Azdren avait été profondément soulagé de la décision de Kaeras de témoigner en sa faveur auprès du capitaine de l'Aube Ecarlate, mais il n'avait été réellement convaincu que lorsque le quartier-maître qui l'avait précédemment mis en détention dans sa cabine était venu lui donner lui-même l'autorisation de circuler à nouveau librement sur le navire.
Il avait remercié cet homme compréhensif avant d'aller faire de même avec le capitaine du vaisseau, à qui il devait à coup sûr de ne pas avoir été jeté en pâture aux monstres marins : après tout, il lui avait bel et bien sauvé la vie lors du double abordage des pirates quelques jours plus tôt !
Le seul maître à bord après les dieux s'était contenté de sourire en empoignant la main desséchée que lui avait tendu le fanatique et en lui spécifiant seulement qu'ils devaient être quittes à présent.
- Mais que cela ne vous empêche pas de revenir sur l'Aube Ecarlate, mon ami. Je pense que votre introduction à notre guilde n'est qu'une question de temps si vous continuez à coller aux fesses, fort désirables d'ailleurs, de dame Kaeras.- Je ferai comme si je n'avais pas entendu la fin de votre dernière phrase, mais comptez sur moi pour revenir sur votre navire, capitaine.Les deux hommes s'étaient donc pour le moins quitté pour le moins en bons termes.
Il était temps, d'ailleurs, puisque le bateau arrivait enfin dans la rade de Tulorim et Azdren en profita pour s'accouder au bastingage pour se faire une première impression de cette cité qu'il ne connaissait pas et où allait s'inscrire une nouvelle page de sa vie.
Cette capitale paraissait plus petite que Dahràm, ce qui pouvait sembler étrange quant on savait qu'il s'agissait de la capitale de continent. Le style architectural semblait également assez semblable à celui de la ville qu'il avait quitté : des monuments et des palais splendides au milieu d'un ramassis de quartiers d'habitation aux fronts bas. Il semblait néanmoins que le tracé cadastral semblait plus rigoureux ici, car le découpage des rues était parfaitement visible vu du large, alors qu'à Dahràm on ne pouvait parler que d'agglomérat de ruelles sombres.
Enfin, cette cité paraissait particulièrement vivante, si il fallait en croire l'activité intense ayant lieu sur le port au moment où l'Aube Ecarlate s'approchait pour s'amarrer. Cela parut de bon augure à Azdren : peut-être que son séjour dans cette ville-ci serait reposant, puisque après tout il ne débarquerait pas seul.
Il sourit et alla chercher ses affaires dans sa cabine, en proie à un bon pressentiment, ce qui était pour le moins rare chez lui.
Le fanatique fut parmi les premiers à descendre la passerelle, vêtu de son aube noire à capuchon rabattu, masque blanc bien plaqué sur son visage brûlé, sa cage de fer à la hanche et son sac de voyage sur l'épaule.
Il déambula un peu sur le quai en attendant Kaeras, prenant la température de la foule et constatant avec un certain plaisir que son costume sombre n'attirait guère l'attention dans la foule bigarrée.
Un attroupement au coin d'une ruelle attira son attention et il s'en approcha par curiosité. Un groupe semblait lire ou attendre la lecture d'une grand placard de vélin dont les lettres étaient tracées à l'encre noire, et Azdren prit acte de son contenu.
AVIS A LA POPULATION !
Le fléau des rats est parmi nous !
Le grand conseil de la ville offre une prime pour chaque queue de ces ignobles bêtes déposée comme preuve d'élimination à l'un des bureaux situés dans les rues indiquées ci-dessous.
Habitants de Tulorim, ne nous laissons pas envahir par ces rongeurs devenus omniprésents dans nos rues !
Le grand conseil est de plus prêt à récompenser grassement la personne qui pourra proposer une solution définitive au problème !etc, etc.
Azdren ne put réprimer une peu ragoûtant grimace, heureusement camouflée par son masque blanc : autant pour la tranquillité dans cette cité !
Surtout que les rats étaient un problème que le fanatique connaissait bien : combien de fois dans sa jeunesse avait-il dû faire la chasse à ces maudits rongeurs pour protéger le silo à grain de son village ? Et combien de fois n'avait-il pas entendu parler de ces histoires de bébés dévorés vivants par des bêtes affamées ?
S'il doutait de représenter lui-même une proie de choix pour ces petites saloperies, il n'en était sûrement pas de même pour Kaeras et sa suivante Elyah... peut-être devrait-il essayer de trouver un chien ratier, à condition qu'il en reste un de valide dans cette ville.
Le fanatique interrompit ses considérations d'ordre sécuritaire en voyant descendre de la passerelle les deux intéressées, visiblement lancée dans une conversation intime.
Il s'approcha d'elle tranquillement, le temps qu'elles puissent conclure leur échange oral, puis mit Kaeras au courant de cette histoire de rat.
- Mauvaise nouvelle : il semble qu'il y ai une invasion de rat en ville, des rats du genre vorace. Je propose que nous allions directement à l'académie de magie sans nous arrêter pour faire du tourisme : s'il s'agit bien du genre d'endroit auquel je pense, il doit être sécurisé et sain.Azdren marqua une courte pause, se demandant s'il avait bien tout dit et considérant ses interlocutrices par les fentes de son masque.
Il songea entre autre au fait que lui-même n'avait que ses sandales pour protéger ses pieds décharnés... peut-être devrait-il faire l'acquisition d'une paire de bottes de cuir, quitte à souffrir d'irritation cutanée ?
- Cela vous convient-il, mesdemoiselles ?