L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 31 Jan 2016 15:22 
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[Mizubaba]

La chaleur est étouffante dans la petite chambre attenante au laboratoire de Mizubaba. D'une dizaine de mètres carré, l'ameublement est sommaire mais raffiné. Une table d'écriture basse de bois sombre, un nécessaire à calligraphie de nacre ainsi que quelques herbiers rangés dans une petite bibliothèque sont accolés au côté droit de la pièce. Un lit bas et son matelas de plume ainsi qu'une tablette laquée sur laquelle repose une lampe à huile sont accolés au côté gauche.

Au début, la semi-elfe avait été très heureuse de ses nouveaux appartements et de ce luxe qui lui était inconnu. Même s'il n'y avait pas de fenêtre, la porte coulissante qui faisait face à l'entrée donnait sur le jardin privé de Mizubaba. Ainsi, avait-elle pensé au début, elle pourrait profiter de la fraicheur relative de l'espace vert et même observer les plants pour parfaire son apprentissage.
Malheureusement, après deux semaines, elle déchanta vite. Mizubaba recevait régulièrement chez elle et Lachesis n'était pas autorisée à être présente. Pire, elle devait faire comme si elle n'existait pas et étudier, toutes portes fermées, dans ses appartements.

Les jours sont monotones :
Le matin, elle travaille dans le laboratoire. Elle apprend la maîtrise des ingrédients et ustensiles ainsi qu'à déchiffrer les codes personnels de Mizubaba. Elle qui peine depuis plus de vingt ans à élucider les mystères qui entourent les carnets de feu Kaede, découvre aujourd'hui qu'ils ne sont rien en comparaison de la paranoïa de Mizubaba.
L'après-midi, elle fait des exercices en silence dans sa chambre pendant que Mizubaba fait commerce.

Aujourd'hui néanmoins, la révolte gronde. C'est la grève.
Si l'étude la passionne, Lachesis n'est pas habituée à l'enfermement. Certes elle a connu la réclusion, volontaire de surcroit, durant la première moité de sa vie. Mais lorsqu'elle s'est enfuie de son village, elle s'est juré qu'elle ne serait plus jamais prisonnière. La vie de voyage et d'expériences de terrain est celle qu'elle a choisi. Si s'installer pour un temps à Oranan ne la dérange pas, l'oisiveté lui est insupportable. Cette chambre est une prison.
Elle a été patiente, faisant confiance à Mizubaba. Par respect pour l'enseignante, elle n'a pas protesté, jugeant qu'elle n'était pas en position de le faire. Mizubaba lui fait un cadeau en prenant le temps de s'occuper d'elle. Mais pourquoi l'enfermer ainsi ?

(Je ne comprends pas Mizubaba. Oui, elle m'apprend des choses, elle m'enseigne l'art des plantes et des racines, de la concoction de baumes, d'onguents, de poudres. Peut-être même de potions bientôt. Mais toutes les personnes qui m'ont prise sous leur aile jusqu'à aujourd'hui, que ce soit pour quelques jours ou quelques semaines, m'ont toujours dit que l'on n'apprend pas mieux que confronté au mal en lui-même. Sur le terrain, en voyant les soins pratiqués et même en les pratiquant sois-même, sous bonne garde.
Où veut-elle en venir ?)


Alors, tel un lézard sur son rocher en pleine cagnasse, allongée sur son matelas de luxe, Lachesis cuit.

« Que fais-tu ? »

Une voix fluette s'élève de l'entrée de la chambre, dont la porte a coulissé sans bruit. Amorphe, Lachesis tourne lentement la tête, contemplant l'enfant au regard sévère vient se poster devant son lit, à hauteur de son visage. Telle une poupée, la fillette arbore des joues rondes et roses, mises en valeur par la nacre du peigne qui orne sa chevelure relevée en chignon tressé. Mizubaba a encore changé d'âge.
Malgré sa juvénile apparence, sa colère n'en est pas moins glaçante. Du moins glacerait-elle les sangs de Lachesis si elle en avait quelque chose à faire.

« Je me révolte. » Ânonne t-elle.
« Voyez-vous ça ! Et contre quoi te révoltes-tu jeune homme ? »
« Premièrement, contre le fait que vous refusiez de reconnaitre ma féminité. » Ce à quoi Mizubaba répond par un reniflement méprisant. « Ensuite car je refuse de rester enfermée une seconde de plus. Déjà parce qu'il fait chaud, puis parce que ce n'est pas ainsi que j'envisage ma formation. »

L'œil de l'enfant s'éclaire d'une lueur malicieuse. Retirant son peigne, elle commence à se transformer en la vraie Mizubaba, au corps d'arc de guerre. Le vêtement d'enfant, trop court, frôle l'indécence. Mais Lachesis est maintenant habituée aux frivolités de son enseignante et ne s'en émeut plus.

« Que souhaites-tu donc, petit héron ? »
Se relevant enfin, Lachesis se surprend à crier.
« Je veux sortir ! Voir les patients, si ce n'est pour mettre en pratique vos enseignements, ne serais-ce que pour vous observer ! Aller sur le terrain, bouger, n'importe quoi ! Je refuse de rester dans cette prison de chambre une minute de plus ! »
« Il me semblait pourtant que l'immobilisme était ton état naturel, joli cœur. »
Face à l'incompréhension de Lachesis, Mizubaba rit de façon grandiloquente.
« Ainsi, tu n'es pas satisfait de ta situation. Et ton moyen de me le faire savoir est de ne rien dire et de rester immobile, tel un héron paresseux ? »
Soufflée, Lachesis fixe le visage rieur de Mizubaba.
« Ne te méprends pas, mon mignon, le héron est un animal noble que je respecte. Simplement, son immobilité n'est utile qu'à lui, pour la chasse. Pour un humain, être aussi inactif est mauvais pour le corps mais aussi pour l'esprit. Toi qui as tant voyagé, tu devrais le savoir. »
Taquinant Lachesis du bout du pied, Mizubaba révèle des choses qui devraient rester cachées, provoquant un mouvement de recul chez son élève.
« Un guérisseur ne peut pas se permettre de rester passif. Aussi bien pour sa survie que pour celle de ses patients. Tu as parcourru les terres d'Ynorie mais ne sembles pourtant pas l'avoir compris. Depuis notre rencontre en face à face, tu t'es montré silencieux, béat et tu as eu la facheuse tendance de prendre constament racine. Si tu souhaites emprunter la même route que moi, si tu souhaites réparer des corps et sauver des vies, tu dois AGIR. »

Hésitante, Lachesis se lève, faisant face à son adversaire. Mizubaba pose ses mains sur ses hanches, le regard plongé dans celui de la semi-elfe, l'expression revêche.

« Ainsi, tout ça était un... test, une leçon ? »
Mizubaba ne répond rien.
« Vous essayez de me dire que depuis deux semaines, vous attendiez simplement que je réagisse ? Que je vous désobéisse ? »
« Désobéir est une bonne chose. Agir, tout simplement, est la meilleure des options. Si un jour un riche patient t'ordonne à toi, le guérisseur, d'opérer un acte dont tu sais qu'il n'est pas le bon, resteras-tu passif par crainte des représailles, au mépris de la survie du patient ? Si tu te retrouves à devoir soigner des guerriers Ynoriens sur un champ de bataille, encerclé par des orques belliqueux, prendras-tu racines, le temps que la tempête passe, pendant que tes patients se vident de leur sang ? »

Les secondes s'écoulent pendant que Lachesis, yeux baissés s’imprègne de la leçon qu'elle vient de recevoir.
Mizubaba ne se charge pas seulement de sa formation de guérisseuse. Elle a pris sur elle de lui apprendre la vie. De faire d'elle une personne instruite, oui, mais surtout une adulte qui saura affronter les difficultés du chemin qu'elle s'est choisi.

Enfin, elle répond :
« Plus jamais ne m'appellerez-vous petit héron. »
Un sourire satisfait sur les lèvres, Mizubaba sort de la chambre et, avant que la porte ne soit close lance :
« J'y compte bien... mon mignon. »
Puis éclate de rire en entendant le feulement de rage de Lachesis.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 31 Jan 2016 20:04 
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[Petit héron]

L'enfant hurle, le corps recouvert d'une sueur poisseuse et puante. Malgré sa frêle carrure, il contraint Lachesis à peser de tout son poids pour le maintenir relativement immobile. Son côté gauche est rouge et gonflé. Un pustule purulent marbre ses côtes. Le pus jaunâtre est visible, la peau en regorge, les bords de la protubérance sont noirâtres autour de ce flot impur. Une vieillarde sèche, au visage plein de replis et au nez énorme orné d'une verrue mange ses mots rageurs.

« Paysans débiles, pourquoi qu'y m'ont pas faite venir avant hein ? J'aurais pu le soigner sans douleur et bien plus facilement après qu'y ait été piqué ! Mais nan ! Fallait qu'y z'attendent. Ch'parie qu'ils y ont rebattu les oreilles avec des 'Ça va passer, fais pas le bébé' à c'pauv' gosse. »

Apparemment, le peigne de Mizubaba est bien plus puissant qu'elle a bien voulu le dire. Lui permettant de modifier bien plus que son âge. Ou alors, elle a beaucoup plus d'artefacts et tours dans son sac qu'elle ne l'admet.

« Tu es prêt, petit ? »
Pendant une seconde, Lachesis croit que la guérisseuse s'adresse à l'enfant avant de réaliser que ces mots lui sont destinés. Serrant les dents, sachant ce qui arrive, elle fixe Mizubaba et opine du chef, l'air résolu.

Attrapant de petites feuilles séchées de couleur de terre, Mizubaba en fiche une grosse poignée dans sa bouche et commence à mâcher, l'air rageur mais concentré. Crachant, elle malaxe un peu la pâte ainsi obtenue. Puis, elle applique le cataplasme peu ragoutant sur le bout du pustule prêt à exploser. Les yeux exorbités, l'enfant tente de hurler mais la douleur est telle que son visage se fige dans un masque qui aurait pu sembler comique si la situation n'était pas aussi tragique, totalement muet. Son corps tendu se bloque quelques secondes et le malade retombe, inconscient.
Le remède drainant agit rapidement, des flots visqueux et encore plus odorants que le corps du gamin s'écoulent dans la bassine préparée à l'avance.

« Aurons-nous assez du remède ? » s'inquiète Lachesis, la voix rendue tremblante par la fatigue.
« Oui, maint'nant que la croûte de pus est rompue, le poison va s'écouler un moment et on en mâchera encore un peu pour finir le boulot. C'pas possible d'en arriver là. Même si je sors la saleté, c'pas dit qu'il survive. Son corps a trop subit. »

Lachesis se met tout de suite au travail. Pressant une grande quantité de kimflies, de petites baies aux fortes capacités nourrissantes, elle en récupère le jus, qu'elle chauffe à l'aide de la flamme d'une bougie. Elle retire ensuite la pulpe de sa membrane de peau, qu'elle émulsionne dans le liquide chaud pour créer une mousse légère qu'elle assaisonne de poudre de cheveux de Gaïa. Ainsi, Mizubaba et elle espèrent redonner des forces à l'enfant tout en le vidant des restes de venin ayant provoqué le pustule géant.
Le bruit du pus s'écoulant de la plaie béante est encore plus vomitif que son odeur. On croirait entendre la pisse matinale d'un homme, d'après l'enseignante. Qu'autant d'impureté ait pu se loger sous cette peau si délicate d'enfant dépasse l'entendement de la semi-elfe. Enfin, le flot se tarit et Mizubaba redépose du cataplasme, un peu plus en profondeur, pour faire sortir les restes d'infection.

Lorsque les doigts noueux triturent ses chairs à vif, l'enfant s'éveille à nouveau, visiblement soulagé mais toujours en souffrance. Il gaspille ses faibles forces à pleurer en appelant sa mère.
Posant une main apaisante sur le front du garçonnet, Lachesis lui chuchote des mots tendres en le poussant à boire la concoction qu'elle lui a préparée. D'abord réticent, il boit ensuite avidement. Le goût des baies ayant rendu supportable la saveur des cheveux de Gaïa, souvent décrite comme repoussante.

« Maintenant, le pire commence. »
Sur ces mots peu encourageants, Mizubaba souffle une poudre argentée très fine sous le nez de son patient qui venait de finir sa boisson. Il s'endort instantanément.

« Que faites-vous ? » s'écrie Lachesis, au bord de l'hystérie.
« Faut faire sortir les œufs. »

C'en est trop pour Lachesis qui vomit dans la bassine de pus, ajoutant encore au fumet ambiant. Faisant comme si de rien n'était, Mizubaba continue son explication.

« La créature qui l'a piqué, c't'une Arachnar. Une araignée grosse comme ma tête qu'a un dard au lieu d'mandibules. » Mimant des mandibules, elle jauge Lachesis, guettant ses réactions à venir. « Quand elle t'pique, elle te met du v'nin dans la carcasse pis y'a un tuyau qui te met des œufs qui grandissent. Y poussent dans ta chair et le pus c'est leur cocon. Quand la blessure est jeune, les œufs y sortent avec l'infection. Mais là, y z'ont pris racines. Sont presque à point. »

Elle sort alors une raclette minuscule de sa besace, qu'elle désinfecte avec un filet d'alcool.
« On va devoir bosser d'concert. Je peux pas faire autrement, qu'd'arracher les œufs en faisant attention d'pas les casser. Z'ont grossi, ce s'ra pas TROP difficile. Par contre, ça va l'blesser. Prends les feuilles de Snaria. Quand j'enlève une grappe, t'appliques la feuille pour qu'il saigne pas à mort. Oublie pas, la Snaria, c'le côté rugueux pour arrêter les saign'ments. »

Tremblante, Lachesis s'empare d'un bouquet de feuilles. Veillant à ne pas utiliser la main qui tient l'ustensile propre, Mizubaba rapproche la bougie de sa main gauche. La plaie est immense pour un si petit corps mais la surface de travail reste réduite. Positionnant l'enfant sur le flanc sain pour faciliter leurs démarche, Lachesis se tient prête.

Alors, le manège commence. Maintenant qu'elle les cherche, Lachesis voit les petits œufs écarlates, accrochés à leur hôte par des filaments blancs. Ils seraient difficile à repérer pour des non initiés mais les deux femmes savent relativement ce qu'elles font. Surtout Mizubaba. Dix grappes d'une dizaine d'œufs palpitent. Rapidement, Mizubaba racle, Lachesis applique ses feuilles, qu'elle change lorsqu'elles sont trop imbibées.
En cinq minutes, le tour est joué. D'un ton las, Mizubaba félicite Lachesis pour son bon travail.

« Bien joué. On dirait que le p'tit héron s'est envolé. J'vais aller prévenir la famille et m'occuper d'cette bassine. Pus et œufs d'Arachnar. J'aurais pu en faire que'quchose si t'avais point vomis dedans, t'sais ? »

Honteuse et fière à la fois, Lachesis enduit des feuilles de Snaria de mélange d'eau et des restes de cheveux de Gaïa puis pince les bords de la plaie de son patient pour y déposer les pansements qui permettront une cicatrisation rapide.
Quelle chance ont-elles d'avoir cette plante ! Non seulement vient-elle d'Imiftil mais encore est-elle très peu connue même des guérisseurs expérimentés ! Très étrange la Snaria. Le côté rugueux active la cicatrisation et stoppe les saignements importants. Le côté lisse par contre, hâte les saignements. Si cette surface peut être pratique pour saigner les personnes au sang corrompu, sur des blessés graves elle peut être fatale.

Lachesis, à qui le soulagement avait redonné quelques couleurs sent son visage blêmir et l'envie de vomir la reprendre. Elle a commis une erreur irréparable. Elle a appliqué sa Snaria dans le mauvais sens, vidant son patient de sa précieuse substance vitale. Le corps est froid et il semble ne plus respirer. Le sol est couvert de son sang chaud, chose que Lachesis, dans l'obscurité et la moiteur ambiantes n'avait pas remarqué jusqu'à présent.

Trébuchant et pleurant, elle se précipite sur la porte, l'ouvrant violemment et criant le nom de Mizubaba dans la nuit. Mais la silhouette courbée de la vieillarde n'est visible nulle part. L'air de la nuit d'été semble glacial en comparaison de cette chambre de malade.
Retournant près du lit, la semi-elfe prend le petit visage blanc comme la mort entre ses mains en sanglotant. Farfouillant dans la besace de la guérisseuse, elle ne trouve rien qui pourrait l'aider. Un bruit sourd envahit son crâne. Sa tête lui donne l'impression d'être enserrée dans un étau d'acier. En hyperventilation, toutes les couleurs lui semblent criarde et en même temps lointaines. Tentant désespérément de réparer son erreur, elle presse le bon côté de la Snaria sur le corps apparemment sans vie de ce garçonnet qu'elle pensait avoir sauvé. Malheureusement, elles sont bien trop imbibée pour pouvoir agir et elle n'en a plus de fraiche.

(Oh, Gaïa, GAÏA ! Je vous en prie ! Ne le laissez pas mourir par ma faute ! Ne me laissez pas le tuer. Je vous en supplie !)

Des fourmillements parcourent les mains crispées de la semi-elfe. Elle voit avec stupéfaction son propre sang, entremêlé de filaments d'un blanc pur pénétrer le corps de l'enfant qui peu à peu reprend vie. Le flux vital de Lachesis vient remplacer celui manquant du malade tendis que les filaments recousent la plaie qui bientôt disparait, laissant place à une surface rose vif douce.

Soudain vidée de ses dernières forces, Lachesis, après avoir murmuré un « Merci. » inaudible à la déesse lorsque le malade rouvre des yeux hébétés, perd conscience.

(((Pour moi, Lachesis vient tout simplement d'utiliser pour la première fois le Souffle de Gaïa. Mais si le fait qu'une transfusion sanguine s'opère en fait un sort différent trop puissant pour mon personnage, je me range volontiers du côté des MJ.)))

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Lun 1 Fév 2016 12:07 
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[Prière à Gaïa]

Lachesis entrouvre les yeux pour les refermer aussi sec. La lumière lui provoque une vive douleur au crâne.

« Bois, tu es déshydraté. »

Une main chaude lui soulève la tête, aggravant les tiraillements douloureux qui pulsent sous les sourcils de la semi-elfe. Le liquide tiède a un goût épicé. Il doit certainement être enrichi de plantes médicinales car le soulagement est immédiat.

Relevant les paupières, Lachesis se rend compte qu'elle est dans sa chambre, allongée dans son lit. Mizubaba la surplombe, ressemblant cette fois-ci à une femme boulotte, aux cheveux parsemés de boucles artificielles alambiquées et décorés de fleurs ridicules en papier. Une vielle fille trop coquette.

« Votre apparence a encore changé. »
« Je t'ai déjà dit que l'apparence n'a aucune importance, petit homme. »

Lachesis réalise seulement maintenant à quel point la voix au fausset artificiel est irritante.

« Le garçon a survécu. Mais tu t'en doutais déjà, non ? »
« Je crois l'avoir vu se réveiller mais je n'en étais pas certaine. »

Son enseignante est en train de farfouiller sur la table d'écriture de la semi-elfe, étrangement emplie de livres et parchemins divers et inconnus.

« Si tu souhaites continuer sur la voie des guérisseurs, tu te dois d'en apprendre le plus possible sur les plantes et herbes mais aussi sur la faune de notre monde. Identifier les morsures et blessures est important mais saches aussi que certaines glandes animales peuvent s'avérer des ingrédients très utiles. Je t'ai préparé de quoi étudier. »

Soudainement, Mizubaba soulève un lourd ouvrage qu'elle fait retomber violemment sur la table, provoquant un vacarme qui fait palpiter de surprise le cœur de Lachesis. Se retournant vers son élève, la femme semble excitée mais aussi exaspérée par son apprentie.

« Tu as le fluide en toi, pourquoi ne me l'as tu pas dit !? »
« Je n'étais pas au courant, il n'est apparu que tout à l'heure... Et je ne sais même pas ce que ça signifie exactement. »
Les yeux fiévreux, Mizubaba s'agenouille aux pieds du lit de Lachesis, qui s'est assise en tailleur sur sa couche.
« Non, le fluide, tu nais avec ou tu en consommes, il n'apparaît pas comme ça. » Pour souligner ses propos, Mizubaba claque des doigts sous le nez d'une Lachesis médusés. « Tu ne t'en étais jamais servi ? Tu ne l'as jamais sentie en toi ? La force de Gaïa ? »
« Non, jamais ! Je ne comprends toujours pas ce qu'il s'est passé exactement. »
« Je suppose que c'est parce que tu n'en as jamais eu réellement besoin. »
Lachesis ne répond pas. Elle sent son humeur, enjouée bien que ternie par son épuisement jusqu'à présent, retomber comme un pain sans levure. Sentant le malaise, Mizubaba lui jette un regard intrigué mais ne semble pas oser approfondir le sujet.
« Repose-toi durant quelques jours, mon mignon. L'exploit que tu as accompli t'a vidé de tes forces, tu y es allé un peu fort. Gaïa doit vraiment tenir à toi, tu étais aux portes de la mort mais elle t'a sauvé. »
Opinant du chef, Lachesis se laisse tomber sur sa couche pendant que Mizubaba referme la porte derrière elle, non sans lui avoir adressé une dernière œillade circonspecte.

Les bras en croix, la jeune fille observe le plafond, sachant pertinemment qu'elle n'arrivera jamais à dormir. Durant quelques minutes, elle reprend ses vieilles habitudes de ''petit héron'' que Mizubaba déteste. Sans réellement penser à rien, elle laisse juste le temps s'écouler, au rythme du courant d'air qui vient de la porte menant au jardin privé. L'air frais brasse les courants chauds, comme des vagues qui s'écrasent sur la berge. Le corps androgyne de la semi-elfe est emporté et Lachesis imagine que ces courants font valser le sang et le fluide qui l'habitent. Son imagination est si forte, quelle pourrait presque sentir son lit flotter dans le vide. Elle entend même son cœur propulser son sang contre son tympan, de la même manière qu'on peut entendre l'eau se briser contre la roche lorsque notre tête est immergée.
Les livres répartis sur son bureau l'intriguent mais Lachesis n'a pas envie d'étudier. Elle n'a envie de rien et ne comprend pas pourquoi. Ses membres lourds comme le plomb, elle se traine néanmoins hors de son lit. Elle ne veut pas se laisser aller à régresser. Rester inactive et immobile. Même si elle ne se sent pas bien, elle doit continuer de travailler sur elle-même, comme Mizubaba le lui a appris.

Le jardin privatif est magnifique. Reprenant des motifs des jardins Orananiens classiques, il est pourtant composé de plantes locales ou rares aux vertus curatives que l'on ne trouverait normalement pas dans un simple jardin décoratif. Les parfums sont entêtants mais ne prennent pas à la gorge pour autant. Faisant attention à n'abîmer aucune pousse, Lachesis s'assied dans l'herbe pour méditer un peu sur son état d'esprit.

(Pourquoi suis-je dans cet état ?)

Alors qu'elle se concentre sur son propre corps, Lachesis sent d'autant plus la présence du fluide parcourant ses veines. Ce fluide dont elle n'a réalisé la présence que tout récemment. Il semble tourbillonner dans son être, avançant à la fois de concert mais aussi contre le mouvement de son sang. A la fois soumis à elle mais aussi animé d'une volonté propre.
Alors, Lachesis le questionne, l'interroge. Elle le teste, essayant de maîtriser ses mouvements. Poussant sa volonté, elle le contraint à se réunir en un seul lieu, au centre de sa poitrine. Réticente, cette puissance éthérée tente de lui échapper et de se réfugier dans des recoins reculés du corps et de la conscience de l'apprentie. Mais, à force de patience, celle-ci réussit tant bien que mal à la soumettre. Chaleureuse et sauvage, la force qui lui a été offerte par Gaïa bouillonne, forcée dans cet espace trop compact. Alors, profitant d'un moment de relâchement de la part de la semi-elfe, elle explose, s'étendant à l'infini dans un mugissement silencieux avant de se rétracter dans le corps de Lachesis et de reprendre ses mouvements effrénés.

Tombée à la renverse sous l'impulsion magique, Lachesis reste allongée sur le manteau vert du jardin, des brins d'herbe lui chatouillant les narines, les bras en croix. Il semblerait que la magie de Lachesis ait provoqué la pousse rapide de quelques plantes l'entourant mais elle n'a pas envie de s'émerveiller.

« Je suppose que c'est parce que tu n'en as jamais eu réellement besoin. »

Cette phrase de Mizubaba prend maintenant tout son sens dans l'esprit de Lachesis. Si, elle a déjà eu besoin de sa magie par le passé. De son fluide qui a, semble t-il, toujours été là. Patient. Elle en a eu besoin pour sauver sa mère adoptive, Kaede, morte à cause d'elle, lapidée par une foule en furie. Mais le fluide n'a pas bougé ce jour là. Gaïa n'a pas jugé digne de sauver la vie d'une femme qui avait dédié la sienne à soigner et apaiser les autres. D'une femme qui avait répandu la douceur de Gaïa durant plus de quatre-vingts ans. Lachesis aurait pu sauver Kaede ce jour là, elle avait la magie en elle. Elle était jeune durant l'attaque, et si sauver un enfant aujourd'hui lui avait presque coûté la vie, aucun doute qu'en ce temps là, elle en serait morte sur le coup. Mais elle se serait volontiers sacrifiée pour Kaede. Elle l'avait même souhaité ! Mourir à sa place ! Elle l'avait désiré du plus profond de son être !
Mais la déesse n'avait pas entendues ses prières, elle avait préservé Lachesis aux dépends de Kaede. Choisi une semi-elfe bâtarde dont personne ne voulait, qui n'avait rien à offrir au monde, aucune valeur, plutôt qu'une sainte femme qui donnait sans rien réclamer en retour.

Alors, les bras repliés sur ses yeux, entourée d'une végétation insensible rendue luxuriante par magie, Lachesis pleure, silencieusement.

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 Sujet du message: Azuha - Livre Premier - Chapitre Troisième
MessagePosté: Jeu 3 Mar 2016 03:15 
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Azuha poussa le portail et entra dans le domaine.

- Regardez donc qui voilà ! s'exclama la mère d'Akiko en la voyant entrer.

Azuha allait répondre, mais Akiko avait déjà couru la prendre dans ses bras.

- Azuha !! s'écria-t-elle lorsqu'elle s'emparra du corps de la borgne, lui faisant lacher tout ce qu'elle tenait dans ses mains. Tu es revenue !

Azuha sourit.

Elle avait mal partout. Elle avait envie de vomir. Elle avait la tête quelque part au dessus des nuages, sans dessus ni dessous. Elle avait les muscles et l'estomac en bouillie.

Elle avait passé les deux derniers jours dans le froid. Elle y serait restée si elle avait pu supporter Aliaénon. Combien de temps ? Une semaine ? Un mois ? Deux ans ? Peut-être y serait-elle morte.

L'idée l'effrayait. La simple pensée que, si ce monde ne l'avait pas rejetée, elle aurait pu y mourir sans avoir revu sa famille, la terrorisait. Elle avait agi avec une naïveté dont elle n'avait plus fait preuve depuis son premier départ — forcé ― d'Oranan. Elle avait retrouvé sa famille. Pourquoi la fuir aussi vite ?

Azuha pleurait.

Akiko la serra dans ses bras et l'emmena à l'intérieur, lançant au passage un regard à sa mère, la suppliant sûrement d'amener les affaires de sa cousine avec elle. La tante d'Azuha roula des yeux mais ne contraria pas sa fille et fit ce qu'elle put pour faire rentrer le bâton et le sac d'Azuha.

Akiko emmena Azuha dans la salle de bain, assurant avec véhémence à qui posait la question que "rien ne se passait" ou que "tout était sous contrôle". Azuha n'avait pas vraiment l'énergie de réagir, et un bon bain lui ferait du bien. Akiko commença à la déshabiller.

- Où étais-tu ? demandait-elle en lui enlevant sa tunique. On avait commencé à croire qu'on avait tous halluciné ton retour, l'autre jour.

Azuha ne répondit pas. À la fois par manque d'énergie, à la fois par envie. Sa mission était sensée être secrète. Ils avaient acheté son silence, confidentialité et compagnie. Elle ne savait pas combien de temps elle était partie. Elle ne pouvait pas imaginer de mensonge suffisamment efficace pour justifier n'importe quelle absence.

Akiko comprit le silence d'Azuha.
- T'as raison, on va d'abord te laver et t'habiller. Ensuite tu pourras dire ce que tu veux à qui tu veux.

Azuha était maintenant nue. Akiko l'assit sur le tabouret, puis remplit le seau d'eau dans la cuve et revint vers Azuha.
- Désolé, l'eau n'est pas chaude.
Elle versa le seau sur la tête d'Azuha. L'eau était fraîche. Étonnamment, pendant cet été chaud, l'eau de la cuve, lorsqu'elle n'était pas chauffée, restait fraîche. Azuha ferma l'oeil et laissa l'eau couler sur sa peau avec un sourire.

Elle sentit l'eau imprégner ses cheveux. Elle la sentit ruisseler sur son visage. Elle la sentit s'infiltrer dans sa peau. Elle la sentit courir le long de son dos et l'entendit pleuvoir sur le sol. Elle sentit une cascade plonger de son menton et s'écraser sur son sein pour former trois rivières ondulantes. Elle sentit son orbite vide s'innonder. Elle ouvrit la bouche et avala un peu de l'eau qui coulait.

- C'est pas trop froid ? demanda Akiko, la voix tremblante.

Azuha ouvrit son oeil et le dirigea vers sa cousine.
- C'est parfait. réussit-elle à dire avec une voix plus claire.

Akiko sourit et hocha la tête, puis prit le savon et commença à laver le dos de sa cousine.

- Ça doit être dur. dit-elle après un petit temps.
Azuha tourna la tête pour la voir du coin de l'oeil. Elle affichait un visage sérieux et en pleine réflexion.
- Quoi donc ? interrogea Azuha.

- Revenir à Oranan. Tu nous as raconté avoir été esclave, avoir grandi avec des loups dans la montagne... pendant six ans. Maintenant tu reviens, et ils s'inquiètent seulement de ton éducation.

Azuha était curieuse, elle n'avait pas vraiment pensé au côté Oranien de cette histoire.

- Tu as raté neuf ans d'éducation Ynorienne, d'accord. Tu ne sais pas cuisiner, tu ne sais pas nettoyer, tu ne sais pas gérer un homme fatigué, d'accord. Et trois ans, c'est court, pour apprendre tout ça, d'accord.

Akiko se mit à dandiner son corps en faisant une grimace, et changea sa voix pour imiter celle d'une vieille femme.
- "Elle doit être mariable à ses dix-huit ans !" Mariable, ouais. Parce que c'est la chose importante dans la vie d'une femme. Être "mariable"...

"Mariage". Encore une idée qui effrayait Azuha. Passer sa vie avec un homme, dans une maison, à faire la cuisine et lui faire des enfants... Elle avait soudainement envie de retourner à Aliaénon.

- Tu m'étonnes que tu repartes en courant. Vivre dans une cage, puis dans la liberté de la montagne, et revenir dans une cage...

Azuha gloussa à l'ironie de la situation. Une femme ynorienne était finalement un autre genre d'esclave.

- Tu veux t'échapper, Aki ? demanda-t-elle à sa cousine qui commençait à s'énerver toute seule — et à insister un peu trop avec le savon sur son dos.

Akiko reposa le savon, alla rechercher de l'eau, et reversa un seau sur le dos d'Azuha.

- Oui. répondit-elle avec assurance. Emmène-moi avec toi.

- T'emmener ? s'étonna Azuha. Où ?

- N'importe où !

Elle s'agenouilla derrière Azuha et enlaça le ventre de sa cousine.

- Emmène-moi loin d'ici.

Akiko pleurait.

- Emmène-moi loin de lui.

Azuha leva le sourcil. "Lui" ?

- Qui ?

- Mon fiancé...

Azuha se retourna sur le tabouret et regarda Akiko dans les yeux.

- Raconte-moi tout.

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 Sujet du message: Azuha - Livre Premier - Chapitre Troisième
MessagePosté: Jeu 3 Mar 2016 19:01 
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Akiko s'essuya les yeux avec ses bras, renifla, et hocha la tête.

- L'ainé Minami. Katsuro. Vingt-deux ans, potier très doué. Il a déjà sa propre boutique ; il a de l'argent. Beaucoup d'argent. Le clan bénéficierait énormément d'une union avec lui. Le sien, d'ailleurs, n'y gagnerait rien. Il me trouve jolie j'ai de la chance. Je me disais ça, jusqu'à ce que je le rencontre. En tête à tête.

Des larmes remontèrent aux yeux d'Akiko. Azuha, inquiète, vira le tabouret d'un coup de pied et s'agenouilla face à sa cousine.

- Qu'est-ce qu'il a fait ?

Akiko ouvrit la bouche. Aucun son ne sortit. Ses yeux s'innondaient. Elle ne dit rien. Elle ne put rien dire. Azuha regardait sa cousine d'un oeil de plus en plus tendre. Akiko, après un temps, déboutonna le col de sa tunique trempée et dénuda son cou. Ce qu'Azuha vit fit ressurgir de très mauvais souvenirs.

- Cet homme est mort. dit-elle froidement en se levant.

Akiko éclata en sanglot en tendant les bras pour attraper sa cousine.
- NON !

Azuha s'accroupit, prit le visage d'Akiko entre ses mains et le tint face au sien, regardant dans les yeux de sa cousine. Celle-ci ferma les yeux en pleurant, la bouche tordue comme une branche d'arbre.

- Akiko. Regarde moi. dit doucement Azuha.

Akiko insista encore plus sur ses paupières pour les garder closes.

- Akiko !! s'écria Azuha en secouant légèrement la tête de sa cousine.

Sous la surprise, Akiko ouvrit les yeux.

- Regarde moi dans l'oeil, et dis-moiNON !DIS-MOI que cet homme mérite de vivre.

Les yeux d'Akiko voyagèrent sur le visage d'Azuha et s'attardèrent sur son orbite vide. Ses larmes se séchèrent, sa respiration ralentit, ses lèvres s'applatirent. Elle était calmée.

- Cet homme... commença Akiko, ne mérite pas de mourir. La mort est trop douce.

Son regard était planté dans l'oeil absent d'Azuha.

- Il doit souffrir.

Elle reporta son regard sur l'oeil vif d'Azuha et la fixa du regard, confiante. Elle ne pleurait plus.

- Aide-moi à briser ma cage, Azuha.

Azuha soutint le regard de sa cousine. Elle pensait à de nombreux moyens de faire souffrir un homme. Tous mijotés depuis ses années sur la route. Akiko n'avait pas souffert comme elle-même avait souffert, mais si rien ne changeait, ce n'était qu'une question de temps. Il fallait agir.

- Je vais t'aider, Aki. Je vais t'aider.

Akiko sourit.

Azuha sourit.

Les deux cousines s'enlacèrent.

- Déshabille-toi, chuchota Azuha, tu es toute trempée.

Akiko hocha la tête, et les deux jeunes femmes se lavèrent et prirent un bain ensemble, en silence.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 15 Mai 2016 12:54 
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L’homme acquiesça aux paroles de Hild, les mains tremblantes et les yeux rougis. Il semblait tout faire pour maîtriser ses larmes devant la milicienne, mais il était évident qu’il était ravagé. Il fit signe à Hild de s’asseoir sur un petit tabouret qui se trouvait devant lui, avant de répondre à ses questions.

- Je ne sais pas… Ma petite Tsuna était si joyeuse, si pleine de vie… Elle avait l’habitude de toujours prendre soin des plus pauvres que nous, ma petite fille. Tout le monde l’aimait, ici…

Il se tut et sembla se perdre un instant dans ses pensées, ou peut-être était-il simplement incapable de poursuivre. Il reprit finalement la parole.

- Ces dernières semaines, ma petite rentrait peut-être un peu plus tard que d’habitude, mais elle me disait que ce n’était rien et qu’elle ne faisait qu’aider notre pauvre ville pour la porter vers des jours meilleurs. Mais elle n’a jamais voulu me dire ce qu’elle faisait… Je pensais que ce n’était rien, mais peut-être que j’aurais pu… que j’aurais dû…

L’homme se tut, le corps parcouru de soubresauts et des remords manifestes sur le visage.


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 7 Juin 2016 12:07 
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Hild s'assit sur le tabouret que lui indiquait le père de la défunte.
Tandis qu'elle écoutait attentivement les dires du vieil homme, la milicienne inspectait les réactions étranges de son interlocuteur. Des sursauts, des gémissements, des mains mointes dont les doigts cornés par le travail du cuir se tortillaient entre eux, des yeux sombres et humides... Tous ces signes témoignaient le profond désespoir du tanneur. Ne sachant pas réagir face à ce tragique spectacle, Hild préféra se taire et laissé le temps au père de Tsuna de donner les informations dont elle avait besoin.

Selon les dires du tanneur, la jeune Tsuna était l'incarnation de la bonté et de la bienveillance envers les plus démunis. ( Il existe encore des gens comme ça ? ) Cette information étonna l'enquêtrice, mais elle ne douta pas de la sincérité de la défunte dans ses actions de charité, aux vues de son ancien lieu de vie.
Mais cette charité avait aveuglé le vieil homme qui plaçait alors trop de confiance en sa fille. Tsuna aurait donc, selon lui, des activités nocturnes inhabituelles mais celles ci respecteraient les principes de la demoiselle.
Face à cette information, Hild remît en question la pureté de la défunte et se demanda à quelles activités elle se donnait en secret. Encore trop de points étaient flous et l'affaire était loin d'être résolue.

Hild s'adressa alors au tanneur.

" Où se rendait votre fille lorsqu'elle voulait... porter la ville vers des jours meilleurs ? Y allait elle seule ? Cela dérangeait il certains ? "

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 10 Juin 2016 22:23 
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Le vieil homme releva des yeux embués vers Hild.

- Je… je ne sais pas. Elle me disait de ne pas m’en faire et que tout irait bien, pour nous, et pour les gens. Elle n’a jamais voulu me dire où elle allait… Mais… je crois qu’elle revenait de là-bas lorsqu’elle a… Lorsqu’elle a été… Elle a été retrouvée à six rues d’ici, vers le sud. C’est ce que les miliciens m’ont dit.

Il se tordait les mains.

- S’il vous plaît, trouvez qui a pu faire ça.


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 11 Juin 2016 11:46 
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La détresse du vieil homme était compréhensible mais commençait à mettre Hild mal à l'aise. Elle n'était pas doter d'une grande psychologie et ne savait pas comment réagir face à tant de désespoir.

La milicienne lui répondit simplement :

"Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour arrêter ce criminel. Croyez moi, je ne laisserais pas une telle abomination impunie. Si quoi que ce soit vous vient en mémoire pour aider l'enquête ou si vous vous sentez vous meme en insécurité, allez à la milice. Je vous tiendrais informer de l'évolution de mon enquête. Courage à vous."

L'enquêtrice pris alors congé et se dirigea vers le lieu du crime.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Dim 19 Juin 2016 15:57 
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Les pas de la jeune femme la menèrent plus loin encore dans le quartier pauvre d’Oranan. Ici, les membres de la milice n’étaient pas chose commune, aussi le passage de la jeune femme était accompagné de nombreux regards en coins. Les tanneurs cessaient de tanner, les blanchisseuses cessaient de blanchir pour la regarder passer. La raison de sa présence semblait être sur toutes les lèvres, bien qu’aucun n’osât le prononcer à haute voix.

Elle finit par arriver sur les lieux du crime. Il s’agissait d’une allée aussi obscure que déserte, dépourvue du moindre badaud et du moindre mendiant. Quelques portes donnaient sur l’allée, mais il semblait évident qu’elles n’étaient que rarement utilisées. A première vue, il n’y avait rien d’inhabituel ici, si ce n’était peut-être des tonnelets renversés et des traces de pas profondément enfoncées dans la fange. D’où elle était, à l’entrée de l’allée, Hild pouvait voir une trace noirâtre sur un mur, vers le centre de la ruelle.


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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 16 Aoû 2016 15:20 
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II-3 Un remède douloureux (suite 4)

Entre être emmené de force de la prison, à la salle du conseil en guenille et être escorté par deux soldats aux bras d’une semi-elfe en tenue traditionnelle, il y a une grande différence. Il est dommage que la fatigue ne puisse me laisser observer les réactions des habitants. Encore ce matin je me réveillais en prison et me voici dans un quartier chic. Je suis cependant scotché par la maîtrise qu’on les habitants d’Oranan pour ce qui touche à la végétation au sein de la ville. Les arbres et buissons sont ici taillés pour épouser les formes géométriques des habitations. Nous nous dirigeons vers une bâtisse plus petite que les autres, dont l’arche en guise d’entrée forme un croissant de lune et les pointes se dressent vers le ciel. Ici en revanche, la végétation prend le pas sur le bâtiment dans un sentiment d’abandon.

Les soldats nous laissent seuls et en entrant, l’intérieur confirme l’état extérieur de la maison. Tout est parfaitement rangé ici, mais il règne en ces lieux un air renfermé, comme si personne ne vivait ici depuis longtemps. Tout est fermé et obscure. Je me rappelle que Sylve, m’avait expliqué être plus souvent à l’extérieur qu’ici. La semi-elfe, me dépose sur un coussin pour aller ouvrir ses volets en bois. L’air rentre accompagné d’un flot de lumière, me permettant d’observer correctement les lieux. A gauche de l’entrée, une grande pièce ouverte donne sur un salon très sobre avec quelques fauteuils violets et à droite, une table carrée et avec quelques coussins répartis autour, où Sylve me laisse m’installer. Un peu plus loin dans la pièce, c’est la cuisine qui s’y trouve avec son ensemble de casserole et complètement à gauche contre le mur, un escalier mène à l’étage supérieur. Sur une estrade en bois au mur de droite, de nombreuses photos de famille y trônent. Je m’approche pour les observer et y voit une jeune fille blonde en compagnie d’un homme brun et d’une elfe blanche aux habits d’Oranan. La jeune femme vient me confirmer mes soupçons.

"Ce sont mes parents. Ma mère était enseignante et mon père était éclaireur comme moi, surveillant la forêt d’Yronie. C’est d’ailleurs lui qui m’a tout appris." M’explique Sylve en me rejoignant.

"Où être parents ?"

"Ils sont morts. Tué dans un raid shaakt, il y a longtemps." Me répond-elle timidement.

"« Ca » désolé. « Ca » pas comprendre, si parents morts par shaakts, pourquoi toi aider « ça » ?"

"Ma mère me disait souvent que les shaakts ne connaissaient que ce qu’on leur apprenait et qu’en leur laissant le choix ils pourraient être des alliés plutôt que des ennemis. C’est d’ailleurs elle qui a permis l’insertion des esclaves d’Omyre au sein d’Oranan."

"Mère elfe être bonne personne. Toi être fière elle."

"Ho je le suis, mais je n’aime pas être ici. Trop de souvenirs hantent ces lieux, c’est pourquoi je suis très souvent en mission. Bon je vais faire à manger assieds-toi."

Je sens dans ses mots une profonde tristesse et préfère ne pas en parler davantage. Je retourne à ma place pendant que Sylve se dirige vers la cuisine. Elle sort d’une trappe au sol quelques provisions et commence sa préparation. Au bout d’une petite demi-heure, où j’ai principalement piqué du nez, la semi-elfe me sert un bol avec une soupe à l’odeur alléchante.

"Comme je suis rarement ici, je n’ai pas grand-chose à manger. J’irai faire quelques courses pour notre départ."

(Oui c’est vrai, j’avais presque oublié le voyage jusqu’à une école de magie. On verra ça plus tard, pour le moment mangeons.)

La maîtresse de maison me tend des baguettes en bois. Il me faut qu’elle m’explique à plusieurs reprises pour que mon maniement soit presque correct, ou en tout cas suffisent pour me nourrir.

"Toi pas manger ?" Je lui demande quand mon ventre me permet de me focaliser sur autre chose que mon bol de soupe.

"Je te l’ai dit, je n’ai pas beaucoup de choses à manger ici. J’ai peu de provisions qui ne se périment pas. Je t’ai vu subir ces épreuves et je sais que tu as beaucoup souffert. J’irai chercher de quoi manger quand tu te reposeras."

"Lapin ?" Je lui demande, en me rappelant ce qu’elle est capable de cuisiner avec un maigre feu de forêt et des herbes aromatiques.

"Oui du lapin si tu veux." Me répond-elle en souriant avant de reprendre son sérieux. "Je ne sais pas comment tu as fait pour supporter toute cette souffrance. J’aimerais être aussi forte que toi, aussi forte que mes parents."

"« Ca » pas fort. « Ca » beaucoup souffrir, connaître douleur. Dernière épreuve difficile. Cauchemars, beaucoup peur. Mais « ça » pas être seul."

"Ha bon ? Qui était là ?" Me demande-elle intriguée en reprenant sa manie de poser beaucoup de questions.

"Quand « ça » être dans cauchemard, « ça » sentir main Sylve et rappeler mots. Sylve dire « ça » pouvoir être maître de « ça ». « Ca » pas pouvoir réussir sans Sylve." Je lui explique en soutenant son regard.

"Heu…je…je vais préparer ton lit." Me dit-elle en se précipitant vers l’étage en rougissant sous le compliment.

Je la regarde sans comprendre sa réaction, en me demandant ce que j’ai pu lui dire pour qu’elle réagisse ainsi. Je termine ma soupe et une fois que la semi-elfe redescend, elle me fait allonger sur le lit du haut avec la préparation du guérisseur.
L’étage du haut, plus petit que le rez-de-chaussée, donne sur trois pièces. La première semble être une salle pour la toilette. J’ai déjà vu ce genre de pièce chez ma maîtresse à Omyre, où elle aimait se laver. Les deux autres pièces sont des chambres et Sylve m’emmène dans la plus grande, avec une petite hésitation en entrant. Probablement celle de ses parents. Les lieux sont fraichement nettoyé, bien qu’un peu poussiéreux, mais je m’en moque. Quelques décorations qui me sont totalement étrangères sont présentes : des statues de dragons sur les coins de la pièce, opposés aux lits, des tissus avec des motifs étranges pendent du plafond et une sorte de commode avec quelques statuettes. La jeune femme, suivant mon regard, m’explique qu’il s’agit de porte bonheur. Elle me pose sur un lit, à peine au-dessus du sol. Ce dernier, même s’il semble être pour deux personnes, est aussi grand que quatre fois ma couche de paille à Omyre. Je la vois manipuler des objets ronds en verre avec une ouverture, qu’elle appelle ventouse. Elle imbibe un tissu dans un produit qu’elle brûle à l’intérieur et à mon grand soulagement, m’appose rapidement la ventouse en retirant le tissu enflammé. Elle réitère plusieurs fois la procédure, me laissant une bonne dizaine de ventouse en verre sur tout le corps. Au bout d’un laps de temps elle me les enlève et me laisse me reposer dans un lit. Un vrai lit et mon premier depuis longtemps.

III.1 Un réveil paisible.

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Dernière édition par Nhaundar le Mar 13 Déc 2016 15:43, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Ven 25 Nov 2016 16:33 
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Après quelques minutes de marche que, malgré les deux ans qui le séparaient de sa dernière vraie visite d'Oranan, Alistair effectua de manière instinctive, sans la moindre hésitation, il arriva à destination. C'était une grande maison traditionnelle, quelque peu excentrée des quartiers résidentiels et qui restait allumée toute la nuit. Et toutes les nuits. Sans hésitation, l'assassin entra à l'intérieur pour trouver une vaste pièce pratiquement vide ; seules deux femmes étaient présentes, discutant amicalement, assises en tailleur autour d'une bouteille de saké. Alistair les reconnut toutes les deux. D'abord il y avait Akane ; une trentaine d'années, des cheveux courts quoique très féminins, fumant la pipe et un sabre constamment pendu à la hanche, elle était la protectrice de ces lieux. Le voleur ne l'avait jamais vue combattre mais il avait entendu des rumeurs à son propos faisant état d'un talent hors du commun. Et si les Ynoriens n'étaient pas réputés pour être les plus trublions des Nirtimois, garder ces lieux sûrs seule depuis tant d'années relevait néanmoins de l'exploit. Ensuite venait Tsubame ; quarante ans passés mais toujours d'une grande beauté, elle portait une robe pêche à l'allure étonnamment Kendrane et les cheveux attachés derrière sa nuque dans un savant mélange de sophistication et de simplicité. Elle était la gérante des lieux. La mère maquerelle qui gérait les clients et s'occupait des prostituées comme de ses propres filles. Lorsqu'Alistair s'approcha, Tsubame se redressa pour l'accueillir.

« Bonsoir. Malheureusement, vous arrivez bien tard ; toutes nos filles sont occupées ou endormies. »

L'assassin soupira avant d'attraper sa bourse à sa ceinture. Il l'avait remplie de quelques poignées de pièces avant de partir de l'Auberge des Hommes Libres. De quelques poignées de pièces d'or, dont son sac était rempli à ras bord. Les récompenses pour son passage en Aliaénon avaient été nombreuses et généreuses, quoiqu'il aimait les voir comme des compensations pour ce qu'il avait perdu là-bas plutôt que comme cadeaux pour les services rendus.

« J'ai assez de yus pour les faire réveiller, je crois, » déclara-t-il simplement.
« Non, » rétorqua la maquerelle. « Ce n'est pas une question d'argent, je n'irai pas réveiller mes filles après une journée de dure labeur. »

Le voleur leva les yeux au ciel avant de continuer.

« Un jour tu m'as dit que coucher avec toi était hors de mes moyens, Tsubame, » fit-il en référence à une vieille conversation qu'ils avaient eu. « Je crois que j'ai assez de yus pour te faire reprendre du service. »

L'Ynorienne fronça les sourcils, observant le visage de son interlocuteur avec attention. Il était vrai qu'il avait grandement changé depuis son dernier passage, mais après quelques secondes le visage de la maquerelle s'illumina et un sourire apparut sur ses lèvres.

« Alistair ! Tu n'es plus très beau, mon pauvre ami. »

L'intéressé sourit à son tour.

« Longue histoire, » éluda-t-il simplement, mais elle le coupa.
« Laisse moi deviner... Aliaénon ? Ha, jamais je ne me serais doutée que tu étais ce Alistair maintenant si connu. »

L'assassin grimaça.

« Peu importe. Ca fait un an que je n'ai pas touché une femme, et tu es plus ou moins un vieux fantasme. »

Un nouveau sourire apparut sur le visage de l'Ynorienne, cette fois plus lubrique.

« Cela fait douze ans que je n'ai pas laissé un homme me toucher pour de l'argent, Alistair. Combien proposes-tu ? »
« Deux-cent-cinquante ? » rétorqua le voleur. C'était près de dix fois la solde habituelle d'une prostituée.
« Le double, » réclama la dénommée Tsubame. « Après tout, je suis plus ou moins un vieux fantasme. »

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 3 Déc 2016 16:17 
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Inspirer, expirer. Prendre sa respiration. Droite, Gauche, Droite Droite et Gauche. Une ouverture sur le flanc se profile, la lame fonce, précise et rapide. Touché.

- « Le dernier point est pour Hisaya ! Et l’héritière des Kusubarachi gagne par cinq à un ! » annonce l’arbitre.

Je respire, victorieuse, reprenant mon souffle, ma respiration haletante, mon front brillant sous la lumière du soleil filtrant par les panneaux du dojo. En avisant l’homme qui a osé me provoquer, je le gratifie d’un regard empli de haine.

- « La prochaine fois que tu me dis que je ne suis qu’une femme, les katanas ne seront pas en bois. »

- « Bien joué, Hisa-Kouhai. Tu t’améliores encore, c’est bien. Ojiisan serait fier de toi. » dit Yuki.

Entendre la voix de Yuki-Sempai me féliciter est un honneur, encore une fois. Il m’aide à m’améliorer, afin que face à mon grand-père tout cet entraînement ne soit pas vain.

- « Merci Sempai. » le remerciai-je.

Mais je ne suis pas dupe. Mon grand-père va encore me rabaisser plus bas que terre. Je le sais bien. Et il a bien de la chance de l’ignorer, comme tous ceux de l’extérieur. Ceux qui ne font pas partie de la Maison Kusubarachi.

Je pars donc enlever donc mes vêtements d’entraînement, l’armure n’étant tolérée que pour les hommes de la famille. Les hommes. Rien que le mot me donne envie de rire à gorge déployée. La majorité d’entre eux sont orgueilleux, déplaisants et faibles. Les femmes elles, sont fortes. Puissantes. Elles souffrent, et pourtant restent effacées au profit des hommes. C’est ce qui fait leur force. Qui irait donc accuser une faible femme de meurtre ?

J’enfile le Yukata posé là, refusant l’aide de Ren, ma « servante ». Seul un homme peut être stupide au point de considérer que les femmes ne servent qu’à copuler avec les hommes, assurer leur descendance et tenir leur Maison en élevant leurs enfants.
Et pourtant, je me doute bien qu’ils ne sont pas tous comme ça. Mais pour l’instant ils ne font que me le confirmer, alors…

Je déambule dans les couloirs du Dojo, mes getas claquent le sol, et j’arrive devant la salle ou mon grand-père doit impatiemment m’attendre. Je pousse le panneau de bois pour entrer dans la pièce, ou mon grand-père est assis avec son thé, me tournant le dos.

- « Ohayo, Grand-Père. »

- « Okaeri, Hisaya. J’ai entendu parler de ton petit combat de tout à l’heure. »

- « Quel est le souci ? »

- « Le souci est, que tu es l’héritière Hisaya. Tu entends ? Tu es l’héritière. Et si tu n’es pas capable de battre un idiot pareil, alors tu ne vaux rien. Je t’ai déjà prévenue. Tu es la fierté de notre famille. Tu es la seule femme qui te bat. Tu entends ? La seule. La seule des Kusubarachi qui perpétue la tradition ancestrale, en te battant non pas parce que toutes les femmes de cette famille sont obligées d’apprendre à manier les armes, mais parce que tu es une guerrière. Si tu es l’héritière, alors je veux que tu sois la meilleure. »

- « Grand-père, il ne m’a touchée qu’une seule fois. »

- « Une seule fois tu dis ? »

Il se retourne vers moi, l’air dur. Je reconnais là celui qui m’a fait comprendre toute ma vie que je dois être la meilleure, si je suis l’héritière. Car Héritière et Meilleure vont de pair à ses yeux.

- « Une seule fois, tu as dit ? Mais, ne t’ai-je rien enseigné ? Parce que tu es comme les autres guerriers peut-être ? Parce que tu as droit à l’erreur ? Répète-moi ce que je t’ai fait apprendre. »

- « L’héritier est le meilleur. Il doit surpasser les autres. Être puissant. Fort. Il doit être la manifestation physique de l’excellence du sang qui coule dans nos veines. Il est l’Héritier. Il n’a pas le droit à l’erreur, car l’erreur est pour les faibles, et l’Héritier n’est pas faible. L’héritier ne peut pas échouer. »

Je répète ma leçon, mon devoir, la raison pour laquelle je suis sur cette Terre.

- « Si l’Héritier échoue, c’est qu’il est faible. Et s’il est faible, il ne mérite pas de vivre. »

Je dois réussir. A n’importe quel prix.

- « Mais il vit, car c’est l’Héritier. » terminons-nous d’une seule voix.

Il s’est levé et moi aussi. Pendant que ma tête est haute, je le sens tourner autour de moi.

- « La seule raison pour laquelle tu n’es pas morte depuis longtemps, est que tu es en position d’immunité. Tu es l’Héritière. Et je demeure seul juge de tes actes. Mais n’oublie pas Hisaya…si je sens un moment de faiblesse, et que je me suis trompé sur ton compte… »

Je la sens, la morsure de l’acier dans mon cou, et le sang qui en perle.

- « Tu mourras. »

Je sais que ce ne sont pas des menaces en l’air. Il est le Sage. Le seul juge de l’Héritière. Je ne bouge pas, car fuir face à la mort est un signe de lâcheté. Et par extension, de faiblesse.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Sam 3 Déc 2016 20:39 
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Le temps semble s’être arrêté. Dans la pièce, ma respiration se fait entendre, régulière. La lame est toujours contre ma nuque. Je n’ai pas bougé. La pression exercée contre mon cou s’amenuise, il me lâche.

- « Bien... »

Il retourne à sa place, assis tranquillement. Grand-père prend une gorgée de thé, doucement, je l’entends la siroter paisiblement.

- « Ce n’est cependant pas pour cela que je t’ai fait venir, Hisaya. Mais d’abord, rappelle-moi quel est notre rôle vis-à-vis de ce pays. »

- « Nous devons aider à protéger l’Ynorie. Sa milice est notre allié et ses habitants nos frères et sœurs. Mourir pour les protéger est la plus belle mort qui fut, qui est et qui soit. »

- « Bien. Voici quelques jours, un passage vers Aliaénon, cet autre monde qui avait besoin de l’aide de Yuiméniens, s’est rouvert après avoir laissé les aventuriers qui y étaient partir. Ils ont à nouveau besoin d’aide. »

- « Et en quoi cela concerne l’Ynorie ? »

- « L’Ynorie est concernée car c’est là où s’y trouve le passage. A la milice d’Oranan, plus précisément. Il y a quelques années, quand ils nous demandèrent de l’aide pour la première fois, tu étais jeune et comme tu étais l’Héritière je ne pouvais pas t’envoyer, ni envoyer quelqu’un d’autre, représentant notre famille. Maintenant, je le peux. Tu vas sur tes dix-neuf bourrasques. Tu représenteras notre famille. »

- « Bien. Est-ce tout ? »

- « Pas encore. Je te rappelle que menacer un noble de lui couper les bijoux de famille n’est pas la bonne manière de refuser une demande en mariage. Accepte de passer un peu de temps avec lui, Hisaya. »

- « Alors là, non. Je refuse, Sofu. Les femmes ne sont pas bonnes qu’à marier. Genta est impoli, sexiste et s’il s’approche trop près je le castrerai. Je ne veux pas perdre mon temps. »

- « Bien. Alors débrouille-toi, cela ne me concerne pas. Après tout, Genta n’est rien qu’un bourgeois et ce n’est même pas un soldat de surcroît. Cependant, n’oublie pas : c’est un citoyen Ynorien. Le tuer est hors de tes moyens. Compris Hisaya ? Jure-le-moi sur la lame. »

Mettant mon katana à terre, je me saignai afin de le jurer. Il s’agissait de mon devoir après tout.

- « Je le jure sur ma lame, Sofu. »

- « Prépare-toi et rends-toi à la milice d’Oranan. Si je te vois avant que la mission soit finie, sauf cas grave, je le considérerai comme un échec. Maintenant, va, et que Rana te bénisse mon Enfant. »

- « Sayônara, Sofu. »

M’inclinant devant lui et sortant, j’interpellai Ren afin qu’elle puisse m’aider à faire mon sac. Tout y passait. De nouveaux vêtements, aussi bien des Yukatas que des tenues pour se battre, de la nourriture, de l’eau, des bandages, de l’alcool…absolument tout. Une fois que Ren m’eut aidée, je la remerciai chaleureusement. Rangeant ma lame dans son fourreau, enfilant mon sac, je sortis de la maison pour voir, sur le perron…Genta.

Explications : Genta, noble Ynorien qui n’a rien de noble et qui se croit viril alors que même un cafard l’est plus que lui. La meilleure comparaison que je pourrais faire à propos de lui est que si son cerveau était aussi gros que son ventre, il serait presque intelligent, jusqu’à ce que je me rappelle que de cerveau il n’en est point pourvu. Pour lui, une femme se résume à quatre mots : Ménage, Cuisine, Maison et Enfants. Il veut aussi se marier avec moi.

- « Tiens, Genta, ça faisait bien trop longtemps que je ne t’avais pas vu. »

- « C’est vrai ? »

- « Oui, et c’était très bien comme ça. Que me vaut l’honneur de te voir prendre de l’espace dans mon jardin et de salir de l’air pur ? »

- « Oh, allez ma belle, ne fais pas ta vierge effarouchée, je sais très bien que je te donne envie. »

- « Oh oui, tu me donnes envie. De vomir. Va sortir ce genre de phrase à une autre femme désespérée au point de t’écouter parler. »

- « Un jour, tu tomberas sous mon charme. »

- « C’est beau de rêver. »

L’ignorant et passant outre, je pris la rue pour me rendre à la milice d'Oranan.

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 Sujet du message: Re: Les habitations
MessagePosté: Mar 13 Déc 2016 15:41 
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II-4 Chez Sylve

J’ouvre enfin les yeux après un long sommeil. Je ne comprends pas ce qui m’arrive au début. Pas de fouet pour le réveil, ni de paillasse humide et encore moins de pierres gelées au sol et sur les murs. Les cris de souffrance qui emplissent régulièrement les rues sordides d’Omyre, sont ici remplacés par un chant mélodieux d’oiseaux. Mon lit est si confortable et chaud que j’ai l’impression d’être emporté dans un nuage de coton. Après quelques instants je saisis enfin ce qui se passe. Je viens de vivre mon premier réveil paisible depuis plus d’un demi-siècle.

J’ai envie de profiter de cet instant en me lovant dans les draps, mais les souvenirs des jours passés me reviennent. J’ai été emmené de force par mon ancienne maîtresse pour faire mes ultimes preuves de ma pitoyable force. Le groupe envoyé pour surprendre une réunion secrète s’est fait prendre à son propre jeu. Une horde d’humain à cheval nous a surpris et a décimé nos troupes. Poussé par ma lâcheté j’ai fui le combat, poursuivis par une chef Shaakt relativement mécontente de ma désertion. J’ai finalement eu la chance que les humains me délaissent pour la submerger, me permettant de disparaître dans les bois. Après une longue errance j’ai rencontré, en suivant l’odeur du lapin cuit, la semi-elfe Sylve, éclaireur au sein de l’armée d’Oranan. Une telle rencontre doit en général se terminer par la mort de l’un des deux, mais en voyant les cicatrices de mes nombreuses tortures les choses ont étonnamment changé. Particulièrement quand elle m‘a nourrie avec sa dernière prise, mais aussi le lendemain lorsque nous nous sommes battus face à un traqueur nocturne. La créature défaite, il m’a fallu transporter la semi-elfe sévèrement touchée. C’est un groupe de cavalier qui m’intercepta et accompagna la femme voir un guérisseur tandis que moi j’ai été envoyé mis en prison. Pas vraiment un grand changement puisque je passe d’un cachot à esclave d’Omyre à une prison d’Oranan, bien que les conditions se sont concrètement améliorées. En revanche, la réunion du conseil a été un grand changement. Un elfe blanc particulièrement véhément envers moi a cherché à me faire travailler à vie dans les champs, mais Sylve et un des membres éminents du conseil m’ont permis d’échapper à ces travaux forcés. En échange de quoi, je dois me rendre à Kendra Kâr pour apprendre à maîtriser mes pouvoirs, puis revenir pour servir la milice d’Oranan.

Ha oui j’oubliais mon passage chez le guérisseur et la tentative d’effacer la marque maudite sur le torse. Un cadeau laissé par ma maîtresse pour accroître son plaisir malsain. De temps en temps, cette marque me provoque différents tourments, comme un assèchement du corps, un manque de souffle au point d’atteindre le seuil de l’asphyxie et d’horribles cauchemars durant mes nuits. Tout ça est enfin terminé grâce à Sifo le guérisseur, un homme un peu étrange de par son aspect physique. Après un traitement particulièrement douloureux, la marque s’est estompée. Pas entièrement effacée, mais d’après le guérriseur tant que ma volonté perdure je n’aurais pas à m’en inquiéter. Me voilà donc chez la semi elfe car tant que je n’ai pas maîtrisé mes pouvoirs, c’est elle qui est responsable de moi. Un rapide repas et je sombre dans le pays des rêves pour toute une journée.

Je suis si bien dans ce lit, mais j’entends à l’étage inférieur Sylve qui s’affaire et je me botte les fesses mentalement pour me lever. Etrangement mes membres ont du mal à se mouvoir. Je peine à m’asseoir au bord du lit et lorsque je tente de me redresser sur mes jambes, elles fléchissent et je retombe lourdement sur le sol. D’après les bruits de pas rapide j’en déduis que mon hôte se précipite à mon secoure. Elle pénètre dans la pièce alors que je me redresse autant que possible avec mes bras.

"Tu t’es fait mal ? Tu aurais dû m’appeler pour te lever." Me dit-elle en me redressant sur le lit.

"Quoi arriver ? « Ca » faible." Je lui demande, perdu face à ce qui m’arrive.

"Il n’y a rien d’étonnant à cela." Me répond-elle avant de reprendre. "Maître Sifo m’a prévenu que tu pourrais passer beaucoup de temps au lit avant de te réveiller et que tu serais faible au réveil."

"« Ca » beaucoup dormir ? Hier Sifo par dire « ça » faible après dormir."

"Hier ?" Me fait-elle en écarquillant les yeux. "Mais tu as dormi quatre jours, et les produits de maître Sifo t’ont un peu affaibli au niveau musculaire."

(Quatre jours ! J’ai dormi quatre jours ?)

Je n’en reviens pas d’avoir dormi autant. Ce doit bien être un record pour moi.

"Je sais que c’est dur, mais il faut que tu te lèves. Tu as besoin de bouger un peu et de manger un bout."

Une étincelle s’allume dans ma tête et je réponds presque immédiatement.

"Lapin ?"

"Oui il y a du lapin." Me répond-elle en souriant.

La semi elfe me met mal à l’aise. Nous sommes issus de deux camps s’opposant l’un à l’autre. Je sais ce qui arrive aux siens lorsqu’ils sont capturés et que le détail de leurs traitements a traversé le camp d’Omyre pour les semer d’effrois. Pourtant cette femme me soutient et me sourit. J’ai beau savoir que sa défunte mère a milité pour l’insertion des shaakts cherchant une nouvelle vie, j’ai du mal à concevoir cette compassion. Elle est gentille sans chercher quelque chose en retour et cela me perturbe, moi qui n’ai connu que souffrance dans ma vie.

Avec difficulté, Sylve parvient à m’emmener jusqu’à la cuisine où je peux enfin goûter à un repas. Un morceau de viande épais comme mon poing est délicatement posé avec quelques légumes, le tout recouvert d’une sauce qui me fait saliver à l’odeur. La faim fait soudainement parler d’elle et je me précipite pour dévorer ce festin avec les mains. Pour une fois, je n’ai pas les restes d’autres avant moi et ça donne une saveur supplémentaire à ce plat.

"J’ai été me renseigner pour nous rendre à Kendra Kâr." Commence-t-elle entre une cuisse et un morceau de carotte. "On ne peut pas partir rien que tous les deux, le danger est trop grand. Donc nous devrons prendre part à un convoi et la date de départ la plus proche est aujourd’hui même. Sinon il nous faudra attendre deux mois avant une nouvelle opportunité."

"« Ca » faible, mais « ça » pouvoir marcher jusqu’à convoi. « Ca » avoir peu argent pour partir. Combien heu…temps convoi ?"

(L’idée d’être en présence d’un grand groupe d’hommes ne m’inspire pas confiance. J’ai peur d’un mauvais traitement, mais surtout pour Sylve qui doit répondre de moi.)

"Je te rassure, la lettre du conseil nous accorde certains privilèges." Me répond-elle. "Donc sur ce point on n’aura pas à s’en faire. Pour ce qui est du trajet on va devoir passer par Bouhen avant de nous diriger à Kendra Kâr. Ca rallonge le chemin c’est sûr, mais c’est le plus rapide actuellement. On devrait en avoir pour un à deux mois avant d’atteindre notre destination."

(Un à deux mois de chemin. Je ne savais pas le contient aussi vaste de ce côté. J’espère trouver de quoi m’occuper pendant ce temps. Non arrête de penser à ça, tu es déjà suffisamment chanceux ne t’apitoies pas sur ton sort.)

"« Ca » avoir peur, mais « ça » être impatient. Quand partir ?"

"En général ce genre de convoi par dès l’aurore, or l’un des chefs du convoi a eu quelques contretemps qui nous est favorable et il a repoussé le départ à cette après-midi."

"« Ca » aider préparer sac. Quoi toi vouloir emmener ?" Je lui demande enthousiaste.

"Avant toute chose tu vas prendre un bain. Tu empestes la vieille goule en plein soleil."

Je suis surpris de la remarque. J’avoue ne m’être jamais inquiété pour ce genre de détail, futile pour quelqu’un qui vivait dans un cachot proche de la fosse à purin. Je me sens les bras pour comprendre ce qu’elle veut dire, mais rien ne me choque.

"« Ca » pas être vieille goule. « Ca » toujours avoir odeur. Pas gêner « ça »."

"Je sens que je ne vais pas m’ennuyer moi." Dit-elle dans un soupir me laissant perplexe.

III.2 Un nouveau départ.

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