Je hoche la tête et accepte la mission qui m'est confié. Mais actuellement la faim n'est pas ce qui m'accable le plus. Je suis blessée, fatigué, et surtout ma curiosité s'est évanoui, et je sais que je ne dois rien à Pulinn, maintenant qu'elle ne se tient plus devant moi, je suis comme libéré d'elle, même si elle pèse toujours dans ma poitrine, et que ces pensées me contracte le cœur. Je n'ai pas eu le temps de lui demander où se trouvaient les lits ici, et si même il y en avait, la dernière fois j'ai bien dormi sur une table au milieu de nourriture éparpillée et de mes propres vomissures. Je sens un besoin urgent d'air frais, et m'en vais le satisfaire, me disant que de toute façon, celui que j'attendais devrait passer par la porte.
Une fois celle ci passer je sens le vent dans ma fourrure ondulante. Je sens aussi les relents que je dégage et en suis presque désolé. Depuis quand je me néglige autant ? Je n'ai jamais été prompt sur le toilettage, mais de là à brunir ma fourrure il y a un gouffre. J'interromps cette réflexion de façon aisé. En effet ma fatigue est si grande que même penser me semble être une trop grande épreuve. Je m'assois sur les marches du temple, et profite de cette agréable brise, apportant un peu de fraicheur en moi, et réveillant un peu mes sens engourdis. Je pense à tout ce qui m'est arrivé sur ces derniers jours, en si peu de temps j'ai tué une bonne quinzaine d'humains, six chasseurs véreux, un marchand gras, et quelques gardes, ainsi que deux bandits. Aanok est mort sous les coups d'un des chasseurs, et les dix sept rats survivant m'accompagne encore en ce jour alors que je suis sorti de prison. J'ai été blessé plus d'une fois, et je ressens comme l'envie de décrocher, définitivement, lâcher quoi je ne sais pas, peut être cette vie. Cette sensation qui m'enivre quand je tue, quand je sens s'affaiblir les battements d'un cœur, vaut elle tout ce que je lui sacrifie, à savoir ma santé et ma conscience ?
Je secoue la tête, je suis trop épuisé, mes paupières se ferment d'elles même, mais je dois rester éveillé, j'ai une mission, et chaque fois que je clos mes yeux je commence à piquer du nez. Plus d'une fois la sensation de chute interromps un sommeil naissant alors que je ne concentrais plus toute ma volonté à garder ces yeux ouverts.
(C'est quoi ça ! Cette odeur m'est familière, mais elle ne peut pas se trouver là, non ce n'est pas possible ! Zaïr est censé être à des lieues d'ici ! Qu'est-ce que mon frère pourrait faire dans cette ville ? Je dois me tromper ! Non pourtant c'est impossible, je ne peux me tromper sur l'odeur de mon propre grand frère.)
Je me réveille totalement, m'ébroue pour réactiver mes sens et m'élance vers la source de cette odeur, deux rues plus loin, mais celle-ci est en déplacement. Mes pieds me font mal à cause du manque de mon état, mais je relègue vite cette information dans un coin obscur de mon cerveau. Je suis limite en train de boiter, et c'est à peine si mon capuchon est assez abaisser pour cacher mon visage, sans compter la mission de Pulinn, mais je m'en fiche. Je dois savoir ce que mon frère fait ici !
La source de l'odeur s'immobilise finalement, et je la rejoins en boitant. Je me colle à un mur poisseux et dresse l'oreille pour percevoir des éclats de voix. Il me faut un léger temps avant d'oser regarder la scène. Mais c'est bien mon frère qui se tient dans ce carré sale et miteux de pierre délaisse formé par l'espacement des maisons branlantes du coin. Zaïr porte le même type de manteau long à capuche que moi, mais il est visage découvert. Imposant pour un fujonien, il dépasse le mètre soixante, et se présente fièrement face à deux hommes qui ne m'inspirent pas confiance.
« ...Nous nous étions accordée sur une part plus importante de marchandise ! Ces maigres commodités ne contenteront pas notre village, de plus il me semblent que récemment le secret de nos relations est de plus en plus compromis, et je ne parle pas des lyikor, si vous voyez ce que je veux dire. »
L'étonnement me saisi, depuis quand mon frère sait-il parler ce langage, lui qui était si fier du nôtre, et parlait même dans un style archaïque et défendant les vieux mots pour que ceux-ci ne tombent pas en désuétude et interdisant l'introduction de néologisme dans ses discussions !
« C'est à dire qu'on est dans une période de crise mon chère, euh, euh, sieur loup, et les prix montent vite, de plus vos babioles de glace éternel, bien que très joli, et bien se vendent bien mais pas trop cher, enfin ... »
Il ne croyait même pas à ses propres paroles, et pourtant ce n'est pas ça qui transparait le plus dans sa voix, c'est l'anxiété, c'est presque comme si quelqu'un était en train, là maintenant, d'appuyer un poignard sur sa nuque pour le forcer à faire ce qu'il veut.
Mon frère se met à renifler frénétiquement, je ne comprends pas, et ne peux faire de même sans me faire repéré, de toute façon l'endroit est si nauséabond que ce n'est qu'a force de concentrations que je réussis à détecter mon frère. Celui-ci se met d'ailleurs tout à coup en garde et pousse un cri de défi avant de s'exprimer en langue humaine :
« Trahison ! »
Il laisse tomber sa cape et se jette sur le marchand en face de lui, entoure son coup de son bras et l'entraine avec lui, jusqu'à se mettre dos au mur. L'autre se met à s'apeurer et s'enfuit au loin, enfin essaye avant de recevoir trois flèche dans le dos. Le bruit éveille mon attention. Des capes de dissimulations tombent des toits dévoilant quatre hommes embusqué dans la crasse, tandis qu'un cinquième la garde toujours sur ses épaules. C'est d'ailleurs celui ci qui s'exprime, non à mon frère mais à l'homme capturé, sur un ton de reproche.
« Tu m'avais pourtant assuré que ce trou puant dissimulerait notre odeur, même aux sens d'un homme loup ! »
Il se fond en excuse, et tomberait surement à terre pour implorer pitié à genoux si Zaïr ne s'en servait pas de bouclier ! Malgré la finesse de mes narines, je ne peux toujours détecter les hommes ici présent. La frustration me domine devant l'inutilité des avantages de ma race sur ce terrain, mais je sais que je vais devoir me prouver utile, toute douleur du à la fatigue a disparu, même si mes membres me semblent toujours bien lourd. Avec des gestes lents et mesurés je m'empare de l'arc sur mon dos, et encoche délicatement une flèche alors que la discussion se poursuit.
« Qu'est-ce que vous voulez ? »
« On sait que chez vous autre, dans vos montagne ça grouille de ressource naturel, voire même que vous êtes en contact avec des nains, bref c'est deux possibilités de se faire de l'or facile, et mon chef, tout comme mes gars et moi, on aime ça l'or facile, pas vrai ? »
Un murmure d'approbation parcoure ses rangs. Une fois celui-ci fini, il reprends la parole.
« On savait que ces marchands pouvaient nous mener à l'un d'entre eux, paraissait même qu'il était important au sein de son village, alors on s'est dit qu'il pourrait nous y inviter, pas vrai les gars ? »
Nouveaux acquiescement, tandis que la babine supérieur de Zaïr se redresse, et que son bras se desserre de l'homme qu'il tient, et même si je n'avais pas été capable de le voir, je connais trop bien mon frère pour ne pas être capable de prévoir sa réaction quand il est question de la défense du village. Par contre je sais aussi que si il agit maintenant il va se faire tuer aisément.
Je me dépêche de raffermir la prise sur mon arc, et de m'assurer une ligne de vue dégagé tout en observant mon frère du coin de l'œil. Je m'avance légèrement pour être sur d'atteindre mon but, et je me recule en hâte devant un changement d'attitude de mon frère. Il raffermit sa prise et se met à sourire, je jurerais l'avoir vu glisser un coup d'œil dans ma direction, et si c'est le cas c'est mauvais car je serais aussi rentré dans le champs de vision de ceux d'en face.
« J'ai un frère vous savez ? Un fujonien carnivore, un génie mais complétement dérangé, capable de tirer son épingle du jeu à chaque fois, il était à la fois la personne que je reniait et estimait le plus dans mon village. »
Ainsi donc il m'a vue, mais pourquoi déblatère t-il cela à moins que … Mais oui il veut me donner un signal, il veut que l'on lance une attaque conjointe.
« Qu'est-ce qu'on en a à foutre ? »
Sa voix est légèrement décontenancé et je le comprends. Je m'avance. Ils ont la position surélevé et je ne peux accéder à un point vital de là ou je suis, mais si je touche bien leurs avantage du terrain va se retourner contre eux.
« On l'a banni. Il était trop pointilleux sur la sureté de notre village, et se trouvait bridé par les décisions de nos membres, alors il à volé une cape de dissimulation et un arc. On lui a laissé quand on l'a abandonné dans la forêt pour lui dire que cela ne lui servirait pas de toute façon, mais j'ai appris qu'on l'avait sous estimé. C'est une décision que j'ai regretté amèrement, bien que je fasse partie de ceux qui l'ait banni à l'époque. Il doit m'en vouloir à mort, mais je l'aime quand même. Une décision de justice ne défait pas les liens du sang, d'ailleurs c'est dommage, c'était un excellent tireur, tenez, de là où il est, il peut vous atteindre facilement ! »
Je n'ai pas le temps de réfléchir, mais je sais déjà en mon fort intérieur que c'est ça le signal. Je me lève brusquement et décoche une flèche. Celle si vient se ficher dans un avant bras tendu, et un cri de douleur retentit que la victime lâche son arc pour tenir son bras endolori. Cette distraction et le temps nécessaire qu'il faut à Zaïr pour lâcher le peureux, qui à sans doute fait dans ses couches au vu du fait que l'odeur du lieu ait empiré, et concentrer son pouvoir magique et relâcher un pic de glace qui vient frapper l'épaule gauche de l'homme qui avait déjà son avant bras droit percé. Surpris par ces deux attaques différentes et les souffrances qu'elles lui infligent, il perd l'équilibre et bascule dans la vide. Le bruit nous indique au moins une fracture, et si il n'est surement pas mort, il est tout du moins hors combat. Zaïr profite de la panique pour s'élancer vers moi et me rejoindre hors de portée des flèches ennemies.
Il me toise d'un air, non heureux, mais tout du moins satisfait, satisfait d'avoir trouver un allié, pas un frère. Mais je saurais me contenter de ça d'autant plus que le problème n'est pas réglé.
« Ainsi donc tu as trouvé refuge dans cette ville ! Mais comment as tu su t'y adapter ? Tu as trouvé quelqu'un qui t'héberge et qui n'a pas peur de toi ? »
« On peut dire ça comme ça ! »
Je baisse le regard sur la fleur de métal qui orne ma poitrine et ce mouvement ne passe pas inaperçu à ses yeux. Mais une question me presse, alors je ne réponds pas a son questionnement implicite au sujet de l'identité de mon hébergeur, mais lui demande plutôt ce qu'il fait ici. Il me réponds que les commerce devient de plus en plus nécessaire, mais que les nains ne peuvent plus nous aider beaucoup en ces temps obscurs, alors il sert d'intermédiaire auprès de différents marchands humains avertis, mais que là n'est pas le moment de discuter.
Un échange de flèche agrémenté d'une touche de cryomancie a lieu, mais sans succès évident des deux côtés. On sait que le temps est de notre côté, de même que la position car on bloque la sortie principale du lieu et que leurs flèches ornent un cadavre proche de façon visible, un marchand assez connu d'après les dires de mon frère. Ils sont descendu du toit et se réfugient comme nous aux angles de la ruelles qui sépare le carré de terrain de la rue, et ne sortent la tête que périodiquement pour tenter d'ajuster une flèche.
Les habitants du coin car il y en a, ne semblent que peu intéressés par cette bataille, on dirait presque que chez eux c'est courant, après tout on est dans le quartier le plus pauvre de la ville, et il paraît que c'est là que la violence atteint son comble dans les villes, enfin c'est ce que je comprends des paroles de Zaïr qui semble connaître la société humaine bien plus que moi. Je ne comprends pas cette érudition, et lorsque je lui en fais part, il me dit que c'était pour mieux remplir son travail qu'il s'était mis à apprendre tout cela. D'ailleurs après cette échange je réussis à érafler un flanc d'une de mes flèches, et les hurlements m'indiquèrent que l'entaille était sans doute profonde, bien qu'insuffisante pour permettre à la flèche de se planter correctement. J'en prends note et y éprouve un grand plaisir, même si il n'est que psychologique, qui n'est pas encore ce ressenti que j'ai face à la mort de mes ennemis.
Ils sont aux abois, et font de plus en plus d'erreur, et cela nous profite, même si on commence à tomber à court de munitions, autant physique que magiques. Alors que l'on se signale ce constat d'un hochement de tête, et que le crépuscule se met à inonder le ciel de teinte orangés, nos quatre adversaires se mettent à hurler pour se donner du courage et tente une sortie. La ruelle est courte et nous ne somme que deux mais pendant ce temps ils sont exposés. L'un d'entre eux se tient les côtes, et je reconnaît en lui la victime qu'il me faut descendre en premier. Mais je n'ai pas le temps de viser, et c'est sa jambe que ma flèche vient toucher. Il tombe dans un roulé-boulé grotesque mais je n'ai pas le temps de m'y attarder. Ma seconde flèche rate sa cible, tandis que la troisième vient trouver un bras dont le propriétaire tombera peu après à terre sous la force d'un impact de glace si fort que cette dernière se brise en mille morceaux. Cela en fait deux à terre, mais les deux autres nous atteignent. Je n'ai pas le temps de ranger mon arc, et m'en sert pour donner un grand coup dans la tête du premier qui passe tandis que mon frère s'engage en corps à corps avec l'autre.
Celui que j'affronte est le chef. Et les coups de son épée sont donnés avec la force de la rage et du désespoir. Le bois de mon arc est trop solide pour céder face à cette épée qui ne réussirait pas à couper du beurre, mais qui semble quand même être assez résistante pour briser des cranes. Je pense qu'en temps normal j'aurais le dessus aisément sur mon adversaire, mais dans mon état actuel, mes réflexes sont grandement amoindri, et chaque coup sur mon arc résonnent en onde douloureuse dans mes bras couvert de milles petites cicatrices. Et ce que je redoutais arrivent, un coup particulièrement violent nous fait rompre le combat en nous repoussant tout les deux loin de l'autre, mais cela ravive la blessure de mon dos et la douleur me fait mettre un genou à terre. Mon adversaire saisi cette opportunité de me démontrer que je me suis trompé sur son épée, elle est aussi capable de s'enfoncer dans un ventre.
Le froid, c'est ce que je ressent le plus. L'acier qui pénètre ma chair est froid, et ce froid se répand en moi, il obscurcit la douleur, mais obscurcit aussi tout mes sens, dont ma vision qui commence à baisser. Je lutte pour garder les yeux ouverts. Les sons me parviennent atténué, et je n'entends qu'au loin mon frère crier quand il me voit. Mon champ de vision devient de plus en plus restreint, et je ne vois de la mort de mon adversaire que du sang sur de la glace, juste une trainée rouge sur un solide transparent, un solide qui se transforme en liquide, lentement, et vient rejoindre se mêler du rouge de celui dont elle vient de prendre la vie. Ma dernière sensations avant de sombrer dans les ténèbres est celle d'un bras qui me ceinture avant de me soulever.
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