<Des rues de KK>Svengar descendit l’échelle de fer incrustée dans la pierre et posa le pied dans une bouillasse nauséabonde dont il ne voulait pas savoir la composition. Un haut le cœur le prit en entendant le bruit de succion que faisaient ces pieds dans cette mixture. Il se trouvait à présent dans un couloir assez large, suffisant pour permettre à trois personnes de marcher de front.
Sans vraiment réfléchir à essayer de trouver des traces, il commença à marcher dans un sens du couloir. L’obscurité happa rapidement le nain. Il ralentit le rythme de sa marche pour permettre à ces pupilles de s’adapter à l’épaisse obscurité qui régnait ici. Une fois sa vue adaptée, il reprit son rythme normal. Il put alors détailler le lieu dans lequel il se trouvait.
C’était un long couloir lugubre bâti de briques noires, poisseuses à présent par le suintement des nombreux tuyaux qui déversaient leurs infectes mixtures délétères. Des bestioles de toutes sortes avaient trouvé ici un refuge. Les cafards et les rats abondaient dans cette fange et, peu à peu, Svengar se demandait si les orques et les gobelins étaient vraiment absents de Kendrâ Kar.
(Mais dans quoi j'm'embaaaarque!!!)Il n’avait pas parcouru 100 mètres qu’il avait d’ors et déjà l’impression d’être au plus profond d’une caverne de gobelins, bien loin de la sécurité des remparts d’une grande ville. Il commençait également à avoir chaud, très chaud même. Les déchets de toutes natures pourrissaient et faisandaient ici, ne s’écoulant que très doucement dans un courant à la limite de la stagnation. Svengar se demandait même comment tant de puanteur ne parvenait pas à remonter à la surface.
Et toujours ce bruit de succion écœurant à chaque pas...
Au début de son exploration, il était confiant, motivé, presque heureux de se retrouver dans un bon vieux tunnel. Mais l’appréhension prit rapidement le dessus, et cette sensation se mua en oppression au fur et à mesure qu’il pénétrait plus loin dans les égouts. Il saisit machinalement sa hache et son bouclier car il voyait, à une dizaine de pas, que le couloir obliquait sur la gauche. La bifurcation approchant, une odeur différente lui pris le nez, une odeur de viande moisie, de chair morte.
(Par la barbe de Valyus, qu'est ce que...)Puis il se figea brusquement, tendu comme la corde d’une arbalète, tous les sens en éveils. Le même bruit de succion se faisait entendre en face de lui, au-delà de la bifurcation. Mais pas que, il percevait également un bruit d’os qui s’entrechoquaient. La puanteur augmenta encore d’intensité, il en avait mal au crane et la chaleur étouffante le mettait à la limite de l’évanouissement.
Pire, en écoutant attentivement, Svengar comprit qu’il n’y avait pas qu’une seule personne qui venait vers lui. La tension augmenta à en devenir palpable alors qu’il attendait, camper sur ces deux jambes, tenant fermement ses armes.
Une silhouette se découpa dans l’obscurité, puis une autre et une autre encore. Des squelettes !!! Que faisaient des squelettes dans un tel endroit ? Mais non, pas le temps de se poser des questions, ils se trainaient déjà vers lui. Ils n’étaient pas vraiment armés, tout juste brandissaient-ils un bâton avec un clou tordu planté dedans. L’un d’eux tenait dans sa main droite…son bras gauche…
Svengar fit le vide en lui, se focalisa sur la flamme dans laquelle il déversa tout ce qu’il ressentait puis examina à toute allure l’avancé des squelettes. Un devant et deux derrières, un peu en retrait. Celui qui brandissait son propre bras était à droite et était donc moins dangereux. C’est là qu’il fallait porter l’assaut.
Les squelettes n’étaient plus qu’à deux mètres de lui lorsqu’il bondit en avant, sur le côté droit. Dans son élan il leva sa hache et l’abattit sur le bras droit de celui qui n’avait pas de bâton, au niveau du coude. Les os se rompirent facilement et les deux bras tombèrent dans la bouillasse. Le sans-arme ne s’en était pas rendu compte et fit le geste pour frapper au niveau de la tête. Son humérus battit l’air misérablement.
Celui de front frappa fort au niveau de la tête du nain mais Svengar, sur ces gardes, dévia le coup avec son bouclier. Sa hache était alors abaissée suite au premier coup et il la remonta violemment pour passer entre le bassin et les côtes du sans-arme. Il brisa aisément la colonne vertébrale à ce niveau et le torse complet fut projeté un mètre plus haut pour retomber dans la fange. Le bassin et les jambes se mouvaient encore en titubant pitoyablement, sans coordination.
Le vide se renforçait en lui alors qu’il prenait confiance. Il visa alors celui de front lorsque le troisième squelette frappa. Svengar avait surestimé le temps dont il disposait avant que ce dernier ne puisse l’atteindre. Le coup lui fut asséné sur la tête. Le casque vibra et le clou rouillé crissa dessus alors que, un peu sonné tant par le choc que par la surprise, Svengar reculait et toucha le mur poisseux derrière lui.
Par réflexe défensif, il se tassa sur lui-même, bouclier tout contre lui et le fer de sa hache couvrant au maximum son côté droit. Un autre coup de bâton fut porté sur le bouclier, sans doute le premier squelette qui réitérait son attaque d’avant.
(Heureusement qu’ils sont bête !)Les squelettes lui faisaient peur bien sur mais, même si c’était des créatures de l’ombre à l’aspect repoussant, elles n’en étaient pas moins lentes, peu agiles et désespérément dénué d’initiative. Svengar, lui, combattait silencieusement. Il ne voyait pas l’intérêt de pousser des cris pour se motiver ou pour impressionner l’adversaire. Essayer d’effrayer un squelette n’était pas non plus l’acte le plus constructif à tenter.
Reprenant rapidement ces esprits, il se propulsa vivement sur celui qui venait de l’attaquer, le repoussant brutalement contre le mur du fond alors que l’autre frappait dans le vide derrière lui. L’ayant dépassé, Svengar pivota brusquement sur sa droite, il fendit de sa hache le milieu de la colonne du squelette qui l’avait sonné. Des morceaux de côtes et de vertèbres s’éparpillèrent dans la boue nauséabonde. Le bas, déséquilibré par le reste de la colonne qui pendouillait, s’étalait à côté en éclaboussant un peu les alentours proches.
Svengar termina de pivoter face au squelette qu’il avait poussé. Celui-ci avait rencontré violemment le mur et semblait avoir trébuché sur quelque chose car il se redressait lentement à présent. Le nain n’attendit pas, il brandit bien haut sa hache des deux mains et l’abaissa de toutes ces forces sur le non-mort.
Il brisa le crane qui tomba en miette puis désolidarisa les côtes pour finir par atteindre le bassin qui fut fendu verticalement au niveau du sacrum et du coccyx mais sans être totalement coupé. Le reste fut projeté plus loin sous la violence du choc. Le bassin resta accroché au fer de hache comme une buche récalcitrante.
Il n’eut pas le temps d’esquisser un mouvement de pied pour décrocher le bassin qu’un coup lui fut porté à la cuisse. La douleur était vive alors qu’il se retournait en reculant. Il n’en cru pas ses yeux. Le haut du squelette qu’il avait brisé avançait vers lui, se tirant d’une main et brandissant de l’autre son bâton clouté. La vision d’un non-mort se trainant dans la fange avec la ferme intention de vous faire le plus de mal possible et ce quels que soient les dommages reçus était impressionnant.
Les orbites vides de cette chose étaient sensées être inexpressives mais Svengar y percevait tout de même une haine infinie. Le squelette approchait toujours alors que le nain évacuait cette vision du squelette implacable dans la flamme de sa concentration. Il s’appuya alors sur la jambe qui ne lui faisait pas mal et frappa de bas en haut. Le crane du mort-vivant éclata en plusieurs morceaux alors que le reste du torse fut retourné sur le dos.
Svengar scruta des deux côtés et un peu partout dans la boue en quête d’un mouvement quelconque mais il n’aperçut plus rien. Il s’en était sortit et s’adossa contre le mur, tout poisseux qu’il était. Il commençait à relâcher quelque peu sa vigilance lorsqu’il se souvint des paroles de son maitre d’arme.
(Les morts qui marchent ne sont jamais seuls, il y a toujours leur maître à proximité.)Il se redressa alors vivement, brandissant sa hache et son bouclier. Il plissa les yeux en observant le fond du couloir, là où avaient surgi les squelettes. Après quelques secondes à scruter les ombres, il s’avança, toujours en garde. Il atteignit la bifurcation sous tension, les oreilles aux aguets et les yeux recherchant frénétiquement le moindre détail douteux. Il s’arrêta un peu avant le coin du mur intérieur et se pencha rapidement pour observer mais il ne vit rien.
Il sauta alors au milieu du couloir pour faire éventuellement front mais il n’y avait véritablement personne. Celui qui avait relevé ces squelettes avait fuit depuis belle lurette.
<Vers les égouts de KK>