Le combat du gladiateur n’intéressait pas Fromritt. Voir un homme tuer d’autres personnes ou regarder des créatures déchiqueter un être humain, ou autre, était affreux. Nul individu ne gardait son âme saine en mirant de telle scène de violence gratuite. Quelque part, les guerres, croisades et diverses autres immondicités des races intelligentes n’étaient guère meilleures. Pourtant, à l’entente des hurlements de douleur du combattant, il ne put empêcher ses dents de se presser et sa figure de s’abaisser. La vie n’hésitait pas à donner lieu à ce genre de scénario.
Les yeux couleur terre du Verlorgot fixèrent le monstre ayant un globe oculaire dans le bec. L’hémoglobine coulait, gouttait au sol comme le sable du temps, le temps qui nous restait à tous. Ce type s’appelait Brolog « Main-Ferme » et comme dernier souvenir il ne vit qu’une foule en colère contre lui, prête à lui cracher dessus pour sa faiblesse, pour sa défaite totale.
(Je te connaissais pas, gars, mais repose en paix et médite, si jamais tu peux, sur la connerie que tu as fait.) Dut-il être le seul à penser.
Un instant il s’imagina à la place du défunt, seul dans cette arène trop étroite avec pour seule compagnie des créatures assoiffées de sang. Il s’inventa une histoire dans laquelle il combattait à l’intérieur de ce cercle de mort, avec son espadon de deux mètres, dans une situation où il devait palier au problème de longueur de sa lame… Il soupira, en son for intérieur il désirait que ce qu’il craignait n’arrive pas : être une fois de plus roulé dans la farine. Fromritt en avait presque oublié d’écouter ce fameux Hodrik, qui semblait connaître ce pourri de Cappelindro. Le costaud ne se priva pas de lui rappeler l’entourloupe de l’anneau de fiançailles et d’insulter de mange-merde le brigand excentrique.
« Au moins, on dirait que tu ne le portes pas dans ton cœur. Tu dois être un gars sensé. » Dit-il, un peu satisfait de ne pas être seul dans ce cas.
Ni une, ni deux, le Verlorgot dut le suivre jusqu’à son estrade, là où le brouhaha s’atténuait pour qu’il puisse discuter en paix. Klester se posa sur son fauteuil, bien plus luxueux que les autres sans pour autant partir dans la démesure puis, il ferma un tiroir de son bureau en le claquant sèchement. L’épéiste eut un petit mouvement de recul, ne sachant pas vraiment pourquoi il était encore là, il se méfiait de tout et de rien. Hodrik lui proposa de s’asseoir.
« Non, dans ce genre d’endroit je préfère être debout. » Il s’arrêta puis, comme s’il comprenait avoir été agressif, il reprit. « Sans offense, mais j’ai appris à être méfiant, à mes dépends… »
Faisant preuve d’un humour assez noir, Hodrik décrit la situation à son interlocuteur décidé à l’écouter. Le dénicheur de pigeons n’avait pas menti sur un point : il n’avait effectivement pas beaucoup d’amis. L’espadonneur se dit que tout ceci n’était que justice, bien qu’autour de ce brigand, tout tournait dans un univers bien sombre. À croire que certaines personnes aimaient jouer avec l’illégalité et la tromperie, jusqu’au jour où ça leur retombe sur le coin de la gueule. Alors qu’il réfléchissait à tout cela, le Tulorien entendait Klester se moquer de son sort, encore une fois manipulé par les mains malhonnêtes de ce maudit Cappelindro !
« Hahaha… » Un rire sans envie, suivi d’une phrase prononcée d’un ton las. « Ouais, une belle enflure, exactement, j’aurais pas dit mieux. »
Le regard de nouveau vide, Fromritt aperçut les lames attachées à la ceinture du bougre. Un signe lui criant de ne pas se révolter sous peine de finir six pieds sous terre à nourrir les vers. Il inspira donc profondément pour expirer ensuite longuement. Digérer cette nouvelle n’allait pas être simple, mais il le fallait… Sinon c’était entre six planches qu’il ressortait de ce lieu charmant. Il souffla du nez et se gratta la barbe, se disant que le destin était une véritable ordure tout de même. Il desserra la main qui tenait son fourreau, faussement amusé de tout ça.
« Tu n’es pas mon ami, et je pense pas qu’on le sera un jour. » Déclara-t-il fermement. « Mais si tu me donnes un verre d’hydromel, gratuit, avant ce foutu combat et que t’acceptes les quarante-neuf yus que je vais parier… Disons que tu ferais un pas pour que je commence à penser que t’es pas aussi pourri que Riosodi. » Lâcha-t-il, le timbre de la voix étrangement sérieux, à mi-chemin entre la gravité et l’emmerdement.
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Dernière édition par Fromritt Verlorgot le Mer 2 Aoû 2017 12:38, édité 1 fois.
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