(L’école, la guilde, la guilde, l’école, je suis pas sûre de tout bien comprendre…), expliqua Keynthara à sa faera. En bonne élève, Faera semblait déjà tout connaître de l’endroit et prit de grands airs pour expliquer les choses plus clairement à l’Aniathy.

(Tu vois, ici, c’est un endroit parmi tant d’autre, qui appartient à une guilde. Il n’y a pas juste l’école de magie, il y a aussi… Euh…)

Faera avait été sur le point de trop en dire, mais elle savait qu’il était important de rester discrète, au risque de donner l’impression d’en connaître un peu trop, déjà que l’idée avait déjà à plusieurs reprises effleuré la pensée de Keynthara.

(Ah ! Là je crois que je comprends ! C’est comme la milice par exemple, c’est ça ?)

La Petite, prise dans son raisonnement, avait permis à Faera de s’en sortir sans trop de problème et elle fut bien heureuse de pouvoir acquiescer simplement, avant de l’inviter à reporter son attention sur ce que Farah disait. Effectivement, chaque fois qu’elle échangeait mentalement avec son amie qui papillonnait actuellement sur son épaule, elle se fermait au monde extérieur et perdait le fil des conversations. Bien heureusement, elle avait saisi des mots à la volée et ainsi, avait pu se rattraper de justesse, sans donner l’air d’être inattentive :

« Oui, oui oui, des missions ponctuelles pour commencer, ça serait chouette, mais on aura quand même le droit de faire un peu ce qu’on veut non, pas faire que des missions tout le temps ? »

Elle avait très envie de se rendre utile, pour autant, transmettre aux autres lui faisait peur. Elle ne s’estimait pas encore assez documentée en matière de magie pour en venir à donner des leçons, bien que l’idée était alléchante. Elle n’avait pas non plus envie de totalement perdre sa liberté, indépendante comme elle l’était et savoir qu’elle pouvait de temps à autre faire ce qui lui passait par la tête entre deux missions était important pour elle.

Kraemer, quant à lui, avait très bien saisie les tenants et les aboutissants de cette guilde et était plus que jamais enthousiasmé. Pour lui, c'était l'occasion de mettre ses aptitudes à profit d'une organisation neutre, qui ne chercherait plus jamais à l'endoctriner et à lui faire faire des choses contraire à sa nature.

Comprennant cette fois-ci clairement les propos de Farah, Keynthara fut soulagée d’apprendre qu’elle garderait la liberté dont elle avait besoin dans la plupart des situations. Elle avait à nouveau porté son attention sur le félin qui miaulait, pour occulter inconsciemment le fait que parfois, il pourrait lui arriver d’être réquisitionnée et que des responsabilités allaient donc peser sur ses épaules, elle prit un air satisfait et fit non de la tête pour expliquer à la directrice qu’elle n’avait plus de question. Kraemer fit de même et se présenta le premier à la femme, après y avoir été invité.

« Excusez-nous de notre impolitesse... », dit-il, confus. « Je m’apelle Kraemer, chevalier… euh… du Chaos, comme on m’a jadis nommé, bien que j’ai horreur de cette appellation. Je suis un guerrier avec des pouvoirs magiques d’ombre, et j’en fais ce que je veux, j’ai mon libre arbitre. »

Et Keynthara ajouta pour compléter les propos de l’elfe noir qui se tarissaient déjà :

« Et son libre arbitre le mène jamais à faire des choses qui sont Mal ! Ah ça non ! Moi, Keynthara, c’est une autre histoire… Des fois, je fais des bêtises avec mes pouvoirs de lumière, qui peuvent causer du tort aux autres, mais c’est jamais voulu, je mesure pas toujours la portée de mes actes… Je suis une Aniathy et je ne grandirai plus, hélas. J’ai été faite prêtresse des Amants de la Rose Sombre, il y a quelques temps déjà, pour autant, j’ai besoin de servir la lumière à présent et je ne me sens plus l’âme d’une prêtresse d’un temple qui prône de satisfaire ses propres plaisirs, car ça ne peut que me mener à desservir aux autres… »

La vision de la poupée magique était évidemment, comme toujours, caricaturale. C’était pourtant là ce qu’elle avait retenu des préceptes de Pulinn et si elle avait par le passé été séduite par cette vision des choses, elle avait maintenant tiré un trait sur cette histoire. Tout ce qu’elle retenait été la mission de sauvetage des peuples de Wharshaarin et la rencontre avec la déesse Gaïa qui l’avait remise sur le droit chemin.

« Il fut un temps où je vous aurai fait une démonstration de mes pouvoirs sur le champ, mais à chaque fois, j'ai détruis quelque chose sur mon passage, alors ce sera non pour aujourd'hui. Et vous, Madame la Directrice ? Vous allez devenir notre chef ? »

Keynthara s’était redressée droite sur sa chaise, témoignant toute sa curiosité à leur interlocutrice.

« Quelle diversité ! », s’exclama Keynthara, emballée par toutes ces informations sur les différentes races et professions qui constituaient les hautes strates de la guilde. L’ouverture d’esprit semblait être omniprésente au sein d’Equilibrium et ce concept plaisait tout particulièrement à la poupée. Une autre nouvelle attisa la curiosité de la Petite, qui découvrait l’existence d’une toute nouvelle déesse.

« Comment se fait-il que nous n’en ayons jamais entendu parler auparavant ? », questionna Kraemer, qui fronça les sourcils en prenant un air méfiant et suspicieux. Les nouveaux dieux étaient plus généralement des fantasmes inventés pour séduire les personnes ou servir à des fins personnelles, telle des sectes uniquement tournées vers le profit.

Keynthara le regarda, intriguée et gênée, car elle ne comprenait pas vraiment sa réaction, ne partageant pas son sentiment de méfiance permanent qui faisait de lui un être paranoïaque. C’est ce moment que choisirent les faeras pour communiquer avec leur maître respectif, leur offrant pendant un court instant l’opportunité d’une discussion mentale à quatre.

(Brytha est nouvelle, voilà tout. Je confirme son existence, il n’y a pas à remettre en doute les desseins de cette guilde, qui œuvre avant tout pour ses valeurs et non pas pour l’argent !)

Ce fut Faera qui parla d’abord, avant que celle de Kraemer ne confirme ses propos. Rassuré, le Shaakt se radoucit, sans que Farah ne pût en comprendre la raison.

« Kraemer est parfois très méfiant car il a déjà été beaucoup trahis, manipulé, alors il est normal qu’il soit sur ses gardes. Moi, j’ai envie de vous faire confiance, alors je me dis que cette Déesse vaut le coup d’être servie aussi. Décidemment, le hasard me rapproche un peu plus chaque jour des dieux ! Si c’est pas un Tout, ça, vers lequel je me tourne petit à petit ! Ce doit-être une volonté de Zewen. »

Elle fixa un point au hasard dans la pièce, pensive, puis revint à elle pour finir ce qu’elle avait à dire :

« Il doit probablement me réserver une vie hors du commun ! »

Kraemer resta silencieux, avant de répondre à la suite de l’Aniathy.

« Je fais déjà partie d’un Tout, je n’imagine pas les choses autrement, alors cela ne me dérange pas d’avoir pour symbole une déesse de l’équilibre, au contraire. », concéda-t-il. « Cependant, je ne serai jamais un dévot. »

Ainsi, il avait mis la Directrice au parfum : il ne prierait pas Brytha, pas plus qu’il ne priait les autres dieux. Ayant fort bien compris les préceptes de la guilde, il ajouta :

« Mais je suppose que dans ce Tout, autant que dans votre guilde, doit se trouver des religieux et des athés, si bien que j'y trouverai forcément la place. »

Lorsqu'il était piqué au vif, Kraemer pouvait parfois se montrer très déterminé dans ses propos et soudainement plus expansif.

Tout le monde autour dans la pièce semblait satisfait de la tournure des évènements. Kraemer avait du mal à laisser tomber ses craintes, pour autant, il devait se rendre à l’évidence, plus aucun frein ne subsistait. Farah le lui avait garanti : Il pourrait rester lui-même.

Lorsque la directrice montra sa main aux deux invités, Keynthara la regarda faire d’un air intrigué, ne comprenant pas immédiatement ce à quoi voulait en venir l’humaine. Son attention fut néanmoins rapidement captivé par le bijou qui scintillait.

« Qu’elle est belle ! »

Elle sursauta d’exitation sur sa chaise, au moment ou elle apprit qu’eux aussi allaient pouvoir en recevoir une, en guise de cadeau de bienvenu, supposait-elle. Elle ne comprit qu’après, la signification de cet objet.

« Cette bague sera-t-elle magique ? », questionna-t’elle, avant de réfléchir à sa couleur. Ce fut finalement le rose fushia qu’elle choisit. Quant à Kraemer, il se porta sur le choix d’un violet améthyste. Cette pierre avait toujours exercé une certaine fascination sur l’elfe noir, bien qu’il n’ait jamais eu la chance d’en posséder. Il espérait d’ailleurs secrètement que ce soit la véritable roche qui soit incrustée à la bague de ralliement de la guilde.

La question du choix étant passé, Farah sembla vouloir leur demander quelque chose. Etait-ce là leur première mission ? Ils allaient bientôt le savoir. Tout deux se tinrent bien droit sur leur siège, les yeux grands écarquillés, soutenant le regard de la directrice en témoignage de leur intérêt.

« Notre première mission de guilde ? », sourit l’Aniathy, une fois de plus excitée.

Alors que je m’apprêtais à sortir de l’enceinte de la faculté kendrane de magie, je surpris une conversation de badauds qui discutaient fort bruyamment sur la présence d’un étrange manoir faisant perdre la tête aux personnes qui y logeaient, situé sur l’extérieur des murs de la cité blanche. Malgré mes quelques mois passés ici, à vivre et à me reposer de mes précédentes aventures, je n’avais jamais entendu parler d’un tel endroit… Apparemment, le manoir en question allait ouvrir bientôt ses portes, attirant les curieux.

Grand bien fasse à ceux-ci, les trois hommes ne semblaient guère vouloir s’y intéresser. Et moi non plus, cela ne me disait rien de m’y rendre. J’avais une mission à mener, et je comptais bien m’y atteler dans la journée. Je continuai donc mon chemin en direction des portes de la ville, tout en suivant par un hasard total les trois promeneurs. Et… tout en marchant, des questions s’étaient mises à sonner dans ma tête, sur cette bâtisse étrange. J’avais déjà été victime d’un bâtiment de ce type, ici même à Kendra Kâr. Une maison qui, l’espace d’une nuit, avait servi cauchemars, histoires glauques à souhait, dangers innombrables et pièges mortels et… avait bien rempli mes poches et augmenté ma puissance personnelle. Ce type d’habitation était-elle courante, par ici ? Tulorim abritait pas mal de taudis en tous genres : maisons abandonnées, squats mal famés, ruines peuplées de rats à la recherche de vieille nourriture laissée là… Mais ici il s’agissait toujours de maisons pleinement fonctionnelles, et normales vues de l’extérieur.

Je me laissai tenter par une petite question. Juste une petite, histoire de me renseigner. Cela n’allait au final guère me retarder. Je hélai les trois hommes.

« Héla, messieurs. Dites, je vous ai entendu parler d’un manoir étrange en dehors de la ville… Savez-vous ce qu’il abrite ? Ces curieux qui s’y rendent ne doivent pas être totalement désintéressés… »

Qu’ils me répondent ou non ne changerait pas grand-chose, sans doute… Sauf peut-être s’ils arrivaient à capter mon attention de manière plus convainquante.

Les trois hommes s’arrêtèrent et consentirent à me répondre. Je n’appris pas grand-chose de plus que je n’avais déjà entendu en surprenant leur conversation, un peu auparavant. Ainsi, ils m’assurèrent qu’il s’agissait d’une très grande bâtisse au jardin mal entretenu. Les propriétaires auraient, soi-disant, tous disparus, été tués, ou été rendus fous par la maison elle-même. Plus j’en savais sur cet endroit, moins il me paraissait engageant. Je répondis au premier.

« Je ne suis pas de bonne famille. Et je ne viens pas d’ici. »

Et j’ajoutai, non sans ironie :

« Est-ce une coutume de Kendra Kâr que d’aller vivre dans un endroit si mal famé ? Est-ce normal que les autorités n’aient vraisemblablement pas enquêté sur ces meurtres et disparitions ? »

C’était plutôt incongru, pour moi. Kendra Kâr la blanche, qui se disait elle-même parangon du Bien sur Yuimen, laissait aller en son sein de bien curieuses traditions.

Les révelations furent difficiles à entendre par Kraemer, qui se mortifia à l’idée de retourner dans une ville d’elfe noire. Devenu presque aussi raciste envers eux que l’étaient les autres peuples, l’elfe noir grinça des dents et s’apprêta à refuser. Sentant la colère venir, il se leva d’un bond, prête à quitter la pièce sans mot-dire.

« KRAEMER ! », cria Keynthara, qui se rua sur lui pour tenter bien malgré elle et sa petite taille, de le retenir assis sur sa chaise. La Petite avait vu plus loin et tient des propos qui apaisèrent finalement le Shaakt.

« Tu ne vois pas que c’est une chance pour toi de faire la paix avec qui tu es ? Oui, les Shaakts sont souvent méchants, mais ils ne le sont pas toujours gratuitement, j’en suis sûre ! Ils ne te feront aucun mal et ainsi, tu seras parvenu à affronter tes vieux cauchemars ! Et puis, ne soit pas comme eux, prouve que tu peux aider les autres. Tu seras tout fier, quand tu reviendras avec ton esclave ! »

Sentant entre ses petits bras dodus la tension du corps de Kraemer se relâcher, elle se détacha de lui et se mit à rire en s’agenouillant théâtralement :

« Oui maître ! D’accord maître ! Suis-je assez gentil, maître ? »

Elle faillit se rouler par terre tant la situation la divertissait, pourtant, contrairement à ce qu’elle aurait fait auparavant, elle se redressa en toussotant, avant de se rasseoir comme si de rien n’était sur sa chaise. La peur du Shaakt s'était à ce moment précis, transformé en agacement.

« Bon, voilà qui est réglé, Kraemer ira ! Quant à moi, ça me plait bien, cette histoire de manoir ! Il est temps d’y faire régner la lumière, là où l’ombre, la folie et le doute règne ! »

Elle brandit très haut sa baguette magique et prit un air grave. Gaïa serait fière de sa disciple, de-même que la Guilde de l’équilibre. Sans ajouter un mot, à l’instar de Farah, elle quitta la pièce en lui serrant la main, Kraemer sur ses talons, encore sous le choc de ce qui l’attendait. Droit comme un ‘i’, les choses se bousculaient dans sa tête. C’était maintenant aux paroles de la faera du Shaakt de faire son œuvre, car elle seule pouvait maintenant l’aider à mener à bien sa tâche.

« C'est dommage qu'on ne puisse pas rester ensembles encore un peu... », murmura la poupée une fois qu'ils furent seuls, attendant l'arrivée de l'individu qui viendrait leur confier leur bague Ouroboros colorée. Elle ressentait une légère pointe d'amertume à cette idée, bien que sa curiosité et sa volonté de se racheter auprès de la déesse de la lumière avaient l'avantage sur elle.

« On se retrouvera, d'accord ? », se contenta de répondre l'elfe noir, le regard vide.

(((HRP : Tu peux maintenant rejoindre le manoir Keynthara, tu fais en plus de cela officiellement partie de la guilde.)))