Pas de porte close contre laquelle tambouriner, pour une fois. Dae'ron sur mes talons, je découvre une pièce qui me fait retrousser le nez. Une salle vide, rectangulaire ou presque puisque ses parois ont un aspect arrondi, mais surtout fendue par un gouffre de plusieurs mètres de diamètre. Et d'au moins la même chose en profondeur, si je me fie à mon intuition. La lueur des aurores brille au fond, faisant scintiller la matière étrange du lieu.
Je me pose au bord de la faille, jetant un regard méprisant à cette masse magique. Est-ce la source du phénomène céleste ou fait-elle simplement écho à ce qui se passe dehors ? Cause ? Vulgaire conséquence ? Grosse coïncidence ?
J'ai du mal à comprendre ce que je regarde. Je ne parviens pas non plus à concevoir l'enchainement d'événements ayant conduit à l'élaboration de la structure maintenant en ruines, ni à déterminer le lien qu'elle a avec cette partie franchement plus étrange. Une matière noire incrustée de cristaux... J'ai beau chercher, fouiller dans ma mémoire, je suis incapable de me rappeler avoir vu pareil matériau auparavant. Comme si le tout était... Une pièce rapportée, un élément étranger qui dépareille totalement avec les environs sableux du désert. Et pourtant... J'ai la sensation que je
devrais connaître ce que j'ai sous les yeux. Que j'ai déjà les éléments clés pour que tout s'éclaircisse. Mais plus je tente de percevoir un sens en cogitant, plus mes pensées semblent m'échapper. Mon esprit a l'air de jouer contre moi, et cela aussi m'agace grandement.
Ce dont je suis certain, c'est que la puissance des aurores que j'ai déjà croisé est à cette masse ce qu'un fil d'araignée est à un rouleau de cordages marins. Et vus les ravages causés par les boucles de ce simple fil entre les doigts d'un illuminé... D'ailleurs, en parlant des enquiquineurs présents sur les lieux... Qu'en est-il de cette autre volonté ? Celle contactée par le chant ? Pourrait-elle se manifester ici si...
"
Dis...", m'interrompt le Protecteur, posé à ma droite, sur un ton prudent. "
Tu penses qu'il y a quelque chose, encore plus profondément ?"
"
Probable. Il a fallu monter pour arriver à ce niveau. Difficile de dire jusqu'où cette faille plonge. D'autant qu'on n'y voit paradoxalement pas mieux avec toute cette lumière.", dis-je en haussant les épaules. "
Qui sait quel genre de créatures, ravies d'avoir été maintenues emprisonnées ici, sous la garde de gros golems assoupis, ont pu naître de cet amas sans chaperon ? De désagréables mais prévisibles rencontres en perspective."
"
Tu dis ça avec tellement de calme.", lance-t-il sans conviction.
J'avise sa forme et devine en un rien de temps les efforts qu'il fait pour se distraire de cette foutue situation. Nous sommes toujours sous terre et loin de la plus petite sortie, à contempler un bouillon de magie sans doute sauvage, et guère plus avancés sur ce qui nous a mené à cette mésaventure. Des énigmes, des gardiens, des fresques oui. Des réponses à la moindre question soulevée ? Ce serait trop beau, ça !
Je laisse échapper un souffle nasal las. Ma main finit par se poser sur son épaule, geste qu'il accepte sans une parole. Manifestation de mon soutien, silencieux également, pendant de longs instants. Mes spirales me font savoir qu'il vient de prendre une lente inspiration et de se vider les poumons sur le même rythme, moment que je choisis pour briser ce silence étrange.
"
Il y a quelque chose que je veux vérifier."
Mon regard s'abaisse vers la masse un court instant puis, après m'être assuré qu'aucun importun ne m'écoute, j'entonne brièvement la mélodie du Chant, sans une parole ni volonté particulière. Je veux juste savoir si cette réserve bleutée y réagit de la même façon que la magie céleste et, plus précisément, si je perçois une nouvelle fois cette connexion avec la présence, ainsi que la familiarité qui l'accompagne.
Si rien ne se produit, nous poursuivrons notre périple dans le passage central d'en face. Malgré la tension croissante qui m'envahit, je refuse de rebrousser chemin maintenant.
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