette faveur, mais il le faisait pour sa fille. Toute l'assemblée la regardait, parlait d'elle, encore tétaniser devant cette folie.
"Vous vous rendez compte ? Une fille Filaïraëne faisant cela ? Sont-ils des hérétiques à rejeter Yuimen ? " "Quelle mauvaise éducation elle a dû recevoir !" "Ho oui pauvre petite, j'espère que cette école va l'aider loin de ses parents. " "Heureusement que notre reine est magnanime et juste ! Comment aurait elle finit sinon ? En vagabonde à attaquer les gens pour quelques ripailles!" Personne n'avait compris, la jeune rouquine aux yeux verts enrageait intérieurement, mais elle restait droite, dans une parfaite position, il n'était pas question d'offrir un autre spectacle à la foule qui ne demandait que cela. Elle n'était pas là pour devenir leur bouffonne, à tous ces gens-là, ça serait beaucoup trop facile. Elle leva la tête fièrement, lissant ses beaux vêtements, sortit ainsi de la pièce, entourée de quatre gardes du tribunal royale. Un mage les accompagnait pour parer à toute éventualité, on ne savait jamais au cas où la douce enfant piquerait à nouveau une crise. La jeune Elenwë l'avait bien remarqué, mais pour le moment elle ne tenterait rien du tout, elle savait ce qu'elle risquerait de faire une autre esclandre contre des intérêts elfes blancs.
(Ne t'en fais pas, je suis vidée, je n'ai jamais senti une fatigue plus accablante que celle-ci, tu peux te détendre, je ne ferais rien pour le moment magounet.) En effet, la petite était fatiguée, elle n'avait pas récupéré de son dernier sortilège. L'ami du père d'Elenwë, le mage de guerre, se trouvait sur la route pour sa nouvelle prison à Kendra Karr. Il semblait embêté de toute cette suite d'événements, quelque part, il se sentait comme coupable d'avoir lancé cet enfant trop tôt vers la magie.
"Bon ne t'en fait pas rien n'est perdu, tu vas juste vivre quelque temps chez les humains de la ville de lumière, tu ne seras pas si loin que cela. Tout ce que tu dois faire c'est te tenir tranquille le temps nécessaire, tu auras facilement ton diplôme et tu pourras rapidement rentrer dans ta famille" Elle savait déjà tout cela, pour qui se prenait il à donner des leçons ? Elenwë n'avait aucune envie de les entendre, elle ne supportait plus du tout la situation. Elle voulait rencontrer des gens qui la comprennent, dans cette ville pourrit et si étroite d'esprit, il n'y avait que des idiots ! Elle releva alors la tête vers le mage de guerre avec un air de dédain, comme si elle venait juste de remarquer sa présence, qu'elle daignait enfin lui accorder audience.
"Veuillez me vouvoyer monsieur." La toute jeune rouquine répondit d'une manière parfaite dans son rôle, hautaine et supérieure, elle voulait le remettre à ça place, ne peut entendre raconter toutes ces bêtises. Elle n'en avait strictement rien à faire que l'on la tutoie ou vouvoie, mais elle voulait garder l'ascendant dans cet échange, peu importe le prix. Un peu décontenancé, le mage de guerre était perdu, lui qui était venu gentiment vers cet enfant qui allait être seul, abandonné de tous, sans plus personne pour s'occuper de lui, et voilà comment on le remerciait. Il s'arrêta net sur le choc du traitement que l'on venait de lui infliger, il laissa alors cette petite partir seule vers son destin. Elle franchit pas à pas, fière d'elle-même, un long couloir sombre vers la sortie. Elle était encore grisée par cette victoire, quand elle se retrouva dehors en face de son cortège.
N'importe qui d'autre, on l'aurait mis aux fers dans une sombre charrette pour prisonniers, mais elle était de la haute noblesse. L'attendait là, quelques cavaliers en armes aux couleurs sa maison, un splendide carrosse couleur ivoire, de petits rideaux rouges aux fenêtres afin empêcher de voir l'intérieur, quatre destriers blancs afin de le tirer, tous relier avec des reines couleur dorées tenues par un cocher habillé de cuir. Les gardes du tribunal firent alors demi-tour, le mage de garde restait encore sur place, guettant un signe ou une approbation. Un majordome s'approcha de la porte du carrosse magnifiquement décoré, il l'ouvrit en grand devant sa maîtresse. D'un mouvement de pied élégant, il fit descendre un petit escalier, puis offrit sa main afin de l'aider à monter.
Elenwë aurait bien mal pris tout ce cérémonial inutile, si le mage qui la tenait en laisse n'aurait pas été là. Bien trop heureuse de toutes ces attentions, elle fit sa fière et noble dame confiant sa main au majordome, appliquant ses cours de maintien de A à Z. La petite rouquine tenait sa petite jupette rouge cerclée d'or pour se donner un style. Avant d'entrer dans le carrosse, elle jeta un regard vers le mage derrière elle. On ne pouvait dire qu'il y a quelques minutes, elle était dans un tribunal, condamnée pour bannissement devant tout le gratin de la cité. Plus elle voyait l'exaspération de ce mage de faible extinction grandir, plus Elenwë jubilait, affichant un large sourire en s'asseyant sur les coussins de velours.
Le mage rentra alors dans le carrosse à sa suite, il s'installa en face du petit monstre dans un soupir. Le majordome fit bien moins de cérémonial, rangeant immédiatement après le passage d'Elenwë le petit escalier. Elle hocha la tête d'approbation très discrète vers l'homme de son père, tout à fait heureuse de sa réaction. Le valet savait très bien comment avoir dans ses petits papiers la jeune maîtresse. Le mage se contenta de regarder ailleurs, d'essayer de se convaincre que ce n'était qu'une enfant, qu'il avait un travail à faire. Elenwë en aurait certainement profité de ce moment d'égarement, pour un coup d'éclat dont elle a le secret si elle n'avait pas été complètement épuisée. L'enfant décala légèrement le rideau couleur carmin, elle ne vit personne venir, ni son père, ni sa mère, ni ami. Elle avait toujours rejeté chaque personne avec violence, pas étonnant alors. Elle jeta un regard triste vers le sol du carrosse, qui commençait à prendre sa vitesse de croisière dans les bois, la rouquine laissa le rideau retombé mollement.
"Et bien alors ? un problème jeune fille ? On commence à regretter son acte ?" Lança alors le mage, après tout elle l'avait bien cherché. Il ne pouvait plus tenir de toutes ces railleries. Ce n'était pas du tout le bon moment de jouer, Elenwë remonta lentement son regard vers celui du mage, elle était furieuse, elle bouillait intérieurement. Si elle avait pu, elle l'aurait fait brûler, mais aujourd'hui elle n'en pouvait plus. Le mage prit sur lui de se taire et de ne plus rien dire. Il était plus puissant qu'elle, c'était une évidence, mais elle appartenait à une puissante famille qui avait le bras long, c'était donc inutile, juste pour une stupide enfant de risquer sa place.
Par chance pour le mage de garde, Elenwë s'endormit accroupi dans le fond du carrosse. Elle n'avait jamais été aussi loin de chez elle, bientôt elle serait seule ou presque jetée dans l'inconnu. Elle redevenait une charmante enfant en train de dormir, sage, ne disant rien, son corps relâché, un charme naturel enfantin. Elle paraissait apaisée, douce, toute mignonne. Pourvue qu'elle ne se réveille jamais ! Pensa immédiatement le mage. Le reste du voyage fut beaucoup plus calme et monotone, le petit groupe faisait des haltes régulières, empruntant uniquement les routes les plus sûres. Le voyage était rapide et agréable avec le meilleur matériel possible, Elenwë passa le reste des journées penchée à la fenêtre, regardant le paysage.
Elle ne pensait même plus à cette fameuse école, tous ces paysages différents qui défilaient devant elle, c'était magnifique. C'est après plusieurs jours de périple qu'elle vit sa destination, Kendra Karr. La cité est plus grande que sa ville natale, elle semblait plus sale, plus corrompue, peut être plus humaine aussi, son plus grand défaut. Dans la tête de cette petite fille, les elfes blancs étaient une race supérieure, les humains représentaient une sorte de médiocrité, sans parler des races chaotiques, destructrices, qui étaient plus au niveau des insectes. L'arrivée du cortège se fit remarquer, on regardait ses magnifiques chevaux, ce carrosse d'excellentes factures, on ne voyait pas à l'intérieur à cause des rideaux, ce qui provoquait davantage encore plus la curiosité.
Le petit groupe s'arrêta alors dans la cour de gravier de l'école, le coché fit bien attention de placer la porte du carrosse en face de l'entrée de la faculté de magie. Le majordome tout naturellement vint à la porte afin de l'ouvrir pour sa petite demoiselle. Elenwë voulut marquer le coup définitivement, afin que ce petit mage se souvienne d'elle à jamais. Elle prit la parole d'une voix douce et claire, avec un ton typique de la haute noblesse avec des gestes précieux.
"Ce voyage d'agrément fut fort plaisant messire, quel dommage qu'il ne soit si court, un vrai enchantement. J'ai hâte du voyage de retour." Ce fut donc avec un grand sourire que la petite rouquine descendit du carrosse familial, sans même attendre la réponse ou une réaction, le laissant pantois. Le majordome et le coché se chargèrent de porter les nombreuses valises, paquets et divers sacs qui contenaient les vêtements, parures, bijoux, nécessaires à se faire belle et divers accessoire obligatoire pour une jeune fille de la haute société. Elenwë bien entendu ne prit pas la peine de prendre quoi que ce soit pour les aider. Elle observa le magnifique bâtiment, très haut, majestueux, il était imposant, construit il y a fort longtemps certainement, beaucoup de monde entrait et sortait sans discontinuer.
La petite fille observait partout, c'était si grand, tout ce beau monde venait ici pour apprendre la magie, une formidable opportunité.
Elenwë ne cherchait pas du tout les détails de son arrivée, c'était son majordome qui faisait tout avec un naturel surprenant. Jamais elle ne c'était occupé de détails pratiques, comme se présenter, savoir ce qu'elle faisait ici, etc ...
L'entrée de l'école