-On a du nouveau!

Surexcité, Ganéus referma la porte derrière lui avant d'entamer les cents pas.
Il y a quelques jours le rôdeur avait dévoilé à l'encapé qu'il était retenu prisonnier par une famille et non une bande de mercenaires quelconque. Vectelion sentait comme une épée de Damoclès au dessus de son chapeau. Il ne connaissait pas les manières, ni les objectifs de ce genre de clan. A Dahràm trônaient principalement (uniquement?) des familles de pirates, et encore: si elles ne passaient pas leur temps à s'entretuer, le sang serait plus pur dans les lignées...
Il n'y avait que Fort Grise-Écume, les trois flottes les plus puissantes de la ville. Assurant une majeure partie du commerce, leur patte était posée sur Dahràm tel un loup. Là, les acolytes de Ganéus n'avaient en rien l'air de pirates, les espoirs de liberté pour l'encapé s'amenuisaient.
Mais pour l'instant, tous les regards étaient posés sur le Capitaine Valtor.

-Ses activités au port ne cessent sous aucun prétexte. Il semble très allié aux Dragons de l'eau, il fait transporter de nombreux prisonniers. Leurs identités son soigneusement gardées et nous ne voyons qu'une cage venir et repartir sur les quais.

Vectelion se leva de sa paillasse, entamant quelques étirements. Son flanc le faisait toujours souffrir, même s'il ne portait plus de bandage à ce jour.

-Qu'en est-il des deux autres équipages?

-Les Sourires d'Ange et les Chiens de Mer ne semblent pas trop s'en mêler, nous les savons peu prompts à commercer avec des militaires.

-Nous... la famille?

Ce fut comme une cassure dans l'air. Vec' ne perdait pas une seconde pour en savoir plus, car c'était devenu sa deuxième priorité. Il attendit nonchalamment la réponse de Ganéus qu'il savait déjà positive.

-Nous sommes en relation avec les trois équipages, dévoila-t-il alors.

-Si vous m'en dites plus, enchaîna l'encapé, vous devrez me tuer... est-ce dans le but de m'attendrir avant ma mort, que la chair ne sois pas trop tendue? Plaisanta-t-il d'un rire jaune.

-Nous avons un accord! Rappela Ganéus. Il n'est pas dans mon intention de vous exécuter.

-Vous non, mais une famille régit ses propres lois et ses propres codes m'a-t-on dit. Me tuer fait partie de votre plan n'est-ce pas? Après tout, "ne laisser aucun témoin" est une de vos règles d'or...

Il avait dit cela sur le ton de la conversation pour ne pas effrayer le rôdeur, cherchant à lui faire avouer cette vérité redoutée.

-Croyez-vous que j'agis à mon compte?

-Vous devriez, lança Vectelion. Pensez que je ne donne pas chère de ma vie actuellement. Au final, enchaîné à ce mur, je suis contraint de vous obéir et pourtant, nous avons conclu un accord. Ma question est... que prévoyez-vous pour moi?

Le silence se posa pendant que l'encapé se rasseyait calmement. Ganéus prit une profonde minute de réflexion avant de lâcher d'un ton grave:

-La mort ne sera pas au rendez-vous.

Vec' chercha son regard pour tenir de la véracité de ses propos mais le rôdeur lui tourna le dos, inutile de continuer.

-Vos informations nous ont été bénéfiques jusque là, reprit alors Ganéus. Nous en avons appris un peu plus...

L'encapé tendit l'oreille, après tout le frère de Valtor était la cible réelle de leur opération. Le capitaine était secrètement la cible de Vectelion seul, il n'aurait pas d'aide venant de ses geôliers. Une stratégie germait déjà dans sa tête mais il manquait encore d'informations pour réellement compter dessus.

-Il y a une minuscule auberge à l'est de la ville, Le Croc des flots, miteuse et discrète. Valtor s'y rend régulièrement et double sa garde à chaque fois, passant de deux à quatre colosses. Nos pisteurs ont remarqué que le jeune capitaine revêtait ou non ses galons en fonction de ses rendez-vous mais...

-Laissez-moi deviner, coupa Vec', il ne les porte pas en entrant dans cette auberge. Et ses gardes non plus d'ailleurs.

Ganéus acquiesça:

-Impossible d'entrer lorsqu'il est à l'intérieur, ses quatre chiens gardent la porte.

-Vous avez quand même un point d'attaque, exposa l'encapé.

-Non! S'énerva le rôdeur en s'approchant de Vectelion, s'accroupissant à sa taille: je ne m'en prendrai pas à un gradé, vous le savez!

-Sans son armure, le capitaine n'est plus capitaine. Il faut prendre des risques et c'est le moment propice, la meilleure occasion d'en savoir plus pour attraper Daguiero.

Expirant à fond, Ganéus fut catégorique:

-Jamais.

Il n'y avait pas besoin de discuter, Vectelion le savait. Réfléchissant déjà à une autre solution, il demanda:

-Personne ne peut entrer, mais j'imagine qu'il ne force pas les clients déjà présents à sortir. Un espion pourrait discrètement s'y terrer et attendre sa venue...

-C'est déjà fait.

Vectelion s'agita:

-Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt? Qu'à-t-il recueillit?

-Un couteau dans le cœur. Ses restes ont été jetés à la mer sous les yeux de nos pisteurs.

Vec' ne su quoi répondre, coupé dans sa réflexion. Gardant le silence il posa son menton sur son genou, imaginant la scène avec une facilité déconcertante.

-Le statut de Valtor lui sauve la vie, il ne peut y avoir de représailles.

-Quelle ironie pour votre famille! Balance-t-il tous les clients à mer de cette façon? Ne craignez-vous pas que votre homme ait parlé avant sa jetée?

-Aucun risque, lui-même ne savait pas pour qui il travaillait. Mais sa mort nous apporte plus qu'un message, nous avons compris pourquoi cette auberge n'avait que peu de client, pour ne pas dire aucun.

Il laissa son prisonnier réfléchir, Vectelion ne mit pas longtemps à la raison de ce désertement:

-Hum... une façade... comprit l'encapé en fixant son interlocuteur. Ce n'est pas une auberge n'est-ce pas?

-C'est la conclusion que nous en avons tiré. En faisant le lien avec vos informations sur son frère, Daguiero, il se pourrait que cette minuscule demeure sois une planque, peut-être plus encore, on ne sait pas. Mais je suis prêt à parier qu'il n'y a pas plus de bière dans cette auberge que de Dragon sur les volcans de Naora...

Les deux compagnons avaient marché toute la matinée du lendemain, profitant du voyage pour faire plus ample connaissance. Ainsi Sildarim avait appris quelques éléments des origines de l'ancien marin. Ayant grandi à Henehar, en Nosvéris. Tim avait fui le foyer familial à l'âge de quinze ans. Quand le rodeur lui avait demandé pour quelles raisons il était parti, son ami était resté très vague. Il n'avait pas non plus parlé de sa famille. Sildarim avait respecté son silence et évité de lui poser trop de questions.

Pour sa part, il avait raconté son enfance à Hidirain: les brimades incessantes de la famille de sa mère qui ne tolérait pas la présence d'un presque humain sous son toit. Le temps passé dans la forêt, à courir mille dangers, seul et libre. Et finalement le jour ou Jonweld avait surgi, l'empêchant d'achever un renard à la patte cassée. L'enfant avait eu très peur de ce grand elfe au regard inquisiteur, qui s'était lentement approché de l'animal et avait inspecté sa blessure. Puis, tout en lui parlant doucement et en lui caressant le poil, il avait dégainé son poignard et tranché la gorge de la bête. Presque par nostalgie, Sildarim répéta les premières paroles de son mentor à son égard:

Ce renard était condamné. Mais comme chaque être de cette terre, les animaux ressentent la peur de l'au-delà. Mes paroles et mon attitude lui ont donné la force d'affronter l'épreuve de ses derniers instants.

À la surprise de Sildarim, Tim partit d'un grand éclat de rire:

AHAHAH, y a pas à dire vous autres rodeurs avez vraiment le sens théâtral… l'épreuve de ses derniers instants…HIHI, C'est un animal !! pas un être humain capable de penser. Ensuite, vous avez fait une cérémonie funéraire en son honneur ?

Un peu vexé, le rodeur rétorqua:

Hum, je te ferais remarquer que c'est de mes croyances que tu te moques. Alors peut-être qu'on en fait trop comme tu dis, mais c'est la nature qui nous permets d'avoir une communion avec les créatures qui nous entourent et toute ma formation ainsi qu'une bonne partie de mon identité est basée sur cette manière de penser.

Excuse-moi, je ne voulais pas te blesser, c'est juste que ces concepts me sont complètement étrangers. Moi je n'ai jamais eu la chance d'avoir un mentor. Dès que je me suis retrouvé sur les routes, ma seule idéologie a été la loi du plus fort. Je me suis battu sans arrêt pour survivre. Ces derniers mois sur le navire d'Algondor ont été les seuls moments de quiétude de mon existence.

A cet instant, le sixième sens du rodeur lui signala un danger. Les deux hommes suivaient un petit chemin longeant la côte et devant eux se dessinait une colline. L'ouïe aiguisée du rodeur lui permit d'entendre des bruits de bottes foulant le gravillons de la route. Soudain inquiet, il coupa la parole à son ami:

Quelqu'un arrive, et ce n'est sûrement pas amical.

Ils s'aplatirent dans les hautes herbes bordant la route, tandis qu'en haut de la butte apparaissait un groupe de cinq personnes. Trois shaakts, manifestement des esclavagistes emmenaient deux jeunes prisonnières en direction de Caix Imoros. Le rodeur chuchota à l'oreille de son ami:

Qu'est ce qu'on fait ? tant qu'on reste aplati dans les hautes herbes, ils ne peuvent pas nous voir.

Tu ne veux quand même pas les laisser passer tranquillement avec leurs prisonnières ? Je hais les esclavagistes. Si on attaque quand ils sont à notre hauteur, ils ne nous verront pas arriver avant que l'on soit sur eux. À deux contre trois avec l'effet de surprise, les chances sont en notre faveur.

oui… Tu as raison. Je prends le shaakt de gauche, celui avec l'arc. Prends celui de droite.

Au moment opportun, les deux hommes se levèrent, leurs armes brandies et se jetèrent sur les deux shaakts les plus proches. Les esclavagistes n'eurent même pas le temps de dégainer leurs armes avant qu'ils ne leur tombent dessus. Sildarim visa le cœur de sa cible, et frappa à plusieurs reprises, son visage à quelques centimètres de celui du shaakt. Il avait porté ses coups avec toute la rage contenue dans le mois de torture que les membre de cette race lui avait infligé.

Comme assourdie, la voix de Tim résonna. Sild tourna la tête et vit le troisième shaakt brandir une petite arbalète de poing chargée dans sa direction. Il se jeta au sol, mais trop tard pour ne pas sentir une cuisante douleur à l'épaule gauche. Pendant ce temps, Tim qui avait éliminé son premier adversaire, se précipitait sur le tireur qui dégaina son épée. La mêlée fut brutale, chacun luttant pour prendre l'avantage. Sildarim se releva péniblement et arracha la flèche enfoncée dans son épaule. Ce n'était pas très profond, le plastron avait considérablement freiné le projectile.

C'est alors qu'il vit l'une des prisonnière, derrière le shaakt, ramasser un galet et le jeter sur l'esclavagiste. La pierre rebondit sur la côte de maille sans occasionner de dégât à son porteur, mais ce contact suffit à offrir une ouverture à Tim, qui glissa son épée autour du bras de son adversaire et la fit sauter. Dans le même mouvement, sa lame écrabouilla le casque de cuir et la cervelle de son adversaire.

Sild, ca va ?

Ouais ouais, c'est superficiel, j'arrive à bouger l'épaule.

C'est alors que les deux prisonnières approchèrent. La première était grande, brune et se déplaçait avec une sorte d'assurance tranquille. La seconde était plus petite et arborait une magnifique chevelure rousse. Sildarim remarqua immédiatement ses yeux amandes très clair. Elles avaient les cheveux longs, tirés vers l'arrière et s'arrêtant au bas du dos. C'était une coiffure assez répandue dans cette partie du monde. C'est la brune qui engagea la conversation:

Merci de nous avoir sauvées. Je m'appelle Koa. Nous habitons à Dahram. Ce matin nous étions dans la forêt en train de chercher des herbes, quand ces esclavagistes nous ont trouvées.

Tim répondit avec un sourire charmeur:

C'était bien naturel, nous ne pouvions laisser deux demoiselles aussi jolies aux mains des esclavagistes de Caix Imoros.

La femme le regarda intensément.

Nul doute que vous nous avez sauvées d'un terrible destin. Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour vous remercier ?

Et bien, je vois bien quelque chose, oui… Nous avons beaucoup marché. Personnellement, je serais heureux de pouvoir me détendre en compagnie de créatures aussi exquises que vous pendant un instant.

Tim !!

L'humain ignora son ami et adressa un clin d'œil à son interlocutrice, qui lui retourna un délicieux sourire et répondit d'un ton sensuel, le dévorant du regard.

Je serais ravie de faire plus ample connaissance avec vous... Je suis certaine que vous devez avoir… plein d'histoires passionnantes à partager.

Surpris par la scène qui se jouait et la réaction de Tim dont il ignorait le tempérament charmeur, le semi-elfe ne dit rien et s'éloigna de quelque pas. Pour se donner une contenance, il entreprit de fouiller les esclavagistes. C'est alors que la deuxième femme s'approcha de lui, posant délicatement la main sur son bras.

Permettez-moi de voir cette blessure, je suis guérisseuse. Vous saignez beaucoup et il ne faudrait pas que cela s'infecte.

Sildarim retira son plastron et laissa la femme inspecter son épaule. Elle découpa un bout de tissu de sa robe et confectionna un bandage qu'elle appliqua au bras du rodeur.

Vous avez de la chance, la flèche n'a pas fait trop de dégâts. En ville je devrais avoir de quoi vous recoudre. Je me nomme Bou, puis-je vous proposer l'hospitalité pour la nuit ? C'est bien le moins que je puisse faire pour nos sauveurs.

Elle jeta un coup d'œil en direction de Tim et Koa qui s'étaient un peu éloignés. La jeune femme était pendue au bras de l'humain et riait aux éclats.

Ne vous inquiétez pas pour ma sœur, elle est toujours comme ça.

Après un instant de réflexion, le rodeur accepta l'invitation. Au vu de la situation, il doutait que cela pose un problème à Tim.

(((HRP attention, ce post ne suit pas directement le précédent !!)))

scène fortement érotique/à caractère sexuel

Adossé à un mur du quartier commerçant, le rodeur, quelque peu dépité se gratta la tête ne sachant pas trop quoi faire. Il avait quitté Bou avec l'intention d'aller visiter un mage afin de savoir s'il était possible de neutraliser la magie contenue dans sa marque. Elle continuait de se manifester de temps en temps, et le rodeur détestait l'idée que Lizmyar ait les moyens de le suivre à la trace.

Quand il en avait parlé avec Tim, celui-ci lui avait conseillé d'aller voir un mage shaakt renégat. Seul ce genre de spécialiste serait capable de le renseigner et accepterait peut-être de le faire. Malheureusement, il semblait que cette ville ne compte aucun habitant capable de répondre à sa demande. Finalement il repartit en direction des habitations.

C'est alors qu'il aperçut son ami à l'autre bout de la rue, qui se dirigeait vers les portes de la ville. Le rodeur piqua un sprint et le rejoint sur le pont-levis

Tim, tu es là, je te cherchais. Où est-ce que tu vas ?

Ah tiens, Sild, Tu as fini de te faire recoudre ? Ca te tente une petite partie de chasse dans les collines autour de la ville ?

Oui pourquoi pas. Il faut qu'on parle de la suite de notre voyage. Nous ne pouvons abuser de l'hospitalité de nos hôtesses au-delà de demain. Il faudrait aussi qu'on refasse des provisions. Le départ précipité de Caix Imoros nous a catapulté sur les routes sans préparation. La bonne nouvelle, c'est que les esclavagistes que nous avons éliminés étaient plutôt riches, j'ai décompté 200 pièces d'or dans leurs bourses.

C'est bien, il faut aussi que je me payes une nouvelle épée, la mienne est fendue au niveau de la garde. Dans l'état ou elle est, j'ai peur qu'elle se brise au prochain coup.

Tout en discutant, les deux hommes étaient arrivés en vue d'un petit bois.

Mais, c'est pas Koa, là-bas assise sur une souche ?

À ce moment, la jeune femme se tourna dans leur direction et vint à leur rencontre.

Tu n'es pas venu seul dit-elle à Tim.

Et bien, tu m'avais dit que….

Oui, oui, je sais ce que j'ai dit.

La jeune femme l'avait interrompu sans agressivité. Le rodeur s'arrêta. Il n'était pas sûr de comprendre ce qui se passait.

Et donc on est venu ici pour chasser ?

C'est Koa qui lui répondit, passant une main sur son torse et lui tournant autour, séductrice et sensuelle.

En fait ça dépend de quelle proie tu traques.

Sans lui laisser le temps de réagir, elle se lova contre lui, glissant une main dans ses cheveux et l'embrassa dans le cou. Assis sur un rocher, Tim regardait la scène, impassible. Le rodeur tressaillit et tenta de la repousser doucement, mais elle s'accrochait à lui avec énergie.

Oh, du calme… Qu'est-ce que tu fais ?

Son esprit réfléchissait à toute vitesse: Il ne pouvait nier l'attraction qu'elle opérait sur lui. Ses boucles brunes dans le soleil descendant, le teint de sa peau, elle était très belle, et rien dans son attitude ne démontrait la moindre brutalité, comme durant l'expérience qu'il avait vécu avec Lizmyar. Pourtant au fond de son cerveau résonnait une petite voix qui lui demandait si c'était vraiment ce qu'il voulait.

Elle ne répondit pas, mais le plaqua doucement contre un arbre, son corps collé au sien.

C'est à cet instant que Tim entra en jeu. Il se plaça derrière Koa et l'attrapa par la taille, couvrant son cou de baisers. Elle tourna la tête dans sa direction et sentit son odeur, ses mains posées sur le torse de Sildarim. Avec hésitation, celui-ci caressa le corps chaud serré contre lui.

(Qu'est-ce que je suis en train de faire ? je n'éprouve rien pour elle, et en plus il y a Tim, c'est horriblement gênant…)

(Et alors ? Après-tout, elle le désire, alors pourquoi n'oserais-je pas assouvir mes envies, juste une fois ? Lui ne s'en prive pas …)

Le couple s'était un peu écarté du rodeur. D'une main experte, Tim défit les attaches de la fine robe qui glissa lentement au sol. Tout en fixant le semi-elfe, Koa passa les mains dans les cheveux de l'humain derrière elle. Sildarim ne pouvait détourner les yeux du corps parfait à quelques mètres de lui. Du doigt, elle lui fit signe d'approcher. Ce fut comme un signal, il se jeta sur elle, couvrant ses seins de baisers.

Les minutes qui suivirent passèrent comme une tornade de plaisir, un hymne aux sens. Le semi-elfe ne parvint pas à se souvenir à quel moment il avait ôté ses vêtements. Par contre certaines images vinrent se graver dans sa mémoire: Le rodeur promenant sa langue entre les jambes humides de la jeune femme, Koa le prenant dans sa bouche tandis qu'elle chevauchait Tim, puis le jeune homme se plaçant derrière elle, jouant des muscles pour la porter, jambes écartées et gémissante de plaisir tandis qu'ils la pénétraient ensemble. Ils jouirent tous les trois en même temps et s'écroulèrent sur l'herbe, en sueur et épuisés.

Après avoir repris son souffle, la jeune femme s'appuya sur un coude, chassant les brindilles qui parsemaient sa chevelure auburn.

Et bien, c'était pas exactement la partie chasse à laquelle je m'étais attendu. Vous m'avez littéralement attiré dans un guet-apens tous les deux.

Koa sourit et posa sa tête sur ses mains, observant le ciel.

Normalement j'aurais dû me retrouver seul avec cette demoiselle, mais elle avait laissé entendre lors de notre précédente escapade, qu'elle n'aurait rien contre la compagnie d'un certain semi-elfe… et comme je ne peux rien lui refuser…

La jeune femme rit de bon cœur:

Tu avais même l'air plutôt enthousiaste à l'idée d'un rendez-vous à trois sous les arbres, il me semble.

Elle se leva et s'étira, consciente du regards des hommes sur son corps. Elle se tourna vers eux.

Mais dites-moi, on dirait que ces vaillants soldats sont encore bien vigoureux !!

Tout en parlant, elle caressa l'entrejambe des deux hommes. Couché sur le dos Sildarim ferma les yeux, et sentit la langue de la jeune femme sur sa virilité. Bientôt elle commença à tressauter sous les puissants coups de boutoir de Tim derrière elle. Leurs ébats résonnèrent à nouveau dans le bois, tandis qu'ils la prenaient à tour de rôle.

Quand le trio repassa le pont-levis, la nuit tombait. La chasse n'avait pas été bonne, mais cela ne semblait pas vraiment les déranger.

(((HRP: attention ce post ne suit pas directement le précédent)))

Une petite brise faisait voleter les feuilles de cette matinée d'automne. La journée s'annonçait chaude et ensoleillée car aucun nuage ne perturbait le ciel azur. Pourtant, les trois silhouettes présentes ce matin-là étaient tout sauf d'humeur joyeuse. Ils avaient enterré Koa au sommet de la colline surplombant le petit bois où la jeune femme aimait se promener. Tim et Sildarim en retrait derrière elle, Bou posa une rose à côté de la stèle, tandis qu' une larme coulait le long de sa joue. Le semi-elfe avança d'un pas et posa une main réconfortante sur l'épaule de son amie qui ne réagit pas. Ils restèrent un long moment ainsi, offrant un dernier hommage silencieux à la défunte, avant de redescendre la colline vers la ville.

La jeune femme, le visage figé, ouvrait la marche, à plusieurs mètres devant eux. Elle n'avait rien dit de toute la matinée. Les deux hommes respectaient son chagrin et la laissaient seule, comme elle le désirait.

Tim, lui, masquait sa tristesse en agissant comme si la mort de la jeune femme ne le touchait pas:

Ca va, je te jures. Je vais bien. Arrête de te faire du souci pour moi.

Le semi-elfe connaissait assez son ami pour savoir que sa prétendue indifférence n'était qu'une façade. L'instant était cependant mal choisi pour insister, d'autant qu'il se sentait lui-même au fond du gouffre à cause du sort de la jeune femme. En plus sa blessure à l'épaule semblait s'être réouverte et le lançait depuis leur passage dans la rivière.

D'accord, mais si tu as besoin d'en parler, je suis là.

L'humain changea de sujet sans répondre.

Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? les tueurs de Nal Hakeb peuvent revenir à tout moment. Nous devons quitter la ville au plus vite. Je pense que Bou devrait nous accompagner jusqu'à Mertar, là-bas elle sera en sécurité.

C'est hors de question !!

La jeune femme s'était tournée vers eux et les fixait d'un regard plein de colère. Manifestement elle avait entendu la fin de leur conversation.

Bou, je comprends ta tristesse, mais tu ne peux pas rester ici. Les tueurs qui ont fait cela pourraient revenir. Ils n'hésiteront pas à s'en prendre à toi pour savoir où nous sommes allés.

La jeune femme vint se camper devant le semi-elfe.

Qui parle de rester à Dahram ? Je viens avec vous, mais il est hors de question que vous me laissiez à Mertar. Je veux voir mourir ceux qui ont fait cela.

Le rodeur ferma les yeux un instant, cherchant le meilleur moyen de faire entendre raison à son amie.

Je crois que tu n'as pas compris à qui nous avons affaire. Ces tueurs, ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins. Ils menacent, ils détruisent, ils tuent !! Je ne peux pas te protéger. C'est pour cela qu'il est impossible que tu viennes avec nous. C'est trop…

La jeune femme ne le laissa pas terminer sa phrase. Avec la vivacité d'une panthère, elle glissa son pied derrière le sien et le poussa violemment en arrière. Malgré toute sa science du combat, le semi-elfe tomba lourdement sur le dos. La jeune femme dégaina sa dague et lui sauta dessus, appliquant la lame sur sa gorge.

Je te l'ai dit hier, Sildarim, je suis capable de me défendre. De toute manière, je ne vous demande pas votre avis. Je ne vous lâcherai pas d'une semelle, dussai-je traverser les enfers pour retrouver cette Maï et venger ma soeur.

Satisfaite de son effet, elle le libéra et rengaina son arme.

Bien maintenant que ce détail est réglé, en route pour Mertar !

Les deux hommes se regardèrent. Ils n'avaient visiblement pas le choix.

C'est au cliquetis habituel de ses chaînes que Vectelion acheva une série d'étirements. Reprenant lentement son souffle adossé au mur de sa cellule, il tenait son regard fixe en direction de son unique source de lumière depuis bientôt trente jours, la lampe à huile. Emprunt à une vague de dépression depuis quelques heures, il doutait qu'un jour Ganéus ne le libère, malgré ses propos. Vec' avait beau monter son tout petit stratagème pour maintenir l'espoir, la raison allait l'emporter: il ne reverrai pas la lumière du jour.

La capture de Daguiero était la priorité de Ganéus, la mort du Capitaine Valtor celle de Vectelion. Le pied enchaîné à la pierre et dans l'incapacité de négocier sa libération, il se sentit baisser les bras pour la première fois.

-Est-ce pour moisir ici que Ganéus m'a poignardé et ensuite sauvé? Assez! Fulmina-t-il, la tête entre les genoux.

Il palpa son abdomen, caressant la cicatrice encore sensible. Enfin il prenait conscience que tous ses petits plans ne mènerait pas loin, la preuve étant qu'il était au service de Ganéus, lui-même qui l'avait poignardé. Faible, sans pouvoir, Vectelion se laissa aller dans un trou noir cérébral, une chute libératrice où l'encapé chassait toutes ses pensées.
Oubliant même un instant les murs de sa cellule, le claquement sec du loquet de la serrure le fit sursauter. La tête toujours entre les genoux, il attendit que les bruits de pas approchent pour souffler:

-J'abandonne, Ganéus... c'est la dernière fois que vous franchissez cette porte pour me voir en vie. Quoique vous ayez à me dire, je passerai cette chaîne autours de mon cou dès votre départ, je vais m'offrir ma propre liberté.

Le silence. Vider ainsi son sac devant Ganéus semblait lui avoir coupé le sifflet, il se rendrait peut-être compte du calvaire que son prisonnier subissait... mais ce fut un tout autre tableau:

-Hé bien ce n'est pas ce à quoi je m'attendais en venant personnellement vous voir, s'exclama doucement une voix.

Pour une fois ce n'était pas Ganéus qui avait franchit le seuil de sa cellule...

Vectelion releva brusquement la tête en entendant cette voix. ses yeux tombèrent sur une silhouette fine et élancée. Les cheveux blancs en brosse, un visage pâle au regard vert le dévisageait avec une franche curiosité: c'était l'elfe. Une tunique brune légère ornait ses épaules, serrée à la taille d'une ceinture brodée de fils d'or.
Il dégageait de l'elfe une atmosphère étrangement apaisant. Méfiant, et ne l'ayant aperçu qu'une seule fois lors de l'arrivée dans sa cellule, Vec' ne connaissait rien de ce personnage. Dans son vague souvenir, il devait être le supérieur hiérarchique de Ganéus.

-Vous venez me donner le coup de grâce? Lança l'encapé en observant le fourreau à sa ceinture, d'où dépassait un pommeau moulé pour une main. Il portait également un petit baluchon par dessus son épaule.

-Vectelion, c'est ça? Continua tranquillement l'elfe en refermant la porte derrière lui.

-A qui ai-je l'honneur? Pardonnez-moi mais lors notre dernière rencontre je n'ai pu me présenter convenablement: votre ami Ganéus venait de me perforer le ventre.

L'elfe prit un air excusé, s'approchant calmement il déposa son sac à côté de la veste et du chapeau de Vec' couverts de poussière:

-Une histoire fâcheuse, malgré cela vous êtes encore en vie.

Il prit un instant et observa le prisonnier, qui lui rendit son regard critique:

-Alors, qui êtes-vous? S'impatienta l'encapé, sa colère s'estompant peu à peu. Si les elfes lui inspiraient généralement une plate empathie, il ne désirait pas se laisser avoir bêtement par celui-ci...

-Que vous a raconté Ganéus à mon sujet?

-Hum... pas grand chose en vérité. Il a prit soin de me cacher des informations qu'il me saurait bénéfiques.

L'elfe prit un air amusé:

-Bénéfiques? Pour fuir cet endroit miteux? Fit-il en montrant le plafond de la cellule.

-Peut-être bien.

Le silence s'installa, laissant les deux êtres se jauger mutuellement. Si Ganéus avait refuser de donner plus d'informations à propos de l'elfe, ce dernier se tenait aujourd'hui devant l'encapé, réveillant toute sa curiosité.

-Voilà trente-et-un jours que nous vous tenons enfermé, reprit calmement son interlocuteur. Ganéus m'a tenu au courant de chacun de vos entretiens et vos informations se sont avérées essentielles dans la traque de Daguiero. Grâce à vous nous avons considérablement avancé dans sa chasse, et sa capture est proche.

Vectelion l'écouta avec attention. Alors que Ganéus restait discret lors de ses visites, l'elfe semblait se montrer plus bavard et plus... sympathique. Ce n'était pas le souvenir qu'il tenait de lui, étrangement.

-Ganéus m'a aussi fait part d'une de vos conditions lorsque vous avez accepté cette collaboration.

-Collaboration? S'empourpra Vectelion en s'emparant de ses chaînes. Avais-je le choix?

-Qu'importe, coupa doucement l'autre. Vous avez manifesté le désir de participé à sa capture, je me trompe?

Vec' se mit à réfléchir à toute vitesse, se remémorant la discussion avec le rôdeur. Il ne devait pas évoquer son réel objectif devant l'elfe: Valtor.

-Ganéus était catégorique, je pouvais apporter mon aide uniquement depuis cette cellule. Il était hors de question pour lui de me laisser sortir.

-Hum... c'est vrai. Seulement, je ne rejoint pas forcément son point de vue sur cette question.

Le doute plana un moment. L'encapé se releva lentement, laisser chuchoter ses chaînes. Il arrivait à peu près au même niveau que l'elfe:

-Vous me laisseriez vous accompagner? Osa-t-il, un gout de liberté revenant l'habiter.

-C'est envisageable.

-Oh... ainsi vous ne craignez pas que je prenne la fuite à la première occasion?

-Considérant votre situation actuelle, non je ne le pense pas. Je sais également que le Capitaine Valtor, frère de Daguiero, vous pose problème.

Vectelion eut le souffle coupé en voyant que finalement il devrait jouer carte sur table. D'un autre côté, il était logique qu'il veuille se débarrasser du capitaine... mais l'entendre dire de la bouche le perturba un moment.

-Qu'auriez-vous à gagner en fuyant? La promesse d'être poursuivit par les troupes de Darhàm?

-D'après Ganéus, Valtor me croit mort. Rétorqua l'encapé.

-Vous tenteriez donc votre chance en vous appuyant sur cette simple hypothèse? Sans compter que nos propres hommes tâcheraient de vous retrouver, pensez-bien. Si vous partez, exposa clairement l'elfe, je ne donne pas chère de votre peau. Vous avez vu mes hommes à l'oeuvre lors de votre libération, certes avant qu'il ne vous capture à leurs tour. Nous vous avons tiré de la mort une fois, mais là les choses prendraient une tout autre tournure.

Vectelion eut un rire nerveux:

-Voilà tout l'intérêt de la situation.

-Vous n'êtes pas une tête brûlée, je ne vous pense pas capable d'un tel coup. Bien au contraire je vous sens plus prompt à faire des choix intelligents, plus prompt à saisir... les opportunités.

-Donc si je comprend bien, et ce malgré les mises en gardes de Ganéus, vous me laisseriez le champ libre?

-C'est grossièrement dit mais en effet.

-Et que me garanti un tel choix? La mort de Valtor ne fait pas partie de votre plan, mais c'est un caillou dans ma botte. Une fois Daguiero capturé, même si vous me laissez la vie sauve Valtor sera en mesure de me traquer.

-C'est exact. Si en effet nous parvenons à notre objectif, vous n'aurez rien à craindre de nos hommes, en revanche tout Darhàm vous tombera dessus. C'est là que je suis en mesure d'agir et de vous tendre la main...

Vec' se passa la main dans sa tignasse crasseuse, largement intéressé. Il incita l'elfe à lui en dire un plus d'un hochement de tête.

-Une protection, fit-il simplement.

-Haha! Vous insinuer pouvoir me protéger de Valtor une fois son frère débusquer? S'exclama Vectelion. A quel prix, vivre cacher dans cette cellule en attendant ma mort?

-Ne doutez pas de nos moyens, Monsieur Vectelion. Savez-vous à qui vous avez à faire? Lança l'elfe.

-Oui, rétorqua l'encapé, une sois disante famille. Mais à part tuer Valtor je ne vois pas comment vous pourriez me garder sous protection.

-Alors laissez-nous faire, sembla conclure l'elfe. Prenant un air amusé, il tendit alors sa main: avez-vous une meilleure idée?

Se mordant les lèvres, Vec' ne voyait pas meilleur plan que de lui faire confiance. Cette protection que lui offrait l'elfe ne l'inspirait pas plus que cela mais elle pourrait prolonger sa vie, à condition que Daguiero se laisse capturer... ce qui était encore une autre paire de manche.

L'encapé soupira, empoignant les fins doigts de l'elfe d'un air résigné:

-Voyons ce que l'avenir nous réserve, lâcha-t-il résigné.

-Hum... après tout ce n'est que chance à saisir, répondit l'elfe en lui serrant la poigne: je m'appelle Alanaël. Alanaël Kor-Sand'hor, et c'est avec la famille Kor-Sand'hor que vous traitez à partir d'aujourd'hui, Monsieur Vectelion.

-Kor Sand'hor...

Cet Alanaël lui offrait la chance de traquer Daguiero, et ainsi de se rapprocher de Valtor. Malgré les craintes de Ganéus que l'encapé en profite pour filer, l'elfe avait vu juste dans son jeu: Vectelion n'était pas assez fou pour s'enfuir, et il comptait bien siéger à Darhàm encore un moment sans être chassé. Alors, autant coopérer.

-Kor Sand'hor, se répétait Vectelion.

Non, ça ne lui disait décidément rien. Assez content de s'en sortir, il préféra ne pas y penser et accepter son sort. Désireux de se changer les idées, il jeta un oeil au baluchon qu'Alanaël avait laissé près de son manteau. Pour son grand plaisir, l'elfe lui avait laissé de quoi se restaurer, des mets d'une qualité meilleur que ce à quoi l'encapé avait eut le droit ces trente derniers jours. Un peu d'eau, des vêtements propres et aussi...

-Hum?

Enroulé dans une chemise en lin, il fit tomber quelque chose qui résonna au sol. Un petit manche en lanière de cuir maintenait une courte lame finement aiguisée. Retournant l'arme dans sa main, un sourire s'afficha sur le visage de l'encapé:

-C'est déjà un début dans la confiance qu'il m'accorde.

Ce surin ne valait pas sa lame de bras perdue lors de sa capture, mais il ferait largement avec. En vidant le fond du sac, il dénicha le fourreau allant avec.

-La panoplie complète, s'esclaffa Vectelion.

Rengainant l'arme, l'esprit en ébullition, il posa son regard sur son chapeau noir. Hâtif de renfiler son cuir, le travail l'attendait dorénavant... avec une certaine appréhension évidement.

Le déclic de la serrure qu'il entendait pour la dernière fois fit bondir le coeur de Vectelion, déjà debout. C'était difficile à admettre mais il fut content de voir l'elfe franchir le seuil, affichant un air toujours aussi calme. Vêtu de la même tunique blanche sayante que la veille, il tenait la même lame au côté. A peine eut-il fermé la porte qu'il s'arrêta, observant son prisonnier fraîchement habillé:

-Il est midi, annonça-t-il. J'imagine que la notion du temps vous semble vague...

-La notion des temps, corrigea Vec' en défroissant sa chemise.

Il laissa son geôlier approcher, ne cachant pas un sourire lorsqu'il vit la clé de ses liens. Avant de le libérer définitivement (il l'espérait) l'elfe prit un air plus sérieux:

-N'oubliez pas Monsieur Vectelion: vous traitez dorénavant avec...

-Les Kor Sand'hor, acheva l'encapé. Mais les Kor Sand'hor ne traiterons avec moi qu'une fois mon chapeau et mon manteau remis à leurs places.

Vectelion se tapota le crâne de la paume, signalant son impatience. Le visage d'Alanaël se détendit, il se mit enfin à l'oeuvre. Ces murs craquelés, ce sol poussiéreux et cette odeur de pierre humide... tout cela ne serait plus qu'un vague souvenir dans une minute.
Vectelion n'avait pas prit la peine de cacher le surin trouvé dans le sac, le portant à la taille comme une signature de leur contrat. Aujourd'hui il entrait en chasse, mais pas seul cette fois-ci. L'appréhension était grandissante après ces trente jours enfermé, lui-même ne savait pas ou logeait sa prison: sous Darhàm peut-être, ou bien à mille kilomètres de là... dans les deux cas, l'air pur lui regonflerai les poumons et le moral.

Un cliquetis, un chuintement de chaîne et ça y était. Le soulagement de ne plus sentir cet anneau de fer à sa cheville s'était fait attendre, il passa sa main dessus pour en prendre pleinement conscience:

-Quelle drôle de manière d'honorer un accord, murmura-t-il.

-Il n'est plus question d'accord mais de coopération à présent. Et je tiens à réaffirmer notre engagement: votre protection dès la capture de Daguiero.

Vec' se retint de rajouter "et la mort de Valtor", mais il s'agissait là de son objectif personnel. Conscient qu'il ne fallait en rien griller les étapes, il avait toujours peine à croire que ces Kor Sand'hor avait le pouvoir de le garder du capitaine de milice.

(Qui vivra verra) Pensa-t-il en saisissant son chapeau.

Sous l'oeil patient d'Alanaël, Vectelion frappa trois quatre fois son couvre chef afin d'enlever la poussière et fit de même avec son long manteau noir. Enserrant le cuir dans son poing, la satisfaction était au plus haut point: pour l'encapé, se contenter de ce qu'il avait c'était déjà être riche. Plongeant la main dans sa poche, il en sortit soigneusement sa paire de petites lunettes rondes et la posa sur son nez aquilin.
Ses yeux se perdirent un instant dans la flamme de la lampe à huile, à ses pieds.

-Je ne sais pas qui sont les Kor Sand'hor... je ne sais pas qui vous êtes, Alanaël. Pourquoi avoir fait ce choix, je ne représente rien à vos yeux.

-Dans un sens c'est vrai, répondit l'elfe en invitant l'encapé vers la sortie. Je pourrais même vous laisser fuir cette ville sans envoyer un seul de mes hommes à vos trousses. Mais la croisée des destins, et particulièrement des nôtres, m'a semblée bénéfique: aujourd'hui en est la preuve. Au fond de vous même vous savez que cette cellule vous a apporter plus de bien que de mal: Valtor n'est pas à vos trousses puisque vous avez disparu de Darhàm. De notre côté nous sommes plus proches que jamais de capturer son frère.

-Mais Valtor ne laissera pas Daguiero monter à l'échafaud. Le pouvoir et l'argent suffiront à le remettre en liberté, sans parler de la parole d'un capitaine: c'est d'ailleurs ce qui a assurer ses remises en liberté dans le passé. Là, vous ramasserez peut-être la prime, mais la tête de Daguiero sur les avis de recherche nous narguera toujours...

Alanaël eut un petit rire, il gardait toujours ce ton léger de conversation:

-Haha... nous allons capturer Daguiero, Monsieur Vectelion, mais personne ne le livrera aux autorités croyez-moi. Il n'y a pas de prime ni de récompense qui puisse pardonnez les actes de ce traître barbare. L'échafaud quand à lui n'est qu'un divertissement publique donnant un visage à la justice.

Il l'invita alors à sortir le premier, le laissant savourer sa renaissance.

-A vous entendre parler, reprit Vectelion en posant la main sur le loquet de sa cellule, j'imagine que les Kor Sand'hor exécutent leur propre justice... avec leur propre échafaud.

L'elfe ne dit mot mais le silence approuvait cent fois mieux les pensées de l'encapé flambant neuf. Il n'en avait que faire, après tout lui-même avait exécuté à plusieurs reprises sa propre justice, faisant souvent office de bourreau.

A sa grande stupeur, vectelion tomba sur un petit tunnel à la sortie de sa cellule. Comme il l'avait deviné les premiers jours de son incarcération, il avait été détenu sous terre. Mais il s'attendait à tomber sur d'autre cellule, ou bien une "pièce" principale... mais là non. Un simple tunnel creusé sous terre, animé simplement des ombres produites par quelques torches. L'allée n'était pas longue, Vectelion en voyait l'extrémité où une échelle en bois l'attendait. Depuis le haut perçaient des rayons de lumières, ce qui lui regonfla le cœur. N'attendant pas Alanaël, il marcha prestement en direction de sa liberté, la joie lui nouant les entrailles. L'elfe suivit au pas, le laissant gravir l'échelle craquante et poussiéreuse. Oui, il voyait enfin le bout de son calvaire! Gravissant les échelon, il s'aperçut que la lumière perçait au travers d'un épais buisson qu'il du écarter pour sortir.

-C'est un peu précaire, je sais, déclara le Kor-Sand'hor.

Mais Vec' était trop curieux, tenailé par le désir de voir où il avait réellement siégé ces dernières semaines. Il en tremblait d'excitation alors qu'il parvenait après quelques mètres d'ascension à se dégager du buisson qui cachait l'entrée, découvrant un ciel pluvieux mais si rassurant.
A genoux, il leva les yeux, discernant un paysage familier. Des collines s'étendaient à perte de vue en direction du Sud, alors que soufflait du Nord un vent bien particulier:

-La mer n'est pas loin... murmura-t-il.

Il posa les yeux sur la nature environnante, les arbres, les forêts, la silhouette des montagnes dominant de très loin les collines. Son cœur s'emballa et l'encapé inspira de grandes bouffées bienfaitrices.

-"Les dieux soient loués" diraient les gens pieux! S'exclama-t-il.

Alanaël le rejoignait enfin, redisposant comme il pouvait les branches du buisson.

-Ainsi vous ne mentiez pas, fit Vec' en faisant le tour des lieux, cherchant à se repérer: vous m'avez effacé des yeux de Valtor. Cependant nous n'avons pas quitter le Nord de Nirtim, même si je n'aperçois encore aucune route menant à Darhàm.

Ayant sillonné ce paysage une partie de sa vie, le décor était resté gravé dans sa mémoire. Pour une fois il offrait une touche de positivité à Vec', alors que d'habitude cela ne lui inspirait que la morosité.

-Oui en effet, réconnut l'elfe en rejoignant son ancien prisonnier. Les côtes sont à quelques heures tandis que Darhàm est à un jour de marche d'ici, à l'Est.

Se grattant le menton, l'encapé sentit venir une foule de questions qu'il contenait tant bien que mal:

-J'imagine que ce genre de cellule n'est pas la seule du secteur, avança-t-il en désignant le buisson.

-Hum... approuva Alanaël. Nous sommes parfois amenés à faire des prisonniers plutôt que des cadavres.

-J'imagine... marmonna Vectelion en regardant vers l'Est. Darhàm est notre direction, n'est-ce pas?

Laissant ses idées noires de prisonnier derrière lui, il se mit en route en entendant l'elfe approuver encore ses propos.
A présent libre il se devait de se concentrer sur son objectif, de saisir la chance que lui offrait le dit Kor-Sand'Hor. deux jours de marche, peut-être un peu moins s'ils ne faisaient pas d'escale.
Alanaël vint à sa hauteur, posant une main sur son épaule et l'incitant à s'arrêter.

-En vue de la situation nous n'irons pas à pied, déclara-t-il.

A la surprise de Vec', les yeux d'Alanaël trahissaient une certaine inquiétude.

-La "situation"?

-Venez, ne s'attarda pas l'elfe, des chevaux nous attendent non loin de là. Je ne souhaitais pas gâcher votre remise en liberté mais à présent, seul nos objectifs communs importent. Je me dois de vous mettre au parfum très vite.

L'encapé était conscient que cette déclaration signait concrètement son partenariat avec les Kor-Sand'Hor. Dans ses veines son sang bouillait d'impatience alors qu'il emboitait le pas de son compagnon.

Alanaël conduisit Vectelion à une cinquantaine de mètres de la cellule. L'encapé n'aurait pas pu exprimer combien il était bon de marcher, de sentir le vent sur son visage. Chaque bruissement de feuilles chuchotait à son oreille le son de la liberté, il s'en retenait de sourire de joie. Suivant l'elfe de près, il capturait du regard les moindres détails du paysage, des détails qu'il n'aurait imaginé revoir un jour. Le bruit approchant d'un cour d'eau donnait vie à tout ce paysage.
Perdu dans un flot de pensées et de sentiments, Vectelion manqua de heurter Alanaël lorsque celui-ci s'arrêta. Désignant du regard deux chevaux sellés attachés à un arbre, au bord d'un ruisseau, il invita Vec' à s'approcher.

-Voici Garet, fit-il en flattant l'encolure d'un magnifique cheval brun. Et ça c'est Kalyn, ajouta-t-il en montrant une jument à la robe grise.

Doucement, et avec une certaine appréhension, Vectelion vint caresser du bout des doigts le museau de la bête. Son souffle apaisé, la dénommée Kalyn renâcla doucement à l'approche de son futur cavalier. Pour l'encapé, ce contact lui noua les entrailles et lui serra la gorge. Si dans toute sa vie il n'avait monté que peu de chevaux, il était impatient de sentir le vent lui fouetter le visage.

-Remplissez votre gourde, nous ne ferons pas d'escale, annonça Alanaël en mettant un pied à l'étrier.

Vectelion s'exécuta auprès du ruisseau, s'aspergeant le visage d'eau fraiche au passage. Observant son reflet un instant, il ne reconnut presque pas le Vectelion qu'il était quelques semaines plutôt: une peau pâle en manque de lumière et de lourdes cernes lui donnaient l'air d'un fantôme...

(Quelle pitié...)

Remettant son couvre-chef, l'encapé approcha de Kalyn et vérifia rapidement les attaches de la selle en cuir noir. Faisant de même avec le fourreau de son surin, à l'intérieur de son manteau, il prit un moment de réflexion. Jetant un regard au Kor Sand'Hor, il lui confirma sans un mot qu'il était prêt au départ.

-En avant Monsieur Vectelion, bientôt vous regretterez peut-être le calme de votre cellule, lança-t-il avec un sourire, éperonnant sa monture.

Les cheveux battant au vent, Vectelion tenait fermement son chapeau collé à sa poitrine. Ankylosé du fessier depuis plus d'une heure, il faisait subir à son squelette entier un violent retour à la réalité, mais la détermination dominait. A l'instar de lui, Alanaël était couché sur son cheval au galop, en tête.
Si le corps de Vectelion criait douleur, son esprit était renfermé sur lui-même, en ébullition. Cela faisait plus d'une demi-journée qu'ils allaient à vive allure, mais l'elfe n'avait encore rien dévoilé de ce qu'il promettait: les premières informations nécessaires à leur partenariat. Ne s'arrêtant qu'un bref instant pour déshydrater les montures, ils avaient reprit leur route dans le silence, laissant Vec' dans la perplexité.

Alors que le soleil couchant perçait les nuages pour la première fois de la journée, le Kor Sand'hor ralentit enfin l'allure, cassant le rythme des sabots sur la terre. S'exécutant un peu tard, la jument de Vec' manqua de foncer dans son compagnon et l'évita de justesse dans un hennissement indigné.

-Hééé!

L'encapé manqua de perdre l'équilibre, son coeur implosant de peur.

-Haha, s'esclaffa l'elfe en l'observant faire maladroitement demi-tour, vous dormez Monsieur Vectelion?

-Vous parlez d'un rythme! Je ne sentirai même plus les coups de fouet d'une adepte de Phaitos!

Alanaël pouffa de rire, s'emparant de sa gourde. Préférant se dégourdir l'arrière train d'abord, Vectelion oublia tous ses maux à l'image de sa situation, il tenait son regard rivé à l'horizon:

(Oui... je m'en sors bien!) Se convaincu-t-il.

En effet, revoir un couché de soleil lui aurait paru.... comique, quelques jours plus tôt.
Le duo laissa le silence s'installer paisiblement sur la flore alentours. Le chemin qui les conduisait à Darhàm était très peu emprunté, minimisant leurs risques.
Reportant ses idées avec plus de sérieux, Vec' s'assit dans l'herbe humide et observa Alanaël sortir quelques fruits de la scelle de Garet, son cheval.

-Nous ne ferons pas escale et arriverons cette nuit, lança l'elfe en s'asseyant face à lui.

-Sachez qu'une nuit à la belle étoile m'aurait amplement suffit.

-Le temps nous manque, malheureusement. Cependant j'ai le devoir de vous informer de plusieurs choses concernant nos travaux communs, fit-il d'un air grave.

Ne se laissant pas hypnotiser par le regard vert de l'elfe, Vectelion capta l'ampleur des mots qui allaient suivre. Concentré, il ne croqua même pas la pomme qu'Alanaël lui avait donnée. Ce dernier savait d'ailleurs pertinemment qu'il captait toute son attention:

-Nous vous avons tenu plus de trente jours, Monsieur Vectelion, enfermé sous terre. Aujourd'hui vous voilà libre, et nos destins se croisent comme je l'ai déjà dit.

-Où voulez-vous en venir...

-Hum... vous avez survécu au Capitaine Valtor et à son influence, vous avez échappé à la peine de mort destinée à son frère, Daguiero. La lame de Ganéus, mon bras droit, n'a pas eu raison de vous non plus...

Vec' ne comprenait pas le sens de cette déclaration, pendu aux lèvres d'Alanaël. L'elfe sembla peser ses mots:

-Craignez-vous de revenir à Darhàm malgré la protection que les Kor Sand'hor vous offrent?

L'encapé ne savait que répondre, même si la réponse réelle était non. Il gagnait d'impatience d'en finir lui même avec Valtor, par tous les moyens possibles. Couvrir ses arrières pour avancer, voilà une règle qui était de mise chez lui: ni Daguiero ni le capitaine y couperaient.

Devant le silence interdit de son interlocuteur, l'elfe se releva, affichant un sourire en coin:

-Alors que vos craintes s'évaporent, fit-il simplement.

-...

-Le Capitaine Valtor et son frère Daguiero ont été exécutés en place publique il y aura bientôt... vingt-sept jours.

Vectelion n'eut aucune réaction. Il fixa le sourire d'Alanaël un moment, n'arrivant à desserrer la mâchoire.

(vingt sept jours... vingt sept jours...)

Sa gorge se noua un instant, sentant les larmes lui monter et puis... il éclata de rire, faisant sursauter l'elfe. Allongé dans l'herbe, il ne savait plus quoi penser, victime d'une hilarité incontrôlable.

-Vingt sept jours! Haha! Vingt sept! Hurlait-il plié en deux. Haha!

Plus il recollait les morceaux, plus son souffle était coupé. Il avait vécu enfermé tout ce temps, alors que ses deux seules ennemis avaient trouvé la mort trois jours après son incarcération! Une peine inutile au final:

-Haha... Alanaël je ne sais pas si... je dois vous remercier ou... vous égorger! Articula-t-il dans sa misère hilarante.

Le Kor Sand'hor entama les cent pas, laissant l'encapé se calmer et surtout analyser la situation.
Alors il n'y avait plus de Valtor, plus de Daguiero. L'accord conclu avec Alanaël ne tenait même plus debout, la protection de la famille Sand'Hor encore moins... seul le gout de la terre de sa cellule restait dans la bouche de Vectelion. La tête dans les genoux, il essuya ses larmes et la sueur qui perlaient son visage. D'un geste impatient, il imposa à l'elfe de reprendre rapidement son explication avant que la colère ne vienne remplacer la folie...

-Ne vous sentez pas trahi, Monsieur Vectelion. Vos efforts n'ont pas été vains.

-Des efforts forcés, fulmina-t-il sans relever les yeux. C'est une véritable comédie!

-Oh non! Coupa Alanaël. Je ne crois pas avoir rompu les termes du contrat.

-Votre protection? Lança Vec' en relevant la tête, s'énervant. Contre quoi, contre qui Alanaël? Cet accord n'a plus aucun sens, je ne comprend votre choix. Haha... les "termes du contrat".

-Vous avez pourtant rempli votre condition: nous apportez votre aide dans la traque de Daguiero. En vérité, vous avez simplement évoqué le nom de son frère, Valtor, la seule source qui nous manquait.

Vectelion se souvint de son arrivée à demi-mort devant Alanaël, il lui avait en effet révélé ce nom dès le début. Mais son bras droit Ganéus, seul contact extérieur, avait joué le jeu. L'encapé s'était torturer l'esprit à tout le temps évaluer sa situation, tout le temps calculer ses chances de survie. Il s'était fait monter la tête pour capturer un cadavre, libéré pour chasser un fantôme.

-Daguiero mort, continua Alanaël, le contrat est honoré. Au nom des Kor Sand'Hor, je vous offre la protection promise pour votre service rendu.

-Mais... pourquoi? Demanda Vectelion, baissant les bras. Pour quelle raison m'entretenir dans le mensonge si longtemps?

-Hé bien vous l'avez dit vous même, vous êtes une ombre. Sans compter Valtor et quelques badauds pour qui vous avez travaillé, personne ne vous connait à Darhàm: vos méthodes de chasse m'ont beaucoup intéressé. Je crois aux rencontres exceptionnelles...

-C'est encore une histoire de destin? Fit Vectelion, accablé en ramassant son couvre chef.

-Personnellement, ça l'est. Mais l'honneur de Kor Sand'Hor passe avant tout, et après mûre réflexion il m'est venu à l'idée qu'un homme comme vous... il fallait mieux l'avoir dans son camp.

Le brouillard se dissipait lentement, l'encapé voyait parfaitement où Alanaël voulait en venir.

-Et alors ces semaines retenu délibérément? Non pour me cacher des yeux de Valtor, je l'apprend enfin.

-Elles m'ont permis à moi et Ganéus... de faire le ménage.

-Le capitaine et son frère étaient morts pourtant?

-Mais d'autre ont suivis.

Incertain, Vec' n'avança aucune réponse.

-Quand nous rentrerons à Darhàm cette nuit, je puis vous affirmer sur mon honneur de Kor Sand'Hor que personne ne remettra votre visage, pas même vos vêtements.

Les yeux ronds comme des soucoupes, Vec' serra son chapeau dans ses mains:

-Vous avez liquidé tous mes commanditaires? Fit-il moitié-impressionné.

-Absolument. Comprenant quelques hommes de main, bien sûr.

La voix de l'elfe ne tremblait pas, et le silence qui suivit traduisit le choc que ressentit Vectelion. Oh ce n'était pas de la tristesse loin de là, il s'en fichait comme d'une guigne, mais ce genre de "ménage" lui imposait réellement le respect.

-Remarquable performance, fit Vec' à mi-voix.

-Tout juste. Cela justifiera l'attente que je vous ai faite subir.

Se grattant la barbe, l'encapé prit du recul et analysa le fait accomplit. S'il voulait faire confiance à Alanaël, la soudaineté des évènements l'empêchait d'aller trop vite. Le Kor Sand'Hor comprit la réticence de son interlocuteur:

-Monsieur Vectelion... attendez demain pour vous rendre compte de cette réalité. Ganéus et moi avons fait de vous une ombre à Darhàm.

Un léger sourire se dessina sur le visage de l'encapé, quelle situation incroyable. Oh elle ne lui déplaisait pas, tous ses problèmes semblaient résolus. Mais l'appréhension qu'il avait envers ces Kor Sand'Hor se réveillait.

-Une ombre, le mot est bien choisit en effet.

-Oui. Soyez... mon ombre, Monsieur Vectelion.

Comme une traînée de poudre.

Notre petit semi-efle blessé à l'épaule est en cavale, Dahràm grouille de chasseurs de primes à sa recherche. Après avoir esquivé la porte principale et ses gardes, il décide de louer un passage clandestin et souterrain afin de s'extirper de cette cité, demeure de ces deux dernières années, mais à présent hostile. Il débute ainsi sa quête accordée par une mystérieuse organisation : les Messagers du Corbeau.


Bien que le tunnel n'ait qu'une seule voie, la progression de Daemon se voit freinée par l'obscurité. Il n'a pas eu le luxe de se procurer une torche, ni même d'y songer. Après avoir traversé une zone rocheuse et humide, où chaque pas était incertain, le voici à présent arrivé sur une partie plus meuble, voire même boueuse. Du bout des doigts, il devine qu'ici le corridor est soutenu par de nombreuses poutres en bois. Ses membres s'engourdissent, et sa blessure le lancine.

(Décidément, ces derniers jours n'ont pas été de tout repos.)

Après un long virage, il distingue au bout du couloir des petites raies de lumières jonchées sur le sol. Au-dessus, un long escalier semble mener à une trappe. Après quelques difficultés pour l'escalader, il s'extirpe du souterrain tel un nouveau-né, aveuglé, engourdit, le souffle coupé...

Des bottes de foin s'étendent en hauteur, laissant distinguer un haut plafond orné de poutres massives. Elles dissimulent la trappe. Un bruit régulier de rouages résonne non loin. Le lieu lui revient en mémoire, il s'agit de la grange d'une petite ferme aux abords de Dahràm. Il ne reconnaît néanmoins aucun détail, son dernier passage était de nuit. Une fois extirpé de la paille, il observe une garzoke, vêtu d'une grande toge de pauvres étoffes, maintenue par une ceinture de cuir. Elle pousse un levier de ses deux bras, actionnant une énorme roue de pierre afin de moudre le grain.

« Bo...Bonjour »

La peau verte sursaute à ses mots, apparemment en proie au doute, elle lui rétorque enfin :

« T'sors du foin, de la trappe, n'est ce pas ? »

Observant les épis dans la tignasse de Daemon. Malgrés la force de sa voix et son air bourue, elle s'avère très féminine et calme.

« Oui, j'ai loué un passage au clan Darsok, afin de m'extraire de.. la ville... »

Ses bottes sont boueuses, et ses vêtements incrustés de brindilles. Malgré son allure de poulet, il ne cherche pas à s'épousseter. Il est pâle, le visage humide... De son coté, la paysanne approche les bras croisés, massant son menton en signe de réflexion. Elle se poste devant lui, permettant à Daemon de distinguer plus en détails sa musculature imposante. En un instant, elle change d'attitude et l'attrape par le col. Daemon cherche en vain le sol du bout des pieds, et dévisage de manière désorienté la garzoke. Mais elle ne le regarde pas, affichant un air concentré.

« Mais !? Lâchez moi ! »

La tête tournée, toujours sans le regarder, elle impose le silence d'un signe... Daemon a l'impression de pendouiller depuis des lustres, mais il ne proteste pas, intimidé par le comportement sérieux de la peau verte. Encore sans prévenir, elle se déchaîne, tournant les talons, portant le semi-elfe d'un bras, et d'un grand geste, le propulse en hauteur.

« HHHHAAAAAA !! »

Terrorisé, il distingue toute la grange pendant sa suspension. Sans trop comprendre, il s'écrase sans douleur dans un énorme bac. Daemon reprend ses esprits et découvre la réserve de blé. Il commence sérieusement à se poser des questions ; pour enfin percevoir une voix étrangère.

« Salutation, peau verte. »

« 'Jour. Qu'est c'que vous m'voulez ? »

Daemon se relève, et regarde le plus discrètement possible par-dessus le bois de la réserve. Cinq gardes de Dahràm arrivent à l'entrée du bâtiment ! Il replonge aussitôt dans sa cachette, le cœur battant.

« Nous cherchons un gamin aux yeux de Shaakt, une prime de 5000 yus a été établie pour sa capture. »

« De l'argent facile ! » S'exclame un de ses collègue, avant de rire grassement.

« Détrompe-toi, il a déchiqueté un pirate réputé dans un bordel... »

Daemon est terrorisé, et si la garzoke décide de le livrer ? Après tout, 5000 yus c'est une énorme somme pour une paysanne. Il s'imagine déjà sur les quais de Dahràm, pendouillant au bout de sa corde.

« Pas vu. J'mouds tout l'temps, comment voulez-vous que j'croise un gamin ? » répond elle d'un air crue.

Les soldats ne semblent pas la mettre en doute, après des salutations désinvoltes, ils s'éloignent en discutant. Daemon entend ensuite la garzoke jurer et reprendre son travail. Après quelque temps, il s'extirpe enfin du silo. Il saute mais sa réception est catastrophique... La garzoke se précipite vers lui, l'aidant à se relever.

« Normalement, pas passer en journée. Tu vas d'voir te cacher. Passe par l'bois ! »

Continue-t-elle en montrant à présent un bosquet au nord, au-delà d'un champ grillé par le soleil.

« Bien.. Merci pour tout m'dame.»

« C'normal, le clan Darsok n'a qu'une parole. Si t'es là, c'est que t'as l'accord du chef. »

(Mais sait-il qu'une prime de 5000 yus est offerte pour ma capture...?)

Sans perdre de temps, il s'éloigne en remerciant à nouveau la fermière. Elle le regarde s'éloigner en l'invitant à se presser ; et reprend ensuite sa position, les bras tendu sur le levier, le corps rigide pour actionner le mécanisme de ses jambes musclées.

Daemon distingue la ville qui s'étend au-delà des imposants murs. Sans prendre le temps d'apprécier le panorama, il traverse en bondissant, le champ séparant la ferme des bosquets.

Un concert inaudible et assourdissant.

Aux abords de Dahràm.

Après avoir traversé quelques bocages, le voici face à une rivière. Les eaux se ruent entre les roches, projetant des écumes dans un grondement peu accueillant. Daemon est bien trop faible pour essayer de le traverser. Pas le choix, il faut trouver un pont. D'un pas calme, il se dirige vers l'est en longeant les roseaux.

Un pont de pierre se dessine au loin entre les arbres.

(Je vais devoir avancer prudemment, me dissimuler et m'assurer d'être seul...)

La fatigue s'accumule... Chacun de ses pas résonnent en lui comme des coups de tambour. Il avance en direction de la route, appuyé sur un bâton. Daemon est si étourdi, il n'avait pas remarqué qu'un nain est assis au bord de l'eau. Le barbu le regarde d'un œil torve, mais son attention se reporte sur une poignée de racines au creux de ses mains. C'est la première fois que Daemon voit un nain. Il a pourtant grandi au pied des montagnes du domaine Thorkin, vécut dans une ville cosmopolite... Le nabot l'intrigue énormément, sa longue barbe rousse tressée, ses petits yeux verts qui dévisagent des racines d'un air écœuré. Il est étrangement accoutré avec d'amples vêtements vert et rouge criards. Daemon les imaginait autrement, et ne s'attendait pas à en croiser un au bord du ruisseau.

(Fascinant...)

Le nain remarque qu'il le scrute encore : « Pourquoi tu me dévisages ? »

Daemon aurait aimé sourire, mais il dodeline de la tête sentant ses forces lui échapper. Le trapu semble agacé. Il se lève pour l'aborder de plus près. Une fois arrivé à sa hauteur (façon de parler), il émet un petit geste de recul, à la fois surprit et dégoûté. Alors que tout vacille dans l'esprit de Daemon, le nain se détourne en déclarant quelque chose qu'il ne comprend pas... Le sol se dérobe, le haut et le bas se confondent. Un sifflement aigu bourdonne dans ses oreilles, tous ses sens semblent vibrer dans un concert inaudible et assourdissant. Après un choc, il succombe dans les ténèbres...

Un gros écureuil...

Assis aux abords de la tumultueuse rivière, je me demande si je n'ai pas offensé une Déité quelconque. Tout d'abord il y a eu cette foutue rencontre avec l'unijambiste, en plein milieu de nul part bien sûr ! Ensuite l'altercation aux portes de Dahràm avec ce garde corrompu à l'allure patibulaire… Et maintenant, me voilà, moi fier guerrier Nain obligé de me nourrir de racines et d’eau fraîche. L’eau c’pas naturel pour un nain, et ces racines me laissent un arrière-goût amer dans la bouche, quelle horreur, quelle humiliation !
Mais d’un coup, v’là mon ventre qui gargouille. Le soleil est haut dans ce ciel sans nuage, il doit être midi ou alors pas loin. Mais rien que de penser que je vais de nouveau devoir manger des racines, ma gorge se noue et j’explose :

« J’suis pas un elfe bordel ! Ne manger que des racines cinq jours de suite c’est pas raisonnable ! Si ça s’trouve je suis en train de m’intoxiquer. Aller quoi, il serait gentil de votre part de m’envoyer un bon présage ! » Dis-je en regardant le ciel.

Puis, j’entends des bruits de pas se rapprochant, et quand je me retourne, j’aperçois un homme avancer lentement.

(Hum… On dirait qu’il a pris une sacrée cuite lui.)

Mais de nouveau, mon ventre gargouille, je fixe mes racines d'un air dégoûté, tentant de me convaincre qu’il s’agit là d’un délice et non d’un supplice. Mais je n'arrive pas à m'en persuader, ce qu'il me faut manger est immonde et je ne le sais que trop bien. Puis, entendant l’étranger continuer de s’approcher je me retourne et constatant qu'il continue de me fixer, lui dis :

« Pourquoi tu me dévisages ? »

N’obtenant aucune réponse, je me lève et c’est en m’approchant que je réalise ce que j’ai en face de moi, un…Semi-elfe, au vu de la couleur de ses iris. Son visage est enfantin, sa peau lisse et ses mèches noires virevoltent au gré du vent. Il est drapé d'un épais manteau noir qui recouvre la quasi-totalité de son frêle corps.

(A peine plus épais qu'une brindille, m'enfin il a du sang elfe qui coule dans ses veines aha ! Et puis il doit vraiment être jeune vu sa bouille.)


Je vois le semi-elfe dodeliner de la tête, tout en continuant à me fixer. Cette fois j’en ai marre, déjà que je suis forcé de manger des racines, je ne vais pas en plus laisser ce semi-elfe m’énerver.

« Bon arrête de me regarder de cet air con. Dégage ! Laisse-moi tranquille ok ?! » Dis-je d’un ton agressif.

Mais rien à faire, ce foutu semi-elfe reste planté là, devant moi. Alors que je me lève pour lui faire peur, le voilà qui vacille et tombe rudement sur le sol rocailleux.

« Je fais cet effet là aux gens bwahaha !? »


( Bah merde ! Il n’est quand même pas mort ce con ? )

Je vais vers lui, et pour m’assurer qu’il est toujours en vie, lui fout un coup de pied dans le ventre. Je l’entends gémir, bien, au moins il vit encore. Je me penche, et lui fous deux trois baffes voir s’il s’réveille pas. Mais non, rien à faire, l’petiot reste figé. On dirait une statue.

« Bon j’vais devoir te baffer plus fort, j’y prendrais aucun plaisir je le jure » Dis-je en gloussant.

Je lève ma main pour baffer de nouveau l’semi-elfe, quand tout d’un coup, mon ventre se remet à gargouiller.

(Raah, j’ai faim, j’avais oublié ça. Peut-être devrais-je fouiller un peu dans l’sac du gamin, il doit bien avoir à becter.)

Allant du côté du baluchon,je l'ouvre, et c’est avec espoir que je fouille à la recherche d’une denrée mangeable. Ma main se posa sur ce qui semble être de la viande sèche, mon cœur bat fort dans ma poitrine, l’excitation est à son comble… Miracle ! Il s’agit bien de viande sèche, je jette un coup d’œil à l’inconnu, voyant qu’il est toujours dans les vapes je ne me gêne pas et commence à dévorer sa viande.
Son léger goût salé remplace l’infâme goût laissé par les racines. De la bave s’écoule au coin de ma bouche et s’infiltre dans ma barbe, je n’en ai cure, enfin de la bonne nourriture à déguster !