Valdern tenta de calmer la jeune elfe qui ne cessait de crier, de gesticuler et de pleurnicher comme une enfant. Ah, il n'y avait pas à dire, Cinémälia n'était pas une aventurière, elle semblait avoir peur de tout et croyait déjà qu'elle allait mourir écraser sur des rochers après les chutes. Cette idée lui était insupportable et pourtant elle n'arrêtait pas d'y penser. Heureusement pour elle, que Cinémälia était accompagnée par un joli voleur qui faisait tout son possible pour les sortir de là. Une branche, oui une branche fit son apparition bientôt attrapée par Valdern qui ne semblait pas vouloir succomber dans cette satanée rivière. Il les ramenait petit à petit vers la rive, essayant de les sauvegarder d'une mort certaine. Pourtant, la malchance sembla s'immiscer une nouvelle fois dans leur survie, Valdern s'assomma...
«Oh non ! Il s'est tué ! Framboise, je le lâche tu crois ?»
(Mais, il n'est pas mort andouille ! Il est juste dans les vapes ! Sors-le et réveille-le !)
(D'accord !)

Suivant les ordres de la faera, Cinémälia fit preuve de tout son courage pour les sortir de l'eau. Elle s'agrippa à des touffes d'herbe qui cédèrent sous la main verte de l'elfe. Mais, Cinémälia ne s'arrêta pas pour autant, faisant tout son possible pour les sortir de ce pétrin. Elle le tirait de toutes ses petites forces à l'extérieur de la rivière, s'extrayant elle aussi de l'onde macabre qui avait tenté de la tuer ! Enfin, Cinémälia réussit à le sortir de l'eau, le déposant sur le sol recouvert de cailloux.

(Je fais quoi Framboise ?)
(Mets-lui une claque...)

Cinémälia obtempéra, donnant une énorme gifle à Valdern qui ne réagit pas... L'elfe commençait à s'inquiéter, pensant déjà au pire ! Non, elle devait faire quelque chose pour le sortir de là et ce n'étaient pas ses multiples claques qui semblaient y changer quoique ce soit. Alors, Cinémälia se pencha sur le voleur et déposa ses lèvres charnues sur les siennes et commença à lui faire du bouche à bouche. L'idée ne la repoussait pas, Valdern était plutôt charmant, mais c'était quant même un inconnu qui l'avait menacée dès leur rencontre, Cinémälia devait continuer de se méfier encore un peu.

(C'est du bouche-à-bouche ça ? Tu lui roules une galoche oui !)
(Mais non ! T'es qu'une menteuse d'abord !)

À son plus grand malheur Valdern attaqua Cinémälia avec un bout de bois. L'elfe fut prise d'une peur panique et dès que le voleur eût terminé de l'assaillir comme si ce n'était qu'une vulgaire dinde de grand chemin, Cinémälia alla se cacher dans un arbuste une nouvelle fois.

(Mais, tu te caches toujours dès qu'il se passe quelque chose toi ?)
(Heu... oui !)
(Défends-toi, mets-lui un gros coup là où je pense, tu viens de lui sauver la vie quand même !)
(C'est vrai ça !)

Cinémälia sortit de son fourré et se dirigea vers le voleur rouge de colère et suivit une nouvelle fois les ordres en bonne soldate de la petite fée qui avait pris les rennes de sa vie. Son pied vint frapper contre ces organes génitaux avec une douceur qui aurait pu briser un œuf métallique. Cinémälia observa son œuvre, satisfaite de son acte !
«Je vous ai sauvé d'un sombre trépas et tout ce que vous trouvez à faire et de m'attaquer ! Vous ne récoltez que ce que vous méritez, na !»

Ils retournèrent alors à leur ancien campement pour récupérer les affaires oubliées du voleur et pour tenter de grignoter quelque chose. Mais, les talents de chasseur de Valdern semblait lui faire défaut et ils durent se contenter seulement de quelques baies qu'alla chercher Cinémälia dans la forêt. Elle trouva quelques mûres juteuses, quelques myrtilles moisies et c'était tout... Ce fut un maigre festin, mais c'était déjà ça !

(Qu'est-ce qu'il lui arrive à ton nouveau copain là ?)
(Tiens c'est bizarre, il a un hoquet !)

Cinémälia n'écouta pas Valdern et passa derrière le voleur et commença à lui frapper dans le dos. Une fois, l'elfe avait entendu dire qu'il fallait donner des coups au patient atteint de cette maladie pour que ça disparaisse aussitôt ! Ce fut ainsi que Cinémälia donna de gros coups à Valdern, toujours plus forts, toujours plus intenses.
«Vous allez voir, ça va passer !»

Vous allez voir, ça va passer !

Mais ... hic ... non ... hic ... il ... hic ... a ... hic ... mon .. hic .... frère ... hic ... idio .. hic ... idiote !

Mais déjà un jeune homme ressemblant en tout point à Valdern s'approcha . Il avait le visage moqueur et lui aussi hoqueter mais moins fréquement que Valdern cet homme dit alors en explosant de rire :


Mais c'est mon frère jumeau Valdern ... hic ... et il hoquètent comme à son habitude

Puis s'approchant de Valdern , sortant deux dague vers l'elfe :

Mais en plus il à une petite copine , c'est que tu t'est améliorer avec les filles mon petit Valdern , ah oui je suis ... hic ... venu te dire que j'ai pris l'artefact à ta place bon à rien

Valdern lui dit alors :

Quel artefact , un artefact miteux qui raporte que dale je dirais que tu est pitoyable Dervaln !

Il se releva et sortant sa dague et tournant autour de son frère .

Comment expliquer ce que ressentais Cinémälia en cette heure sombre ? Valdern la traita d'idiote, elle qui était pourtant si pure et on pouvait bien l'avouer peu futée quand même. Un double, oui, ça avait l'air d'être un double apparut dans la clairière et se mit tout de même à insulter le voleur qui ne cessait de hoqueter sans arrêt. L'elfe regardait la scène impuissante et terrifiée à l'idée d'être en compagnie de deux personnes étrangères à la forêt, à sa maison, à son noble toit qui l'avait accueillie depuis sa naissance.

(Framboise, je ne comprends rien. Est-ce donc un de ces puissants mages dont j'ai entendu parler dans ma jeunesse ?)
(Pas vraiment, ça a l'air d'être son frère... Et pour couronner le tout, il ne semble pas très aimable si tu vois ce que je veux dire.)
(Est-ce donc une de ces personnes nommée «salaud» ?)
(Je te dirais que oui, c'est une de ces personnes.)

Cinémälia qui ne comprenait pas vraiment le sens de ce mot se mit donc à crier au nouvel arrivant qu'il n'était qu'un salaud répugnant qui n'avait pas sa place en ce lieu. Voler des objets protégés par la forêt était formellement interdit, c'étaient aux elfes verts et aux oudios de défendre ce monde, de protéger la nature qui la nourrissait et lui permettait de survivre.
«Salaud ! Vous n'avez pas le droit de dérober ce genre d'objets ! Vous n'êtes qu'un salaud ! Oui un gros salaud répugnant !»
(Cin'... Salaud est tout de même une insulte assez forte...)
(Je n'étais pas obligée de le répéter autant de fois ? C'est ce que tu veux dire ?)
(C'est ça !)

Cinémälia sortit son épée rouillée dont elle s'était déjà servie pour tuer le bouloum stupide enlevé ensuite par une horde de loups. L'elfe le regardait, prête à lui bondir dessus pour le changer en un très bon repas ! Sa forêt était à elle et ce n'était pas un inconnu qui viendrait la polluer par sa présence malsaine.

Salaud ! Vous n'avez pas le droit de dérober ce genre d'objets ! Vous n'êtes qu'un salaud ! Oui un gros salaud répugnant !

Son hoquet c'était calmé mais il continuait tous de même à sursauté sous le coup de la vibration .

Hum ... Cinémälia ... hic ... tu n'étais pas obligé d'ouvrir ta bouche tu sais !

L'elfe ne m'arrange pas !

Mais d'un coup Valdern rangea sa dague pour s'approcher de son frère et le prit dans ses bras jusqu'a le repousser d'un coup de pied bien placé et de prendre l'une de ses dagues . Il en pointat une sur Cinémälia , en lui adressant un clin d'oeil furtif , et une sur Dernval et dit aux deux individus :

Bon maintenant vous vous calmez tous les deux et vous posez votre arme devant vous ! Bon l'elfe tu te mets à genoux .

Son frère s'approcha de lui et Valdern dit précipitament :

toi tu déguerpis ou je te tranche la gorge !

Ce dernier s'éxecuta et prit ses jambes à son cou ... Mais Valdern pointa les deux dagues sur Cinémälia avant de les enlevé et de lui montrer un grand sourire .

Dans un mouvement fait de grâce et de volupté, Valdern repoussa son frère d'un coup de pied qui le projeta plus lui. Puis, il s'empara d'une dague et la pointa vers Cinémälia terrifiée par ce qu'elle était en train de subir. Mais, elle aperçut un clin d'œil malicieux provenant du voleur. Ainsi donc il plaisantait, ce n'était qu'un jeu pour lui ! Comment osait-il jouer avec des armes ? Des vies étaient en dangers, particulièrement celle de Cinémälia.

(Calme-toi bichette ! Crie crie crie !)
«Ah ! Ah ! Ah ! J'ai peur !»
(Vas-y ! Encore !)
«Ahhhhhhhhhh ! Au secours ! Venez m'aider ! Il veut me tuer !»
(Super Cin' ! Tu as un don pour faire la dinde !)
(Ah... Merci Framboise...)

Finalement, le frère de Valdern s'en alla, sans doute craignait-il que les cris de l'elfe attirent ses compagnons. Mais, la pauvre fille était toute seule depuis bien longtemps comme si personne ne voulait la voir ou lui parler... Désespérée à cette idée, Cinémälia plongea son visage dans ses mains et observa à travers les doigts la scène dont elle était la victime. Le voleur pointait ses dagues vers elle tout en lui souriant, amusé par tout ce qui venait de se produire devant elle.
«Mais ! Que voulait-il ? Pourquoi ? Ici... lui.»

Les mots de Cinémälia ne sortait pas dans l'ordre, encore sous le choc de cette attaque sortie de derrière les buissons.

Il était immobile, caché dans un buisson, attendant sa proie, son arc à la main. Onicron traquait ce sanglier depuis plus de trois heures, et avait enfin réussi à le devancer pour lui tendre une embuscade. S'il parvenait à le tuer rapidement, il aurait un bon repas ce soir,mais sinon il risquait fort de devoir encore une fois se faire soigner auprès des guérisseurs de Yarthiss, ce qui ne lui plaisait guère car aujourd'hui il devait y avoir le grand marché, et donc beaucoup de monde dans les rues...
Des brindilles craquèrent; Onicron se raidit, son arc bandé, à l'affut du moindre mouvement. Soudain le sanglier surgit des fougères à seulement quatre mètres de lui. Il s’apprêtait à l'abattre quand une lance se planta dans la bête; Et un homme assez corpulent apparut sur sa gauche.

(Eh bien ! quelqu'un a choisi le même diner que moi on dirai...)

Il s’apprêtait à se lever pour que l'homme sache qu'il était là, quand il vit sur la tunique de l'étranger une marque. Un signe qu'il reconnaitrait entre mille; Il s'agissait du même signe que ceux portés par les cadavres retrouvés autour de ses parents. cet homme faisait partit de la bande de bandits qui ont tué son père et sa mère. de plus, l' homme s'éloigna du sanglier agonisant, qu'il avait apparemment chassé juste pour s'amuser, et ne faisait même pas mine de vouloir achever les souffrances du pauvre animal.

(cet homme est un monstre, comme ses semblables ! Ils mériteraient tous de mourir...)

Onicron sentit de la colère se répandre en lui, et presque sans s'en rendre compte ses doigts glissèrent peu à peu de la corde de son arc toujours bandé... Mais il réussi à se retenir au dernier moment.

(Non ! je ne dois pas le tuer, pas tout de suite... Je vais le suivre, il se peut qu'il ait des choses à m'apprendre.)

Il rangea son arc et suivit donc l'homme pendant une bonne demi-heure, qui finit par arriver à un campement. là, 6 autres hommes l'attendaient, tous portant le symbole marquant leur appartenance à ce groupe de bandits de grands chemins.
Et ce qu'Onicron vit à ce campement l'horrifia : les brigands gardaient enfermés dans des cages de nombreux animaux, qu'ils torturaient en permanence pour s'amuser. Un énorme tas de richesses étaient entassés dans une charrette, à laquelle étaient attachés par des chaines trois jeunes enfants, sans doutes des prisonniers.
Mais quand celui qui devait être leur chef, du fait des nombreuses parures d'or qu'il portait, prit un jeune louveteau dans une des cages et l'approcha du feu de camp dans le but de le brûler vif, s'en fut beaucoup trop pour Onicron. Il prit son arc, encocha une flèche et banda son arc de toutes ses force, puis il prit son temps pour viser le chef des bandits et être sûr de l'atteindre. les secondes qui passaient lui semblaient durer des heures, puis se doigts lâchèrent la corde et la flèche fusa droit dans la gorges du tortionnaire d’animaux, le tuant presque sur le coup.

(Un de moins...)

Les autres brigands ne comprirent pas se qu'il venait de se passer, et regardaient sans réaction le cadavre de celui qui avaient été leur chef. Le temps qu'il réagissent, Onicron avait déjà encoché sa prochaine flèche, prêt à tirer, choisissant sa prochaine cible. Il finit par choisir l'homme qui l'avait conduit jusqu’au campement malgré lui, profita de la surprise des bandits pour viser avec soins, et il tira un nouveau trait qui fendit l'air et s'enfonça dans la poitrine de sa cible et lui perfora un poumon. L'homme n'était pas encore mort, mais cela ne saurait tarder.

Le voila !

Le groupe venait de le repérer; il devait déguerpir au plus vite. Il remis son arc en bandoulière, et se mis à courir. Il voulait essayer de semer ses adversaires pour leur tendre une embuscade, sa tactique favorite, mais quand il regarda derrière lui sans s’arrêter de courir, il vit que ses adversaires ne perdaient apparemment pas de terrain.

Si je ne trouve pas vite une solution, je risque de perdre bien plus que ma bourse !

Reviens ici tout de suite, sale vaurien !

Onicron fut surpris d'entendre cette phrase si proche de lui, à peine cinq mètres derrière lui. Une seule alternative lui vint à l'esprit pour s'en sortir : rejoindre la ville. Il bifurqua vers le nord, et en profita pour jeter un rapide coup d’œil derrière lui, qui lui appris qu'un des brigands était tout proche, mais que les autres n'arrivaient pas à suivre la cadence et étaient loin derrière.

(Si je réussi à l'immobiliser, je pourrai peut-être les semer... Aller, je tente ma chance !)

Il sortit son arc sans ralentir, le banda et tout en avançant se retourna pour viser l'homme qui le suivait de près.

(Pourvu que je ne trébuche pas dans une racine !)

Il eu du mal à viser, mais après deux tentatives infructueuses il fini par réussir à lui planter une flèche dans le genou.

(Cela devrait être suffisant...) Au revoir, à la prochaine !

Espèce de brigand ! hurla le malfaiteur en chutant à terre.

(Et c'est moi le brigand maintenant ? Décidément, je ne comprendrai jamais les humains...)

Il rangea son arc, puis il continua à courir de plus belle, et fini par sortir de la forêt. Il n'y avait plus trace des bandits, et les murailles de la ville se dressaient au loin.



2- Entrer dans Yarthiss

<--- Habitations --->

Je n'avais quitté cette forêt que la veille mais cela ne m'empêchait pas de redécouvrir sa végétation luxuriante qui me rappelait celle que l'on pouvait trouver au nord d'Eniod. Le climat étant très sensiblement le même entre les deux régions, je connaissais la grande majorité des plantes et des fleurs. Je fis quelques pas dans le but de m'enfoncer un peu plus dans les sous-bois et dépassai les premiers arbres. J'avançais doucement, avec prudence, pour ne pas risquer d'attirer l'attention d'un prédateur affamé ou tout autre créature hostile et surtout, pour pouvoir détecter ma cible et l'attaquer par surprise. Je n'étais qu'à quelques centaines de mètres de la lisière de la forêt et déjà la lumière se faisait rare tant les arbres étaient hauts et leurs feuillages épais. Je décidais par sécurité de ne pas m'enfoncer plus dans ce dédale végétal et de chercher un serpent dans la zone que j'avais déjà traversé. Ce fut à ce moment que je vis du coin de l’œil un mouvement sur une branche à ma gauche.

Je me retournai et distinguai ce qui avait attiré mon attention. C'était un long serpent d'au moins un mètre cinquante, d'un brun qui se confondait parfaitement à l'écorce de l'arbre sur lequel il était perché, ce qui expliquait que je ne l'avais pas remarqué plus tôt. Malheureusement s'il avait bougé c'est parce qu'il avait repéré son futur repas... Moi. Il commença à ramper le long du tronc, faisant preuve d'une célérité étonnante étant donné ses dimensions. Je pris une flèche, l'encochai, bandai mon arc et tirai, dans l'espoir d'atteindre l'animal qui se rapprochait de plus en plus. La flèche manqua de peu sa cible et se ficha dans l'arbre.

(Mince, je n'ai plus le temps de tirer une autre flèche, il va falloir combattre à l'épée. J'aurai vraiment préféré éviter ça.)

Je rangeai mon arc et dégainai mon épée courte. Le serpent s'arrêta à quelques pas et se redressa dans le but de m'impressionner, se tenant prêt à bondir. Un tremblement presque imperceptible au niveau de la queue, puis il attaqua, tous crocs dehors. Grâce à mon expérience, j'avais pu anticiper son attaque grâce à ce mouvement et esquivai d'une roulade sur la droite, mais il fallait que je mette un terme rapide au combat si je ne voulais pas me faire mordre. Je me cachai derrière un arbre tout proche et attendis.

(Bentaro, garde ton calme! Même si c'est le plus grand que tu aies rencontré jusqu'ici, tu as déjà tué nombre de serpents. Concentre-toi, et fonce!)

L'attente ne rendait la situation que plus angoissante, et j'en avais les mains qui glissait sur le manche de mon arme. Je réfléchissais à toute vitesse tout en tendant l'oreille. Puis je l'entendis, il arrivait.

(Droite? Gauche?)

Je l'entendais se rapprocher, sans parvenir à déterminer par quel côté il contournait l'arbre. Il était maintenant tout près et je devais me lancer si je voulais le devancer. Je sortis de ma cachette par la gauche, et, armant le bras au dessus de ma tête, l'abattis de toutes mes forces sur le reptile qui ne comprit pas tout de suite ce qui venait de se passer, lui qui était accoutumé aux combats à mort, face à face, contre une proie qui était souvent bien vite immobilisée. Je n'eus pas le temps de me réjouir que je me rendis compte que mon coup n'avait permis que d'amputer le serpent d'une vingtaine de centimètres. Celui-ci voyait sa rage décuplée du fait de la douleur qui devait le submerger et, après m'avoir eut à nouveau dans son champ de vision, bondit dans l'espoir de se venger avant de s'être vidé de son sang. Il rata mon visage de peu et j'en profitai, plus par réflexe que volontairement, pour lui attraper le cou, de façon à ce qu'il ne puisse plus tenter de me mordre. Grâce à l'élan de son saut il me fit tomber avec lui mais je ne lâchai pas prise et, de la main droite, je donnai des coups répétés d'épée jusqu'à ce que la vie quitte le corps de mon adversaire.

J'avais eu raison de l'imposante créature et ma fierté était à la mesure de la peur que j'avais éprouvé quelques secondes auparavant. Avant de d'arracher un croc sur la dépouille, j'allais récupérer ma flèche toujours plantée dans son arbre. Je revins vers la dépouille et, avec un petit couteau réservé à cet effet, j'entaillai la mâchoire afin de récupérer l'objet de mes convoitises. Quelques minutes et quelques efforts plus tard, j'eus enfin le croc en main et le rangeai délicatement dans mon sac, ainsi que mon couteau à dépecer. Je m'agenouillai ensuite devant le cadavre, fermai les yeux et me mis à prier.

"Oh toi Yuimen, Père de la Terre et de la Vie,
Accueille donc à tes côtés l'un de tes enfants.
Puisses-tu me pardonner du crime que j'ai commis,
Envers cet animal aussi noble qu'innocent."

J'avais pris l'habitude de prier à chaque fois que je tuais autrement que pour me défendre, pour me soulager de la culpabilité d'avoir fait couler du sang. Dans le cas présent même s'il m'avait attaqué en premier, j'avais décidé du sort du serpent bien avant de rentrer dans la forêt et de le voir.

<-- Forêt du Sud -->

<-- Forêt du Sud -->

J'étais en train de me relever quand j'entendis derrière moi des bruits de pattes. Je me retournai et quelle ne fut pas ma surprise de trouver devant moi deux sortes de gros chats rouges aux yeux blanchâtres. Trop concentré sur ma prière et à cause du bruissement des feuilles poussées par un vent plutôt fort pour la saison, je n'avais pas pu les remarquer plus tôt. Je n'avais jamais rencontré pareille créature dans le passé, et n'en avais jamais entendu parler non plus. Je fus pris de court et ne sus comment réagir à cette rencontre puisque j'ignorais tout des intentions de ces deux nouveaux venus et surtout de leur régime alimentaire. Sur la défensive, je pris mon arc et encochai une flèche, prêt à tirer au moindre comportement suspect. Mais rien ne se passa, aucun des deux ne bougea et ils ne semblaient même pas me voir. Grâce à la couleur de leur yeux j'émis l'hypothèse qu'ils fussent aveugles et décidai d'agir en conséquence. Je fis un pas de côté pour voir leur réaction. Ils relevèrent tous deux la tête comme pour humer l'air et, brusquement, celui-de droite s'abaissa et m'envoya une volée d'épines. Je tentai une esquive mais trop tard, une douzaine d'épines ornaient maintenant mon bras gauche, et déjà des tâches de sang se formaient sur le tissu aux endroits où les projectiles l'avait transpercé. Du fait de la faible puissance de l'attaque, ceux-ci ne semblaient pas profondément enfoncés dans la chair mais cela suffisaient à rendre mon membre touché quasiment inutilisable. D'après ce que j'avais eu le temps de comprendre avant de me faire attaquer, ils utilisaient principalement l'odorat et l’ouïe pour s'orienter et remplacer leur sens manquant.

(Quoi que soient ces animaux, ils ne semblent pas être là pour faire ami-ami...)

Je rangeai mon arc et appliquai la même technique que face au serpent, c'est à dire la fuite derrière un arbre. Cela me laissa quelques instants de répit que je mis à profit pour trouver une stratégie de combat. Leur point faible étant leur cécité, je devais absolument m'en servir pour les terrasser. Soudain, je détectai dans l'air de vagues effluves de fumée, provenant sans doute de la forge de ce cher Agiend, auxquelles je n'avais sans doute pas fait attention auparavant. Un plan se forma alors dans mon esprit. Je jetai une pierre entre les deux vilains chats tout rouge pour les distraire et en profitai pour me placer à une dizaine de pas devant eux, sous couvert du bruit des feuilles et du vent, de façon à ce qu'ils soient placés entre la ville et moi. J'encochai à nouveau une flèche en serrant les dents pour supporter la douleur que m'infligeait chaque blessure, et bandait mon arc autant que je le pus. Je lâchai la corde et, malgré le vent contraire, la flèche atteignit une des deux créatures, celle qui m'avait blessé, entre les deux yeux.

(Ça a marché! Puisque j'ai le vent de face ils ne peuvent capter mon odeur, je peux donc les abattre tranquillement!)

Je voulu réitérer mon exploit mais le survivant fut plus vif que je ne l'avais prévu et je basculai déjà en arrière, luttant pour garder conscience, le corps criblé de dizaines d'épines. Je crus mon heure arrivée.

J'entendis alors un vague bruit sourd, et une présence entra dans mon champ de vision. Si je distinguai qu'elle avait forme humaine, le reste était trop flou pour que je puisse identifier cet individu. Il s'agenouilla et mes côtés, et du peu que je pouvais comprendre, se mit à chanter, ou psalmodier. Puis je perdis connaissance...

Lorsque j'ouvris les yeux, le soleil n'était pas encore couché. J’étais adossé à un arbre, au centre d'une sorte de symbole tracé à même le sol, et je pouvais apercevoir d'ici trois cadavres d'animaux.

(Attends... Que?!)

Je me levai d'un bond et inspectai ma tunique, conscient que quelque chose m'échappait. J'étais indemne. Toutes les plaies avaient disparues et ne subsistaient de mon combat que des trous dans le tissu. Les derniers instants avant que je ne perde connaissance me revinrent en mémoire et je compris que la personne que j'avais aperçue était responsable de ma guérison miraculeuse. Je balayai du regard les alentours à la recherche de mon sauveur mais il semblait s'être volatilisé. M'approchant des cadavres rouges, je vis que le second avait la tête proprement séparée du reste du corps. Je décidai que la journée avait été assez mouvementée pour aujourd'hui et je repris le chemin de la ville, l'esprit préoccupé.

<-- Habitations -->

<--- La nuit tombait et je n'avais fait qu'une demi-lieue dans cet entrelacs de branches et de racines quand une voix se fit entendre :

"Vous n'êtes pas très prudent. Parcourir la forêt de nuit. J'aurai eu cent fois le temps de vous tuer, sorcier."

Immédiatement, mes mains s'illuminèrent de bleu. Un homme, un elfe,  se laissa tomber d'un arbre où il était camouflé.

"Hola ! Doucement l'ami ! Je suis de votre côté. Je vous surveille pour votre sécurité."

"Vraiment ? Alors, pourquoi ne pas s'être montré ?"

Il eut un sourire amusé.

"Vous savez, par ici, il n'y a pas beaucoup de distraction, alors un mage en forêt, vous savez, c'est une vraie aubaine pour moi."

"D'ailleurs, qui êtes-vous ?"

"Moi ? Nolan, garde forestier pour vous servir."

"Garde forestier ? Donc vous connaissez bien cette forêt. Vous pourriez m'être utile."

"Oui, je connais cette forêt comme ma poche. D'ailleurs, je crois utile de vous préciser que j'ai repéré des loups dans cette partie de la forêt."

"Vous pourriez m'aider à les éviter."

"Il n'y a vraiment qu'un mage pour croire qu'on peut échapper à une meute de loup en chasse. Vous sentez l'effluve magique à des lieux à la ronde. Ils vous pistent déjà. Ils seront là d'une minute à l'autre !"

Comme pour confirmer ses dires, une de ces bêtes hurla à la lune.

"Mais qu'est-ce qu'on va faire ? On pourrait grimper dans un arbre et attendre qu'ils s'en aillent."

"Vous ignorez tout des animaux, pas vrai ?"

"Vous savez, je me suis réveillé amnésique il y a un mois, alors oui, j'ai encore quelques lacunes de connaissances générales."

"Désolé, je ne savais pas."

"Pas grave. Mais, si vous me disiez comme on va s'en sortir, cela m'arrangerai."

"C'est évident, on va se battre !"

Tout à l'heure, je n'avais pas bien fait attention, mais en y regardant bien, Nolan n'était vêtu que d'une brigandine en cuir et d'une longue cape.

"Vous n'êtes pas armé et je suis presque vidé de toute magie."

"Moi, pas armé ? Vous plaisantez j'espère ?"

Il écarta légèrement un pan de son manteau, laissant à ma vue de nombreuses armes tranchantes et acérées. Beaucoup m'étaient inconnues. Soudain, un bruissement de feuilles le pétrifia.

"Ils sont là..."

Ce fut comme si ces mots étaient magiques. Il se transforma. Pas physiquement, mais sa façon de marcher, sa façon de respirer, sa façon de se tenir. Tout cela changea. Quand il releva les yeux vers moi, ils n'étaient plus pareils. Au milieu d'un noir d'encre brillaient deux braises incandescentes.

"Laissez-moi faire et tout ira bien.", dit-il d'une voix étouffée.

"Mais qu'allez-vous faire face à une meute entière ?"

"C'est pourtant simple. Je vais vaincre le chef en combat singulier et ainsi gagner le contrôle de la meute. C 'est ainsi que fonctionne ces animaux. Il y a un chef, l'Alpha et seul un combat peut déterminer qui ce sera. À partir de maintenant, je veux le silence complet."

Et les loups pénétrèrent dans la clairière où nous les attendions. Ils étaient magnifiques. La lune joua un moment avec l'éclat sombre de leur fourrure puis, ce fut le calme avant la tempête. Les deux partis se mirent face-à-face et Nolan avança, invitant l'autre meneur à faire de même. Un grand mâle qui comptait de nombreuses cicatrices.
Et l'apocalypse éclata. Deux adversaires jaillirent au clair de lune. Ils échangèrent morsures, coups et blessures. Un combat acharné se déroula sous mes yeux, sans que je ne puisse aider. Mon aide n'aurait apporté que de la gêne, vu la façon dont Nolan avait le dessus. Pourtant, il donnait l'impression de ne pas vouloir blesser l'Alpha. Enfin, au bout d'une dizaine de minutes, la lutte prit fin. L'homme tenait la vie de l'animal entre ses mains. L'humain tenait la nuque du loup entre ses mains. C'était fini.

(Ce n'est plus un homme, j'ai pensé, c'est une bête sauvage lui aussi)

Ce n'était pas une insulte, seulement une remarque.
Le perdant, comme pour se soumettre, a cessé de se débattre. Il fut libéré et après un dernier regard à sa meute s'enfuit à toute allure.
Les autres loups ne purent que le regarder partir, presque désolés, s'ils puissent l'être. Une fois, que le paria disparut à l'horizon, ils se retournèrent vers leur nouveau chef, attendant un ordre. Il leur fit signe de s'en aller. Ils hésitèrent beaucoup, en particulier une jeune femelle mais, un grognement de leur commandant les fit détaler.

Il fallut quelques minutes à Nolan pour reprendre ses esprits et redevenir normal.

"Ça va ?", m'inquiétais-je.

"Oui, mais, je ne me rappelle presque de rien, où sont passés les loups ?", a-t-il répondu en se tenant la tête.

"Tu ne te rappelles plus de rien ? Même pas que tu as vaincu un loup en combat singulier ?"

"J'ai vraiment fait ça ?"

"C'est un exploit ! Aller, viens je te ramène chez toi !"

S'appuyant sur moi, il me guida jusqu'à sa maison à l'orée du bois. --->

<--- Pendant que Nolan dormait, j'eus le temps de parler avec Emma, sa femme. D'après elle, c'était un homme bon et très joyeux. Il aimait, par-dessus tout, les animaux.

(Ça explique pourquoi il n'a pas voulu tuer le loup...)

"Mais ces derniers temps" m'a-t-elle dit, "il a changé. Ce n'est pas la première fois que ce que vous m'avez dit lui arrive. J'ai l'impression qu'il est sous l'emprise d'un sort qui lui vole son humanité peu à peu."

Nous avons aussi parlé de leur fils Jemmy, qui comme son père, parcourt la nature toute la journée. Elle me quitta d'ailleurs pour aller le chercher. Moi, je bus la potion qu'elle m'avait donnée et j'allai voir Nolan dans sa chambre. La première chose qui me frappa en le voyant, c'était son visage. Il y a quelques heures, il était couvert de blessures alors qu'à ce moment, sous mes yeux, il était en pleine forme. Aucun bleu, ni même une minuscule coupure.

(C'est impossible, il n'a reçu aucun soin magique, il n'a pas pu guérir aussi vite !)

Soudain, un cri retentit dehors. Emma. Nolan ouvrit immédiatement les yeux. Un nom passa la barrière de ses lèvres :

"Emma !"

Original. Nous nous précipitâmes tous deux à l'extérieur où Emma, à genoux, sanglotait.

"Que se passe-t-il ? Où est Jemmy ?"

"J'étais sortie pour le faire revenir à la maison quand je ne l'ai plus vu. Il y avait une ombre qui se déplaçait et... et...", sa voix fut coupée par une vague de pleurs, "Et cette ombre a enlevé Jemmy ! Je l'entendais hurler mais, je ne pouvais rien faire..."

Si elle avait eu autre chose à nous dire, elle n'aurait pas pu tant elle était effondrée.

"Nous le ramènerons ! Et cette ombre périra ! Je le jure !", ces mots hurlés à la lune furent le brasier de sa rage. Il courut chercher son équipement et nous nous mîmes à pister la trace du kidnappeur.

Jamais, Nolan ne perdit la piste des yeux. Jamais, il ne s'arrêta. Jusqu'à ce que nous arrivions à cette grotte. D'aspect commun, il en émanait pourtant une aura sombre et noire. Mon compagnon n'hésita pas une seconde avant de s'y engager. Nous marchâmes pendant quelques secondes dans un corridor mal éclairé creusé dans une roche noire et sale avant de voir un ovale de lumière annonçant la sortie. La salle circulaire avait un plafond plus haut. Jemmy était attaché en plein milieu.

(Ça sent le piège à plein nez !)

Mais avant que j'ai pu réagir, mon acolyte s'était élancé. Je l'ai suivis bêtement, évidemment. Une fois dans la salle, je compris pourquoi le plafond était aussi haut : trois trolls la gardaient. Un adulte et deux petits.

(Une mère et sa progéniture...)

Du fait de leur haute taille, on avait adapté la cavité. "On" ? Celui qui a manigancé tout cela. Car du peu que je sais d'eux, les trolls sont trop stupides pour organiser ça. Et creuser une grotte à leur hauteur, ça relève de l'impossible !

L'un des trolls se plaça devant la sortie tandis que les deux autres nous encerclaient. Pendant qu'ils se rapprochaient dangereusement, mon cerveau tournait à plein régime. Un regard à mon ami m'apprit qu'il ne pourrait pas m'aider pour le moment : il avait déjà assez à faire de calmer son fils.

(Qu'ai-je appris dans le manuel que m'a offert mon ami l'aubergiste ? Connaître son adversaire ! Et qu'est-ce que je sais des trolls ? Ils sont stupides, violents, très forts et... il déteste le feu ! Mais, justement, j'ai vu un silex et de l'amadou séché dans le sac de mon camarade.)

Je renversais tout pour trouver mon bonheur, ramassais quelques branches qui gisaient tout près et j'essayais d'allumer un feu. Je dis bien essayer, car ce n'était pas franchement une réussite : les champignons d'amadous étaient secs et le silex s'est brisé. Finalement, ce fut ma propre magie qui créa l'étincelle pour enflammer le fagot de bois. La chance tourna, car les branches étaient complètement desséchées et l'étincelle les fit partir en flammes. Laissant les autres par-terre, je saisis alors une "torche" et je la brandis devant les trolls. La mère fit alors reculer ses petits, grognant de faim.

Malheureusement, il me fallait trouver une solution, mon feu n'étant pas éternel. Nolan me regarda et dégaina une lame courte, attendant mon signal. Ce ne fut pas tant moi, que le vent qui éteint la flambée, qui lui donna ce fameux signal. Délaissant son enfant, il bondit sur l'un des jeunes trolls qui avait baissé sa garde. Il pus prendre son élan sur un rocher pour sauter sur les épaules de sa victime, hors d'atteinte. Son ennemi essaya en vain se l'attraper mais, il l'esquivait et le lardait de coup d'épée. Dans un dernier geste, il transperça la boite crânienne de l'humanoïde. La mère rugit et se précipita sur l'assassin de son fils. Ce dernier fut vif mais, pas assez... Elle le projeta contre le mur qu'il percuta de plein fouet. La chute fut douloureuse et il ne se releva pas.

Elle levait sa lourde massue pour l'achever quand un grondement l'interrompit. Je vis alors passer un loup, puis deux, puis quatre et tout le reste de la meute guidée par une femelle au pelage argenté.

(Je la reconnais ! C'est la jeune femelle du clan adoptif de Nolan ! Ils ont finalement changé d'avis ! Et c'est tant mieux !)

Les canidés se séparèrent en deux groupes, l'un s'attaqua au petit troll et l'autre à sa mère. Le premier groupe n'eut aucun mal : ils le firent d'abord tomber à terre avant de lui arracher la jugulaire. En revanche, le deuxième peina bien plus. La génitrice, forte d'expériences, ne se laissa pas encercler et faucha en vol les loups qui osèrent s'approcher. Elle se baissa pour ramasser Nolan et le serra dans son étreinte mortelle. La douleur fut telle que ce dernier se réveilla. Il tenta bien de se libérer mais, sans succès. Il m'a regardé en me faisant un signe, espérant que je comprendrai.

Dans un ultime geste, il planta un poignard dans le torse de sa tortionnaire. A première vue, on se serait dit que c'était totalement inutile. Pas pour moi. Je déchaînai mon pouvoir, mais, au lieu de viser la troll, je ciblai le poignard. Ainsi, la magie destructrice n'était pas ralentie par l'épaisse peau. Les deux adversaires enlacés furent recouverts d'une aura bleuté puis, l'un des deux fut éjecté. Pauvre mère. Elle se réceptionna sur le mur avec autant de grâce que la précédente personne. Splash !

Je croyais avoir gagné quand une chose étrange arriva : Nolan était encore entouré de ce halo bleu. Rien de si extraordinaire pour le moment si ce n'est ceci : Nolan se ... transformait ! Son nez, ses ongles et ses poils se sont allongés, il est tombé à quatre pattes et ses dents grandirent et s'aiguisèrent.
Là où se tenait il y a quelques secondes un homme, se trouvait maintenant un loup !

(Voilà qui explique énormément de choses ! Le combat contre l'Alpha, sa guérison ! Tout ça en lié à la magie. J'ai déjà entendu parler de cette magie. La magie... shamanique !)

Pendant que nous nous extasions devant cette métamorphose, la troll s'est relevée. Peu contente et blessée, elle abattit son massue sur Nolan. Il n'a dû la vie qu'au réflexe de la jeune louve de se jeter devant lui. Elle prit le coup à sa place. D'innombrables craquements s'en suivirent. Puis, ce fut à Nolan d'être furieux. Il virevolta autour de la meurtrière, lui infligeant morsures et coups de pattes, jusqu'à ce qu'elle ne tombe raide morte. Et il se précipita vers la blessée de son clan.

Elle perdait beaucoup de sang et sa respiration se fit saccadée. Sans que je sache, si c'était une illusion d'optique, je vis une larme glisser le long du faciès d'autres loups. Et elle mourut. Tous partirent. Tous sauf Nolan et moi. Doucement, ces poils raccourcirent et disparurent, son museau fut remplacé par un nez, ses dents retrouvèrent une apparence normale et il se remit debout. Des gouttes coulaient toujours sur son visage. Ne sachant que dire, je ne pus que lui tapoter l'épaule.

"Ta bête, c'était eux. Enfermés dans cette grotte, il n'avait d'autres options que de hurler. Avec la résonance et la distance, ce bruit devenait un cri. Voilà, ton affaire est réglée, tu peux rentrer chez toi."

"Hors de question ! On dépose ton fils chez toi et je t'emmène à la caserne te faire soigner !"

Il n'eut d'autres choix qu'acquiescer et boitant, nous sommes rentrés. --->

(Ténèbres... Des ténèbres insondables obscurcissent mon esprit...)
(Douleur, aussi... Une douleur lancinante qui sévit dans ma tête...)
(Un sentiment... un intense sentiment d’oubli...)

« Hey ! Eh oh ! Tu m'entends ? »

(Quelqu'un... Quelqu'un m'appelle ? )

On me secoue.

« Eh ! Gamin ! T'es toujours parmi nous ? »

( Si je suis en vie ? Je... Je ne sais pas. Enfin...sûrement, vu que je pense...)

Soudain, je reçoit une gifle. Surpris, je gémis. Une deuxième gifle. Je grommelle.

« Qu'est-ce que... »

Une troisième gifle. Cette fois, j'entrouvre les yeux.

« Eh ben voilà ! Tu vois quand tu veux... »
« Hein ? »

Un homme est accroupi à mes côtés.

(Où suis-je, d'ailleurs?)

Passons... Cet homme, d'une trentaine d'années à vue d’œil, m'apparaît sur le coup, bien étrange...
De ses cheveux noirs et hirsutes, sa barbe mal rasée, ses yeux cernés, ses mains calleuses, c'est pourtant sa peau blanche qui m'intrigue le plus.

(Cet homme n'est pas un Wotongoh... Où suis-je donc?)

« Hé gamin, qu'est-ce que t'as à me regarder comme ça ? »
« Hein ? Ah, euh...excusez-moi »

Jetant un bref coup d’œil autour de moi, les seules choses que je voie sont des arbres, de l'herbe, des arbres et...encore de l'herbe... Ainsi qu'une hache, posée aux côtés de l'homme.
Mon regard se porte de nouveau sur l'étranger. Il est vêtu d'une tunique et d'un ample pantalon, plus que rapiécés. Sans doute un bûcheron.

(Bon. Des arbres à perte de vue et un bûcheron... Selon toute logique, je me trouve dans un forêt.)

« Excusez-moi... Est-ce qu'on est loin des forêts de Nosveris ? »

L'homme me regarde, intrigué.

« De quoi ? Euh...t'as changé d'île, gamin ! On est plus à Nosveris, là... »

« Ah ? On est où ? »
« Sur l'île d'Imitfi, dans les forêts au sud de Yarthiss... T'es sûr que tu te sens bien, petit ? »

« Euh...oui, je crois. Ne vous inquiétez... »

Avant même d'avoir fini ma phrase, je trouve enfin ce qui me taraudait l'esprit depuis quelques minutes...

(Je...ne me souviens absolument de rien en ce qui concerne ma vie, à part d'où je viens, et ce que je suis ! Et...et...)

Un flash.
Une jeune femme. Une jeune femme rencontrée dans un village près de la forêt où j'habitais avec mon clan. Une jeune femme qui savait m'écouter, me comprendre, me conseiller.
Une jeune femme qui m'aimait.
Plusieurs mois qui passent... Cette même jeune femme qui me vole un objet. Pour moi, une valeur sentimentale, de son point de vue une valeur vénale. Elle m'avoue m'avoue m'avoir menti dès le début, qu'elle n'a jamais eu de sentiments pour moi, puis s'enfuit.
Une jeune femme qui ne m'a jamais aimé.
Un souvenir. Une jeune femme. Un mensonge, une trahison, une blessure sentimentale.

Je reviens à la réalité. L'homme s'est assis et m'observe distraitement. Je lève les yeux vers lui, quand...

Un second flash.
Une troupe de chevaliers. Une troupe de chevaliers, que l'on aperçoit, moi et mes compagnons, au loin, alors qu'on se dirige vers la forêt. Une troupe de chevaliers tout de noir vêtus. Une troupe de chevaliers qui se dirige vers nous. Une troupe de chevaliers qui décime mes compagnons.
Un chevalier noir. Un chevalier, sûrement leur chef, s 'approche de moi, me demande mon nom. Je lui dit. Un chevalier noir qui m'assomme.
Un souvenir. Une troupe de chevaliers. Une agression, une question, une blessure physique.

Je reviens à moi, abasourdi. J'ai dû bouger, car l'homme me regarde, intrigué.

« Je... »

Un troisième flash.*
Un nom. Un unique nom. Mon nom. Ezhyo.
Un souvenir. Un nom. Une renaissance, une quête, une vengeance.

Je reviens à moi, une troisième fois. L'homme s'est adossé contre un arbre. Je le regarde, puis me rend compte que je suis toujours allongé par terre. Je me redresse, attend quelques instants, puis me lève. L'homme se lève à son tour, attrape sa hache, la met sur son épaule.

« Ah au fait, gamin. J'sais pas comment tu t'es fait ça, mais...t'as une balafre un peu sanguinolente, quand même, qui te traverse le visage en diagonale, de haut en bas... Tu t'es battu ? »

« Je... »

(Peut-être qu'il ne vaut mieux pas montrer que je suis amnésique...du moins, pas encore...)

« Euh...oui, je me suis battu...»
« Tes souvenirs sont revenus ? »
« Oui, ne vous inquiétez pas...merci »

Il me regarde, me jauge d'un coup d'œil, puis fait volte face et commence à partir.

« Bon allez, tu viens gamin ? J'vais pas t'attendre indéfiniment, non plus »
« Mais, euh...Vous allez où ? »
« Eh ! Chez moi, évidemment ! Je n'vais pas te laisser partir avec ta blessure comme ça, quand même ! »
« Ah euh...merci »

Je m'élance derrière lui.

« Ah, au fait gamin...si ça te dérange pas... Tu veux bien me donner ton nom ? »
« Mon nom ? »
« C'est bien ce que j'ai dit, non ? »
« ...Ezhyo...Je m'appelle Ezhyo. »
« D'accord, gamin ! Allez, viens. »

Une dizaine de minutes plus tard, l'homme s'arrête et me lance :

« Ça y est. On est arrivé. C'est là que j'habite. »

Étonné, je regarde autour de moi mais ne vois rien. D'un air moqueur, le bûcheron me fait signe de regarder en l'air.

« Waah ! Vous habitez dans une cabane perchée au milieu des arbres ?! »

Il regarde sa cabane, me regarde, puis me sort, sarcastique :

« Mmmmh... Visiblement, oui »
« Mais...c'est génial ! »

En plein coeur de la forêt, perchée à quelques mètres de hauteur, se dressait donc une humble cabane qui m'apparaissait pourtant majestueuse.
Je remarquai alors, qu'autour de la cabane principale, se dressaient, sur d'autre troncs, plusieurs petites constructions, des habitations, le tout relié par de discrètes passerelles.
De là où je me trouvais, on aurait dit une gigantesque toile d'araignée, tout de bois constituée.

Je lui faisais part de cette comparaison, et il me rétorqua, souriant :

« Ouais. Et moi, j'suis l'araignée. Donc t'as intérêt de bien te tenir pendant que je te soignerai cette plaie, sinon... »
« Vous me mangez ? »
« Non... Quoique ça ne serait pas bête... Mais j'te jette hors de ma toile et tu devras faire face aux vraies araignées de cette forêt... Et elles, si elles t'attrapent, elles te laisseront pas partir si facilement. »

Je le regarde, sceptique, ne sachant trop comment réagir.

« Mais non ! Allez, viens ! N'aie pas peur. »


Chapitre 2 -->