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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 11 Avr 2015 22:09 
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Itsvara en avait presque oublié ses ravisseurs, tant elle était partagée entre contemplation et supputations, mais la voix de l'homme aux cheveux d'argent happa son attention.
Dans la charrette, de laquelle Cawen était descendue, les deux brutes s'affairaient à dévoiler le chargement. Ils agissaient si précautionneusement qu'Itsvara ne put que le remarquer et elle se décala pour avoir une vue d'ensemble. Il y avait trois paquets principaux, dont la hauteur atteignait pratiquement les genoux des deux molosses, et plusieurs caisses, relativement basses.
Ce qu'elle découvrit sous la première bâche la déconcerta et elle mit un moment avant d'être assurée de ce qu'elle voyait. Il s'agissait d'un assemblage labyrinthique de tubes métalliques sur lesquels étaient ciselées des inscriptions elfiques. L'impensable devint concevable lorsque le deuxième colis fut révélé : une énorme cuve, soutenue par deux colonnettes qui prenaient pied sur une massive plaque en métal, elle aussi. Émanant du réceptacle, des tubes métalliques s'échappaient dans les airs.
Itsvara était troublée. Comment ces hommes s'étaient procuré cette centrale ? Pourquoi l'avaient-ils fait ? Savaient-ils s'en servir ?! Car, oui, ses lourdes pièces, que les deux gaillards parvenaient au prix d'un effort intense à décharger, composaient une centrale fluidique.
Elle en avait vu une, il y a de nombreuses années, alors qu'elle était en voyage à Tahelta avec ses parents. Celle de ses souvenirs était bien plus grande, et ce n'était pas uniquement lié à la vision pervertie par la petite taille qu'elle avait alors. Celle que ces vermines possédaient était une version réduite, de voyage, de celle qu'elle connaissait.

Silencieusement, elle s'écarta d'un pas ou deux et serra son carnet au fond de sa sacoche. Cawen, quant à elle, s'était empressée d'aider le binôme sitôt l'homme en noir le lui avait demandé.

Elle hésitait à sortir son carnet, refusant purement et simplement d'aider le petit groupe. Non seulement parce qu'elle ne cautionnait pas cette situation invraisemblable, mais aussi parce qu'elle était bien incapable, physiquement, d'apporté un soutien utile.
Finalement, elle se rapprocha du mur de la grange et observa la scène, inscrivant mentalement chaque détail, se demandant si Cawen n'avait pas employé ces hommes pour une mission et qu'ils s'étaient, finalement, retournés contre elle.

Elle restait attentive à la moindre initiative de sa nouvelle compagne mais espérait, intensément, que l'évolution de la situation répondrait à ses multitudes interrogations.

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Dernière édition par Itsvara le Jeu 16 Avr 2015 23:52, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 11 Avr 2015 22:34 
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L'homme gris te rattrapa bientôt et te prit par le bras.

« Attends, tu n'as encore rien vu ! »

Il semblait très fier de lui-même. Alors que les bandits transportaient le dernier élément de la centrale, il te fit entrer dans la grange.

« Contemple le domaine de notre chère Cawen... et son œuvre magistrale ! »

Il te regardait avec délectation à l'idée de ce qui allait bientôt s'exprimer sur ton visage.

L'intérieur de la grange... n'avait pas grand-chose à voir avec une grange. Il y avait des établis et des tas de pièces détachés. Des caisses à outils. Des morceaux de... choses... des bouts de métal inidentifiables. Et au milieu, sous la zone percée du toit, il y avait un assemblage de bric et de broc. Une structure en tôle et en bois. Malgré sa position délicate, Cawen avait momentanément retrouvé le sourire, et elle te regardait avec satisfaction.

« Alors, qu'est-ce que tu en penses, la sindel ? Pas mal pour une moitié d'elfe ! J'y ai passé plus de vingt ans ! »

C'était le moins qu'on puisse dire. Même si l'engin était plus petit et semblait une ruine, il n'y avait aucun doute.

Tu avais devant toi un Cynore.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Lun 20 Avr 2015 13:27 
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Itsvara ne comptait pas participer à la fastidieuse tâche du déménagement, et il en était de même pour le meneur de troupes qui vint se placer à ses côtés. L'elfe eût bien conscience qu'il s'était rapproché, mais elle observait la scène avec un détachement empreint d'hébétude. Une mauvaise farce se jouait devant elle, dans laquelle l'impossible se matérialisait. Aussi, lorsque l'homme lui saisit le bras, sans délicatesse aucune, elle ne réagit pas et se laisse totalement faire. De même, sans protester ni conjecturer, elle laissa ses jambes s'activer pour le suivre à l'intérieur de la bâtisse, tandis qu'il lui annonce, avec une excitation non dissimulée :

"Attends, tu n'as encore rien vu !"

Les deux brutes les devançaient de peu, chargés du dernier colis, et pénétrèrent dans la grange en ruine.
La scène qui s'offrit à elle la stoppa net. Ses yeux devaient être trompés, il ne pouvait en être autrement. Une magie s'opérait et modifiait nécessairement ses sens, parce qu'il était inconcevable que ce fût réel.
Elle resta un temps à l'entrée, rassemblant toutes les informations qu'il lui était possible d'avoir en un regard. Dans ce qui dut être une grange, nulle paille, nulle étable, nulle bête, mais des établis, des boulons, des pièces de métal et des câbles qui ceinturaient un ensemble en bois et métal à la forme reconnaissable entre toutes, et plus encore pour la sindel qu'elle était : Un Cynore.
Un cynore de petite taille, à l'aspect miteux et bosselé… Mais tout de même ! Un Cynore !

"Alors, qu'est-ce que tu en penses, la sindel ? Pas mal pour une moitié d'elfe ! J'y ai passé plus de vingt ans !"

Itsvara se sentit vaciller. Comment une bâtarde et des humains malfrats en étaient arrivés à construire un appareil du genre. Comment avaient-ils même eu accès à cette connaissance ?! L'appareil était-il réellement apte à voler ? Que voulaient-ils en faire ? Toutes ces questions et leurs potentielles réponses affolaient la sindel qui s'appuya contre un établi, la bouche bée et l'œil hagard. Elle balbutia :


"Pourquoi et comment ?"

Si Itsvara était abasourdie, la métisse était, quant à elle, ravie, bien que toujours sous la domination des humains qui, eux, jubilaient de tenir la situation.

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Dernière édition par Itsvara le Jeu 23 Avr 2015 23:41, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Lun 20 Avr 2015 16:47 
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La semi-elfe haussa les épaules :

« Bah, c'est pas compliqué : une discussion avec un ingénieur sindel ivre, lecture de quelques bouquins récupérés ça et là, et surtout de longues observations. J'ai même réussi à me payer un aller-retour à Thaelta pour pouvoir étudier de prêt les machines. Une fois qu'on a les principes de base, le reste n'est que logique et calcul... et j'ai toujours eu un don pour le calcul. J'ai adapté les mensurations, estimé la force à fournir pour soulever un tel poids... »

« … et maintenant qu'avec l'aide de nos relations on a pu te fournir la seule chose que tu ne pouvais pas construire toi-même, tu peux aller terminer l'assemblage ! Au boulot ! » conclut le chef, d'un ton guilleret mais impératif.

Redevenant maussade, Cawen se dirigea vers le cynore pour aider les deux bandits à installer la machinerie qu'ils avaient débarquée.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mar 21 Avr 2015 01:08 
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À cette question brute, la demie-elfe haussa les épaules, comme si elle déclamait une vérité simple et évidente.

" Bah, c'est pas compliqué : une discussion avec un ingénieur sindel ivre, lecture de quelques bouquins récupérés çà et là, et surtout de longues observations. J'ai même réussi à me payer un aller-retour à Thaelta pour pouvoir étudier de près les machines. Une fois qu'on a les principes de base, le reste n'est que logique et calcul... et j'ai toujours eu un don pour le calcul. J'ai adapté les mensurations, estimé la force à fournir pour soulever un tel poids…"

Dès les premiers mots, la sindel au sang pur chancela avant de se rattraper au coin d'un établi, accompagnant les explications de son interlocutrice d'un bruit de boulons et vis bousculés s'entrechoquant et tintant sur la table. Une fois le choc passé, Itsvara se concentra sur les précisions apportée par cette étrange jeune femme qui se révélait être bien plus captivante qu'elle ne l'avait envisagée.

Voici ce qu'elle en avait retranscrit dans son carnet sitôt elle en eût l'opportunité :

"(…) Cawen. Ma rencontre avec elle me laissa une première impression bien fallacieuse. Je l'avais associée, avec cette imperfection de l'immédiateté, à Gabriel. Elle était gauche, mal à l'aise dans cette bibliothèque et j'ai de suite estimé que le lieu l'impressionnait, qu'elle n'était qu'une néophyte que le hasard avait menée jusqu'entre ces murs ; mais il n'en était rien.
Ce n'est qu'une fois entrée dans son antre que je pus dessiner plus clairement les contours de son parcours. Son malaise n'était que la résultante de la situation embarrassante dans laquelle elle s'était plongée, submergée par son désir d'élever un cynore.
Elle m'avait expliqué, avec une fierté teintée de revanche, les étapes qui lui avaient permis de mener à bien ce projet déraisonnable, répondant ainsi à mon "Comment", mais laissant le "Pourquoi" esseulé.
Esseulée. Elle avait dû l'être pendant cette vingtaine d'années à déployer tant d'énergie pour atteindre cette prouesse. Cet acharnement, peut-être mû par une capacité à sortir de l'immédiateté pour embrasser l'ensemble, me donna le vertige et força mon estime. S'il était évident que je ne cautionnais pas les méthodes employées, je respectais cependant la force de sa volonté et sa capacité à garder le cap sur son objectif.

Il est à noter, par cette expérience, que mon aptitude à juger de manière plus appropriée était une nouvelle fois déterminée par la thésaurisation de connaissances. Connaissances que je ne pouvais obtenir que par le prisme de l'immédiateté de l'action.
De plus, les sciences, sapience et aptitudes que dévoilait Cawen étaient issues de l'empirisme, où chaque difficulté poussait à la réflexion et à la persistance. (…)"


La métisse semblait sûre d'elle mais Itsvara maintenait, en cet instant, des doutes quant à la faisabilité du projet : on ne construit pas des cynores capables de voler dans une grange désaffectée, au milieu d'un fourbi d'outils, de tôles, de câbles et de morceaux de bois.
L'homme aux cheveux d'argent y croyait aussi puisqu'il intima à Cawen de finaliser sa tâche.

" … et maintenant qu'avec l'aide de nos relations on a pu te fournir la seule chose que tu ne pouvais pas construire toi-même, tu peux aller terminer l'assemblage ! Au boulot !"


L'entrain de l'un sapa celui de l'autre et elle se mit au travail, accompagnée des deux brutes.

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Dernière édition par Itsvara le Jeu 23 Avr 2015 23:34, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mar 21 Avr 2015 15:11 
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Au matin, la froidure n’avait pas pris nos membres, mais nous n’aurions probablement pas pu attendre plus longtemps ainsi couchés sans faire de feu. Aussi nous mîmes nous en mouvement vers le sud ; le ciel était dégagé, et le vent ne soufflait que modérément, seuls les accidents du terrain allaient nous causer du retard, à moins que nous fassions une mauvaise rencontre.

Plus bas, j’aperçois déjà la forêt, où nous pourrons trouver sous les branches des sapins un abri plus sec et confortable, et assurément de quoi faire un feu. Maelle a grignoté une poignée de fruits secs, et une pomme, ce qui convient sans doute à sa carrure de moineau ; en ce qui me concerne, je reprends deux tranches de salaisons, et un peu de pain, une gorgée d’eau pour faire descendre tout ça. Il faudra tenir jusqu’à la fin de la journée, et ensuite jusqu’à Kendra Kâr.

« Ta tante, elle vivait où ? »

« Comment vous savez pour ma tante ? » demande la gamine, une touche de tristesse dans la voix.

« MammyRay m’a raconté pas mal de trucs… L’histoire quoi. Bien renseignée la guérisseuse, ça oui… Alors ? »

« Nous… nous vivions toutes les deux à Shory… »

« Ah ben c’est bien ça. » La nouvelle me réjouit, voilà la première chose que m’annonce la petite qui ne va pas se traduire par une tuile. A Shory, je pourrai trouver des gens à qui la confier, des sinaris qui pourront la prendre en charge ; le vieux Grutgont par exemple, il éduque parfois des mioches de là bas, il peut bien s’occuper d’une humaine… C’est un peu lui qui m’a envoyé dans toute cette quête bizarre, et indirectement m’a mis sur le chemin de cette pauvre petiote. « Et t’avais une maison là bas ? »

« Ma tante, oui. Elle me l’a léguée, mais je ne pouvais pas y vivre seule, alors je suis partie pour Bouhen, vivre chez mon père. »

« Ben Bouhen c’est pas sur ma route. J’vais t’ram’ner à Shory. Tu vas crécher un peu dans la baraque de ta tante, j’verrai comment j’peux m’arranger pour qu’t’aies d’l’aide, j’connais deux trois sinaris qui peuvent bien m’rend’ service. Pis de là… De là tu régleras les affaires avec ton père, de loin. Pour qu’ce soit clair. Pas qu’tu tombes encore dans une combine pas nette. »

Elle a opiné, sans rien dire. Et ce fut notre dernière conversation de la journée. Pas causante la même, et j’ai pas à m’en plaindre : je ne me sentais pas non plus de tenir le crachoir. Tout ce qui m’importait, c’était de descendre, d’être sur du plat, et de filer vers la ville.

La tombée de la nuit nous surprend près de l’objectif que je m’étais fixé. Un sapin plus haut que les autres, aux branches tombantes, nous fait un bel abri sous lequel j’ai allumé un feu, soigneusement délimité par un cercle de pierres ramassées ça et là.

Voyage vers Kendra-Kâr - Deuxième jour

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Dernière édition par Jager le Sam 25 Avr 2015 16:26, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 25 Avr 2015 16:25 
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Vers Kendra-Kâr - Premier jour


La nuit a été plus douce pour nous, même si Maelle s’est encore blottie contre moi. Sous les branches couvertes d’épines, la température était légèrement supérieure à celle qui régnait à l’extérieur, et nous étions à l’abri du vent ; le petit feu avait également légèrement amélioré notre confort. Avant de partir, j’ai veillé à disperser les pierres, à recouvrir les cendres de terre, afin de couvrir au mieux les traces de notre campement de fortune. Je ne craignais rien en particulier, mais la prudence me venait par habitude ; nous laissions déjà trop de marques à marcher sans nous soucier de la discrétion.

Dans une ouverture de la forêt, provoquée par la chute d’un grand arbre sous le poids de la neige, nous distinguons déjà la plaine. A la moitié de la journée, nous serons sans doute en mesure d’avancer à plat, même si nous ne quitterons pas la forêt, et avec elle un certain nombre d’incertitudes, pour autant. La petite ne rechigne pas à la marche, ce dont je lui suis reconnaissant : je n’aurais guère apprécié d’être contraint de traîner une geignarde. Ses qualités esquissées durant notre captivité se retrouvent dans ce voyage : détermination et résistance. Avec ses pouvoirs, elle pourrait sans doute faire une guérisseuse de talent, peut-être une de ces nomades qui vont de villages en hameaux pour apporter un peu de réconforts à ceux qui en ont besoin.

Sa question de la veille m’a travaillé, si bien que je me décide à lui raconter mon histoire, sans en omettre les détails les plus sombres. Elle m’a fait confiance, elle m’a obéit lorsque je lui ai demandé de se taire, et a laissé en quelque sorte sa vie entre mes mains – même si elle ne s’est pas privée de risquer la mienne. Du meurtre de ma femme et de son amant au massacre des deux frères de ce dernier lors du jugement du sang, cette épreuve qui m’a innocenté aux yeux de la loi, tout en grossissant ma peine à ceux des hommes. Ce récit, elle l’écoute sans m’interrompre, sans dire un mot, sans me juger je crois. Lorsqu’elle comprend que le silence qui s’installe est le signe que j’ai fini, les questions ne manquent pas. L’amour que je portais à ma femme, ma famille, mes sentiments, ce qui m’a poussé à agir ainsi. Cela fait longtemps que je n’ai pas évoqué ces souvenirs douloureux, et à mesure que je revenais sur ce tournant de ma vie, une douleur ancienne s’était saisie de moi. Les interrogations de la petite dépassaient ce que je pouvais me permettre d’évoquer sans craquer. D’un geste de la main, je lui indique qu’il est vain de vouloir en savoir plus. Et je me suis muré dans mon silence.

La nuit nous a rattrapés alors que nous avancions déjà dans la forêt de feuillus nus qui s’étend au sud des Duchés, sur la plaine de Kendra Kâr. Parmi les conseils donnés par Bastien à la sortie des galeries naines, il y avait une précieuse indication quant à notre position par rapport au fleuve : nous avions émergé à l’ouest de celui-ci, aussi n’aurons nous pas à le traverser, cependant il nous faudra le rejoindre pour tenter de trouver des villages sis sur ses rives, et peut-être avec eux un endroit plus confortable où dormir.


Vers Kendra-Kâr - Troisième jour

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 25 Avr 2015 17:11 
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Le creux de terrain dans lequel nous avons trouvé refuge n’était guère confortable, mais nous nous félicitions d’avoir passé une nuit supplémentaire. En continuant notre route sud-sud-est, nous avons fini par trouver le fleuve. Nous perçûmes sont léger grondement bien avant de trouver son lit. L’eau est basse à cette saison, et le débit ne connaît pas encore ses plus forts emportements : les pluies de l’automne sont bien loin, et la fonte des neiges n’est pas encore arrivée. Il ne fait pas assez froid pour que des blocs de glace se forment et prennent les berges, mais la température de l’eau doit être suffisamment basse pour qu’un homme qui y tombe trouve la mort, quand bien même arriverait-il à lutter contre le courant.

Dans la forêt, à mesure que nous avançons, Maelle reconstitue petit à petit un fagot de bois mort, et je guette attentivement le moindre bruissement, à la recherche d’une proie, l’arc encordé, une flèche encochée : je suis bien décidé à me mettre quelque chose de chaud et carné sous la dent ce midi, histoire de me donner du cœur au ventre pour la suite du voyage. Alors que le soleil est déjà haut dans le ciel, un irdak en maraude croise par malheur notre route ; sa fuite est prompte, mais ma flèche l’est encore plus, et le trait le cueille alors qu’il s’apprête à bondir dans un arbre. Une bonne source de nourriture, en revanche, la peau déchirée ne vaudra plus rien, il me faudra l’abandonner. Je demande à Maelle d’allumer le feu, tandis que j’écorche et vide l’animal un peu à l’écart. Les tripes et les quelques restes que nous pourrons laisser raviront sans doute les carnivores, charognards ou pas, dont l’hiver a aiguisé la faim. Il n’y a déjà pas grand-chose à manger sur les membres graciles de cette espèce de chat sauvage, et la mauvaise saison l’a encore plus amaigri, mais c’est toujours assez pour nos ventres affamés, et puis nous avons les provisions de MammyRay pour accompagner tout cela, même si je préfère me montrer économe en vivres plutôt que de venir à manquer dans un futur proche. Au pire nous mangerons des racines, celles de certains buissons sont comestibles pour l’homme, bien que particulièrement infectes au goût. Je préfère ne pas en arriver là.

« Pourquoi tu as cherché cette hache, et puis pourquoi tu cherches ce casque ? » demande la petite alors que j’espérais manger en paix.

« Bah… Parait qu’y z’appartenaient à un type des temps anciens… Aaaron, un bûcheron qu’est d’venu une légende… L’a défendu pendant trois jours et trois nuits son village cont’ les garzoks. Pour l’Ynorie, par les temps qui courent, c’est important comme symbole… Alors j’me dis que j’peux p’t’êt’ rach’ter ma conduite aux yeux d’ma famille, d’mon village en f’sant que’qu’chose qu’a du sens… Ram’ner ces armes ce s’ra p’têt’ le moyen de r’donner un peu d’espoir aux gens d’chez nous… P’têt’ que si j’me bats pour les protéger, y finiront par s’dire que j’ai ma place parmi eux, même si j’serai encore un assassin… »

(Et puis au fond… Ca donne une sorte de sens à ma vie pour l’instant…)


Vers Kendra-Kâr - Quatrième jour

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 25 Avr 2015 17:50 
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Vers Kendra-Kâr - Troisième jour

En poussant un peu plus loin notre marche de la veille, nous avions fini par apercevoir la fin de la forêt, et une fois son orée franchie, le lac, avec au sud de ses berges, là où le fleuve reprend sa route, un village. En forçant un peu la marche, nous avons pu parvenir jusqu’aux habitations, couverts par la nuit. Il n’y avait pas d’auberge pour nous offrir le gîte et le couvert, mais on nous indiqua, sans nous ouvrir pour autant la porte, une demeure un peu plus grande que les autres, celle d’un marchand disposant d’une écurie où nous pourrions sans doute passer la nuit. L’homme fut convaincu de nous offrir un abri par sa femme, émue par la triste mine de Maelle. Il fut tout de même hors de question de nous faire dormir avec le solide percheron, de peur que nous le volions à la faveur de l’obscurité : le propriétaire nous offrit de nous coucher dans la remise où il conservait les bottes de foin. Un peu de la chaleur de l’écurie passait à travers les planches du mur, et le coucher était des plus moelleux. Ni moi ni Maelle n’eûmes de difficultés à trouver le sommeil.

Au matin, j’ai pu négocier avec le marchand pour qu’il avance son voyage d’approvisionnement à Kendra-Kâr, non sans sortir quelques yus de ma bourse pour le rendre plus conciliant. Il dispose d’une grande chaloupe avec laquelle il descend le fleuve, pour la charger de divers produits manufacturés venus d’ailleurs à Kendra-Kâr ; une fois son embarcation pleine, il remonte le cours d’eau, la hâlant depuis la rive grâce à son cheval de trait.

Le propriétaire n’est pas bavard, ce qui m’arrange, et Maelle passe plus de temps à observer les rives qu’à chercher la conversation, ce qui me convient parfaitement. Nous sommes partis tout juste à l’aube, nous dans l’embarcation, le commis du marchand menant le cheval sur la rive ; selon les prévisions, nous devrions arriver à Kendra-Kâr au soir. Là, nous trouverions sans doute près du fleuve une auberge où passer la nuit. Hors de question de nous attarder outre mesure à proximité de cette grande ville.

« Vous iriez comment à Shory, vous ? » questionné-je le marchand, sans doute plus familier que moi avec les mouvements de marchandise sur le continent.

« Bah… C’est l’hiver, hein, ça bouge pas des masses. Peut-être le bateau… Mais bon, ça vous prendrait du temps. »

« J’suis pressé. » précisé-je.

« Ouais, ça j’avais compris. Dans c’cas… Moi j’vois que les cynores des elfes gris. Y font des liaisons rapides, mais faut payer l’prix. Au moins vous s’rez à Shory en moins d’un jour. Vous trouv’rez pas mieux. »

« Merci. »

J’avais déjà aperçu dans le ciel ces vaisseaux des nuages, dont le fonctionnement est encore plus entouré de mystères que la magie, mais je ne connaissais personne qui soit jamais monté à leur bord, ni dans mon village lorsque j’y vivais, ni à Shory. Il fallait avoir une bonne raison de s’en remettre ainsi aux caprices de vents, là où seuls vont les oiseaux et d’autres créatures bien plus redoutables.

(Peu importe, ma décision est prise : nous devons arriver au plus tôt à Shory.)

L'aire d'embarcation de Kendra-Kâr

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Mar 12 Jan 2016 01:29 
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Manteau noir

Daemon était las, ses muscles endoloris par le voyage se manifestaient en permanence et son ventre grondait presque autant que l'orage lointain. Depuis leur départ du château d'Endor, les deux compères s'étaient arrêtés une semaine sur les rives du lac de Hynim afin d'y apprivoiser quelques chevaux sauvages. À présent montés, leurs juments conservaient leurs instincts, laissant présager que le travail ne faisait que commencer. N'en faisant qu'à sa tête, la jument de Daemon s'avérait moins docile que prévu et refusait de temps à autre ses ordres pour l'embarquer au hasard des fougères.

Ils se dirigeaient donc vers le village d'Alkil, modeste bourgade montagneuse située dans le Duché d'Amaranthe afin d'y rencontrer un nécromancien spécialisé dans la vente de marchandises douteuses. Daemon commençait à maudire Merilian... Aussi surnommée « la folle hystérique » par ses subordonnés, Merilian la nécromancienne leur avait confié pour mission d'acheter du matériel pour l'exorcisme des spectres.

La voute nuageuse et mouvante grondait au-dessus des reliefs montagneux. Encapuchonnés sous leurs amples robes noires, nos deux cavaliers progressaient silencieusement. Daemon et Asad arpentaient une route étroite et sinueuse enclavée dans une forêt impénétrable recouvrant les reliefs escarpés des Duchés.

Les bois étaient sombres et opaques. D'un coup, sans aucun prémisse, l'image nette et éblouissante du dédale de tronc éclatât à leurs yeux, clignotant quelques instants, pour ensuite laisser retomber un voile d'obscurité plus dense encore. Après cela, un grondement lointain se répercuta dans la vallée, suivit d'une pluie diluvienne et glacée.

« Achevez-moi, ce voyage aura raison de moi... »

« Courage, d'ici peu nous arriverons au village d'Alkil. » positiva Asad.

Le bruit continu de la pluie battant les feuillages camouflait celui des sabots, le semi-elfe s’emmitoufla du mieux qu'il le pouvait dans son manteau, malheureusement déjà trempé, quand un cri se fit entendre au milieu du tumulte. Dans un premier temps il n'y prêta pas attention, trop épuisé par le voyage, mais l'appel évanescent retentit à nouveau. Bref et impératif, pourtant il n'y discernait aucun mot compréhensible. Il arrêta donc sa monture en tirant sur les rênes.

« Attends Asad, j'ai cru entendre quelque chose ! »

Le basané héla sa monture et s'immobilisa à son tour. Ils tendirent l'oreille, mais seul clapotis frénétique de la flotte résonnait. Après un échange de regards suspicieux, ils indiquèrent à leurs montures de reprendre la route.

Un peu plus loin le talus s'accentua davantage dans un virage en épingle, Asad indiqua à Daemon de descendre de sa monture afin de franchir cette partie. Le semi-elfe s'exécuta et tira sur les rênes du canasson récalcitrant. L'eau ruisselait en un torrent boueux entre ses jambes, le ciel se zébrait d'arc lumineux, tout n'était que déluge.

Au moment de remonter sur leurs montures, le cri retentit à nouveau. Cette fois-ci Asad l'entendit aussi. Un beuglement traversait la forêt et se rapprochait, les deux fanatiques se tenaient sur leurs gardes, paumes ancrées sur les manches de leurs poignards.

« Attendez ! Attendez ! »
se fit entendre une voix à présent plus nette.

Un arc de foudroyant transperça le ciel et révéla une silhouette humaine entre les arbres. Elle s'approcha en claudiquant, apparemment épuisé et dans un sale état, pour enfin arriver jusqu'à eux. Il s'agissait d'un humain vêtu d'un surcot de cuir ainsi que d'une sacoche, le tout évidemment trempé. Malgré la pénombre, les yeux de shaakt de Daemon permirent de l'observer plus en détail. Son teint était pale et son visage creusé par la fatigue le rendait bien plus vieux qu'il ne l'était. Ses cheveux ondulés et ruisselant recouvraient son visage, dissimulant partiellement un regard d'un bleu surprenant.

« Je vous remercie. » articula l'homme haletant. « Pardonnez-moi si je vous ai effrayé. Ma monture a chu dans un ravin suite à une attaque d'affreuses bestioles ! Après une longue marche je vous ai aperçu et... je suis parti à votre poursuite. »

Daemon se méfiait de l'inconnu. Après l'avoir ausculté de haut en bas, son regard se porta dans les alentours à la recherche de complices. Il ne prenait pas, cela avait tout l'air d'un traquenard...

Bien plus altruiste, Asad goba l'histoire et s'empressa de questionner l'homme humide sur ses mésaventures. Apparemment, il viendrait de Kendra Kar et serait porteur d'un message à destination des ducs du Duché. Mais d'énormes loups aux allures humaines lui auraient tendu une embuscade, sa monture paniquée aurait glissé dans un ravin et lui avec.

L'évocation des loups évoqua à Daemon les hurlements étranges dans les alentours du lac. Néanmoins, il souligna que les messages peuvent être portés par corbeau. Mais le coursier rétorqua avec insistance que son message était de la plus haute importance, du genre que l'on ne peut confier aux volatiles. Son attitude paniquée et pressante convainquit presque le fanatique, qui resta néanmoins sur ses gardes.

Les deux encapuchonnés s'écartèrent de l'égarer et le gardèrent à l’œil au cas où le coquin aurait pour inspiration de dérober l'une des montures.

« Ce mec ne m'inspire pas et son histoire est des plus bancales. » chuchota Daemon en évitant le moins possible de s'exposer à la pluie.

« Voyons, regarde-le, il n'a vraiment pas l'air d'un charlatan. »

L'homme grelottait seul avec un air paniqué en serrant fermement sa sacoche contre sa poitrine.

« Cela va nous attirer des ennuis, je le sens. »


« Tu préconises donc de laisser ce pauvre homme ici ? Sous la pluie, au milieu des bêtes sauvages ? Hors de question. Je le prends derrière moi. »

Daemon grommela des paroles à lui-même et transperça le Kendran de ses grands yeux pourpres.

« Soit. »


Les premières lueurs du village d'Alkil

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Ven 22 Jan 2016 17:27 
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Ainsi allégée de la plupart de ses yus mais parée d'une armure flambant neuve et à dos d'un cheval aussi massif que majestueux, Anastasie prit la route des Duchés. Elle avait presque eu du mal à passer sa jambe par-dessus Fenrir – car tel était son nom – mais les dernières semaines d'entraînements réguliers avaient largement forgé son corps, d'un athlétisme et d'une souplesse jusque là jamais atteint. La monture, finement dressée et d'un naturel calme et docile, l'avait immédiatement acceptée, et n'avait pas tenté la moindre rebuffade. Il réagissait au doigt et à l’œil ; une simple et brève pression des talons et voilà qu'il se mettait en marche, une petite pression vers l'arrière des rênes et il ralentissait, ou s'arrêtait immédiatement selon son allure et la force avec laquelle Anastasie tirait. Elle avait même pu s'essayer à quelques pas typique d'un dressage de grande qualité, le faisant piaffer ou effectuant des déplacements latéraux pour le simple plaisir. Elle pouvait s'estimer heureux de l'avoir eu à ce prix là, très certainement pour la seule raison qu'il n'était pas pure race. Parce qu'un étalon de cette docilité et de cette prestance pouvait valoir au moins quinze fois plus cher lorsqu'il était paré d'un acte certifiant une parenté de qualité.

« Il faut être sacrément idiot pour te sous-évaluer de la sorte pour une histoire de lignée, » susurra-t-elle à l'oreille du frison bâtard en lui flattant l'encolure, attirant un petit ébrouement de plaisir à la bête.

En grande amoureuse des animaux qu'elle était, il n'avait pas fallu plus de quelques heures à Anastasie pour s'enticher de sa nouvelle monture. Déjà lorsqu'elle méprisait les autres êtres humains elle avait l'habitude de s'occuper avec passion des différentes bestioles qu'elle recueillait, ou que son père lui achetait après l'un de ses nombreux caprices. C'était d'ailleurs en voulant s'occuper d'un louveteau perdu dans les entrailles de sa mère que tout ceci avait commencé. Algus, son dernier promis en date, avait été tué, elle avait fui à travers la forêt, elle avait tué un brigand alors qu'il tentait de la violer, et Fitzekiel était finalement venu la sauver alors qu'elle était attachée à un arbre. Après cela, tout s'était enchaîné très vite : elle avait découvert ses pouvoirs de guérison, elle avait appris les rudiments de l'escrime, elle avait chassé cette sombre créature qui voulait prendre la vie de son amie d'enfance... et puis elle avait dû tuer son père pour l'empêcher de terminer le travail qu'avait commencé le montre qu'elle avait éliminé la veille. Elle avait elle-même mis fin à la vie de son père, qu'elle aimait tant.

Avec le recul, elle se rendait bien compte qu'il n'avait rien d'une bonne personne, bien au contraire. Il était raciste, homophobe, élitiste et traitait les pauvres comme des moins que rien. C'était d'ailleurs de lui qu'elle tenait la plupart de ses mauvais traits de caractère. Mais sa perte avait tout de même été un énorme choc pour elle, évidemment. Elle avait passé la semaine suivante prostrée dans son lit, à pleurer, à dormir et à lire. Et puis elle s'était complètement enfermée dans son travail à Kendra Kâr, dans la recherche à travers de nombreux bouquins des tenants et aboutissants de la magie noire, pour mieux la combattre. Et elle avait continué la pratique de l'escrime jusqu'à atteindre une dextérité que même la plupart des soldats expérimentés ne possédaient pas. Après tant de journée passées uniquement à l'étude de ces arts, elle était devenue une experte dans la chasse à la magie noire. Et elle avait vaincu la veille son premier nécromancien.

Il faisait nuit depuis une longue heure lorsqu'elle arriva au premier relais sur la route jusqu'aux montagnes. C'était une grande baraque en bois capable d'accueillir un grand nombre de personnes. Un régiment, même. Car c'était là son utilité première : en dehors des quelques marchands et des rares voyageurs qui empruntaient cette route, l'auberge servait à abriter les garnisons militaires qui allaient et venaient de Kendra Kâr. C'était d'ailleurs la milice elle-même, habituée à envoyer de leurs hommes en renforts aux soldats officiels, qui avait financé l'établissement. Mais cette nuit-là, aucun régiment n'avait fait halte, et, en vue des trois seuls chevaux qui somnolaient dans l'écurie de fortune, même les voyageurs et marchands se faisaient rares. A travers les carreaux, cependant, on pouvait voir la lumière des chandeliers, et les portes ne permettaient pas d'arrêter complètement le son qui en sortait, bien que la conversation soit parfaitement inintelligible.

Arrivée devant la bâtisse, Anastasie descendit prestement de son canasson – en sautant, donc, tant ses pieds étaient loin du sol – et s'approcha de l'entrée, rênes toujours en main, pour demander l'autorisation à l'intérieur d'utiliser leurs boxes. Mais c'est alors que le d'ordinaire si stoïque Fenrir, pour une raison qui échappa à la jeune femme, commença à piaffer, à gesticuler, à vouloir reculer, paniquant visiblement. Alors qu'elle tenait de le calmer de quelques gestes apaisant et de paroles douces, un courant d'air frais la traversa de part en part, lui provoquant une vague irrépressible de frissons. Puis le frison reprit contenance, les yeux rivés sur un point fixe derrière Anastasie. Elle se retourna pour voir les lumières de l'auberge éteintes ; un silence pesant régnait maintenant dans petite plaine. Pas une chouette n'osait le briser. Pas un grillon. Pas le bruissement d'une feuille. Le temps était comme figé devant l'apparition de la haute silhouette encapuchonnée qui faisait face à la petite noble. Son visage était inexistant, et pas un seul morceau de chair n'était visible. Seuls témoins d'une existence sous ce linge sombre, deux yeux d'un rouge vif la fixaient intensément. En l'apercevant, Anastasie recula d'un pas, étouffant un hoquet de surprise.

« Un gentâme, » murmura-t-elle, reconnaissant la créature de Phaïtos sans difficulté.

Elle avait lu sur eux dans les ouvrages qu'elle avait empruntés à la bibliothèque du Temple de Gaïa ; des créatures d'ordinaire immatérielles, qui troquaient leur savoir infini contre un peu d'énergie vitale, juste de quoi apparaître aux yeux de tous comme il le faisait actuellement, à moins que l'on ne soit trop gourmand et que l'on ne le laisse prendre toujours plus jusqu'à périr, totalement vidé.

« Oui, » acquiesça-t-il simplement, d'une voix éthérée qui n'était pas sans lui rappeler celle de Golgatus. « J'ai beaucoup entendu de toi, Anastasie. Oh, si tu savais comme j'ai entendu... Oh si tu savais tout ce que je sais. »

La jeune femme fronça les sourcils. Il tentait de la leurrer dans une interminable conversation, elle le savait. Une conversation qui la pousserait à poser toujours plus de questions, pour l'abreuver toujours plus de son énergie vitale. Mais les gentâmes n'étaient pas connus pour être des menteurs. S'ils voulaient gagner plus d'énergie, continuer leur activité, alors ils devaient avoir une réputation impeccable. Et donc dire la vérité en toute circonstances. C'était risqué, dangereux, mais si elle savait ne pas trop en demander, si elle se fixait une limite à ne pas dépasser, alors Anastasie pourrait exploiter une opportunité qui ne se représenterait pas deux fois.

« Qui vous a parlé de moi ? » commença Anastasie.
« Personne, » répondit l'autre.

La jeune femme grimaça. Le changement avait été imperceptible, mais elle se sentait plus faible, moins vigoureuse. Et pour une question ratée, en plus. Son but était de tirer un maximum d'énergie de sa part, elle devait faire attention à la formulation car il exploiterait toutes les failles en vu de l'obliger à poser toujours plus de questions.

« De qui avez-vous entendu des choses me concernant ? » reformula-t-elle.
« D'âmes. D'âmes au service de grands nécromanciens. Ce n'était pas prudent de faire exorciser Alban. Pas prudent du tout. »

Anastasie fronça les sourcils. En quoi l'exorcisation d'Alban avait fait parler d'elle ? Il lui restait encore beaucoup de forces, mais elle se doutait que la perte d'énergie vitale soit plus insidieuse qu'un simple coup de fatigue.

« Pourquoi ? » demanda-t-elle simplement.
« La rancune qu'il te porte s'en est retrouvée multipliée cent fois, milles fois. Elle a transcendé le monde des morts. Les grands nécromanciens possèdent des informateurs dans l'autre monde. Et maintenant ils savent. Ils savent ce dont tu es capable. Les grands nécromanciens n'aiment pas ça, tu t'es fait des ennemis puissants. »

Anastasie sentit des picotements le long de son corps ; le froid commençait à s'emparer d'elle, c'était mauvais signe. « Les grands nécromanciens » ? Elle se doutait de leur identité. Tal'Raban était probablement l'un d'eux. Mais le gentâme n'en avait pas terminé, il se montrait même particulièrement loquace, sans doute dans le but d'induire d'autres questions logiques à Anastasie.

« Les grands nécromanciens n'attendront pas que tu meures toute seule. »

La petite noble fronça les sourcils une énième fois. Ils avaient pris des mesures pour l'assassiner ? Tal'Raban avait-il si peur de ses pouvoirs, alors qu'elle les découvrait tout juste, qu'elle n'avait été capable que de se débarrasser d'un nécromancien de bas étage, et avec difficulté ? Est-ce que le chasseur d'ombres nommé Isaac lui avait laissé une impression si forte pour qu'il voit en elle une menace ? La jeune femme prit néanmoins la décision de ne pas poser plus de question. Elle ne connaissait pas ses limites, et ne voulait pas risquer de s'effondrer d'une minute à l'autre.

« Merci pour tes réponses, mais je ne tomberais pas dans ton piège, » lui fit-elle, adoptant le même tutoiement qu'il lui avait adressé.

Le gentâme hocha doucement la tête.

« Evidemment. Tu es prudente. Alors une dernière information, gratuite. Méfie-toi de l'homme au regard noir. Il sera ton ami, il voudra t'aider, mais ce n'est que subterfuge. Lorsque tu le vois, n'hésite pas : frappe. Frappe et reste en vie pour notre prochaine rencontre. Je suis Râle de Nuit. A une prochaine fois, Anastasie, fille de Grégoire. »

Un bruit de verre brisé attira l'attention d'Anastasie vers l'auberge. Elle était de nouveau bruyante, et ses lumières étaient allumées. Lorsque la jeune femme se tourna de nouveau vers le gentâme, il avait disparu.

« L'homme au regard noir... »

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Ven 29 Avr 2016 15:05 
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Après quatre journées de voyage, les portes de Kendra Kâr étaient finalement en vue. Anastasie, les cheveux maintenant aux épaules, soupira en apercevant enfin la cité. Le voyage avait été particulièrement silencieux, malgré la présence d'Ak'Laharikah, qui avait été mandatée par la milice de Luminion pour faire un rapport à la branche principale de l'organisation, dans la capitale. Mais la guerrière des Dunes n'avait pas été plus loquace qu'à son habitude, et la noble, elle, saisie d'une certaine langueur depuis son affrontement contre le nécromancien, n'avait aucunement tenté de combler les vides. Pour autant, les silences n'avaient aucunement été dérangeants. Peut-être était-ce dû au combat qu'elles avaient mené côte à côté, mais les paroles n'étaient nullement nécessaires entre les deux compagnonnes de voyage. Les mots s'étaient fait rares, et pourtant Anastasie avait le sentiment d'être plus proche de la milicienne qu'à leur départ.

« Tu connais bien Kendra Kâr ? » questionna la Comtesse en voyant les murs de la ville.
« J'y ai travaillé un an, » répondit l'autre. « Je n'ai pas aimé. Trop de monde. »

La noble esquissa un sourire. Ak'Laharikah ne semblait pas être du genre à aimer les bains de foule, effectivement.

« Tu vas y rester ? »
« Je pense. Je n'ai pas reçu d'autres ordres de Luminion, ce sera à la milice de Kendra Kâr de décider. »

Anastasie se mordilla l'intérieur de la joue, quelque peu pensive. Elle n'avait pas vraiment envie de voir la femme des Dunes quitter la capitale pour les Duchés, dans lesquels elle ne remettrait sûrement pas les pieds avant un long moment. C'était cependant particulièrement égoïste de sa part, à elle qui savait qu'elle repartirait certainement en mission d'ici très peu de temps. Elle venait de quitter les siens sans plus de considération pour leurs sentiments, et s'apprêtait à recommencer, mais elle avait toujours dans l'espoir que lors de son retour, tout serait comme avant, qu'elle pourrait profiter de sa famille et de ses amis pendant quelques jours, avant de quitter de nouveau la capitale vers d'autres aventures dangereuses et qui pourraient potentiellement la tuer. Mais elle avait beau être parfaitement consciente de tout cela, l'égoïsme gagna aisément la manche, et Anastasie déballa la proposition qu'elle avait en réserve sans plus de culpabilité.

« Je pourrais te présenter au Duc Dimitri, » fit-elle. « Ca paie bien, et il serait heureux d'avoir une combattante avec tes capacités. »

La femme des Dunes leva un sourcil, intriguée.

« Il tient un corps armé comme la milice, » expliqua Anastasie. « Il n'opère qu'autour de Kendra Kâr, et il y a moins de moyens, mais son organisation est respectée ici. Il joue un rôle important dans la sécurisation de la principauté. »

Ak'Laharikah haussa les épaules.

« On verra. »

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Ven 29 Avr 2016 15:42 
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L'incident clôt, du moins pour le moment, Anastasie avait passé les deux journées suivantes à finaliser les préparatifs de l'expédition. Il avait fallu préparer un itinéraire, acheter des vivres en quantité suffisantes, tester les forces de chacun, attribuer des rôles en fonction... Son travail de chef l'avait placée dans une position jusque là inédite, et elle s'était félicitée d'avoir mené avec brio toutes les préparations. Elle s'était donc retrouvée, le jour du départ, à la tête de dix-huit hommes et femmes plus ou moins aguerris, membres actifs pour plus des deux tiers d'entre eux du culte de Gaïa. Parmi eux, cependant, un intrus s'était caché. Elle l'avait immédiatement repéré. Mais elle se tut.

Le voyage dura cinq jours. Evidemment, en dehors des quelques problèmes logistiques, qu'ils soient humains ou matériels, que chaque expédition rencontre à un moment ou à un autre, le périple jusqu'à Luminion se déroula sans le moindre accroc. Car dix-neuf mages et guerriers voyageant ensemble ne risquaient jamais grand chose en territoire Kendran, tant qu'ils venaient de Kendra Kâr et non d'Omyre.

Lors des trois premiers jours, donc, son seul problème fut de tenir à l’œil cet intrus qui avait infiltré leur expédition. Elle n'avait mis personne au courant de l'imposture. Car elle savait qu'elle n'avait pas le droit à l'erreur. Aussi, elle s'était contenté de le tenir éloigné des stocks de matériel et de nourriture, et de ne lui confier aucun quart lors des tours de garde nocturnes. Et ainsi ils arrivèrent à Luminion sans un problème.

Mais c'était exactement là que les choses se corsaient. Le lendemain, ils durent bifurquer vers le nord-ouest, à travers des sentiers qui descendaient lentement de la montagne jusqu'aux plaines qui reliaient Darhàm à la cité noire. C'était le chemin le moins sécurisé de la frontière, car il était bien trop impraticable pour y faire dévaler une troupe complète, et que quiconque s'y risquait se retrouvait pris en tenaille entre les patrouilles de la ville pirate et d'Omyre, mais pour un groupe de taille restreinte comme le leur, c'était le meilleur moyen de se rendre aux ruines sans attirer l'attention. Ils établirent le campement au pied de la chaîne de montagne bien avant la nuit ; ils repartiraient bien avant l'aube, pour couvrir le terrain le plus surveillé sous le couvert de l'obscurité.

Mais avant qu'ils ne repartent, il était temps pour Anastasie de s'occuper d'un détail.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 4 Juin 2016 14:18 
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La créature le suivait depuis plusieurs heures déjà.

Bjorn avait commencé à se sentir épié dès qu'il avait quitté le campement établi non loin de la grand-route, au point du jour. Il ne pouvait pas prétendre être surpris : il avait déjà parcouru les trois quarts du chemin de Kendra Kâr sans rencontrer âme qui vive, exception faite des quelques caravanes marchandes qui n'avaient pas même l'élémentaire politesse de le saluer ; Bjorn se doutait qu'il ne pourrait pas échapper aux dangers de la route indéfiniment.

Au fil du temps, le bûcheron commença à surprendre du coin de l'oeil des mouvements furtifs, trop saccadés pour être d'origine animale. Ce qui n'était au départ qu'une sensation de malaise s'était peu à peu mué en certitude : quelqu'un, ou quelque chose, le filait à la trace. Pour ne rien gâcher, la région qu'il traversait se prêtait fort bien à ce type de filature : en dehors de la grand-route, qu'il arpentait actuellement, la zone était boisée et vallonnée ; chaque bosquet, chaque arbuste, chaque crevasse dans le sol aurait pu fournir une cache pour un adversaire potentiel. Une armée aurait pu se tenir embusquée ici que Bjorn ne l'aurait pas remarqué, même en passant à dix mètres de son état major.
Mais la créature qui le suivait était d'une toute autre nature ; bien qu'elle faisait montre d'une capacité étonnante à se montrer furtive, sa teinte se confondant dans la verdure environnante, Bjorn réussit à entrapercevoir sa silhouette, et ce qu'il en vit ne lui donna pas envie de faire plus ample connaissance avec elle.
L'être possédait en effet une anatomie vaguement humanoïde, mais décharnée et contrefaite. Elle restait invisible la plupart du temps, dissimulée derrière quelque feuillage ou relief du terrain, mais surgissait parfois, traversant la périphérie du champ de vision de Bjorn pendant une fraction de seconde avant de s'évanouir à nouveau. Au fur et à mesure que le temps passait, l'inquiétude grandissait dans le coeur de notre bûcheron, se transformant peu à peu en angoisse, et presque en panique. La créature le laissa pourtant en paix.

Du moins jusqu'à l'heure du bivouac.

Le soleil amorçait lentement sa disparition derrière l'horizon quand Bjorn décida d'établir son campement. Il n'était plus qu'à quelques kilomètres de Kendra Kâr, mais ne souhaitait guère les parcourir de nuit, avec une créature sortie des enfers pendue à ses basques. Il quitta donc la grand-route, se trouva une clairière dégagée non loin d'icelle, et entreprit d'allumer un feu, les sens en alerte pour tenter de repérer la créature.
Mais celle-ci semblait s'être volatilisée ; elle ne donna plus signe de vie, tant et si bien que la vigilance de Bjorn tendit à décliner. Celui-ci était assis près de son feu de camp qui flambait avec enthousiasme, dégustant quelques lanières de viande séchée, les yeux mi-clos. Sa conscience vacillait, assommée par la somnolence que son repas et la fatigue du voyage avait induit en lui.

C'est probablement pour cette raison qu'il ne vit pas le monstre approcher.

Soudain, il fut éveillé par une brusque sensation de danger. Aveuglé par l'éclat du feu, il entrevit une silhouette ramassée qui approchait lentement, à trois mètres de lui à peine. Pris de panique, il chercha à se saisir de sa hache, mais la créature bondit sur lui avant qu'il ait le temps de mettre la main dessus.
Le monstre décrivit une courbe au dessus du feu avant de retomber sur lui toutes griffes dehors ; elle planta profondément lesdites griffes dans ses omoplates, tandis que sa gueule de cauchemar cherchait sa gorge dénudée.

En poussant un cri rauque de panique autant que de rage, Bjorn bascula vers l'arrière tout en repoussant la créature comme il pouvait. Celle-ci était trop malingre pour lui résister ; elle lâcha prise et valdingua contre un arbre, à un ou deux mètres de là. Le bûcheron en profita pour se ruer sur sa hache, qu'il brandit bien haut, avant d'observer son attaquant plus attentivement.

La créature ressemblait à un homme, mais l'on ne pouvait décemment penser qu'elle en était un. Elle était si malingre qu'elle en devenait douloureuse à regarder ; ses membres étaient démesuréments longs et fins, ses mains munies de griffes impressionnantes, et elle se déplaçait à quatre pattes. Elle dardait sur lui son regard en indigestion de malveillance, dans lequel ne brillait pourtant nulle lueur d'intelligence.
Pour l'heure, le monstre se tenait simplement immobile au pied de l'arbre sur lequel elle avait été projetée, accusant probablement le coup de son vol plané. Malgré la peur qui lui fouaillait les entrailles comme un poignard chauffé à blanc, Bjorn décida d'en finir. Prenant une profonde inspiration pour se calmer, il serra sa hache dans sa main et commença à avancer.

(Haut les coeurs, mon vieux. Imagine que c'est un arbre que tu veux couper.)

Il tenta de visualiser une souche pourrie en lieu et place de la créature. Cette image le revigora et lui redonna ses moyens, calmant ses tremblements nerveux. Soudain, il se rua sur elle en hurlant et porta un coup terrible de haut en bas.

Il ne frappa que le vide.

(Les arbres n'esquivent pas les coups...)

Le monstre avait bondi sur le côté. Déséquilibré par son propre élan, Bjorn ne put freiner sa hache, qui se planta profondément dans le sol. La bête se jeta alors sur lui à nouveau, griffes pointées en direction de ses yeux. Il l'accueillit d'un coup de pied maladroit dans la poitrine, qui l'envoya tout de même bouler quelques mètres plus loin. Malgré cette prompte riposte, la créature put effleurer son front de ses griffes, ouvrant une blessure superficielle, mais saignant abondamment.
Poussant un ahanement, le bûcheron retira sa hache du sol dans lequel il était planté. Il se replaça en une garde maladroite tandis que la monstruosité l'observait, feulant et crachant.

C'est alors que le sang qui coulait de son front se mit à ruisseler dans ses yeux.

Aveuglé et affolé, il eut le temps de voir la silhouette contrefaite se ruer sur lui avant de devoir fermer les paupières. Pris de panique, il balaya l'espace devant lui de sa hache, tentant de repousser la créature à l'aveuglette. Il eut la sensation de toucher quelque chose, mais sans certitudes, puis se recroquevilla dans l'attente d'un coup qui ne vint jamais.

Quelques secondes passèrent. Bjorn s'essuya les yeux puis les ouvrit, contemplant une bien étrange scène.

La créature gisait au sol, proprement coupée en deux. L'arc de cercle que la hache de Bjorn avait dessinée l'avait fauchée en plein vol et séparée en deux parties au niveau de la taille ; les jambes du monstre gisaient à plus d'un mètre de son tronc. Elle était morte quasiment sur le coup.

De la manche, le bûcheron s'épongea le front, stupéfait.

(C'est moi qui ai fait ça ?)





Impossible de dormir après cela. Après s'être confectionné des bandages de fortune pour endiguer le sang qui coulait de son front ainsi que de son dos, Bjorn rassembla ses affaires et reprit la route.

Autant dire que les quelques kilomètres qui le séparaient de Kendra Kâr furent bien vite parcourus.

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 Sujet du message: Re: Route entre Kendra Kâr et les Duchés des montagnes
MessagePosté: Jeu 17 Nov 2016 06:33 
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Et c'est ainsi que deux nains se retrouvèrent ligotés et installés à l'arrière d'une carriole. Carriole qui n'avait nulle autre destination que Kendra-Kâr, la grande cité des longues pattes. Visiblement les deux comparses éxilés de Mertar allaient y être jugés pour des crimes qu'ils considéraient ne pas avoir commis. Enfin c'était le cas de Gorog car Broginn lui, se réveillait à peine, deux heure après avoir pris un coup de pelle sur l'arrière de son crâne solide. Lentement il ouvrait les yeux et voulu se frotter l'arrière de la tête quand il se rendit compte qu'il lui était impossible de décoller les bras de son corps.

La tête dans le cul et le cul plongé dans la bière, il ne parvint pas tout de suite à comprendre le pourquoi du comment de la situation et loin d'en être apeuré, il s'en amusa.

« Boup, qu'est-ce que c'est que cette campafouillade ? J'peux plus bouger mes bras ! Comment j'vais pouvoir picoler ? Tient c't'une idée ça ! Un truc pour boire la bière sans les mains ! Gorog, c'est l'idée du siècle !  On appellera ça...Le...Gobroginn ! Mais c'pas important ! J'suis un génie ! »

Un génie qui n'avait toujours pas remarqué la situation dans laquelle il se trouvait. Et il ne s'en rendit pas compte avant le lendemain.

***


Ce fut donc lors du deuxième jours de voyage, dégrisé, que Broginn compris ce qu'il en était. Ligoté à l'arrière d'une charrette escortée par des miliciens, pour être jugé par les Grands Idiots pour avoir été frappé par des paysans alors qu'il ne faisait que s'amuser. C'était absurde et tout au long de la journée, Broginn fomenta quelques plans pour s'échapper en marmonnant dans son épaisse barbe.

« Vont voir c'qu'ils vont voir. Grmbl grmbl. Coup de pied...Grmbl...courir...Grmbl...Mertar...Grmbl...Bière. »

Mais il pris tellement de temps à réfléchir qu'aucun de ses plans, sans aucun doute très élaborés, ne fut vraiment mis en pratique.

***


Au début du troisième jour de voyage, Broginn pris une décision surprenante et réalisa par la suite ce qui pouvait très clairement être qualifié d'exploit. Il décida d'entamer une grève de la parole pour destabiliser les gardes et finir par trouver la faille. Tout au long de la journée, il ne prononça pas la moinde mot, malgré les tentations. Il n'ouvrit pas la bouche quand l'un des miliciens avoua préférer une bière de Tulorim à celles de Mertar. Il ne lâcha pas le moindre mot quand un autre quant à lui, rétorqua que l'artisanat elfique était bien meilleur que celui des nains. Et même s'il du se mordre la lèvre avec force, il ne produisit pas le moindre son quand ils croisèrent un convoi de marchands elfes. Non, il parvint à garder le silence pendant toute la journée...Ce qui ne servit à rien.

***


Les cinq jours suivants, Broginn ayant compris que son incroyable stratégie du silence était bien trop sophistiquée pour atteindre le cerveau primitifs de miliciens humains, il prit un virage à 180 degrés et décida d'adopter la stratégie qui leur avaient permis, à lui et à Gorog, de sortir des geôles de Mertar. Ils fit un boucan du tonnerre qui n'avait rien à envier à celui du dieu de la foudre. Il chantait, criait, insultait quelques génitrices. Il alla même jusqu'à laisser échapper plusieurs flatulences fortement odorantes. Malheureusement pour lui, les deux nains étaient visiblement tombés sur quelques uns des humains les plus patients du monde. Ce n'est qu'au soir de huitième jour de voyage que l'un d'entre eux, plus incommodé par l'haleine de Broginn que par ses cris, vint bâillonner le fier Thorkin. Pourtant, même ainsi, Broginn continuait de crier et de chantonner. Juste par principe.
***


Il continua ainsi pendant les deux derniers jours de trajets. Il s'était même mis à sauter sur place pour faire trembler la carriole voir essayer d'en briser quelques morceaux avec son poids relativement important. Et c'est ainsi que les deux compagnons barbus arrivèrent aux portes de la cité blanche, accompagnés de quelques gardes excédés qui n'était pas très loin de craquer.

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Broginn - Brasseur - Rôdeur

Un tonnelet de bière pour me réchauffer, un tonnelet de bière...Pour vous éclater!


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