Inscription: Mar 19 Nov 2013 18:33 Messages: 1366 Localisation: Oranan - Maison des Kizukis
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Précédent_________________ Elles marchèrent plusieurs minutes avant d'arriver devant leur maison familiale. C'était une villa modeste, sans aucune prétention, qui est certes assez grande pour accueillir tout le monde, mais juste assez petite pour ne pas encombrer le quartier.
Plus Azuha se rapprochait de la maison, plus la nostalgie la prenait. Elle pleurait encore de joie à l'idée que tout soit terminé. Finies les souffrances, finies les famines, finies les ordres. Enfin. Elle était chez elle.
Quand elle vit le portail du domaine, elle lâcha tout. Une seconde fois.- Tu nous as manqué à nous aussi, Azuha dit Akiko en souriant.Elles entrèrent dans le domaine, traversèrent le jardin qui n'avait aucunement changé et faisait remonter à Azuha tant de souvenirs heureux. Sa vie d'avant lui revenait peu à peu. Elles ouvrirent le panneau d'entrée, et s'engagèrent dans le bâtiment.
Le vestibule n'était plus le même. C'était à prévoir. Une maison ne reste pas inchangée pendant neuf ans. L'architecture était la même, pour sûr, mais la décoration... Azuha avait du mal à se sentir chez elle, tout d'un coup. Tout avait changé. L'emplacement des meubles, leur facture, les panneaux muraux...- Je suis rentrée ! annonça Akiko, et après quelques secondes, Devinez qui est revenue !À la première annonce, on n'entendit rien dans la maison. Dès qu'elle eut dit la deuxième, des pas précipités se firent entendre partout. Il était deux-heures après la mi-journée, un jour de repos apparemment vu le monde qui a réagi.
Azuha vit quelques enfants qu'elles ne connaissait pas arriver en premiers, venant accueillir Akiko, et posant des questions quant à l'identité d'Azuha, qui bien évidemment faisait peur à voir.
Puis vinrent sa mère, Yuuyuko, son oncle et père d'Akiko, Juuhiro, et d'autres adultes dont deux qu'elles connaissait, puis d'autres enfants et adolescents et jeunes adultes dont son cousin Ryouhan. Tous ceux qui la reconnurent vinrent l'étreindre, en pleurs.
Azuha était heureuse. Mais elle constata bien vite que ni son père ni son frère n'étaient là, et que sa mère avait des cheveux plus courts que de coutume.
Les questions fusèrent. Que lui était-il arrivé ? Où était-elle tout ce temps ? La raison de son état ; l’œil et le doigt manquant. Tout le monde voulait connaître son histoire.
Aussi, elle décida de raconter l'histoire, à tout le monde y compris les enfants. Mais elle demanda bain, nourriture, coiffure et tenue avant cela.
Et elle put se laver, à l'eau fraîche comme elle demanda, lui rappelant le lavage à la neige dans les montagnes. Et elle put se coiffer, avec l'aide d'Akiko comme au bon vieux temps, neuf ans auparavant. Et elle put s'habiller, d'une jolie tunique blanche qui appartenait à Akiko quand elle avait son âge, lui allant tout juste, mettant sa poitrine et sa fine taille en valeur. Et elle put s'enjailler à manger à sa faim, ce qu'elle ne fit pas car elle savait qu'il était dangereux de remplir à raz-bord un ventre vide. Elle mangea juste assez pour se nourrir, et s'en contenta.
Suite à cela, une réunion familiale se tint dans le salon, où Azuha s'assit devant l'âtre éteint, lavée, coiffée, rassasiée, habillée, et les autres en public devant.
Elle raconta comment Grikk, le vendeur d'esclave, l'avait manipulée pour pouvoir l'enlever, et s'excusa platement auprès de sa mère pour l'inquiétude qu'elle lui laissa, et pour avoir désobéi et menti. Elle raconta comment l'homme l'avait traitée en esclave, sans être trop explicite sur les détails que les enfants ne devaient pas connaître. Elle raconta comment elle a perdu son œil et son doigt. Elle raconta comment elle s'était échappée à Omyre, et pourquoi elle a fui vers les montagnes. Elle raconta comment Brònn l'avait sauvée et comment les Purs l'avaient élevée. Elle raconta comment elle passa son âge adulte, et comment Brònn lui donna son pendentif.
L'histoire fut longue à conter, et Azuha, bien que ce soit pour certains des souvenirs douloureux, parvenait à se contrôler pour ne pas exploser de colère ou de douleur. Elle était assez humble pour reconnaître qu'elle était la seule fautive à ce qui lui était arrivée, et s'interdit de pleurer encore à cause de souvenirs qu'elle avait initié.
L'histoire terminée, il était tard dans la deuxième mi-journée, et les enfants allèrent jouer dans le jardin ou dans leur chambre, la session devoirs commençant dans deux heures, juste avant le souper. Les autres restèrent avec Azuha pour lui poser des questions.
On lui demanda si Grikk l'avait violée, et elle répondit que non. On lui demanda si Grikk l'avait frappée, et elle répondit que oui. On lui demanda si son œil lui faisait mal, et elle répondit que non. On lui demanda si son doigt l'handicapait, et elle répondit que non. On lui demanda si elle avait déjà lancé son premier sort, et elle répondit que ...( ...Quoi ?) Juuhiro sourit. Il avait posé cette question.- Mon oncle. Vos enseignements furent bénéfiques, contrairement à ce que vous pourriez avoir pensé. J'étais simplement trop jeune pour mon premier sort. Quant à la réponse à votre question, oui, je l'ai lancé. J'ai créé un mur de glace pour combattre le vent, pendant le Rite des Enfants Purs.Juuhiro hocha la tête.- Tu viendras me voir ce soir après le souper, dans le dojo. J'ai à te donner une chose.Azuha acquiesça.- Entendu, mon oncle.Ainsi, le temps passa, et elle retrouva la vie qu'on lui avait enlevé. À quinze ans, bien entendu, elle devrait avoir une éducation bien supérieure en terme d'histoire, de langage, d'écrit, et surtout de ménage. Les femmes en Ynorie sont préparées à former le meilleur mariage possible. Elle, on l'avait préparée à affronter le froid. Grande utilité, ici bas. Elle devrait rattraper tout ce temps perdu aussi.
Mais le voulait-elle ?
La grande majorité d'Azuha est heureuse que sa vie soit revenue à la normale. Une petite partie de son être trouve dommage de s'être arrêté ici : l'aventure, c'était bien, aussi.
Elle passa le reste de la soirée à discuter avec la famille. On l'informa des récentes arrivées dans le clan. Et on l'informa des départs.
Son père, Ryuuhaku, n'avait pas pu tenir sa huitième année sans sa fille. Il s'était tué dignement. Le plus triste était qu'il l'avait fait à peine deux mois plus tôt. Quant à Koosuke, il n'était jamais revenu d'une bataille il y a quelques temps. Un officier de la milice était venu le mois dernier pour annoncer sa mort. Koosuke avait vu de nombreuses batailles, et il n'avait fait que progresser dans les grades depuis.
Les deux hommes qui comptaient le plus pour Azuha s'en étaient allés. Partis. À jamais. Étrangement, Azuha ne fut pas grandement peinée. Certes, leur mort l'attristait. Mais là où elle aurait dû pleurer toutes les larmes de son corps et perdre espoir, elle était juste ... peinée. Elle fut séparé d'eux pendant neuf ans, et s'était préparée à ne jamais les revoir. Quand elle fut revenue et qu'ils n'étaient pas là, elle n'était pas tant surprise.
Le souper se passa sans accroc ni souci, et dans la bonne humeur, malgré les récentes nouvelles. Aux yeux de Yuuyuko, perdre un fils au combat et un mari lâche et déshonoré était un bon prix à payer pour récupérer une fille qui pourrait être un mariage fabuleux. Azuha, avec tout ce qu'elle a vécu, pourrait être considérée comme une guerrière. Il est possible qu'elle ait vécu pire que certains des guerriers de la milice affublés de médailles. Survivre neuf ans, avec neuf doigts et un œil, beaucoup là-bas, ne le pourraient pas. C'était du moins ce qu'elle ressentait quand son fils lui racontait ce qu'il s'y passait parfois. L'humeur était donc à la joie et aux rires.
Après le souper, Azuha alla rejoindre son vieil oncle dans le dojo au fond du jardin. La salle était petite, mais pour méditer, c'était l'idéal. Son oncle était assis près du mur du fond, à côté des râteliers sur lesquels étaient accrochés des armes, lames, et armures en tous genres. Azuha s'assit en face de lui, à deux mètres.- Il est fort heureux de te revoir parmi nous, Azuha. dit-il.- Merci bien, mon oncle. Je suis heureuse d'avoir pu rentrer.- Comment appréhendes-tu ta vie à présent ? Tu as vécu beaucoup de choses pour une si jeune femme. Des choses que jamais tu n'aurais dû expérimenter. La vie ici pour une femme est beaucoup plus paisible. Le choc pourrait être difficile.- Mon oncle. Du repos est exactement ce dont j'ai besoin après tout ça. Mon corps est reposé, nourri, lavé. Mais mon esprit est encore tourmenté.- Je comprends. Si jamais tu veux parler, te confier, n'hésite pas à le faire. Tout le clan sera là pour toi.- Merci, mon oncle.Juuhiro tendit le bras et prit une des armes enroulées dans du tissu sur un râtelier derrière lui. Il la tendit à Azuha.- Prends-le. dit-il simplement. Il appartenait au dernier maître des Glaces du clan.Azuha le prit délicatement. L'objet n'était pas très lourd, mais il était surtout très long.
C'était un bâton de bois brun, gravé de magnifiques motifs représentant un souffle de flocons de neige s'enlaçant autour du bois. À son extrémité est encastré un support en acier enchâssant un cristal opaque aux reflets bleutés.- Le cristal est de Hélcéa, et le bâton lui-même du bois de Cheveux de Gaïa. dit son oncle pendant qu'Azuha s'émerveillait.- Merci infiniment, mon oncle.Azuha s'inclina très bas.- Inutile de s'incliner devant moi, la rassura-t-il, avec un petit rire. Je ne suis qu'un vieil homme qui fait cadeau à sa nièce qui mérite bien mille fois plus.Azuha se releva.- Mon oncle, pouvez-vous me parler de ce dernier maître des glaces ? Quelle est l'histoire de ce bâton ? A-t-il un nom ?Juuhiro pouffa.- En voilà une fille curieuse. Tu n'étais pas à ce point enthousiaste quand je te faisais leçon, me semble-t-il.Juuhiro raconta l'histoire de ce bâton et de son dernier porteur, Rintarou Kizuki, troisième de son nom.
C'était il y a plus de cent années avant celle-ci, pendant la Grande Guerre contre les Garzoks. Rintarou était un jeune mage d'une vingtaine d'année, tout juste engagé dans l'armée. Il combattit avec une baguette bon marché quelques temps, et il arrivait à non seulement survivre, mais se démarquer, en bataille. Ses sorts de glace permettaient de ralentir les ennemis considérablement. Sa carrière militaire était loin d'être déplaisante. Mais il se rendit compte au bout d'un temps que sa vie manquait d'inconnu et d'aventure. Certes, il était dans l'armée, donc l'action ne manquait pas, mais la vie était toujours la même, et lors des combats la stratégie la plus efficace restait souvent la même. Aussi décida-t-il de partir à l'aventure, braver l'inconnu. Il partit, à pied, explorer le monde, à l'âge de trente ans. Il revint un jour, trente ans plus tard.
Les aventures que Rintarou avaient vécus étaient trop nombreuses pour être narrées en une nuit. Lui-même n'a jamais terminé ses mémoires, qu'il a passé la fin de sa vie ici à écrire. Mais l'une d'elle fut sauvegardée, et c'est comment il obtint ce bâton.
Juuhiro sortit quelques pages de manuscrits anciens d'un tiroir et les lut à Azuha.
Ce bâton était avant d'être un bâton magique, une simple branche, que Rintarou utilisait pendant ses voyages en guise de canne. Vingt ans, elle resta une canne. Mais c'est alors que le mage rencontra des Fujoniens en haut des Montagnes de Nirtim qu'il redécouvrit complètement la magie de la glace. Pour lui, jusque là, la Glace n'était qu'un moyen d'arriver à ses fins. Trop chaud ? Fraîcheur magique ! Un feu ? Bouclier glacial ! Des ennemis ? Refroidis ! Mais chez les Purs, manipuler la Glace était un art. C'était l'expression artistique d'un froid constant, d'une gelée éternelle. La Glace était plus que le froid, la neige, et la glace. C'était la Montagne elle-même, c'était le froid mordant, la neige éclatante, la glace bleutée. C'était à la fois dur et fragile, c'était à la fois brûlant et doux, c'était à la fois inerte et véloce. C'était beau.
Rintarou reconsidéra sa vision de la manipulation de la Glace, et adopta cette version artistique de la magie. Il redécouvrit le monde sous des yeux nouveaux. Et il décida que son bâton, qui était dur mais périssable, qui était rugueux mais offrait un doux appui, qui était incassable mais voyageait avec lui, devait représenter cette beauté. Il en ferait un bâton des Glaces.
Mais, comment rendre une simple branche magique ? L'enchanter ne suffirait pas, le bois pourrirait bien trop vite. Rintarou erra dans le froid et la neige en quête d'une réponse à cette question. Il devait bien y avoir quelque chose de magiquement glacial dans ces montagnes. Son œil fut attiré par un reflet d'argent, qui provenait d'un rocher apparent. Le rocher abritait un gisement d'acier. Une idée lui vint : si le bois était trop éphémère, le métal le serait-il ?
Il retourna auprès des Fujoniens pour leur expliquer sa théorie et leur poser des questions. Beaucoup ne surent quoi répondre, mais un des anciens lui parla du Hélcéa, le métal de la Glace. Lui-même n'en avait entendu parler qu'en légende pendant quinze ans, âge auquel un ermite Fujonien, chose rare dans ces montagnes, vagabond, était venu le voir pendant son rite, et lui avait laissé une pierre bleue étrange, plus froide que la glace. Il la montra à Rintarou, qui, émerveillait, décida d'avoir la même chose au bout de son bâton. Le vieux Fujonien lui expliqua qu'il n'était pas possible de créer ce métal, seul les dieux en étaient capables.
Un jeune, qui écoutait la conversation, les interrompit pour leur parler d'une rumeur qui disait qu'un Ancien Fujonien d'une autre communauté possédait le don de modifier la matière et de changer un métal en un autre. Le vieux estima que c'était inutile de le chercher, qu'il fallait mieux chercher le métal lui-même dans les montagnes. Mais Rintarou, avide d'inconnu, de risque et d'aventure, décida de chercher cet ancien. Avant de ce faire, il emprunta une pioche, alla chercher du minerai d'acier là où il l'avait repéré, et partit à la recherche de l'Ancien.
Il le trouva après avoir vu de nombreuses communautés, et quelques autres créatures hostiles. Il lui expliqua son projet, et l'Ancien, qui aimait les défis, accepta de l'aider. Ainsi, ils s'attelèrent à deux à créer un cristal d'acier à partir de ce minerai brut - créer une forge improvisée dans les montagnes n'était pas facile, mais la magie de la Glace aida à empêcher le froid d'accéder certains endroits, et la chaleur put fondre le métal. Puis ils parvinrent à changer ce cristal d'acier en cristal de Hélcéa, grâce à la puissante magie de Terre de l'Ancien, et la magie de Glace de Rintarou. Ce dernier profita de la forge pour créer un support pour le cristal, adapté au bâton, et grava le bâton de motifs adéquat en usant de sa magie pour lier le cristal au bois par le métal. Le bois ne pourrirait plus, car son cycle de vie était interrompu indéfiniment par la magie du cristal.
Rintarou, à cinquante ans, avait créé son bâton des Glaces. Il continua ses aventures avec, le chérissant comme la Glace elle-même.
Juuhiro remit le manuscrit dans le tiroir. Azuha était sans voix. Elle avait dans ses mains un bâton créé là d'où elle revenait. Elle porta sa main à la dent d'ours qu'elle portait autour du cou, et repensa à Brònn, au temps qu'elle a passé avec lui à apprendre l'Art de la Glace, l'Art de la Voix ..... le Troisième Art. Elle se promit de retourner le voir bientôt. Il n'était pas loin, à peine trois jours à cheval jusqu'à la Porte, et deux jours de plus à pied depuis le village.- Merci, mon oncle. J'en prendrai grand soin, mon oncle.Azuha s'inclina encore une fois. Juuhiro pouffa lui aussi une autre fois.- Il t'appartient à présent. Quant au nom, s'il en a eu un un jour, il n'est pas noté là, et on ne me l'a jamais dit.Azuha baissa la tête en guise de remerciement. Son oncle, s'il n'avait pas été utile avant son départ, avait rattrapé beaucoup de lacunes en moins de deux heures.
Azuha se demanda si lui trouver un nom tout de suite était une bonne idée, et décida que ce serait lui manquer de respect. Si un nom il aura, honnête celui-ci sera et il devra se faire au cours du temps, Elle ne pouvait pas décider sur le tas de l'appeler Brònn ou même Rintarou.
Azuha allait se lever quand son oncle la rappela.- Je te déconseille d'essayer d'utiliser ce bâton avant d'avoir la puissance nécessaire. Rappelle-toi. C'est la création d'un maître aguéri pour sa propre utilisation. Sois sûre d'entraîner ta magie avant d'en user.Azuha comprit et acquiesça. Elle n'était qu'une novice de quinze ans, malgré tout. Elle avait ce bâton en sa possession, mais l'utiliser serait hors de question tant qu'elle n'aura pas un niveau suffisant en magie.
L'heure se faisant tardive, les deux Kizuki se levèrent, et allèrent se coucher. Le jour suivant, Azuha irait visiter la ville, et surtout en profiter pour aller à la milice pour voir si un ancien coéquipier de son frère existait qui pourrait lui dire ce qui lui est réellement arrivé, et si possible aller voir le champ de bataille où il est tombé. Après quoi elle irait honorer son père et son frère au bochi._________________
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  Couleur : #88bbee Joueur : Oddwel
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