Arrivé devant une grande bâtisse dans le style le plus classique d'Onaran, c'est-à-dire, une bâtisse extrêmement grande, impressionnante de beauté et de charme, aux grands jardins verts et avec une belle fontaine bleue en leur centre, les mursblancs et d'une propreté impeccable et un toit à l'aspect irréel tellement il est plein d'improbables formes et structures. Pour ce lieu, pourtant, ce n'est pas extraordinaire, et même si un elfe d'Hidirain serait lui-même impressionné, je ne m'arrête pas le moin du monde en dépassant le portail et ne prends plus la peine de détailler la magnifique haie bordant le chemin menant au bâtiment en lui-même. J'atteins la porte perdu dans mes pensées, fixant intensément mes pieds essayant vainement de stopper la vague de nostalgie qui me submerge depuis que je suis passé devant la maison de feu ma famille. La vague ? La marée plutôt. Peine perdue. C'est le regard embué et voilé par la tristesse que je tends la main en direction de la porte de bois et c'est mon cœur autant que le heurtoir qui frappe les trois coups.
J'attends une minute ou deux avant d'entendre des pas précipités dans l'escalier que je sais être positionné juste à l'angle du couloir, à trois mètres à peine de la porte. Qui s'ouvre lentement, ou plutôt s’entrebâille, retenue par une chaîne qui en mur invisible, éloigne le visiteur de l'hospitalité.
"Ouais ? Qui c'est ?"
La réponse de l'homme que je connaissait, toujours aussi brusque et dont l'art du direct jurait étonnement avec le décor qui l'entourait et qui était après tout le sien, réussit l'exploit improbable de m'arracher un sourire.
"L'autre..."
Oui, c'est vrai, il peut paraître étrange que pour lui, mon nom soit "l'autre". En fait, c'est un clin d’œil à notre première rencontre (et un peu au suivantes, c'est vrai, jusqu'à ce qu'il apprenne mon nom de ma bouche à vrai dire) et un nom de code à la foi. Si mes souvenirs sont exact, je l'avais déjà mentionné en parlant de "quelqu'un qui serait prêt à donner un bon prix pour ce livre." Pour n'importe quoi qui pourrait se revendre en fait. Voyez cela comme une sorte de vendeur de brocante ou de tenancier d'un bazar ou même de fournisseur de diverses espèces de magasins. Tout ça à la foi, son commerce compte beaucoup sur sa polyvalence. Et tout ça au noir, son innocence du point de vue de la loi compte beaucoup sur l'anonymat de ses propres fournisseurs... Et des anciens propriétaires de ce qu'il vend. Pour résumer, il est à lui seul la moitié du marché noir de la ville, ET inconnu des autorités. Il a le grand, l'immense mérite de rassembler ces deux points, et le non moins colossal avantage.
Clic-clac. La porte s'ouvre en grand, laissant apparaître un homme d'une trentaine d'années, les cheveux noirs et longs coiffés rapidement (il n'est pas maniaque comme la plupart des gens à Oranan lorsqu'il s'agit de son apparence, ce qui a grandement, je crois, contribué à notre rapprochement. Il est vêtu d'une tunique rouge et or, sur un pantalon pourpre et porte une veste écarlate. Il aime bien ces couleurs, car il à une grande majesté dans sa tenue, son port de tête, son verbe et ses expressions, et qu'il aime à se parer d'une draperie évoquant ses (très) lointaines ascendances nobles. Cet écart de nos deux mondes (je l'ai connu après avoir connu la solitude...) à, je le pense aussi, contribué à notre rapprochement. L'homme s'écarte pour me laisser passer, un grand sourire aux lèvres. J'entre. Nos regards se croisent. Puis il prend la parole d'une voix un peu moins rude :
"Content de te revoir."
Non, cet homme n'a, à première vue, du moins, rien à voir avec le trafiquant classique de drogue, d'argent ou de quoi que ce soit. Seulement voilà, c'est le plus puissant, le plus riche, donc le moins connu, et aussi le seul propriétaire de marché noir du quartier, et sûrement au niveau de la ville, mais je ne m'avancerai pas à faire une telle déclaration. D'ailleurs, à bien y regarder, on remarque dans ses yeux froids et calculateurs l'air méfiant de celui qui jauge quelqu'un d'un seul coup d’œil, et qui est capable, l'espace d'un battement de cils, de savoir comment tirer profit, ou de quoi se méfier dans l'endroit où il se trouve. On peut aussi, parfois remarquer des légères protubérances dans ses habits quand il revient de quelque part en ville ou ailleurs, mais il est habituellement très habile à dissimuler ses articles. Enfin, et bien qu'il prenne grand soin de la cacher, dans la base de sa nuque, sous le trapèze, on peut parfois apercevoir la marque des voleurs appliquée aux fer rouge. Tout le monde à commencé un jour par de menues choses, même les plus grands.
"C'est un beau livre que tu as là... Reliure de cuir, daté d'un siècle... Précieux et bien conservé. Celui qui le possède a les moyens. Tu l'as trouvé ou...?"
Avec un sourire, je sors le livre que je tenais caché sous mes vêtements, mais dont le bas dépassait légèrement. Je ne m'étonne même plus qu'il arrive à déduire autant en un clin d’œil... Même si, en restant des heures fixé dessus, j'aurais à peine trouvé qu'il était en cuir...
"Volé. A un crétin. Au départ je croyais qu'il aurait de la peine. Ce livre est vieux, il était sûrement dans sa famille depuis des générations. Mais je n'en ai que faire. Rends-toi compte, il est passé devant un mendiant et, non content de lui donner une pièce en en récupérant deux, il l'a insulté et lui a craché dessus en disant :"les pauvres ne devraient pas se montrer, leur place est en quarantaine." Quel idiot..."
"Oranan est peuplée de fous et ce n'est ni le premier, ni le dernier dont la fortune familiale fera l'orgueil ici."
Lui comme moi détestons les personnes comme cela. Et Nous le faisons savoir ! que les crétins du monde respectent les sages des rues !
Hum, Hum... Bref. Nous passons une bonne heure, si ce n'est deux ou plus à discuter de tout de rien, devant un bon repas, dans une salle gigantesque. Après cela, et à regrets, nous commençons à parler affaires.
"Bon. Il parle de quoi ton livre?"
"Aucune idée, je suis venu directement, je n'y ai même pas jeté un coup d'oeil.
"Fais moi voir...Ah."
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Des armes, au secret des jours Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture Des qui vous font rêver très tard dans les lectures Et qui mettent la poésie dans les discours 'Des armes, Noir Désir.'
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