Par mes ailes, quelle sorte d'esprit torturé peut vouloir créer une sculpture aussi ignoble ? Je ne vois que cela pour décrire cette chose. Elle est artificielle. Rien de naturel ne peut donner un résultat pareil, d'autant que je n'arrive pas à discerner exactement ce qu'est cette matière sombre. Au moins, je reconnais ce qui est incrusté dedans. Des cristaux, encore, disposés sur la surface. Voletant à côté, je me hisse dans les airs en prenant appui de la main dessus. Ils sont quand même étrangement agencés. C'en est au point que je suis quasiment certain que si je n'avais pas d'ailes, je parviendrais quand même à y grimper.
Alors que Dae'ron revient à mes côtés en déplorant trouver la salle étrangement dénuée d'intérêt, je suis mon instinct et lève le nez au plafond. La voix du Protecteur me parvient avec douceur, plaisantant sur le nombre de possibilités de chemins à prendre. Il faut quelques instants à mon regard pour discerner un détail au plafond. La voûte courbée est percée par la sculpture d'une façon bizarre, comme si... C'était volontaire. Prenant un peu d'altitude, je comprends finalement que ce pilier en tourbillon n'est pas une simple œuvre de mauvais goût, mais qu'il sert également de rampe pour accéder à un passage, au-dessus.
J'avise le Protecteur qui vient de suivre mon regard.
"
Oh."
"
Évidemment.", pesté-je, irrité de voir le champ des possibles s'accroître encore.
"
On poursuit en hauteur ?"
J'acquiesce. Tant qu'à faire, autant rester au niveau de cette salle tant qu'elle n'a pas livré tous ses foutus secrets inutiles. Cela nous évitera de retrouver les géants trop vite. Peut-être que le fil de pensées de Dae'ron a suivi un chemin similaire au mien car il songe à laisser une trace de notre passage, au cas où les autres déboucheraient sur une portion effondrée et seraient contraints de nous rejoindre. Ma langue claque d'elle-même, mais à l'instant où, réalisant que nous n'avons rien d'autre pour servir de repère, l'aldryde clair tend sa main à son aile pour se défaire d'une plume argentée, j'empoigne son avant-bras.
"
Ne fais pas ça.", grondé-je, rivant mon regard au sien en guise d'avertissement.
"
C'est juste une plume, Nessandro.", ose-t-il dire avec un léger sourire. "
Ce n'est pas comme si je m'amput..."
"
Assez !", m’exclamè-je furieusement. "
Je te l'interdis, t'entends ?! Je ne te laisserai pas abimer tes ailes au profit de ces enflures de grande taille !"
Irrité, la peau couverte d'une désagréable sensation de chair de poule, je resserre encore ma poigne contre son bras. Son expression a beau passer de l'étonnement à la confusion, je ne le relâche qu'une fois de l'inconfort proche de la douleur visible sur ses traits. Ma langue claque abruptement tandis que je me détourne de sa forme tentant de masser la zone meurtrie. Je plonge la main dans ma sacoche à la recherche d'une autre possibilité. Sauf que la seule option à ma disposition, en-dehors d'aliments séchés, est un souvenir tangible, la preuve de mon échec : une plume de Dae'ron, rattrapée d'une lente chute dans le vide lors de notre violente dispute, et accessoirement mon ultime tentative pour rompre notre lien.
J'avise quelques cristaux en hauteur et m'acharne à la coincer pour qu'elle soit visible, pointant vers le plafond. Dans mon dos, la voix du brun, s'élevant dans un souffle plus que des paroles.
"
Ce... C'est l'une des miennes, non ?"
Je roule des yeux, refusant de répondre à ce qui me parait être une question stupide. Si je reste silencieux, il abandonnera la conversation comme il en a pris l'habitude, pour ne pas m'irriter davantage. Mais il faut croire que même ça, ça peut changer.
"
Depuis combien de temps est-ce que tu..."
"
Plus tard !", coupé-je prenant un peu d'altitude, décidé à suivre la rampe.
"
Soit, soit... Nous parlerons, plus tard, et tranquillement, en aldrydes civilisés, de ta façon bien personnelle d'être au fond un très grand sentimental !", lance-t-il sur un ton provocateur, un sourire que je devine horriblement taquin dans la voix.
Je serre la mâchoire avec une hargne renouvelée pour ne pas lâcher son nom comme on enverrait un projectile. Que je le respecte quand son intellect brille autant, mais par mes ailes, qu'il m'exaspère quand c'est pour ramener sur le tapis des détails inopportuns !
J'espère que ce passage va nous mener vers quelque chose de vraiment intéressant, sinon je ne réponds plus de rien !
- 733 mots