La surprise avait laissé place au dévouement d’une partie du personnel. Les moins mal lotis, suite à notre combat à Lillith et moi, aidaient les plus gravement touchés à se relever. Je regardai ce petit balais alors que je me trouvais toujours sur la rambarde de l’escalier. Je rengainai mon épée et croisai les bras sur ma poitrine.
(Aenaria, Salymïa te fait passer un message.)
(Je suis toute ouïe.)
(Salymïa pense à toi, elle aurait besoin d’une amie à ses côtés et elle a hâte de te retrouver. Elle demande également comme tu vas.)
(Je ne peux pas la rejoindre pour le moment, je dois m’occuper de faire le tour de la demeure de Grantier afin de prévenir tout le monde, au cas où les serviteurs n’aient pas fait ce que j’ai demandé et au cas où des résistants à la situation se regrouperaient. Sinon je vais pas trop mal, contente que tout ceci soit fini. Pose lui la même question sur son état.)
Il était temps pour moi de descendre et de faire le tour des lieux afin de vérifier que mes propos avaient bien été entendus, ou tout du moins les demandes de Cromax. Souplement je sautai et atterris derrière la rampe de l’escalier, puis écartant le soldat que j’avais balancé dessus, je posai mes fesses sur cette rampe et me laissai glissai jusqu’en bas. Je rejoignis le sol et admirai le magnifique travail de destruction que nous avions mené avec Lillith : des cadavres saignants un peu partout, des membres coupés, des hommes blessés, certains agonisants, de la neige fondu un peu partout, les débris d’un chandelier éparpillés ça et là.
(Joli carnage !)
(Merci mais je ne suis pas la seule responsable.)
Sans l’assistance de Lillith, je serais probablement morte. Il faudrait que je pense à le remercier correctement lorsque je les rejoindrais après avoir inspecté les lieux. Par où commencer ? Je n’en avais pas la moindre idée, mieux valait interroger ma petite conscience ailée.
(Si c’est à moi que tu penses, je ne suis pas ta conscience.)
(Peut être mais tu agis comme telle, tu as donc mérité ce qualificatif.)
(Alors je te dirais bien de mettre ton nez dehors pour vérifier l’allégeance des archers toujours présents sur place et ensuite d’aller faire un tour dans le quartier des serviteurs, pour revenir ici.)
(Je serais bien allée refaire un tour du côté des quartiers des gardes de l’autre côté mais vu les cadavres que j’ai laissé au niveau de la prison, je ne pense pas qu’il y ait de problème de ce côté.)
(Fais attention à l’entrée, ça doit encore glisser.)
(Exacte, merci du conseil.)
J’enjambai avec précaution les morceaux de corps qui jonchaient le sol, passai par-dessus des hommes morts ou sonnés. Arrivée devant la zone que Lillith avait gelé, je pris mon temps afin de ne pas me retrouver les quatre fers en l’air alors que je venais de faire une démonstration de force.
Avec prudence, je rejoignis enfin à l’air libre, j’en profitai pour respirer un bon coup histoire de souffler après ce terrible combat que nous venions de mener. Je constatai que des torches avaient été allumées tout autour du chemin de ronde et que les archers étaient toujours présents. Par mesure de précaution, je mis la main sur le pommeau de mon épée, prête à réagir à la moindre attaque.
Derrière moi, dans le hall, je pouvais entendre des cris de douleur, des gémissements plaintifs et sentir cette odeur de rouille si particulière qui était celle du sang. Qu’on soit humain, elfe ou d’une autre race, le sang avait toujours cette même odeur. Je pouvais voir des traces d'hémoglobine balafrer mon équipement ainsi que mes cheveux, un bon bain ne serait pas de trop lorsque la situation sera de nouveau revenue à la normal.
L’archer le plus proche de moi, celui se trouvant sur ma droite, prépara une flèche et me mis en joue. S’il tirait je risquai de prendre son carreau de face, je n’aurais jamais le temps de prendre mon bouclier pour me protéger, si j’esquissai un mouvement pour me protéger il aurait le temps de réajuster son tir et me visai de toute manière. L’archer prépara son tir ajustant sa visée, je n’allais quand même pas mourir maintenant par une simple flèche.
J’entendis alors un carreau siffler à mon oreille gauche et une flèche se ficher dans la tête de l’archer qui voulait ma peau. Je n’avais pas eu le temps de réagir, un archer de l’autre côté de la porte avait vu ce que son collègue tentait de faire et avait pris ma défense. Tournant ma tête vers la gauche, je constatai que mon sauveur venait à ma rencontre.
- « Tout va bien madame ? »
- « Oui merci. Est-ce que vous savez si l’un de vos collègues sur le chemin de ronde serait susceptible de me tirer dans le dos ou de nous tirer dans le dos ? »
- « A part Pierrin que je viens de tuer, nous sommes fidèles au maître du palais, devrais-je dire le nouveau maître des lieux. »
- « Bien. Si jamais le moindre problème se présente, comme une arrivée massive des soldats qui sont partis afin de reprendre leur place ici, prévenez-nous immédiatement, nous sommes dans les quartiers de Grantier, enfin de feu Grantier. »
- « Nous ouvrirons l’œil madame. »
J’acquiesçai d’un signe de tête et fis le chemin inverse en faisant attention de ne pas glisser bien que je pus admirer la formation d’une espèce de flaque d’eau, le sort de Lillith devait se dissiper. Je fis un rapide tour des yeux de la pièce, cherchant un serviteur ou un garde qui me voulait du tort, mais rien du tout. Je pris sur ma gauche et enfilai les escaliers afin de vérifier les quartiers des serviteurs.
En haut des escaliers, je pris de nouveau sur la gauche et découvris un couloir qui devait desservir les chambres des employés. Commença alors une inspection en règle de chacune des chambres pour vérifier que personne ne s’y cachait ou tout simplement pour éviter toute tentative de rébellion.
Arrivée au bout du couloir, j’entrai dans une chambre qui semblait plus meublée que les autres. Alors que j’avais pris l’habitude de voir simplement, deux petits lits, deux coffres et deux chaises dans chaque chambre, ici je découvris un grand lit, une commode, un bureau avec sa chaise, une malle et une table de chevet. Cette chambre devait être celle du responsable des employés, je pourrais certainement apprendre des choses intéressantes ici.
Je me dirigeai aussitôt vers la malle afin de l’inspecter. En l’ouvrant je découvris différents objets personnels et en déduisis que cette pièce était le lieu de résidence d’un homme. En fouillant un peu plus, mes yeux tombèrent sur une fiole qui contenait un liquide rouge et dont l’étiquette disait ceci.
- « Sueurs chaudes : sudation excessive, perte de sang qui peut entraîner la mort. Voilà un poison qui pourrait s’avérer utile pour la suite. »
Je pris la fiole et la glissai dans mon sac. J’entendis alors des pas dans mon dos ainsi que le son d’un lame que l’on sort d’un fourreau, j’eus tout juste le temps de me baisser et de faire une roulade pour éviter de me faire trancher la gorge. Je me relevai rapidement et dégainai mon épée afin de faire face à mon ennemi. Je vis alors un homme, richement habillé que l’on aurait presque pu prendre pour un des invités de Grantier, portant une dague dans la main droite.
- « Que faites-vous ici ? »
Il pensait vraiment me faire peur avec sa lame alors que moi j’étais couverte du sang de ses amis. Un sourire machiavélique fit son apparition sur mon visage et l’expression de confiance que cet employé de niveau supérieur pouvait avoir jusqu’à présent s’effaça d’un claquement de doigt.
- « Si vous pensez m’impressionner, vous vous êtes fourvoyé mon cher. »
- « Je répète ma question : que faites-vous ici ? »
Je le pointai de mon épée.
- « M’assurer que les gens comme vous ne font pas de bêtises et choisissent leur camp. »
- « Le mien est tout choisi. Vive Grantier ! »
Sans en dire plus, il me chargea maladroitement et je n’eus aucun mal à me détourner de son attaque, j’en profitai même pour laisser mon pied traîner histoire qu’il se prenne dedans et qu’il chute lourdement, ce qui arriva sans surprise. Je me retournai, posai mon pied sur sa main droite et du bout de mon épée lui enlevai sa dague des doigts. Puis me mettant à genoux sur son dos, je m’approchai de son visage.
- « Au cas où tu ne le saurais pas triple idiot, Grantier est mort. »
- « Non, maître Grantier ne peut pas être mort. »
- « J’ai vu sa tête sanguinolente à des mètres du reste de son corps, si ça ce n’est pas une preuve suffisante, je ne sais pas quoi dire d’autre. »
- « NON !!! »
Ce sombre crétin venait de m’exploser un tympan, je relâchai la pression sur son dos alors que je me levai et l’entendis pleurer près du sol. Il était vraiment chagriné par la mort de son maître, je n’en revenais pas alors que quelques minutes plus tôt j’avais pu voir des démonstrations de force dans le dos d’une servante. Ce comportement était sans queue ni tête, il n’avait jamais du subir ce genre de traitement ou il était celui qui faisait subir ces traitements, dans ce cas-là, il ne méritait qu’une seule chose, la mort.
- « Un choix s’offre à toi. Soit tu pars d’ici maintenant, emportant avec toi le souvenir de feu ton maître, soit tu te rallies à notre cause et tu t’écrases tel un vulgaire moucheron en arrêtant de te comporter d’une manière aussi odieuse envers le reste du personnel. »
Je rengainai mon épée, attendant une réaction de sa part. Pleurnichant toujours, il se releva et me fit face. Ses larmes s’arrêtèrent, sa peine disparut pour laisser place à un sentiment de haine démesurée. De nouveau il s’élança vers moi les mains vers le haut cherchant à m’étrangler. Une fois encore, j’esquivai ses mains en me baissant, fit un pivot sur mon pied gauche et l’attrapai par derrière, postant ma main droite sur son front alors que mon bras gauche passait devant son torse lui tenant l’épaule droite fermement.
- « Tu as donc choisi la mort. »
Immédiatement, je fis une torsion violente du cou et des épaules dans le sens contraire, brisant instantanément les cervicales, tuant le serviteur sur le coup. Son corps tomba prestement sur le sol, je pouvais encore lire la haine ainsi que la peur dans ses yeux. Il n’avait eu que ce qu’il méritait.
Je pouvais donc finir l’inspection de cette chambre. Je finis par jeter un œil sur le bureau où je découvris un livre avec une reliure en cuir usagée ainsi qu’une gemme dessus. Ma curiosité piquée au vif, je l’ouvris et quelle ne fut pas surprise lorsque je lus les derniers propos que j’avais tenu dans cette même pièce avec ce serviteur.
(Qu’est-ce que c’est que ça ?)
(C’est le livre du conspirateur, c’est un objet rare et précieux qui te permet d’enregistrer tout ce qu’il se dit dans une pièce pendant à peu près une heure. Tu laisses le livre, tu le récupères et tu pourras lire tout ce qui aura été dit.)
(Ce livre pourrait être intéressant pour la suite de notre aventure, je le prends avec moi. Comment se fait-il que cet homme l’ait eu en sa possession ?)
(Grantier avait du lui donner afin de surveiller le reste des employés et de les punir en cas de besoin. J’ai vu un fouet dans sa commode.)
(Il méritait d’autant plus de mourir. Bon maintenant, allons rejoindre Cromax.)
Je rangeai ensuite ce livre dans mon sac et fis la route en sens inverse. En arrivant dans le hall, je constatai que le capharnaüm était bien moindre, les personnes qui avaient choisi de rester dans la demeure de Grantier et donc de faire allégeance au Temple s’étaient mises à l’œuvre afin de tout nettoyer.
Je descendis l’escalier et enfilai rapidement les marches de l’autre côté de la pièce. Longeant le couloir, j’arrivai sur une pièce où se trouvait Cromax qui semblait bien pensif.
- « Cromax, est-ce que tout va bien, tu sembles ailleurs ? »