Elle portait avec elle un parfum de fleur exotique, une odeur chaleureuse, lorsqu'on tentait de chercher de quelles fleurs elle pouvait bien venir, l'on s'imaginait de longues horizons de fleurs dansant à tut-tête au grès d'un vent d'ouest apportant une caresse tiède sur les pétales pourpres. ( Sors de ta rêverie. )
Elle ouvrit les yeux, étant adossée au mur d'une ruelle qui menait à une impasse, elle observait la foule sans craindre qu'un voleur ne passe par derrière. Le marché avait eu le temps de changer depuis son premier passage. Elle commençait d'ailleurs à avoir un sentiment de manque, elle avait faim, et les odeurs de viandes grillées, de gâteaux, d'épices lui donnait l'eau à la bouche. Elle observait une grosse dame qui portait de large paniers de pâtisseries qu'elle disposait à la vue des clients. Il y avait toute sorte de forme, de taille, de couleurs. Elle détournait même son regard des bourses les plus lourdes et épaisses pour admirer les gâteaux. Un groupe d'homme coupa son champ de vision en traversant la rue. Ils étaient habillés d'une combinaison de cuir brun, avec un casque métallique d'où chutait une cotte-de-maille, épée au fourreau, main sur la paume de l'arme, et lance sur l'épaule, il patrouillaient. A leur épaule était cousu l'insigne noir et blanc. La milice.
Jusqu'à présent elle n'avait rien fait. Aucune raison d'attirer l'attention... Pour l'instant. La faim gagne, elle n'allait pas se refuser un repas gratuit pour les beaux yeux des miliciens, ou pour leurs épée mais quitte à choisir elle préférait manger et ne pas se faire prendre. De quoi aurait-elle à courir avec des gâteaux en mains. Les Elfes ont un sens de l'esthétique, plus grand que les humains mais pour le coup, ça briserait son charme.
Elle abattit le capuchon de la cape sur ses cheveux d'or, laissant quelques mèches tomber sur le col. Elle colla la main droite sur son cœur cachant du flanc droit de la cape son bras gauche, et la lame qu'elle venait de sortir. Elle avait les doigts légers, mais elle aimait beaucoup une façon de voler qu'elle venait de perfectionner. Elle s'approcha d'une échoppe de fruits - Elle préférait finalement un fruit mûr et juteux à souhaits plutôt qu'une pâtisserie, là se trouvait un marchand de petite taille, un varrok peut être. Peu lui important, elle n'était pas venue pour faire connaissance. Elle se pencha doucement sur un panier de pomme et huma. Elle regardait le vendeur qui ne quittait pas des yeux cette femme singulière. Elle passa devant l'homme, longeant son échoppe. Rien. L'homme avait beau surveiller ses mains, elle ne tentait pas de s'emparer de quelque chose - peut être parce qu'elle avait remarqué qu'il ne la quittait pas des yeux. - Elle s'en alla. Lorsque la foule massive referma la route derrière elle, elle secoua la tête. ( Tous les humains sont-ils aussi aveugles ? )
Elle s'installa sur un tonneau vide croisa les jambes et sortit la lame de sous la cape Elfique. Il y avait deux pommes, empalée le long de la lame.
- Une lame est plus fine qu'un doigt. Les gens surveillent vos mains, ils savent utiliser leurs mains pour frapper, pour tenir, caresser, mais les lames sont faites pour prolonger la main, une main ne peut pas déchirer, une lame le peut. Une lame peut aussi caresser, tenir, voler. Elle est le prolongement de ma main. -
Elle décrocha une pomme rouge et ronde, elle suintait un jus mousseux et épais qui, une fois sec, collait aux doigts. Son parfum était délicieux, elle avait un gout léger et sucré. Un véritable bonheur en bouche. Si loin des morceaux de pains noirs au lait rassit qu'on lui servait lorsqu'elle vivait recluse dans sa cave. Les temps changent heureusement. La milice passait de nouveau devant elle. Elle regardait ses bottes, le violet divin qui en faisait la couleur dominante était sale, le sol boueux était sans arrêt labouré par les piétinement des citoyens. Les pans de sa cape aussi étaient quelque peu souillés par la boue.
Quelque chose de plus important que son apparence physique lui revint à l'esprit. Elle s'adressa au marchand qui rangeait ses poteries à côté d'elle. De voleuse, elle devenait une riche dame qui cherchait un bijoutier offrant un large panel de pierres, bagues, colliers et parures, et si possible très variée, l'échoppe de quelqu'un de passage par exemple, quelqu'un qui aurait crapahuté çà et là, assez de quoi offrir des pierres de différentes horizons. L'homme a qui elle s'adressait était d'un âge respectable, courbé par le poids des caisses qu'il semblait soulever, déplacer à plongeur de journée. Il répondit qu'il y avait bien un riche marchand de passage dans la ville. Il s'était installé en plein milieu de la place du marché.
( ça m'ira tout à fait ... ) Elle quitta son assise de bois pour s'engouffrer jusqu'au milieu de la place. Elle n'eut aucun mal à trouver l'homme en question. Toutes la noblesse qui se trouvait au marché était devant son étalage... Un troupeau de femmes riches qui donnaient l'impression d'orgasme à répétition dès lors qu'elles croisaient l'éclat d'une pierre. La plupart d'entre elles ne devaient même pas avoir culture suffisante pour distinguer la différences entre les pierreries. Elles voulaient quelque chose de voyant, scintillant. Quelque chose qui donne une impression de grandeur et de richesse à ceux qui en sauraient encore moins qu'elles au sujet des pierres.
Silmeria ne cherchait pas à voler quelque chose à sa prochaine victime, du moins pas à l'instant. Les pierres c'est trop contraignant, il faut les transporter, elles sont toutes uniques donc reconnaissables, il faut les revendre aussi. Quelque chose de sonnant et trébuchant passait relativement inaperçu. Les Yus ont tous la même tête.
L'homme. Il portait une épaisse salopette de velours, qui lui donnait une apparence lente et ventripotente. Il était chauve, le visage rond et le crâne luisant au soleil couchant, il portait un épais collier de barbe. Trop occupé avec ses clientes, il ne remarqua pas Silmeria qui le fixait en silence. Il y avait un autre homme. Un homme qui portait la même tenue que les miliciens, mais elle ne parvenait pas à trouver le blason de la milice. Un homme de main chargé d'assurer sa protection et vautour de la justice présent sur un lieu de convoitise pour trancher plus promptement les mains des voleurs. La lame de Silmeria retourna sagement dans son fourreau de daim. Elle aimait particulièrement les fourreaux de daim car, la lame ne fait aucun bruit en y entrant, ou en y sortant. Très intéressant lorsqu'il s'agit de couper une gorge discrètement. Elle tourna des talons, elle commençait à se sentir fatiguée. Il lui fallait se reposer avant de commettre son crime. Sa chambre l'attendait à l'Auberge du Pied Levé. Dernière nuit dans cet endroit. Il ne faudrait pas éveiller les soupçons, ou la convoitise d'un autre voleur qui se trouverait dans l'Auberge. Surtout avec le nain qui aurait très bien pu tenir un autre au courant de l'affaire.
Prudence est mère de sureté.
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