Tout d’abord, Destinée l'accompagne. Cela fait 6 mois qu’il ne fréquente pas cette créature. D’ailleurs, malgré les questions insistantes du jeune, elle garde le mystère du rite de passage pour elle. Grâce à ces conversations, il remarque que celle-ci ne ment jamais. Soit, elle donne une réponse incomplète, soit elle refuse de répondre. Ensuite, Lucius vient à son fils et lui dit :
«Personne n’entrera dans la forge aujourd’hui et tu ne sortiras pas tant que tu n’auras pas forgé la meilleure lame que tu aies jamais faite. Voici un dîner. Tu as jusqu’au crépuscule.»Sur ce, Lucius lui remet un paquet emballé d’un tissu beige. Les plis du tissu, sur le dessus du paquet, chaque pli sont disposés de manière méthodique. Le croisement entre eux forme un «X» plutôt précis. Chaque trait part d’un coin et se rend au milieu en ligne droite. Le tout est formé de façon à ce que chaque bout passe au-dessous du précédent et au-dessus du suivant formant ainsi un paquet solide. Celui-ci, Bartimus le comprend immédiatement, est confectionné par Mélia, sa mère. En effet, il est rare qu’autant d’attention soit portée aux emballages. La coutume prônant l’efficacité, mais la tradition prônant l’absence de femmes lors du rite de passage à la vie adulte des hommes. Ainsi, Mélia peut exprimer son amour et son affection pour le fils qu’elle a élevé.
Bartimus, un peu surpris, hésite quelques secondes, mais en voyant le sourire empli de fierté de Lucius, il comprend que son rite de passage débute aujourd’hui. Ceci étant probablement un défi lancé par son père afin de mériter les honneurs des Wiehls. Ainsi, il entre dans la forge et commence immédiatement à ajouter du charbon et de l’huile dans le foyer. Il fait rapidement monter la température et jette le moule à épée dans la chaleur. Il manipule ensuite d’énormes pinces et émet un grognement en tirant le moule hors du foyer. Il prend un ciseau et une masse et taille la forme du moule afin d’obtenir une arme la plus équilibrée possible. Ensuite, il utilise toutes sortes de retailles en acier et les met dans le pot en céramique. Il porte l’acier en fusion et retire les impuretés qui flottent. Puis, il coule l’acier dans le moule, il coule aussi le reste de l’acier dans un moule à garde et un moule à pommeau. Il commence par refroidir la garde dans l’eau et la façonne avec son marteau, utilisant sa pince pour retenir la pièce et chauffant celle-ci afin de la rendre malléable. Enfin, il saisit des morceaux de cuir et enveloppe la lame encore chaude, il la chauffe et il la frappe à de nombreuses reprises. Après plusieurs heures, il profite d'une pause très rapide afin de manger le repas préparé par sa mère.
Il y a trois tirolis cuits sur le feu déposés sur un urikan. Il s’agit d’un morceau de bœuf cuit lentement dans un four accompagné d’une sauce faite maison par Mélia. 2 tomates écrasées et pillées sont mises dans une casserole avec une feuille de menthe. Le tout est bouilli pendant quelques minutes puis on y ajoute du piment selon le goût. On continue l’ébullition jusqu’à obtenir la consistance désirée. Puis, on ajoute un peu de zeste de citron afin de rajouter des saveurs et du piment selon les désirs. Il va sans dire que le parfum qui s’en dégage est exquis et il engloutit l’urikan pour ensuite savourer les tirolis en gardant les ailes pour la fin. Après cette petite pause de 15 minutes, il reprend de plus belle ses frappes sur la lame jusqu’au soir afin d’obtenir une lame aussi longue, mince et tranchante que voulu. Il pose ensuite la garde et le pommeau. Il profite de la deuxième chauffe pour utiliser un poinçon et graver sur l’épée le symbole qu’il porte sur lui. Après trois heures d’acharnement, il arrive à obtenir un résultat satisfaisant. Alors, il enveloppe la poignée d’un mince morceau de bois puis recouvre le tout de cuir. Il chauffe ensuite des anneaux d’acier et les intègre à la poignée afin de retenir le cuir en place et créer des prises. Les dernières touches se font lentement, la fatigue commence à prendre le dessus et il perd peu à peu la notion du temps. Une fois son travail terminé, une hésitation se loge dans son esprit. L’incertitude s’installe… et si elle ne s'avère pas à la hauteur? Une épée en un jour… impossible de produire un travail de qualité. C’est une simple épée droite et la lame peu à peine trancher. Afin de chasser cet inconfort, il s’installe à la meule et aiguise sa lame.
Lorsqu’il sort de la forge, il remarque que la nuit règne. La lune brillante, pratiquement pleine, éclaire le sol. Désorienté, il se souvient que son père lui avait donné jusqu’au crépuscule et recommence à douter de lui. Lorsqu'il remarque son fils, il se lève de sa bûche puis dit :
«Et bien! Voyons maintenant si tu peux l’utiliser.»Sur ces mots, Lucius dégaine sa propre lame. Une lame magnifique, produite du dur labeur de ces quatre dernières années passées avec son fils. Les deux ont participé à sa création et Bartimus la reconnaît immédiatement étant donné ses décorations. La garde tout à fait particulière et les ficelles dorées qui y pendent ne mentent pas. Surpris, il baise la tête et impose son épée en guise de défense. Le violent coup prodigué par son père le sonne et le déséquilibre et il tombe par terre.
«Relève-toi!»Le regard de Lucius, sévère, se dirige dans celui du garçon. Néanmoins, il y perçoit un brin de satisfaction, ou de fierté. Il se lève avec difficulté et reçoit un bouclier en pleine gueule et retombe de suite.
«Allez! Sois un homme de Wiehl et bats-toi!»Mordant la poussière à deux reprises, le garçon ressent de la colère. Il s’équipe du bouclier sur son bras gauche et prend son arme dans sa main droite.
«Ah bon? Une épée à une main? On a de petites ambitions, mon fils?»«On va voir.»
Sur ces mots, il s’élance de toutes ses forces avec celle-ci pour attaquer son adversaire. Celui-ci se contente de se déplacer vers la gauche et ainsi éviter le coup. L’élan trop puissant, l’épée se plante dans le sol et il la retire avec difficulté.
«Si elle est trop lourde pour tes petits bras d’enfant, il faut peut-être la tenir à une main!»En regardant son père s’amuser de plus belle, il comprend que celui-ci essaie d'avoir une ascendance psychologique. Il respire profondément et lui répond :
«Je te dis que nous allons voir.»Il s’approche, mais cette fois avec plus de contrôle. L’attaque n’est pas très puissante, si elle traverse la défense, elle pourrait blesser, mais en aucun cas ne devrais tuer. C’est justement ce que veut Bartimus. Lucius bloque une grande quantité d’attaques et riposte avec force. Au début, il se soumet, mais la fougue de la jeunesse lui permet de garder son souffle et rester concentré. De plus, une forte coulée d’adrénaline parcourt son corps et il ne ressent plus la fatigue de sa journée. À un moment donné, la lame atteint le bras du forgeron. N’ayant pas d’armure, celui-ci laisse tomber son épée de douleur. Voyant son père atteint de la sorte, il s’arrête et regarde son père avec inquiétude.
«Vous allez bien, père?»Sur ces mots, Lucius arrête de regarder la blessure et regarde son garçon avec un grand sourire.
«Je suis fier de toi, mon fils! Allez, viens! Nous allons fêter ton héroïsme.»«Je t’ai blessé...»«Tous les hommes de Wiehl contribuant à la vie et à l’honneur de notre peuple sont des héros et gagnent leur place parmi les étoiles. Cesse de faire cette tête et viens!»Puisque son père lui tend la main du bras blessé, il se dit que l’entaille n’est pas si grave et décide d’obéir à la tradition. Ceux-ci se dirigent vers le lac où les deux hommes aiment se baigner.