La boite à Merveilles Chargé comme un mulet, je ressors de la boutique pour me retrouver aussitôt seul et pour ainsi dire perdu : pas moyen d’apercevoir le sinari dans la population fréquentant le marché. Bon, il n’est pas grand le bougre, mais quand même, lui et ses camarades forment une troupe que l’on peut reconnaître de loin, et ils ont assez poussé pour dépasser des étals. Manquait plus que ça, se retrouver perdu comme un mioche dans une ville étrangère, où je n’ai pas spécialement de raison d’être. Vous faites quoi ici, qu’on me demanderait, je serais obligé de répondre que j’accompagne des sinaris. Et où sont ces sinaris ? Ben ça, mon brave monsieur, je sais pas…
Pas moyen que je furète comme un paumé, lorgnant de droite de gauche pour repérer les autres courts sur patte. Comme dit toujours le vieux Viki, à demander son chemin, on passe pour un type perdu le temps d’avoir la réponse, mais au moins on tourne pas en rond la moitié de la journée. Là c’est pas spécialement mon chemin que j’ai perdu, mais ma compagnie. Pas grave. Paraît que les elfes ont le regard affûté, ce sera l’occasion de confirmer la rumeur.
Et puis autant que ces gardes qui font briller leur armure dans le soleil servent à quelque chose. Je me dirige vers le premier que je trouve, aussi bien mis et d’apparence redoutable que ses camarades du port. Pas de bol, il n’entrave strictement rien à ce que je lui raconte, et moi pas plus à la réponse qu’il me fait dans sa langue. Au moins ne manque-t-il pas de jugeote, un sifflement haut et clair fait rappliquer un autre homme d’arme aussi sec, qui lui maîtrise assez mon parler pour me renseigner. Par contre, c’est le premier que j’ai interpellé qui détient l’information. Un rapide échange triangulaire, mâtinée de traductions rapides et peut-être un peu bancales, nous conduit finalement tous là où je voulais en venir : les sinaris se sont dirigés vers la milice. Sans doute parce qu’il a perçu ma grimace, le deuxième garde se propose de m’accompagner, ce dont je le remercie, accompagnant mes mots d’un franc sourire. Je n’en demandais pas tant, et c’est le genre de petite attention qui vous donne de suite une bonne impression du pays. Tomber sur trois personnes serviables qui vous sortent de la mouise – même minime – dans laquelle vous êtes, ça peut facile vous faire oublier un temps la troupe de connards qui a passé son chemin ; peut-être pas ceux qui vous ont craché au visage.
Sur les talons de l’elfe en arme, je m’aventure un peu dans les rues, sans trop prêter attention au bâti. Je n’ai pas l’œil pour toutes ces formes assez élancées, les arabesques délicates et tout le chichi architectural qui en ferait baver plus d’un. C’est vrai qu’Oranan avait quelque chose dans cette fibre, une sorte de raffinement. Mais j’ai toujours vécu loin de la ville, dans des villages plus rustiques et fonctionnels qu’élégants, et depuis mon exil… A part le confort soigné des sinaris, rien qui puisse se comparer à ce que je vois là. Ca me met plus mal à l’aise qu’autre chose. Le port, ça a de la gueule, y’a pas à dire. Mais là, c’est différent. Je me sens vraiment pas à ma place.
Concours à la milice