L’armurier connaît son métier, et peu lui importe apparemment que l’équipement que Vohl lui demande sorte un peu de l’ordinaire. Il semble apprécier le soin avec lequel son client détaille ses besoins et ses envies. L’ancien soldat a eu le temps de réfléchir pour savoir ce qui lui faut : il insiste sur certains points, et Takoido hoche la tête d’un air concentré, jugeant la pertinence de la demande.
Lorsque Vohl dégage la griffe de son vêtement pour la lui donner tout en lui décrivant l’amélioration dont il souhaite profiter, l’homme n’esquisse même pas un mouvement de recul –un frétillement de cil, et encore, à peine –. Sa réaction n’est pas la même, en revanche, lorsque Vohl tire un caillou marqué d’un étrange symbole. Fronçant les sourcils, le forgeron prend le caillou, se frotte le menton d’un air pensif avant de lui rendre le curieux objet.
« J'ignore la langue des runes. Allez voir à la belle aura, le magicien pourra vous aider. »Vohl reprend donc la pierre, sa curiosité toujours en éveil, et tend machinalement la main pour donner la griffe lorsque Takoido la lui demande. Il faut que l’armurier lui indique la somme qu’il doit percevoir avant d’entamer la modification de l’arme pour que Vohl daigne détacher son attention du caillou. Tirant alors sa bourse de ses vêtements, il verse la somme indiquée. L’homme s’éclipse alors à l’arrière du magasin pendant un bref instant, où Vohl perçoit des bruits de métaux s’entrechoquant. A son retour, l’armurier étale sur le comptoir, devant Vohl, une gamme de d’armes et de protections toutes plus belles les unes que les autres, répondant aux critères d’exigence de Vohl.
« Je vous laisse faire votre choix parmi ces bêtes là pendant que je m’occupe de la vôtre. »Il disparaît alors une fois de plus, laissant Vohl en face d’un monticule d’objets. Vohl décide de commencer par choisir sa lame : il écarte assez rapidement certaines armes, certain de ce qu’il souhaite à ce niveau.
(J’ai toujours préféré les armes aux armures, de toute façon !)Certaines sont belles, d’autres particulièrement bien équilibrées, d’autres encore ont un aspect proprement redoutable, et toutes sont d’excellente facture. Mais une pièce retient l’attention de Vohl. Un katar à la garde de bronze, luisante comme un soleil, forgé en forme d’araignée. La main gauche de Vohl s’enroule autour de la garde de l’arme. Elle est à la bonne taille. La main de Vohl a disparu sous l’abdomen de l’arachnide, sans pour autant que cela ne le gêne. Il fait quelques mouvements, feinte un uppercut, tente plusieurs parades contre des adversaires imaginaires. Les lames d’acier contrastent avec la garde, tout en rehaussant encore son éclat : composées par les pattes avant de l’araignée, les deux métaux donnent l’impression de se fondre l’un dans l’autre.
(L’équilibre…le poids de la lame…c’est parfait !)Vohl est séduit. Il met donc la lame de côté, écarte les autres et se dirige vers les différentes pièces d’armures. Cette fois-ci, le choix est plus long, et Vohl est obligé d’en enfiler plusieurs avant d’arrêter son avis. Le forgeron lui a même ramené des pièces dont Vohl ignorait jusqu’à l’existence, et avec lesquelles il est obligé de batailler pour deviner de quelle façon ces bougres de protection s’enfilent. Finalement, Vohl tranche : il lui faut deux protections différentes, selon qu’elle soit destinée au bras droit ou au bras gauche. Il attrape les deux candidats qu’il a précédemment sélectionnés, et les fait rejoindre la lame arachnéenne. Une des protections couvre tout le bras, jusqu’au poignet, d’une solide couche de cuir laqué. L’autre est également constituée majoritairement de cuir, mais arbore une plaque d’écailles métalliques au niveau de l’avant-bras, du poignet à la fosse cubitale, sur la face supérieure.
(Celle-ci, pour le bras gauche. Elle ne me gênera pas pendant que je manipule le katar, et surtout elle est souple. Ça me permettra de ne pas avoir à me soucier de sa présence. Une protection métallique aurait été un calvaire. Celle-ci, pas besoin de la détacher dès que je fais le moindre mouvement ! Et celle-là, pour le bras droit. Parfait.)Les deux autres protections sont rapidement choisies, et Vohl opte pour un casque de fer le plus léger qu’il ait pu trouver, accompagné d’une veste rembourrée liée à une plaque métallique courbée vers l’intérieur du ventre. Ses articles choisis, Vohl ôte les protections et les entasse sur le reste de ses achats avec précaution. Le voleur n’a que quelques minutes à attendre avant que Takoido ne sorte de l’arrière-boutique.
Lorsqu’il revient, le forgeron semble satisfait de l’ouvrage qu’il vient de faire, et regarde les différents objets sélectionnés par Vohl. Un Vohl qui, lui, fixe la griffe. Les modifications ont été effectuées exactement comme il le souhaitait, et c’est d’une main de maître qu’a été réalisé l’affutage de trois lames qui sont à nouveau propres et aiguisées, les traces des derniers combats effacés. Son regard note un détail dont le forgeron a pris l’initiative, et qui n’est pas pour lui déplaire : les trois lames sont maintenant soudées là où elles auraient dû se chevaucher.
(C’est vrai que cela aurait été problématique dans la plupart des situations. Heureusement qu’il y a pensé !)Son regard se dirige vers Takoido avec un respect nouveau. Il savait que c’était un excellent forgeron. Mais il est en réalité plus que ça : cet homme aime ce qu’il fait, et déploie tout son art pour fabriquer les pièces les plus belles et les plus pratiques. Ce dernier semble d’un hochement de tête faire le calcul de ce que lui doit son client, et annonce :
« Voilà pour un total de 490 yus, y compris le retravail de la lame. »Vohl connait les prix des objets, et en déduit rapidement avec le prix de la modification de son ancienne arme que l’artisan s’est trompé. Ajoutant deux yus à ladite somme, Vohl présente le pécule à l’ouvrier.
« Voilà donc votre dû ! » Paré 1/6