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Temple de Moura -dompter l'eau-La matinée devait être bien avancée d'autant plus que le ciel, de plus en plus sombre sous l'afflux de nuages grisés, semblait appuyer cette impression. Fatigué, mon corps me semblait plus lourd sur le chemin de dallage qui menait en direction de l'auberge. Sous ma cape, j'enroulais et déroulais mes doigts végétaux avec lenteur, rythmant ma marche. Ma main malmenée pendant mon petit exercice avec les fluides d'eau était engourdie, comme si mon liquide de vie avait un peu de mal à y circuler. Une partie de mes pensées était tournée vers cette sensation désagréable alors que le reste prenait en compte mon environnement proche.
Des humanoïdes semblaient avoir eu la même idée que moi, à savoir chercher refuge à l'auberge, puisque me précédant en direction du bâtiment. Quelques rafales de vent rabattaient d'ailleurs des odeurs de viande rôtie et de bouillie végétale. Surgissant des côtés et ralliant un petit groupe en tête, quelques silhouettes humaines grognaient, parlant de faim et de "capacité à dévorer un brok'nud, défenses comprises". Façon de parler sans doute. Aucun estomac de créature à sang coloré n'aurait pu contenir une telle quantité de matière sans se déchirer. J'inclinai légèrement la tête. Aussi affamés soient-ils, ces gens auraient-ils pris le risque de se briser une mâchoire sur une défense robuste ? Pour en arriver là, il aurait fallu être désespéré. Cette simple phrase me rappela à quel point ma race était éloignée de la leur. La faim était un état physique dont j'étais rarement la victime et ce, jamais au point d'en demeurer pliée en deux.
Bientôt, j'entrai dans le bâtiment, accueillie par un violent appel d'air chaud et remarquant tout d'abord un plancher en guise de sol. Je n'eus pas le temps de m'y attarder que d'autres clients manquaient me bousculer. M'obligeant à me décaler rapidement malgré ma lassitude, je leur cédai ma place, m'adossant à la paroi de pierre à la gauche de l'entrée. Laissant de côté l'attention jusque-là accordée à ces êtres criant famine, j'observais les
lieux.
La vaste pièce, dans l'ombre par endroits, était divisée sur ses murs en deux niveaux visibles, reprenant le modèle des habitations proches. Un premier montant en pierres grisées soutenait une paroi claire liant des poteaux de bois sombre. Sur ma gauche, un comptoir en bois clair, devant s'élever à hauteur de mes hanches, faisait barrière devant une porte ouverte d'où émanaient des relents de nourriture. Un homme dont les traits étaient marqués par les années, mais au sourire bien visible, s'y tenait accoudé, discutant avec un client. Il avait une carrure assez impressionnante et pendant un instant, je l'imaginais bien ayant effectué des travaux demandant de la force. Bûcheron ou milicien peut-être.
Dans cette partie de la pièce, la lumière provenait essentiellement d'une petite fenêtre rectangulaire et de nombreuses chandelles dispersées sur les parois et les tables. En tournant le regard à l'opposé de la salle, je pouvais voir une petite construction en pierres brutes. En y vouant toute mon attention, je finis par comprendre qu'il s'agissait d'un âtre auprès duquel de nombreuses silhouettes s'étaient amassées.
Intriguée, me demandant ce qu'il pouvait bien se passer pour attirer ainsi l'attention, je laissai mon regard longuement dans cette direction. La réponse arriva plutôt rapidement mais elle ne me fut pas donnée par mes yeux. Un son aigu traversa la pièce, accompagnant une voix féminine modulée. Un chant. De la musique. Ma curiosité me fit m'avancer un peu sans que je puisse pour autant distinguer exactement d'où provenait le son. La seule chose évidente était que la mélodie avait un effet visible sur les personnes alentour. Sourire, grondements joyeux accompagnant la voix et mouvements coordonnés se mêlaient comme si le son unissait les esprits.
Je ne comprenais pas bien ce qu'il se passait ni pourquoi une simple voix semblait produire cet effet. Frustrée, j'effleurai ma propre gorge un court instant sans produire un son. Il était vrai que certains mages fredonnaient ou sifflaient pendant leurs activités mais ils ne chantaient pas vraiment. Une pointe d'envie perçait ma poitrine de plus en plus profondément, au rythme de ce son enjôleur délivré par une voix de femme. Moi, je n'avais jamais su chanter et je ne pouvais qu'admirer ce talent. Je n'étais pas la seule à le faire d'ailleurs, l'atmosphère se détendant et se réchauffant sous l'action des paroles.
La porte à ma droite s'ouvrit subitement avec un léger craquement, laissant passer une silhouette encapuchonnée d'une taille que j'estimai égale à la mienne. Un bref instant, j'avais pu apercevoir une sorte de paquet sombre sous son bras, serré comme s'il s'agissait d'un objet précieux. Sans s'attarder ne serait-ce qu'un instant, cette personne s'engouffra dans un couloir à droite de l'âtre que les badauds m'avaient masqué jusque-là. Je n'y aurais sans doute pas prêté davantage d'attention si je ne l'avais revue, quelques minutes de chant plus tard, interrompant la prestation musicale. La chanteuse, qui se dégageait enfin de l'attroupement, agita la main avec entrain, tapotant certaines épaules d'un geste familier. Malgré la distance et les raclements de couverts ambiants, je ne pus m'empêcher de trouver sa voix étrange. Elle sonnait bien, trop bien même, comme si chaque parole déversée ne pouvait qu'être naturellement recueillie par les tympans.
"
Merci pour votre accueil ! Pensez au petit yu pour les artistes !"
Tintement de pièces de métal et mouvements lents se succédèrent devant l'âtre avant que le groupe spectateur ne se disperse aux différentes tables de bois raboté. Les musiciens, eux, rassemblaient leur matériel avec ce qui me semblait être de l'empressement. De leur côté, la petite silhouette et la femme disparaissaient dans la pénombre du couloir. Je me détournai de ce spectacle, me rendant enfin compte que le propriétaire des lieux, tout du moins je le pensais, me faisait signe. Croisant les bras sous ma cape, tenant le vieux grimoire contre moi, je m'approchai du comptoir et fut interpellée par une voix profonde et pourtant amicale.
"
Approchez, approchez ! Je ne mords pas, sauf dans une des spécialités de ma Liniä ! Alors, que puis-je pour vous ?"
Je m'approchai encore un peu, prenant appui contre le meuble de bois. L'homme portait une tunique de cuir clair, retenue au col par un fin lacet plus sombre. Ses manches étaient relevées, laissant apparaître des bras d'une taille telle que je doutais pouvoir tenir debout s'il me donnait une pichenette. Ses yeux me paraissaient sombres à cause de l'éclairage un peu faible mais dénués de toute surprise ou méchanceté. Je songeai que s'il était le tenancier de l'établissement, il avait sans doute du voir plus étrange voyageur que moi. Le reste de sa personne était cachée derrière le comptoir. Je m'efforçai de prendre la parole, ma voix me semblant faible dans le brouhaha se répercutant dans la pièce.
"
Je cherche un endroit où me reposer. Auriez-vous une chambre de disponible ?"
Son sourire, déjà grand, s'élargit encore plus.
"
J'en ai une qui va bientôt se libérer. Je l'avais loué à cette petite troupe, vous voyez ? Très agréable d'ailleurs, dommage qu'ils doivent reprendre la route si vite. Et maintenant que j'y pense, ils ne m'ont pas réglé ces deux dernières nuits."
Il se frotta le menton puis se retourna, hélé par une voix féminine venant de la pièce attenante. Il fit quelques pas vers la porte puis stoppa ses pas. Il se retourna vers moi puis tendit le bras en direction du couloir.
"
Tout au fond, la porte sur la gauche. Allez-y, j'arrive tout de suite."
Je lui adressai un signe de tête affirmatif avant de m'avancer dans la direction indiquée. Auprès de l'âtre, les musiciens avaient déjà fini de préparer leur matériel et discutaient vivement. Je leur adressai un bref regard, constatant la présence d'elfes au teint étrange, tirant sur le vert, ainsi que deux liykors et une créature d'apparence féline. Je reportai mon attention sur ma route, pensant juste que cette troupe me rappelait la diversité des races présentes au cercle. La seule exception était cet individu à l'aspect félidé, race que je n'avais jamais fréquenté.
Dans la pénombre éclairée par de petites lanternes suspendues à intervalles réguliers au plafond bas, je remarquai quelques marches menant en contrebas de la salle. Faisant attention où je posais les orteils, je m'avançai. Si quelqu'un comme Païvhane s'aventurait dans un lieu de ce type, elle devrait se courber pour ne pas heurter les sources de lumière. Penser à la louve m'arracha une esquisse de sourire triste. J'avais encore tant de questions à lui poser que je doutais qu'une seule journée soit suffisante pour toutes les formuler. Et encore moins pour en obtenir l'intégralité des réponses. D'un mouvement vif de la tête, j'évacuai toute possibilité de pensée déprimante.
Je dépassais l'avant-dernière porte quand un duo de voix, difficiles à comprendre, se répercuta dans la matière. Je m'immobilisai un court instant et me retournai. D'où venaient-elles ? Dans mon dos ? Non. D'une pièce dépassée ? D'une salle devant ? Je haussai un sourcil, n'arrivant pas du tout à en identifier l'origine. Soudain, je perçus comme un murmure aux intonations sauvages. Il n'était pas dans mes intentions de faire preuve d'indiscrétion mais ce phénomène d'écho étouffé m'intriguait. Je ne distinguai cependant que quelques sons formant difficilement des mots compréhensibles.
"
... Ster... Choix...
Mais...
...cute pas !"
Brutalement, la porte de ma supposée chambre s'ouvrit, venant frôler mon épaule gauche. Sous la surprise, je fis un rapide pas en arrière. Emergeant de la salle, la chanteuse s'empressa de claquer la paroi de bois, passant à côté de moi sans m'accorder le moindre regard. Interloquée, je tentai d'ignorer cette personne et surtout son geste brutal à cause duquel j'avais manqué de peu me retrouver bois à bois avec la porte. Faisant un pas de plus, j'allais apposer ma paume gauche sur la poignée ronde quand une main se referma vigoureusement sur mon avant-bras. La femme s'était retournée et m'avait agrippé sans raison apparente. Je braquai mon regard au-dessus de moi et la vis, à contre-jour, sous la lueur diffusée par la lanterne.
Un regard bleuté presque blanc, luisant d'un air froid, sur un visage aux traits fins et aux oreilles pointues. Ses cheveux, entre châtain et crème, étaient peignés avec finesse, en un chignon vers lequel deux tresses convergeaient depuis ses tempes. Un bijou cerclait sa gorge mais le manque de lumière m'empêchait d'en distinguer les détails. Sa tenue était étrange, une sorte de robe sans relief, ne couvrant sa peau que depuis le haut de ses bras, retenue par un large ceinturon doté d'une sacoche, et finissant en un pantalon bouffant au-dessus de chausses rigides. Je me sentais mal, comme si ce regard avait pu faire cesser toute pulsation de fluide sous mon écorce. Ses doigts se serrèrent avec force contre ma peau de bois, allant encercler le poignet dans un craquement végétal. Que me voulait-elle ? Pourquoi ne disait-elle rien ? Rassemblant mes esprits et mon courage, je me repris, resserrant mes doigts en un poing fermé. Je cherchais à me défaire de sa poigne ou du moins dégager mon bras quand elle plaqua sa main libre contre mon épaule droite. La force qu'elle y mit me repoussa contre le mur du fond. Ses lèvres assez sombres s'entrouvrirent mais ce ne fut pas sa voix qui fit écho dans le couloir.
"
Hum ? Un problème ?"
Je la vis se redresser et, comme si elle enfilait un masque, changer totalement d'expression. Un sourire radieux, presque enfantin et innocent même, illuminait ses traits. Elle se retourna, prenant une voix douce.
"
Aucun, aucun ! J'ai juste pris cette personne pour quelqu'un d'autre. Une vilaine personne pas gentille du tout en fait."
Elle m'adressa un clin d'oeil qui me fit désagréablement frissonner tant j'avais la sensation que son attitude sonnait faux. Je me sentais encore plus sur le qui-vive après cela.
"
Dé-so-lée !"
Le propriétaire de l'auberge émit un son guttural difficile à décrypter. Avait-il accepté l'explication ? Emettait-il un doute ou avait-il simplement quelque chose dans la gorge ? Il rajusta un paquet de linge clair sous son bras et se gratta la tempe avant de prendre la parole.
"
Pendant que je vous tiens, vous ne m'avez payé que pour la semaine passée. Il vous reste deux jours à me régler, repas compris."
La femme fit alors un geste presque naïf, resserrant les mains contre sa poitrine, elle se courba un peu et prit un ton navré. Comment avait-elle pu masquer à ce point ce regard froid ? Je n'avais tout de même pas pu l'imaginer. Quoique ? J'avais bien eu la sensation d'être observée pendant un long moment au marché alors que cela n'était pas vrai. Mais si cela avait juste été une situation imaginaire peu agréable, pourquoi souffrais-je alors là où elle m'avait agrippé ? Je me massai le poignet sous la cape, retenant difficilement mon grimoire. Je gardai le silence, tentant de me remettre de ce geste que je ne parvenais toujours pas à comprendre. Je ne lui avais rien fait, j'allais juste ouvrir une porte. Je fronçai doucement les sourcils, tentant de masquer le fait que je trouvais son attitude suspecte. J'avais beaucoup de mal à croire avoir pu être prise pour une autre personne. Connaissait-elle beaucoup d'humanoïdes à crinière de feuilles pour pouvoir ainsi aussi facilement se tromper ? Quand bien même, après m'avoir fixé si longuement, elle aurait du se rendre compte de sa méprise. Ma réflexion fut interrompue par sa voix douce et mielleuse.
"
Je sais, je sais... Mais c'est notre camarade qui est en charge des yus du groupe. Et justement, il est encore en train de dormir. Si vous lui accordez une petite demie-heure, je suis sûre qu'il vous règlera sans problème ! Il m'a dit se charger de tout et c'est une personne de parole ! Alors ? S'il vous plaît ? Allez ? Pour me faire plaisir ? Juste une petite demie-heure ?"
L'aubergiste se gratta la nuque un court instant puis, doucement, il se déplaça, laissant la chanteuse passer. Elle bondit presque à côté de lui avec grâce, posa ses longs doigts fins sur son épaule puis elle exécuta un geste qui me laissa perplexe. Ce n'était pas l'acte en lui-même qui me perturba mais ce qui en résulta. Elle se hissa sur la pointe des pieds et vint poser ses lèvres sur la joue de l'humain, laissant passer un doux gloussement féminin. Le bruit humide qui le précéda me fit secouer négativement la tête, mouvement accompagnant une sensation de gêne. Tous les êtres de sang colorés avaient-ils cette capacité à effectuer des gestes intimes envers des inconnus ? J'imaginais, du moins, qu'ils n'étaient pas spécialement proches vu leur manière d'interagir. En quelques pas agiles et légers, elle était sortie du couloir.
Pendant un moment, je restai immobile à scruter les marches puis lorgnai en direction de l'humain. Il avait un léger sourire niais tandis que sa grande main frottait son visage. Je le scrutai avec une certaine sévérité, ne parvenant pas à me convaincre qu'il avait pu être si crédule. Comment pouvait-il être sûr qu'il y avait bien quelqu'un à l'intérieur sans avoir vérifié ? Qui plus était un soi-disant
ami, sans nom, prêt à payer ? Et puis, plus j'y réfléchissais plus cette idée d'une demi-heure me chagrinait. Comment cette femme ou elfe ou que savais-je encore, pouvait-elle être sûre de cette durée ? D'ailleurs, s'il dormait, pourquoi ne pas aller chercher la bourse ou le coffret du groupe ? Elle ne tenait pas non plus compte des yus que les musiciens venaient de récolter après leur performance dans la salle.
Quelque chose me semblait illogique, trop parfait et surtout, me convaincant encore davantage, je revoyais cette paire d'yeux glacés posée sur moi. C'était comme si j'allais faire quelque chose qui avait attiré son ire sur moi.
Je finis toutefois par me détacher du mur, secouant un peu la tête et émettant un doux son de feuilles ballotées. Ce bruit fut suffisant pour ramener l'attention du propriétaire sur moi. J'avais un étrange pressentiment, comme si j'allais passer à côté de quelque chose. Certes, ce n'était pas mes affaires et même s'il y avait pirhontos sous roche, je n'avais de toute façon aucune preuve à faire valoir.
Sur un ton calme, presque compatissant, l'aubergiste s'adressa à moi.
"
Désolé, vous allez devoir pat..."
Soudain, venant de la chambre, un bruit vif se fit entendre, comme celui d'un objet brisé, bientôt suivi par des cris de tissu malmené et des coups sourds. Attrapant la poignée, le propriétaire ouvrit la porte avec une force qui projeta un souffle d'air violent dans le couloir. Premier coup d'oeil à l'intérieur. La chambre possédait quelques meubles en bois poli et surtout un lit large, aux draps tirés vers le sol, accolé contre le mur gauche perpendiculaire à celui de la porte. A terre, entre le mur et le lit, deux silhouettes luttaient. Plus exactement, l'une était à califourchon sur l'autre en partie empêtrée dans un drap, en train de serrer des doigts fins et grisés sur la gorge de la victime. L'agresseur, portant cette même cape à capuche que j'avais vu entrer dans l'auberge, s'interrompit en nous voyant.
Une bonne seconde passa pendant laquelle la scène se figea. Une explication ? Une voix ? Un mot au minimum ? Rien de tout cela, pas le moindre son n'émergea de la pénombre du vêtement gris. Sur un fond sonore de repas englouti et de pluie qui venait de commencer à frapper la fenêtre, l'action reprit son cours. L'aubergiste me plaqua le linge contre le torse, me faisant vaciller sur mes jambes fatiguées et manquant me faire lâcher mon ouvrage. Je tournai vivement la tête, suivant le mouvement de l'humain qui s'engageait dans la pièce.
La suite se passa trop vite pour que je puisse réagir. La silhouette à capuche se releva et bondit en arrière sur le lit, échappant de peu à la poigne de l'homme. Celui-ci contourna le meuble pour se placer entre la silhouette et la fenêtre. Les deux sorties, porte et fenêtre, semblaient bloquées par nos présences. Alors que l'humain allait attraper la frêle personne entre ses deux bras épais, celle-ci se fit serpentine, insaisissable. Je la vis lui glisser entre les bras en faisant un saut vertical souple, presque félin. La silhouette prit appui des deux mains sur les épaules de l'aubergiste, faisant quelque peu perdre ses appuis à l'humain massif, et effectuant ensuite un saut enroulé vers l'avant. L'assaillant, prenant d'une jambe appui sur le dos courbé, lui asséna ensuite un coup du plat du second pied à l'arrière du crâne. Suite au coup qui fit tomber l'aubergiste tête la première sur le matelas, l'agresseur prit une impulsion sur le dos de la victime. Comme parfaitement calculée, celle-ci lui donna l'élan nécessaire pour atteindre la fenêtre. En un mouvement fluide, la silhouette l'avait ouvert puis bondi avec agilité à travers. Le bruit de sa course résonna un court instant avant que l'aubergiste, remit de l'assaut, ne me passe en trombe sous le nez. Est-ce qu'il espérait sincèrement rattraper cette personne ? Je doutais vraiment de la faisabilité de la chose vu la rapidité avec laquelle elle s'était enfuie. Les bras chargés, la fatigue dans les membres, je n'avais pu qu'assister à la scène.
Je me résignai à mon impuissance du moment et, à mon tour, entrai dans la pièce, reportant mon attention sur la personne étendue au sol. Cette dernière, se défaisant difficilement du drap encore enroulé autour de sa cheville, se relevait péniblement, une main posée sur un abdomen bandé et teinté de carmin. Lorsque mes yeux se posèrent sur la tête de l'individu, je crus d'abord à une farce ou au moins une illusion liée à mon état de fatigue.
Des cheveux sombres aux reflets bleutés et des oreilles pointues qui en émergeaient, avec un anneau apparemment doré au sommet de la gauche... Le visage qui se levait dans ma direction était marqué d'une cicatrice partant de la narine droite et s'achevant sur la pommette du même côté. Mais le pire, ce fut ces yeux teintés de marron, luisants et embrumés mais qui abritaient encore une certaine détermination. La main droite sur la gorge alors que l'humanoïde parvenait à s'asseoir sur le lit, ce dernier se mit à tousser plusieurs fois d'affilée. Lorsque sa voix s'éleva, faible mais compréhensible, accompagnant un regard se plantant dans le mien, je n'eus plus le moindre doute.
"
Ah... Quelle bonne... Blague...Dans un bruit mat, le paquetage de linge et mon grimoire chutèrent de concert au sol alors que j'identifiais, paralysée mais dépourvue du moindre doute, mon interlocuteur.
L'agresseur semi-elfe de la veille.
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Auberge -Tension-