L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Mar 10 Jan 2012 20:48 
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La ponctualité avec laquelle ils arrivent dans le seul village du trajet où se trouve une auberge digne de ce nom tend à prouver qu'ils n'en sont pas à leur premier voyage … et si on tente de mettre cela sur le compte de la chance, la franche camaraderie de l'accueil du propriétaire y mettra fin.

Face au mutisme de Maâra les gens se contentent de poser les questions à Lise qu'elle ne quitte pas d'une semelle. Ses yeux font penser à ceux d'un animal prit en cage, sa personnalité déjà naturellement introvertie semble là être à son paroxysme et effraye les employés qui lui collent l'étiquette d'une malade mentale pour détourner leur attention sur sa véritable personnalité.

Lise s'occupe alors de tout, elle réserve une chambre pour Maâra et commande pour elle deux un repas chaud, du ragout de mouton cuisiné du jour avec du choux. Elle l'emmène ensuite à une table tranquille avec des gestes tendres et lance des regards entendus aux autres convives qui reprennent très vite le cours de leurs repas et conversations. Son mari et son fils sont repartis dehors marchander avec d'autres fermiers et discuter des trocs éventuels de leurs récoltes.

- L'auberge est très bien, tu verras. Annonce Lise une fois assise à une petite table en compagnie de Maâra.
- Elle a l'air charmante, et très propre.
- Oui, et chaleureuse. T'en aurais préféré une aut' ?
Soudain, la voix chaude et chantante de Lise et son ton inquiet éveille légèrement Maâra qui relève son regard vers l'humaine qui semble s'attendre à une réponse aussi honnête que son intérêt pour l'état étrange de Maâra. Elle se force à former les premiers mots qu'elle prononce depuis des heures, et s'efforce d'y mettre plus de sincérité et de ne pas se dérober comme à son habitude.
- Non, pas du tout. J'ai toujours dormi à la belle étoile pendant mes voyages, on se fabriquait des hamacs chaque soirs dans les arbres les plus hauts, ou on se contentait des tentes. Mais je préférais les hamacs, à cause du balancement.
- C'était où ? La forêt d'Yarthiss ?
- Oh non, c'était sur une des îles du Naora, répondit Maâra d'une voix étranglée.
- T'es drôlement loin d'chez toi, poursuit alors l'humaine avec empathie car elle-même ne se verrait pas devoir vivre ailleurs que sur ses terres. T'es ici d'puis longtemps ?
- Moins de deux semaines, je crois.
Le trouble de Lise est évident mais sa réaction est interrompue par l'arrivée des bols de ragoûts fumant dont l'odeur alléchante rend l'estomac récemment vidé de Maâra plutôt réceptif et par liaison directe le propre visage de l'elfe s'adoucit et se fait plus convivial … enfin autant qu'il puisse l'être.
- T' es v'nue seule ? mais pourquoi ?
- Je suis venue avec ma sœur, qui pensait que voyager et voir autre chose du monde que ma forêt me serait bénéfique …
- Quelle drôle d'idée. J'ai pas b'soin d'savoir comment qu'vivent les autres pour bien faire mon travail, pour cultiver mes terres et élever mes enfants.
Un pâle mouvement de tête répond d'abord à l'avis de Lise.
- Ça ressemble à ce que je lui ai dit. Voyager et en apprendre sur le monde est peut être utile pour certains, mais pas pour tout le monde. C'est comme si on disait à un pêcheur qu'il lui fallait apprendre à escalader un sommet de montagne. Mais je suis la plus jeune, et j'ai accepté. Ses derniers mots sont étranglés, presque douloureux à prononcer et la suite n'est qu'un grognement à peine audible. Mais elle s'est enfuit, partie en m'abandonnant dans cette ville après deux jours en ville et j'ai l'idiotie de me dire que je ne peux pas rentrer chez moi sans elle au cas où elle revienne.
Malgré ses prévisions, aucune larme ne vient terminer son récit. Et c'est au grand soulagement de son Faera que la boule de colère qui lui avait faire perdre la tête reste à l'état de bulle, de toute petite bulle d'aversion certes, affichée au regard de tous sur ses lèvres pincées, mais qui même si elle explose pourra être maitrisée par Maâra.
- Et ben, si l'un d'mes aînés f'sait ça il passerait un sale quart d'heure c'est moi qui t'eul dit.
La haute voix de Lise qui gronde contre une hypothétique situation réussit presque à faire sourire Maâra, qui s'aperçoit qu'elle apprécie réellement la franche rudesse de cette femme pourtant peu amène au premier regard.
Pourquoi Yarthiss alors ?
- Il y a là bas une chose qui me permettra peut être de continuer ma formation, commencée chez moi.
- Ah, v'là qu'tu r'commence à te défiler, taquine Lise sur un ton suffisamment jovial pour que même Maâra puisse comprendre qu'il ne s'agit pas d'un jugement ou d'une réprimande à moitié exprimée.
- Désolée.
- Bah, t'en fais don' pas. On n'fait qu'un bout d'route ensemble après tout. Mais j'suis contente que tu te sois un peu réveillée, lance-t-elle sur un tout autre ton, plus sérieux. J'vais surveiller mon fils, histoire qu'il reste à s'place.
- Merci ... Lise, répond-t-elle d'une voix fluette.
- A la bonne heure, la premier Lise de la journée ! Encore un "madame" et j'te montrais mes crocs.
J'vais rester un peu ici, attendre qu'les hommes reviennent et mangent. Pour la chambre, y'a qu'à d'mander la clé au bar.
- D'accord.

L'elfe grise sort de table et gagne directement sa chambre après avoir récupéré la clé de cette dernière.
La pièce est petite et est meublée du strict nécessaire, mais la couche et les draps sont propres, tout comme le sol et le broc rempli d'eau mis à sa disposition.
Les récents événements à l'auberge de Talic ne sont cependant pas bien loin et elle installe la chaise contre la porte, le dossier sous la clenche de sorte que personne ne puisse l'ouvrir. Force est pour elle de constater que le repas prit en compagnie de Lise lui a fait du bien, mais elle hésite encore à partir dans la nuit pour fuir le danger avant même de savoir s'il est réel. Elle n'a de cesse de repenser aux yeux affolés du jeune homme mais son esprit lui fait voir les choses différemment chaque fois qu'elle ferme les yeux, si bien qu'en cette soirée elle les voit se transformer en yeux de fauve. Son esprit imagine, étape par étape, le visage de l'humain se modifier avec tellement de réalisme qu'elle ne sait plus s'il s'agit d'un souvenir ou d'une illusion.
Elle se sent enfermée dans une cage dont les barreaux sont faits d'une peur sans origine.
Lorsqu'elle travaillait pour Talic, elle avait côtoyée pendant plusieurs jours une jeune fille au regard plus que menaçant, au discours plus que venimeux mais elle n'en avait envisagé aucune menace directe, elle s'était contentée de son monde … et avait bien failli mourir à cause de cette jeune fille.

Et maintenant qu'elle ouvre enfin son attention aux autres, elle découvre la panique, l'attente, le doute face à des réactions hostiles et dissimulées. Et instinctivement, son corps ne lui offre pour surmonter cette épreuve que nausées, tremblements, vertiges et illusions toutes plus effroyables les unes que les autres.

---

Elle dort peu et mal cette nuit là, réveillée par le moindre son, hantée par des cauchemars nourris par des illusions. Et à chacun des nombreux "réveils" elle ne cesse de pester contre elle-même car elle se cherche des raisons pour rester et faire face. Les mots lui viennent sans qu'elle sache si ce sont des résidus de rêves ou si elles les forment volontairement. Ils sonnent et résonnent comme les échos d'une grotte : "ne te cache plus" "tu es ce que tu es" "s'il t'accuse, sois fière" "s'il t'attaque, sois inflexible "s'il te condamne, montre lui les ténèbres de ton âme"

Lorsque la noirceur de la nuit s'estompe au profit des premières lueurs de l'aube, elle se réveille et se lève définitivement et, après s'être passée un peu d'eau sur le visage, elle descend dans la salle commune pour attendre la famille. Lise lui avait précisé la veille qu'ils partiraient tôt.
Malgré la chaleur des journées et celle à peine moins soutenue de la nuit la salle baigne dans la fraicheur grâce aux murs de pierre épais et aux petites fenêtres, dont aucune ne s'ouvre sur le mur sud, qui ne laissent que brièvement passer les rayons brûlants du soleil.
Au comptoir, le service n'est certes pas des plus chaleureux mais le propriétaire, seul présent à cette heure matinale, arrive le temps de leur échange à la dévisager sans grimaces révélatrices. Elle commande un petit déjeuner copieux, qu'elle règle avec la chambre et le repas du soir.

Le couple et leur plus jeune fils descendent peu de temps après.

- Lise m'avions dit qu't'allais à la fortêt d'Yarthiss, déclare Dolmar de sa voix chantante mais inamicale à l'extrême.
- C'est bien ça.
- Alors eul p'tit arrang'ment ent' nous s'terminrons au prochain gros village. Mais j'voudrons qu'tu m'paye avant l'départ.
- Payer ?
- Je l'avais proposé.

S'en suit une dispute rapide sur le réel coût d'un passager qui n'avait utilisé en tout et pour tout de leur vivres que deux morceaux de saucisson offerts de bon cœur. Finalement, à force de cris, c'est Lise qui décide du prix et l'annonce en coulant un regard sans équivoque vers son mari

- Et tu vas aller ach'ter du fourrage avec, c'est les vaches qui ont tiré l'charrette où son cul s'est posé, pas toi !! qu'euj sach' !!


Quelques minutes après, ils sont déjà sur la route. Maâra et Lise à l'arrière de la charrette où la première écoutera la seconde lui parler des plantes aromatiques et fruits qu'ils cultivent, des vaches à lait qu'ils possèdent, des produits qu'ils fabriquent directement qu'elle regrette de ne pouvoir lui faire découvrir. Maâra lui fait grâce des réponses motivées mais qu'on ne pense pas réellement comme la promesse qu'on viendra leur rendre visite dans le futur pour remédier à ça.

La matinée passe, et le village approche. Celui de la délivrance, pense Maâra à part elle. La présence de Lise est agréable et est pour beaucoup à son calme apparent, mais les savoir sur une autre route est plus grande source de paix de l'esprit.

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Dernière édition par Maâra le Mar 11 Sep 2012 20:46, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Mer 18 Jan 2012 00:21 
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((( [:attention:] Certains passages de ce rp sont à connotation gore, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture.)))

Dos à la route, c'est d'abord l'odeur âcre de fumée qui alerte les sens de l'elfe, trop lointaine pour animer les humains, mais eux ont les yeux rivés directement sur la source de l'odeur.
Le village, hameau de plusieurs centaines d'habitants, se trouve derrière une petite colline mais une haute colonne de fumée noire s'élève au dessus, obscurcissant à la fois le ciel et le cœur de Maâra.
Dolmar panique et cravache énergiquement ses vaches qui beuglent sous les coups inattendus mais n'avancent guère plus vite. Et tandis que le père s'égosille contre les bêtes malingres le fils descend de la charrette et part en éclaireur vers le drame.
Le couple d'humain privé de vue et de véhicule rapide tente de noyer la vague d'impatience et d'inquiétude qui les submerge dans des conjectures malheureusement entretenues par une tradition de feux de forêt durant cette saison, qu'ils soient criminels ou accidentels. Mais la disposition de la colonne de fumée n'est pas celle d'un grand feu comme ceux là, il n'y a devant leurs yeux effrayés qu'une seule grosse masse noire, lourde et compacte sentant la suie et s'élevant d'un point qui ne doit pas dépasser l'are de circonférence, et le bruit caractéristique des feux de forêt ne leur parvient pas.

Maâra, elle, est isolée du groupe et des événements, fort heureusement d'ailleurs car passé le choc des premiers instants, elle devient comme insensible aux troubles des humains. Ce n'est pas consciemment et à but de paraître cruelle bien sur, mais elle ne vit pas les pertes matérielles et surtout humaines comme tout le monde. Elle est une fervente disciple du Dieu de la Mort, éduquée et élevée dans son ombre. La mort n'est pas une tragédie mais un passage.
Et une part d'elle-même qui s'éveille peu à peu sent qu'elle possède le pouvoir de contrôler les âmes défuntes, de les ramener afin qu'elles déchainent leurs colères, leurs pulsions vengeresses et leurs maux sous le joug de la magie noire et atteindre un état de paix éternel.

Petit à petit, Maâra n'y voit plus qu'un événement extérieur, un aléa certes dramatique pour la population de ce village mais un événement qu'ils braveront … ou pas, mais ses réflexions ne vont jamais jusque là. Elle se contente en réalité de juger du risque potentiel de ce drame pour sa personne, du contretemps qu'il occasionnera dans ses projets de séparation.
Et c'est assez nouveau en soi, cette aptitude à faire le lien entre ce qui se passe autour et les conséquences sur sa propre vie.



Lorsqu'ils atteignent enfin le haut du tertre, le couple émet de concert un hoquet de surprise et de consternation.
Ce n'est ni un champ, ni une partie de la forêt proche qui est en train de brûler, mais une maison et la grange accolée à celle-ci située à l'entrée du village. La toute première maison de ce hameau, appartenant à la plus vieille et plus riche famille.
Cependant, leurs cris ne sont pas destinés à la perte de cet édifice pourtant considéré comme un symbole pour les habitants de la province, mais à ce qui se passe autour. Car la maison, elle, n'est plus que ruine fumante.
Un groupe compact d'habitants est amassé sur la route et beaucoup sont à terre, blessés ou morts … le nuage de poussière soulevé par des chevaux au galop est le dernier signe visible des hommes ayant provoqués le massacre. Il y a là un attroupement d'hommes, de femmes et d'enfants en pleurs, confus et encore sous le choc de l'attaque. Une dizaine de corps git au sol, tordus et recroquevillés dans la mort, allongés sur une terre rougie de leur sang où marchent et rampent les membres de leur famille aux cris déchirants et étranglés par les larmes. C'est une scène d'une violence invraisemblable pour cette communauté de paysans et de fermiers dont les plus faibles semblent déjà succomber à l'hystérie face aux cadavres mutilés de leurs parents et enfants. Des hommes ont le crâne fendu par un coup de hache, certains ont le ventre ouvert de part en part et gisent sur leurs propres viscères quand d'autres ne sont même plus entiers ou tant carbonisés qu'on ne pourrait identifier leur sexe… Une femme devenue complètement folle rassemble des membres de corps qui n'appartiennent visiblement pas à l'homme qu'elle pleure et tente de reconstituer. Un homme, blessé à la tête et à la jambe, ressort en claudiquant des décombres de la maison, un corps calciné dans les bras … un corps à peine plus long que ses bras. L'homme qui porte le cadavre de son plus jeune fils dans ses bras n'est plus que l'ombre de lui-même et ne réagit pas lorsque retentit le cri déchirant de sa sœur, penchée au dessus de son ainé, agonisant.

Le fils de Lise et Dolmar est arrivé sur les lieux, Maâra le regarde avec une troublante neutralité aller d'un groupe à l'autre et tenter de calmer les cœurs en deuil. Car un peu partout dans cette masse d'humains éclatent des disputes et des bagarres sans ardeur pour le moment mais qui n'ont besoin que d'une étincelle pour exploser.
La violence de l'attaque en a choqué plus d'un, la panique a eu pour effet de vider certains des habitants de toute lucidité mais de rendre plus fébriles les autres, un affolement et une frénésie qui a tant fait de devenir insurmontable et de laisser libre accès à la colère et à l'hystérie. Colère qui est passée elle aussi par plusieurs étapes. D'abord dirigée vers les bandits venus piller et saccager les maigres ressources du village et qui s'en sont prit ensuite avec une rage disproportionnée aux fermiers désireux de se défendre, puis ensuite vers les agents de la milice de la région, aussi dispersés qu'inefficaces.

Lise et Dolmar abandonnent leur attelage bien avant d'être arrivés. L'humain fait stopper les vaches afin qu'ils puissent descendre et finir le chemin en courant. Lise, le visage baigné de larmes, se retourne vers Maâra qui s'est mise debout à l'arrière et lui conseille de rester dans la charrette si elle le souhaite, qu'elle n'a pas à subir ces images. L'elfe grise reste silencieuse et Lise met ce mutisme sur le compte du choc, mais elle ne pourrait plus se tromper.
L'horreur de la scène exposée face à eux n'est pas à l'origine des traits tirés de Maâra. Non, c'est la profonde bienfaisance de Lise qui a prit Maâra au dépourvu. C'est le fait que cette femme, qu'elle ne connait que depuis peu, avec qui elle n'a rien partagé et qui malgré l'angoisse et le chagrin, prenne le temps de penser à elle et de tenter de la mettre à l'abri de tout cela.
Mais son envie de les suivre et d'être là bas parmi eux est aussi inexplicable qu'impossible à ôter. On peut donc remercier la combinaison du mutisme de l'elfe et l'épouvante de l'humaine qui permit à la première de ne pas ouvrir la bouche et prononcer une phrase le faisant passer pour un monstre, et à la seconde de ne pas observer plus attentivement l'origine du trouble de l'elfe et de poser la question de trop pour son propre cœur et sa sérénité d'esprit.

Telle une marionnette, Maâra descend donc de la charrette. S'interrogeant sur son manque d'interrogation quant à cette pulsion, cette attirance vers la mort. Et c'est différent de ce qu'elle éprouvait jadis en s'occupant des morts en vue des cérémonies funèbres au temple. L'attirance n'est pas seulement intellectuelle, elle est aussi sensorielle. L'odeur de la mort a un parfum envoutant, presque suave comme si la pourriture des cadavres allongés sous le soleil depuis plus d'une heure exhalait une odeur différente en témoignage de sa présence. Même son regard semble se focaliser sur une autre facette de la mort, elle voit à travers un brouillard rendant tout plus limpide … et s'attend presque à percevoir les âmes des défunts se mouvoir hors de leur corps. Et chose dont elle n'a pas conscience mais qui est en réalité beaucoup plus intriguant pour Morëla qui lui s'en aperçoit, elle n'entend pas les cris et les pleurs de la même manière. A l'oreille de sa protégée, tous les sons sont épurés de sentiments douloureux, ils sont comme une musique douce et apaisante qui, si elle avait le don de la communiquer aux autres rendrait leur chagrin et leur deuil plus intimes, plus liés à la paix des morts qu'à la colère et l'agressivité des vivants.

Personne ne semble la remarquer tandis qu'elle passe près des cadavres et les touchent avec une infime douceur et une profonde considération.

Et pourtant les humains s'agitent autour d'elle.
Ils racontent l'attaque aux nouveaux arrivants qui prennent dans leurs bras leurs parents proches.
Ces bandits ne leur sont pas inconnus, mais ils ne s'attaquaient jusqu'à maintenant qu'aux voyageurs trop confiants, trop naïfs ou trop vaniteux qui ne prenaient pas la peine de masquer leur richesse et espéraient la préserver en n'engageant des vieux gardes au rabais. Leur but avait toujours été le gain … jusqu'à aujourd'hui.
Ils étaient sous les ordres d'un nouveau chef. Un homme horrible, un géant en armure noire luisante muni d'un casque à corne qui ne laissait voir que des yeux blancs terrifiants et qui chevauchait un cheval noir gigantesque. "Un cavalier sorti droit des enfers" crache plusieurs fermiers chez qui la haine a prit l'ascendant sur la peine.
Ce géant, qui se faisait appelé Zaracas, était arrivé dans le village et avait exigé des fermiers qu'ils lui fournissent des jeunes garçons pour son armée personnelle et des jeunes filles pour leur culte. Il avait usé de magie d'obscurité et s'était vanté d'avoir le pouvoir de capter toutes les pensées et actes malveillants des mortels et de faire d'eux ses pantins, des adeptes à l'image de la bande de voyou de la région. Et devant le refus des fermiers il avait décidé de faire du village un exemple pour les autres.
Pendant le récit, raconté de plusieurs voix à la fois, Maâra prend doucement conscience que sa présence à elle seule pourrait devenir un problème tant le fait que le géant use de la même magie qu'elle est la source de leur haine. Plus encore que les actes commis, c'est au nom de quoi ils ont été commis qui est attaqué. Elle relève doucement ses yeux gris inquiets vers le groupe d'humains mais chacun reste indifférent … tous sauf un.
Pendant que les villageois racontent avec des voix étranglées l'attaque et les actes du géant qui a fait apparaître des ombres autour de son gantelet pour ensuite les envoyer foudroyer l'homme le plus proche, un autre combat est à l'œuvre, silencieux et intimiste qui se joue entre le fils de Dolmar et Maâra.
Un duel aux forces inégales car l'elfe grise est inextricablement enlisée dans un bourbier mâtiné de peur et de doute, et sa seule certitude est qu'elle véhicule ces sentiments par toutes les fibres de son corps. Elle est tétanisée face au regard menaçant de l'humain, au rictus haineux et malsain de sa bouche tremblotante. Elle lit dans ses yeux qu'il sait depuis ce jour sous l'arbre ce qu'elle est ou tout du moins quelle magie elle manipule. La même que celle de ce Zaracas venu en conquérant et reparti en laissant derrière lui que cadavres et chagrin.

La même magie, la même engeance, le même châtiment.

Elle qui est là, parmi eux pendant ces heures si sombres, elle qui est là, parmi eux alors qu'elle n'est pas des leurs, elle qui est là, parmi les victimes d'une magie qu'elle vénère. Elle qui là, seule, vulnérable et sans défense. Elle qui est là, arrivée par hasard dans leur vie au bon moment … comme un don. Il lui suffirait d'un mot et toute cette tension, tout ce chagrin, toute cette haine s'abattraient sur l'elfe aux yeux gris d'ordinaire insondables et s'envoleraient avec son dernier souffle. Il deviendrait celui qui leur aura offert la délivrance par la vengeance.
Et elle n'a pas besoin de Morëla pour comprendre ce qui se trame derrière la grimace avide du jeune homme.

Soudain, sa bouche s'ouvre et tout ralentit aussitôt. Elle voit ses dents pincer sa langue et ses lèvres former les premiers mots, elle voit son sourire sadique s'étirer, son visage se tourner vers la foule et son regard se poser sur elle, aussi froid que l'acier.

- Elle !! Elle peut, s'exclame le jeune humain avec défi.

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Dernière édition par Maâra le Mar 11 Sep 2012 20:47, édité 5 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Jeu 19 Jan 2012 01:31 
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Jour 2 : suite

On imagine alors un être endormi qui se réveille en chute libre juste avant de tomber à la mer et de sombrer dans des eaux sombres, à regarder impuissant sa vie s'enfuir dans le tourment des vagues au dessus, à suffoquer et sentir sa poitrine se gonfler autour d'un dernier souffle qui ne viendrait pas.

Le cœur de Maâra s'arrête littéralement de battre pendant une éternelle seconde.

Seconde pendant laquelle son Faera tente de la secourir, de la sortir du monde de terreur dans lequel elle s'est enfermée au point de perdre toute conscience de la réalité. Il pénètre en elle comme seul un Faera peut le faire, remplace sa conscience par la sienne afin qu'elle assimile les faits récents et qu'elle réalise l'étendue de ce qui lui arrive à l'instant.
Elle sort littéralement de son corps et survole la scène comme si elle était devenue le petit rat. Elle est là, immobile et terrifiée, tandis que le paysage et les personnages autour bougent si vite qu'ils ne sont que des formes floues et distendues. Elle ressent plus qu'elle n'entend les phrases dites. Mais surtout, elle se rend compte maintenant à quel point la part incontrôlée de ses pouvoirs la protège, car la douce mélopée qui résonne dans son esprit se dissipe. Les cris déchirants, les pleurs et l'hystérie plus que communicative des humains l'agressent comme une nuée d'insectes.

Les fermiers sont en train de parler des pertes subies. L'homme qui tient encore le cadavre calciné de son fils dans les mains est comme fou, avide justement de ce que le fils de Lise peut lui offrir : l'espoir. Il avait perdu toute sa famille, ses filles, ses deux fils et sa femme. Il ne lui reste plus qu'un fils, qui s'est interposé face aux assaillants et a été gravement blessé à la jambe. Ce jeune homme a été la seconde victime du géant en armure noire.
Morëla la rapproche du corps. Sa jambe est écrasée jusqu'au genou. Il ne reste de sa peau que des lambeaux, ses os ne plus que débris et poussières et ses chairs ont l'aspect de boursoufflures noires et purulentes.
Morëla lui fait alors entendre des brides de conversation qu'elle reçoit par à coup, les mots se chevauchant les uns les autres. Ils s'inquiètent du temps que met le guérisseur à venir, certains disent qu'il ne viendra jamais, d'autres se disputent quant à l'efficacité de ce charlatan. Morëla lui fait même entendre les messes basses, les couples survivants qui se demandent s'ils devraient donner le peu de baumes et potions qu'ils possèdent pour sauver les autres, il lui montre les visages emplis de culpabilité se baisser quand le chef du village en demande pour alléger les souffrances de son fils.
Pour finir, il plonge vers le fils de Dolmar afin qu'elle observe sa réaction lorsque l'homme qui a tout perdu ou presque implore les cieux pour que la vie de son fils soit sauvée. Elle le voit couler un regard venimeux sur elle sans réellement comprendre cependant l'horrible logique qui l'habite : la faire passer pour un guérisseur volontairement muet et inactif.
Mais il a lui-même sauté sur l'occasion sans vraiment y réfléchir, voyant là un moyen de la faire souffrir un peu plus avant qu'elle ne doive admettre la vérité.

Quand Morëla la quitte enfin et qu'elle retrouve l'usage de sa vue, elle s'aperçoit qu'il ne s'est passé qu'une seconde, que les villageois sont encore, tout comme elle, sous le choc de l'annonce. Ils la regardent avec des yeux écarquillés où se disputent l'espoir et la contrariété.
Le père du mourant est le plus rapide de tous à refaire surface, il parcoure la distance qui les sépare à une vitesse surprenante compte tenu de sa corpulence et sa blessure légère à la jambe. Il l'empoigne avec la brutalité de celui qui réalise que le sauveur de son fils est resté les bras ballants tout ce temps … et la mine totalement déconfite de Maâra ainsi ses tentatives implorantes de lui expliquer n'y changent rien.

A chaque début de phrase qu'elle bafouille, les cris des villageois s'y superposent. Si bien que ses "non, je ne peux pas" ne sont pour eux que des "non". Refus catégoriques qui exacerbent leur animosité et annihile tout espoir de raison, mais alimentent visiblement la satisfaction d'un d'entre eux qui prend bien soin d'être le premier à renchérir en la traitant de menteuse, de monstre qui refuse son aide ou encore de parjure. Les mots qu'elle tente de prononcer ne sont plus que des gargouillis, des gémissements plaintifs et implorants face à la violence du chef du village qui troque ses menaces et crachats contre une brutalité qui augmente dès que Maâra ouvre la bouche ou se relève.
Il ne se rend même pas compte que les suppliques de Maâra ne lui sont plus destinées. Les coups, les secousses et les chocs répétés n'ont fait qu'ouvrir un appétit qu'elle ne contrôle pas et contre lequel elle lutte malgré les prières de son Faera. Chaque vague de douleur est engloutie et absorbée par son corps et assimilée par ses fluides, chaque réponse à la douleur se fait plus électrique et grisante que la précédente et remonte un peu plus le long de sa colonne vertébrale afin d'atteindre la seule partie de son corps qui n'est pas entièrement ouverte au plaisir : son cerveau. Elle sait son combat perdu d'avance mais elle ne peut délibérément laisser cette abomination prendre le dessus. Que lui arrivera-t-elle s'ils se rendent compte de ce qu'elle ressent ? Et en quoi cette monstruosité qui est en elle pourrait lui être utile à cet instant ? Morëla peut bien lui demander de se faire confiance, elle n'y voit aucun bénéfice … pour l'instant.

N'en pouvant plus de l'hystérie et la brutalité de ses pairs, c'est finalement Lise qui met fin à toute cette folie. Voyant Maâra être littéralement jetée à terre, au pied du mourant qui regarde la scène avec des yeux exorbités emplis de honte et de reproches silencieux.
L'humaine s'interpose, les bras écartés pour faire comprendre aux plus téméraires d'entre eux qu'il est hors de question de passer sans en découdre avec elle, braquant un regard sans équivoque sur son fils.

- C'n'est qu'une apprentie, hurle-t-elle en guise de réponse, en se basant sur ce que Maâra lui avait dit la veille lorsqu'elle mangeait ensemble. Vous brutalisez une enfant sans même la laisser dire un mot … et toi, continue-t-elle en pointant son fils du doigt, plus un mot … surtout … plus un mot. Elle n'a pas besoin de finir sa phrase mais on sent que cette seule semonce ne suffira pas.
- 'lors c'est parfait, lance l'humain au sol d'une voix faible et rocailleuse, qu'elle m'ampute la jambe. Tu en es capable ? La question est dirigée vers Maâra mais elle reste trop longtemps ahurie par le bouleversement de situation.
- Brash !
- C'est ma jambe, ch'suis pas aveugle et toi non plus, elle est morte.
- Mais ! Il ne lui a suffit que de quelques mots, prononcés par un fils mourant, pour tomber dans un état proche de l'hébétude … la même que celle dont ressort doucement Maâra.

((Dis oui !!))
- Oui. Dit-elle mollement sans se rendre compte de ce qu'elle vient de dire et des conséquences de cet acte.

- Non ! Le fils de Dolmar se jette alors sur elle et la traine au sol avant de lui tordre le bras à l'arrière du dos en vomissant des insultes.
Et pendant qu'il déverse son fiel, il malmène un peu plus le bras de Maâra qui pousse un cri à briser un miroir … mais ce n'est pas un hurlement de douleur. Car ce dernier acte de violence est celui de la délivrance pour tout ce qui boue en elle. Le dernier barrage, qu'elle a pourtant réussi à sauvegarder lors de son agression à l'auberge de Talic, vient de rompre. Elle se débat pendant que celui qui vient d'être nommé Grag par une mère plus que furieuse tente de les convaincre qu'il l'a vue se servir de pouvoir magique.

- Et qu'est-ce que ça change, humain ? murmure une Maâra transfigurée avec une voix à aiguiser un glaçon. Il la relâche brusquement. Elle se redresse avec une raideur et un aplomb impertinents.
Ses yeux gris sont soudain plus sombres en raison de ses pupilles curieusement dilatées. Ils sont plus profonds et plus rien dans son regard n'évoque la peur, bien au contraire. Le changement est si brusque que la plupart des humains restent muets et certains boitent d'un pied sur l'autre avant de se détourner et de s'occuper de leurs morts qui subitement refont parti de leur priorité.

Le calme n'est pas pour autant revenu pour tout le monde. Grag lui semble plus furieux que jamais de se retrouver face à une poupée moins docile. Le père de Brash retrouve ses esprits et réalise le temps perdu mais il n'en devient pas pour autant courtois et patient. Sa rage se mue en une rancœur silencieuse et mortelle mais il se met en retrait et laisse son fils gérer comme il lui en fait la demande. Lise, elle, est trop furieuse contre le comportement de son fils pour vraiment être témoin du changement chez Maâra. Dolmar, qui était resté à part vient la seconder pour évacuer son fils de la mêlée, le visage dur de celui à qui on a fait honte et qui entend bien le faire payer.

((Tu vas faire ce que je te dis et répondre mot pour mot ce que je déciderais.
- Morëla !!)) En un mot silencieux, elle est arrivée à faire passer mille sentiments, du plus humble au plus exalté. Elle ne connait pas assez de mot pour définir la délivrance qu'elle a ressentie, l'impression de puissance dégagée par l'effondrement du barrage qu'elle a construit par crainte. Elle qui pensait que l'abominable jouissance qui nait en elle quand elle souffre ne pouvait qu'être un frein, vient de réaliser qu'elle est la clé dans la maîtrise de ses fluides, de son pouvoir … et surtout du contrôle de soi, qu'il lui est plus facile de se défendre et de se protéger lorsqu'elle ne s'épuise pas à combattre sa nature.

((C'est pas trop tôt hein ! … Mais maintenant, Showtime !!
- …?
- Reste concentrée !! ))

Elle s'accroupit devant Brash qui grimace lorsqu'elle soulève le linge posé sur sa jambe mutilée et putride. Le père se penche mais se redresse aussitôt en grognant, la main devant le nez et l'estomac au bord des lèvres. Pour le commun des mortels l'odeur est insupportable, les chairs pourries suintent de pus jaunâtre et nauséabond, mais l'elfe se penche au dessus sans même froncer le nez, afin d'observer sans pour l'instant toucher l'état de la jambe et de délimiter le début de la chair saine.

- La chair est morte. A ce stade on ne peut qu'amputer car on ne ressuscite pas ce qui est mort.
((Sauf toi bien sur, hihi
- Concentre-toi
- Rhôôô, je m'amuse, fais en autant … tiens d'ailleurs, on va s'amuser pour de vrai.))

- Mais j'aurais besoin de baumes de soins ou de potions. Même si je coupe dans la viande saine pour éviter toute contagion, ça risque de ne pas suffire.
- Qu'est-ce que tu crois, j'ai demandé mais personne n'en a.
- Oh si, dit-elle d'une voix froide et cinglante tout en se relevant. Avant que vous ne vous preniez à moi j'ai entendu ces deux là se demander si ça valait le coup d'utiliser leurs potions pour un condamné … et ceux là, ils se sont fait tout petits quand vous en avez demandé.
Elle braque sur eux ses yeux sombres et accusateurs, les défiant d'oser la contredire. Mais cette étape est presque inutile car la réaction du père est plus extrême qu'escompté. Le visage impassiblement malsain de Maâra se détourne d'eux, seul Morëla profite de ce petit acte de justice.

((- Je ne devrais pas, avoue-t-elle à Morëla pendant que les humains règlent leur compte. Comme si je trompais quelqu'un ou quelque chose, d'aller à l'encontre de ce qui devait arriver. Tu te sers d'un savoir universel à travers moi pour sauver la vie d'un humain qui devait mourir, ce n'est pas naturel.))

Mais avant que son rat Faera ne lui réponde elle entend les humains revenir. Le père a finalement récupérer plusieurs fioles de potions, payées avec ses poings à en croire l'homme au visage tuméfié qui le suit en discréditant le travail de l'elfe … et le ton sur lequel il le dit rend cette dernière plus glaciale encore.

- Et si elle le tue, s'il meurt quand même, malgré les potions ? rugit-il en dernier recours.
- Alors elle aussi, répond le père de Brash d'un ton funeste en la toisant de haut, mais son visage perd vite son assurance lorsqu'il croise le regard malsain de Maâra.
- Une vie pour une vie, annonce l'elfe de sa nouvelle voix glaciale pour clôturer et en faire un engagement.
((Ce que j'allais dire avant est plus que justifié. Ce qu'on entreprend n'est qu'une tricherie destinée à te sauver toi. Qu'il vive suffisamment longtemps pour que tu puisses leur fausser compagnie … c'est tout ce que je demande.))
J'ai besoin de linges propre en grande quantité, reprend-t-elle en suivant les ordres de son Faera, de tous les couteaux les plus fins et plus aiguisés que vous trouverez, de plusieurs petites scies, de courroie en cuir et d'aiguilles et surtout de beaucoup d'alcool. Le dernier c'est pour vous, ajoute-t-elle en posant son regard sur le visage de Brash pour la première fois. Vous allez vous imbibez jusqu'à vous effondrer si possible, ça allègera la douleur.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Dim 22 Jan 2012 17:56 
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Jour 2 : suite

((( [:attention:] La presque totalité de ce rp est à forte connotation gore et morbide, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture.)))

L'alcool est ce qui lui est rapporté le premier. Il y en a de tant de sortes différentes qu'elle commence à douter du bien fondé de la manœuvre. Mais comme le dit Morëla, l'alcool et ses effets seront plus efficaces qu'un bout de bois entre les dents.
Lorsqu'ils sont à nouveau seuls et pendant qu'il avale les premières gorgées, elle décide de lui avouer la vérité.
- Je ne suis pas guérisseuse … même de formation. Et devant son regard affolé, elle s'empresse d'ajouter. Mais je ne vais pas y aller au hasard, sans savoir ce que je fais. Ce demi-mensonge rassure Brash qui reprend sa dégustation à coup de grimaces et de pincements de nez. On va y arriver.
- Mon boulot sera pas trop dur, répond l'humain sur une note légère trahie par le tremblement de sa voix.
- Détrompez-vous. Je vais avoir la partie facile et Vous allez avoir la partie difficile. L'alcool va pas vous tenir tout le temps endormi … vous allez souffrir, vraiment souffrir.
- Mais je vivrais.
Je suis désolé … pour eux.
Ses yeux se posent alors sur les gens du village qui se sont maintenant éparpillés, recouvrant et ramenant leurs morts.
- Ne le soyez pas, ça n'en vaut pas la peine. Ils ne méritent pas votre pénitence.

Des bruits de pas mettent fin à la discussion entre patient et chirurgien intermittent.
Elle observe un instant tout ce que les villageois ont pu lui trouver sans même savoir à quoi servent les outils d'ordinaire. Mais elle n'est là qu'en tant que spectatrice et marionnette. Durant les prochaines minutes, elle se contentera d'agir sans poser de questions, de se concentrer sur l'exécution d'une tâche purement mécanique et c'est ce qu'elle a toujours su faire de mieux.

- Tenez-le, ordonne-t-elle à ses proches parents restés avec eux. Son père pose ses mains sur les épaules de son fils, un autre s'occupe de la jambe valide tandis qu'un troisième pose une main tremblante sur le torse de Brash, devenu aussi pâle que l'elfe grise.
- C'est parti ?
- On y va.

Maâra soulève la couverture qui recouvre la jambe. Son état s'est encore aggravé pendant l'attente. Sa peau, au niveau du moignon est devenue luisante et d'une teinte verdâtre tout sauf naturelle.
Elle prend une des larges courroies de cuir apportées, la passe sous la jambe, l'enfile dans les anneaux et sangle fermement la cuisse de l'humain … trop fermement. Les humeurs jaillissent à travers les croutes encore humide de la plaie et éclabousse le sol et les mains de Maâra.
Brash rugit et recrache sa gorgée d'alcool. Malgré les trois hommes qui le tiennent, son corps se contracte, son dos s'arc-boute sous l'effet de la douleur.
- Tenez-le ! Tonne Maâra pour couvrir le cri de Brash tandis que Morëla beugle à l'intérieur de sa tête que la ligature est trop serrées, qu'elle va écraser la peau et la jambe.

L'elfe est obligée de défaire la sangle et de recommencer la manœuvre, cette fois moins violemment mais le sursaut de Brash sous cette nouvelle vague de souffrance le plonge dans l'inconscience. Le pus épais continue de sortir de la plaie et infecte l'air chaud environnant. Après ce premier acte, un lourd silence s'installe entre les êtres présents, mais les regards humains eux sont plus venimeux que jamais tandis que celui de Maâra reste concentré sur la jambe et le flot continu de paroles de son Faera, totalement hermétique au monde extérieur.

""Phaitos ! Entend la prière et la promesse de ton enfant. Si je te prive de celui-ci … je te donnerais le père""

Morëla la prévient alors d'une chose importante. Elle ne doit pas trainer, s'attarder ou hésiter car même s'il est inconscient, il se réveillera, souffrira et la douleur peut tuer aussi surement qu'une épée dans le ventre, mais bien plus lentement et cruellement.

Il lui choisit un couteau fin et aiguisé.
Elle enfonce la lame dans la chair saine et incise vers le bas. Et pendant que ses mains suivent les directives de Morëla, soutiennent la jambe par le bas pendant qu'elle sectionne la viande et les tendons, son esprit est entièrement et involontairement orienté vers l'étude, l'observation et la comparaison. La chair vivante réagit différemment de ce qu'elle a pu constater lors de l'équarrissage des bêtes pratiqué quand elle était l'employée de Talic. La peau était alors froide, inerte et raide … celle-ci est tendre et chaude, elle s'ouvre sur son passage et se referme aussitôt tandis que les muscles se contractent et se décontractent, le sang afflue malgré la ligature et lui cache la vue et très vite le manche du coteau devient gluant et glissant.
Les boursoufflures putrides sont molles et ses doigts s'y enfoncent pour y découvrir une chaleur plus intense qui pulse à travers sa peau, comme un battement de cœur. Elle s'y sent liée comme elle s'est sentie attirée par les morts à leur arrivée sur les lieux une heure auparavant.
Les derniers tendons blanc nacré cèdent sous la lame et l'os apparait enfin. Elle attrape la scie à os, seul outil qui semble prévu pour ce qu'elle s'apprête à faire avec. Elle écarte la chair sanguinolente pour insérer la scie et voit les mains des hommes sur le corps de Brash se crisper. Elle lève légèrement la tête et les regarde à travers les mèches de cheveux de sa frange. Ils sont tous les trois aussi pâles qu'un mort, presque jaunâtres et pincent leurs lèvres pour ne pas vomir. Tout en les regardant, elle donne le premier coup de scie et ses lèvres s'étirent dans un rictus vengeur en les voyant gonfler les joues et ramener machinalement la main devant la bouche. Le bruit de la scie sur l'os est terrible, une sorte de grincement mouillé qui résonne jusqu'à l'intérieur du corps.
Malgré les instructions de Morëla, elle flâne intentionnellement lorsque lui revient cette interrogation sur son manque de réaction, ou plutôt son attitude inverse à la normale. Son impassibilité face à la mort lui a été inculqué, mais elle ne ressent pas les nausées, les gênes des autres alors qu'elle plonge les doigts dans une peau putride, que coule sur sa peau du pus et du sang pourri, que les effluves nauséabonde de la jambe en décomposition est juste sous son nez … même les grincements suintant de la scie ne le gênent pas.

((Plus tard les questions !!! Concentre-toi et scie. C'est pas un moreau de pain que tu tranches !! Allez, énergiquement, férocement, rapidement !))

Elle s'active avec l'entrain de celui prit sur le fait. L'os est si solide qu'elle est obligée de se redresser sur ses genoux et de prendre un appui plus stable avec sa main libre. Elle n'a ni la force ni la technique pour scier un os sans en faire un acte de barbarie sans nom. Elle grimace sous l'effort tandis que le sang éclabousse ses mains, ses bras, son visage et ses lèvres. La soudaine chaleur sur ses lèvres la fait riper mais elle continue à scier comme une acharnée. Mais la chaleur se répand, l'odeur ferreuse ravive sa faim comme l'odeur d'un gâteau sortant du four pour d'autres. Sa langue passe discrètement sur ses lèvres, à tâtons, aussi hésitante et fébrile que lors d'un premier baiser. Le goût est si prenant que sa bouche s'ouvre et ses dents tremblotent d'envie … l'envie de mordre dans la chair sous l'incision qu'elle est en train de faire finit par être dérangeante, même pour elle.
Elle ferme les yeux et intensifie son mouvement.

Le patient se réveille au moment où l'os rompt, ôtant du même coup à l'elfe toutes pensées, envies ou curiosités vis-à-vis du goût de sa chair, morte ou vive.
Elle relève les yeux en sentant des relents aigres de vomi dans l'atmosphère poussiéreuse
((Prend garde qu'il ne s'étouffe pas surtout.)) L'informe aussitôt son Faera, mais ce n'est pas Brash qui vient de vomir, juste l'un des hommes qui le tient et qu'elle regarde d'en bas sans cacher son dédain.

Elle continue ensuite à trancher la chair avec un autre couteau, identique au premier mais mieux aiguisé, et s'arrête juste avant que la jambe ne cède, elle incline la lame et coupe la peau en laissant un lambeau suffisamment long pour recouvrir le moignon. Le membre amputé git au sol dans une marre de sang et Maâra s'aperçoit soudain de la quantité de sang qui s'est écoulé, se demandant comment un homme pouvait en perdre autant sans mourir.

((Verse une partie des fioles que tu as récupérer sur la plaie. Et ce baume là, c'est une essence d'arbre qui apaise la douleur, tu vas l'appliquer sur la chair, directement … et prend tout, ça leur apprendra à vouloir garder ce truc pour des p'tits bobos.))

Maâra s'active de nouveau, muette et concentrée, essayant de ne pas entendre les gémissements du patient et modelant ses gestes aux contractures involontaires des muscles. Elle verse la totalité de l'onguent sur la plaie et l'étend, d'abord hésitante de peur de raviver les mouvements brusques du patient sous la douleur, mais sa respiration se ralentit rapidement, ses gémissements se transforment en souffles de soulagement. Il ferme les yeux et finit par somnoler d'épuisement.
Le travail de Maâra ne s'arrête pourtant pas là. Après avoir versé quelques gouttes de potion par-dessus l'onguent, Morëla lui explique la suite. Elle saisit une à une les artères et les ligature après en avoir replié les extrémités, et malgré ses mains moites et glissantes elle parvient à trouver son rythme.
Elle rabat ensuite le lambeau de peau sur la chair vivre …

- Et maintenant l'elfe !?! rugit soudain le père en la faisant sursauter. Tu vas refermer ça avec quoi hein ?
- Ses cheveux, répond Maâra en le toisant sèchement. Et puisque vous vous proposez, vous allez préparer plusieurs aiguilles.
Pendant que le père s'emploie à obéir à l'elfe, redoublant de grognement insultant qu'elle n'écoute plus, Morëla lui explique que les cheveux évitent un phénomène qu'elle n'arrive pas à comprendre mais qu'il appelle un rejet. Maâra ne conçoit pas qu'un corps puisse "rejeter" de lui-même quoi que ce soit, en dehors des …. ((Beuh !, s'il te plait, garde ça pour toi !!)) S'exclame son Faera à moitié étouffé par l'hilarité. ((C'est la dernière ligne droite))
Les longs cheveux couleur d'écorce du jeune homme sont enfilés dans les aiguilles qu'elle passe dans la peau pour suturer le moignon. Ses gestes sont hésitants mais les autres étant tout aussi inexpérimentés qu'elle dans ce domaine ne font aucune remarque.
Leurs visages ont doucement reprit une couleur plus naturelle, plus saine. Sans que Maâra s'en aperçoivent, le père fait signe aux deux autres, les frères de sa femme, de s'éloigner discrètement afin de les laisser seuls. Malgré le soulagement de voir les chances de survie de son fils augmenter, son amertume ne le quitte pas et il darde un regard chargé de fiel sur l'elfe grise.

Lorsqu'elle pose la dernière aiguille au sol et qu'elle entoure le moignon de linges propres il pose doucement la tête de son fils sous une couverture et se relève.

- Il est sauvé ?
- Il faut vérifier que le sang s'arrête de couler, et changer le pansement régulièrement. Il faudra faire très attention en le bougeant, que ça ne s'ouvre pas.
- Ça, on peut le faire nous, n'est-ce pas ?
La question n'en est cependant pas une et même Maâra s'en rend compte sans l'aide du Faera. Avant qu'elle ne puisse se relever, il l'attrape par le col et la traine au sol sur plusieurs mètres avant qu'elle n'arrive à se relever et repousser son bras.
- Bas les pattes, humain !!
- Tu crois que j'ai peur de toi ? hein ? Tu crois que j' vais t'laisser partir avant d'être sûr ?
Vous autres,
crit-il à l'encontre de ses beaux frères, vous restez avec Brash.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
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Maâra reste cependant muette, elle se contente de toiser l'humain et garde un visage grave. Mais la rigueur de son attitude n'est pas liée à une volonté d'en imposer suffisamment à l'humain pour qu'il évite de reposer ses mains sur elle.
Elle se prépare pour la toute première fois de sa vie à tuer un être vivant de sang froid, une vie en compensation de celle qu'elle a tentée de sauver. Une vie pour une vie, tels ont été les mots prononcés par l'adepte de Phaitos.
Tandis qu'elle suit docilement l'humain, elle effleure ses fluides par la pensée. Un petit frisson à la base de la nuque répond à sa sollicitation et très vite elle les sent parcourir son corps comme une armée en formation de combat avançant vers la victoire. Ils lui semblent différents depuis qu'elle s'est entièrement ouverte à ce don étrange, elle a le sentiment de les avoir libérés en brisant les chaines qu'elle avait elle-même érigées par dégoût de soi. Ce dernier n'a pas disparu pour autant et lorsqu'elle pense à l'extase écœurante qui la domine elle est prise de nausées et sent la bile remonter jusque dans sa gorge.
Mais le sacrifice est comme inscrit dans les lignes de ses mains.

Sous sa peau, ses fluides sont déjà à l'œuvre et s'activent autour de ses muscles. Elle utilise le sort de force des ténèbres apprit la veille grâce au parchemin offert par Davos, l'homme qui a souvent critiqué son comportement docile. Elle sent ses fluides répondre à son ordre, elle les sent s'infiltrer dans chaque fibre de ses muscles et les durcirent.
Et au plus profond d'elle, une autre volonté est à l'œuvre, plus instinctive, spontanée mais aussi, curieusement réfléchie. L'attirance qu'elle a ressentie lorsqu'elle a goûté au sang gâté de l'humain sommeille en elle depuis, à l'affût de la prochaine pensée à inspirer. Le père mourra à la place du fils, par le mal qui devait tuer le fils. Elle s'en sent capable, intimement capable. Depuis l'aveu de son Faera quant à sa condition de nécromancien elle sent grandir en elle un sombre pouvoir qui s'est éveillé au contact de la peau putride du jeune humain mourant.
Incitée tant par une pulsion morbide qu'une volonté d'apprendre, elle approche sa main encore souillée du sang et des chairs nécrosées de l'humain de sa bouche. Les yeux mi-clos, son cœur battant la chamade, la tête embuée de désir, elle caresse ses lèvres avec une sensualité qui lui est pourtant étrangère. Lentement, elle écarte ses lèvres du bout de sa langue et frôle un doigt, un seul d'abord, puis un deuxième. La nature impure des nécromanciens a remplacé toutes les notions d'immoralité ou d'éthique qui aurait pu la détourner de sa voie.
L'essence même de mort et de vie se mélangent pour ne faire qu'un. L'odeur, le goût de la chair putride se répand en elle comme ses yeux parcourent les lignes d'un parchemin, elle apprend par le toucher comme par la lecture. Elle assimile un savoir académique à travers son corps, s'imprégnant de la constitution de la putréfaction pour la maitriser, la dominer et en faire son instrument.

Elle rouvre lentement ses yeux devenus laiteux par l'utilisation de sa magie d'obscurité, et relève son visage parcheminé de lignes sombres remontant de son cou. L'humain marche derrière elle et la fait avancer en la poussant par les épaules.
Ils sont à l'arrière d'une maison isolée, sur un petit chemin menant dans une enclave à bestiaux à peine assez large pour une personne et délimité par des haies de ronces. Un peu avant d'y arriver, elle s'arrête et laisse l'humain la toucher une dernière fois avec cette assurance d'avoir en otage une elfe docile.
Elle se retourne pour lui faire face.

- Passons à notre engagement. Déclare Maâra sans préambule avec un accent fataliste qui n'échappe pas à l'humain qui, en guise de réponse, lui crache au visage et lui donne un coup du revers de la main.
Sous le choc, la tête part sur le coté et reste ainsi une, deux, trois secondes pendant lesquelles l'humain reste immobile, hésitant. Il ne se rend compte de l'aspect physique de l'elfe que lorsqu'elle se redresse. Il est comme foudroyé sur place car devant lui se tient un monstre aux yeux absents, au visage marbré qui est en train de lui sourire … un sourire sadique qui lui glace le sang.

Et soudain l'horreur de la réalité se présente à lui comme si Phaitos lui-même s'était présenté avec la tête tranchée de son fils dans une main. Cette abomination a touché, découpé et tué son fils en se faisant passer pour une guérisseuse, elle les a manipulés pour finir le travail des brigands, elle est venue parmi eux en paix pour mieux les briser, les trahir en se faisant passer pour une victime désœuvrée.
De rage, il lui assène un deuxième coup circulaire mais cette fois le poing fermé et il s'imagine en train de la battre à mort jusqu'à voir son corps inanimé gésir à ses pieds.
Mais avant que son poing n'atteigne une troisième fois l'elfe gémissante, elle lui entaille le bras avec son couteau, sorti de nul part.

L'humain dont elle ne connaîtra jamais le nom recule d'un pas et se tient le bras pour arrêter le saignement mais il charge à nouveau, ivre de rancœur et d'amertume. Elle court en marche arrière sur quelques pas, le temps pour elle de voir le poing de son adversaire s'abattre dans le vide et profiter de son déséquilibre pour l'entailler à nouveau. Mais le chemin est trop étroit, elle se retrouve le dos dans les ronces, les épaules, les épaules et le cou griffés tandis qu'elle s'enfonce dans la haie. Son bras armé, tendu vers l'humain malgré sa propre chute, atteint sa jambe et tranche l'arrière de son genou. Un hasard bien tombé car l'humain tombe et s'abîme lui aussi dans les ronces, emporté par son élan et son poids.
L'elfe se relève la première, ragaillardie par les délicieuses petites griffures du roncier. Elle fonce sur l'humain encore en train de se battre pour en sortir, saute sur lui et les fait tomber à nouveau dans les fourrés épineux. Ils roulent par-dessus et retombent derrière, à l'intérieur de l'enclave d'où les animaux ont déjà fuis.

L'elfe et l'humain se relèvent d'un bond, les cheveux en bataille et la peau luisante où se dessinent de longues lignes sanglantes mais peu profondes. Durant le dernier échange plus que brouillon l'humain à écoper d'une nouvelle entaille dans le dos qu'il tâte du bout des doigts en vilipendant ses pensées envers une Maâra de plus en plus sauvage malgré l'ecchymose gonflée à son épaule, en cadeau elle aussi du dernier acte.
Elle passe son arme d'une main à l'autre tout en tournant autour de l'homme désarmé qui n'a pour lui que sa carrure et sa rage, tout juste assez aveuglante pour qu'il charge à nouveau vers l'elfe sans chercher à esquiver le coup de couteau qui lui entaille le torse avant qu'il ne tombe sur elle. Ils roulent à nouveau au sol mais l'humain se relève cette fois le premier et attrape Maâra par la gorge malgré la douleur au torse et la soulève du sol pour la plaquer contre le grillage qui délimite l'enclos.
Mais l'abjecte créature est encore en train de sourire, alors il resserre son étreinte.
C'est alors qu'une vague de plaisir explose en elle, un voile noir s'étend à l'arrière de ses yeux révulsés et son corps se contracte sous le choc.
Sa main libre s'agrippe au poignet de l'humain sur lequel elle dirige ses fluides d'obscurité afin qu'ils s'infiltrent dans les chairs, y puisent toute vie avant d'y insuffler ce qu'elle a assimilé de la nécrose des plaies de son fils.
En voyant sa peau envahie par la même horreur que le visage de l'elfe, l'homme la relâche brusquement en poussant un cri étranglé par la terreur. Il recule, titube, tombe à genoux tandis qu'il griffe et mord son avant bras.

- Qu'est-ce que tu m'as fait, sorcière !?! Gronde l'humain à terre en relevant un visage livide, aux yeux exorbités par la peur.
- Seul Phaitos en décidera. Déclare Maâra en s'approchant de lui.
Elle prend alors appui au sol et lui décroche un formidable coup de pied en pleine mâchoire, qu'il n'a ni la force ni le reflexe d'esquiver. Il tombe à la renverse, inconscient.

- S'Il me juge digne de Lui, alors la mort parcourra ton corps comme le venin d'un serpent.
Une vie pour une vie.


((Il y a un bois à trois cent mètres d'ici qui longe la route vers Yarthiss sur plusieurs kilomètres. T'arrivera à courir ?
- Je pense que oui.))

Elle repart par la petite allée et bifurque vers l'entrée d'un jardin en pente et court jusqu'à l'orée du bois proche du village.
Et pendant qu'elle court, qu'elle retrouve un semblant de calme, de paix intérieure, des pensées digne d'un ras de marée l'assaillent.

Doit-elle voir un présage dans le fait que par deux fois déjà elle a laissé derrière elle des gens qui l'appréciaient tout simplement la voir comme un monstre à cause de faits dont elle ne peut pas se défendre ? N'y a-t-il pas assez d'horreur un peu partout pour que la peur et la folie fassent d'elle, qui n'aspire qu'à vivre tranquille, une ennemie de tous ?
Aurait-elle du le tuer proprement, au lieu de se laisser emporter par la fougue et la déraison de ses pouvoirs ? Ainsi, le seul témoin de ses pouvoirs n'aurait rien pu dévoiler.

((Et quoi, tu penses qu'en passant pour une meurtrière tu serais moins mal jugée ? qu'un assassin a meilleure réputation qu'un suppôt du mal ?
- Je me fiche d'eux, je pensais à des gens comme Lise et Catelyn.
- Alors fais confiance aux gens intelligents, et laisse de coté les crétins pour le moment. Tu ne changeras pas le monde, et surement pas pendant que tu fuis ceux qui ont du souffrir de la folie sanguinaire d'autres crétins. ))

Maâra se tait et continue de courir à l'abri des arbres le long de la route.
Elle se force au début à ne pas se laisser envahir par cette espèce de lassitude causée par la chute soudaine de l'adrénaline, mais le bruit feutré de ses pas sur l'épais manteau d'épines de pins, l'odeur de résine des arbres, celle musquée du gibier qu'elle entend sans parvenir à voir et l'absence d'être humain autour parviennent à la tranquilliser, du moins en esprit.
Elle peut maintenant se concentrer sur la traque, ou tout du moins sur les efforts à fournir en vue d'éviter la traque.


((tentative d'apprentissage naturel de la CC SA de nécromancien : Contact nécrotique
en deux partie entre ce post-ci et le post précédent))

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
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Fin jour 2 | Jour 3


Lorsqu'elle ressort des bois quelques kilomètres plus loin, elle observe les alentours.
Lise avait raison, le village était le dernier vrai hameau avant Yarthiss. Et on imagine difficilement quelqu'un s'installer sur ce qui s'étend face à elle.
L'orée du bois est en haut d'une large colline qui donne sur une terre aride où ne poussent que des plantes dures. La terre est sèche et caillouteuse, le paysage est accidenté et un peu partout s'élèvent des falaises dentelées de calcaire gris clair. Il souffle par-dessus un vent chaud qui transporte des senteurs de lavande et de plantes sauvages.

Sous son regard passe la route que tous prennent, qui zigzague entre les collines et se perd derrière l'une d'elle. De son point d'observation elle ne voit plus le village d'où elle s'est échappée et d'aussi loin que porte son ouïe, elle n'entend pas non plus le son fracassant de chevaux lancés au galop, et les cris hargneux de poursuivants en quête de vengeance.

- Je préfèrerais ne pas rester sur la route.
- Comme tu veux, mais ça ne pas être une partie de plaisir.
- Je vais me rapprocher de la côte, il y aura surement des sentiers qui la longent.
- Probablement, tu veux que j'aille voir.
- Non. Merci, mais non. Je ne suis pas novice en la matière, et puis c'est beau et sauvage ici, je me sens bien.


Maâra a la marche dans la peau. Elle n'est profondément heureuse que lorsqu'elle sait qu'il lui faut des heures de marches avant de croiser une quelconque trace de civilisation importante. Le paysage importe peu, qu'il soit sec, aride, accidenté comme ici ou humide et à la végétation luxuriante comme la forêt où elle a vécue pendant les cinq années de son passage.
A une route tracée et propre, elle préfèrera un sentier d'animaux, au contournement d'une falaise elle préfèrera grimper et longer le contournement par le haut, à longer un cour d'eau en attendant de trouver un pont naturel elle préfèrera sauter de rocher en rocher pour le traverser.

Et c'est ainsi qu'elle fera jusqu'à trouver une caverne haute et peu profonde où y passer la nuit. Elle mange peu ce soir là et malgré les conditions elle s'endort vite et dort paisiblement quelques heures.

Elle reprend la route lorsqu'il fait encore nuit, profitant de la fraicheur si rare en cette saison et surtout du lever de soleil pour lequel elle monte en haut d'un tertre chamarré de plantes sauvages aux couleurs éclatantes. Elle reste là, assise sur un rocher dépassant de cette marre de buissons épineux et contemple les premières lueurs qui apparaissent à l'horizon, vers là où elle doit se rendre, des couleurs claires et douces qui colorent très légèrement le ciel avant que le soleil franchisse l'horizon et brûle de sa lumière les yeux clairs et sensibles de Maâra et éclaire le plateau accidenté à ses pieds.

Au cours de cette journée, elle décide de se rapprocher de la route afin d'y voir de temps à autre, lorsqu'elle la surplombe, la densité de voyageurs qui y passent.

La journée se passe sans aucun souci, si bien qu'elle se risque à passer la nuit dans les ruines d'une vieille bergerie depuis longtemps abandonnée, à moins d'un kilomètre de la route commune.
Elle creuse un trou dans le sol pour y faire un feu moins voyant qu'à hauteur du sol, mais cela fait des années qu'elle n'a pas utilisé de silex et d'amadou pour allumer un feu si bien qu'elle passe dix bonnes minutes à percuter la pierre ferreuse et le silex avant de réussir à guider les étincelles vers le coquillage où elle a installé l'amadou. Heureusement, les aiguilles de pins de la région sont si sèches qu'elle ne doit pas s'y reprendre à plusieurs fois pour générer la première flamme de son feu.

Elle s'assoit en tailleur juste devant, les yeux perdus dans les flammes dansantes et mange un peu des fruits secs achetés au marché de Tulorim.

((- Demain soir, on ne devrait plus être très loin des marécages. Mais on doit pouvoir les éviter en allant droit au sud. A moins que tu veuilles passer par Yarthiss ? Annonce son Faera en préférant la pensée à la parole pour ne pas brisée l'ambiance "au coin du feu"
- Non merci. Si c'est faisable par le sud, on oublie la ville.))

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Ceux qui pensent que les morts appartiennent au passé, ne savent rien du futur


Dernière édition par Maâra le Mar 11 Sep 2012 20:49, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Lun 12 Mar 2012 23:09 
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=> Les Portes de la Cité (Yarthiss)



Le chemin de terre que je pensais n'être qu'une voie boueuse ne demeura dans cet état que sur un ou deux bons kilomètres. Etrangement, j'avais l'impression que le gros de la nuit pluvieuse avait été centré sur la ville et sur la forêt plutôt que sur la plaine proche. Sur la voie parfois en mauvais état, entre sillons de chariots et traces de pas, les deux essieux de la charrette grinçaient doucement au rythme des sabots d'Alna. La jument se laissait guider, fouettant parfois l'air de ses longs crins noirs, comme si le passage à un sol plus rude l'avait apaisé. Son licol était relié à une longe que Myrielle tenait mollement, enroulée autour de son poignet, précédant la bête. A sa droite, Nahöriel suivait son rythme de marche, lui jetant parfois un regard.
De mon côté, je faisais de mon mieux pour suivre ce duo manquant un peu de considération. Ils avaient l'air habitués à marcher sur de longues distances et à bonne allure, oubliant totalement que ce n'était pas mon cas. D'un autre côté, si j'avais eu un peu de courage, j'aurais fait part de mon mécontentement. Même en répétant mentalement une phrase bien construite, je ne parvins pas à ouvrir la bouche. Secouant la tête, je conservai mon mutisme, me contentant de suivre alors qu'ils conversaient, perdant mon regard dans les alentours.

Les arbres qui composaient la forêt que j'avais toujours connu se faisaient de plus en plus rares de sorte que, en me retournant, je pouvais parfaitement distinguer les murs de la cité. J'avais une sensation étrange. Voir ces hauts murs ternes s'éloigner me donnait l'impression de perdre un repère important. Dans un sens c'était vrai, mais ce qui me perturbait le plus c'était que la sensation de sécurité se dissipait avec lui. Nous étions trois personnes, se connaissant peu ou pas du tout, allant passer un peu moins d'une semaine hors de tout champ d'autorité. Mis à part d'autres voyageurs anecdotiques, je doutais que l'on croise de nombreuses personnes en route.
Serrant mon grimoire contre moi, j'inspirai profondément, jugeant le moment approprié pour m'en remettre mentalement à Moura.

(Moura, divine Moura. Déesse tutélaire de l'eau, dont les fluides coulent en moi, je t'adresse cette prière et demande ton appui. Pour ce trajet vers l'inconnu, accorde-moi la faveur de tes créations. Que mon esprit soit clair sur ce chemin et mon être fort si le danger survient. Sois remerciée pour ta miséricorde. Sois vénérée pour ta puissance, déesse Moura, tutélaire de l'eau et de la force. Car c'est à toi, divine Moura, que j'offre ma foi.)

Je venais à peine de finir ma prière que la voix de Myrielle m'interpella. Occupée à parler, elle n'avait pas du se rendre compte que j'avais ralenti, mettant une bonne distance entre nous. C'était sans doute le semi-elfe, en retrait par rapport à elle, qui avait du remarquer que j'étais à la traîne.

"Mytha ! Avance donc ! Une heure de retard sur cette voie et c'est un coup de bâton sur mes doigts !"

"Haha. Courage Mytha !"

Loin de me sentir encouragée, je perçus une pointe marquée du sceau de l'agacement s'enfoncer dans le fond de ma gorge. Non seulement cette humaine semblait me tenir pour responsable de son hypothétique punition prochaine, mais en plus elle racontait n'importe quoi. Le voyage allait se compter en jours. Comment pouvait-elle parler d'heures de retard ? Etait-ce censé me stimuler ? Me pousser à marcher plus vite ? Et que dire de Nahöriel qui se permettait de m'appeler par ce diminutif inapproprié ? Je ravalai une réponse amère, me hâtant de les rejoindre, restant un peu en retrait par rapport à eux. Mon bras gauche enroulé autour du grimoire sous ma cape, je retenais de l'autre main les pans de cette dernière, la fermant devant mon torse. Une fois à la hauteur du voleur, ce dernier se remit en marche, suivi de près par l'humaine.

Distraitement, je tendais l'oreille à leur conversation que quelques souffles de vent me rapportaient.

"Non, non. Bon, je dois dire que ce n'est pas spécialement rassurant mais avec la quasi-totalité des hommes de la famille faisant partie ou ayant été au service de la milice, j'ai appris quelques petites choses utiles."

"Ah ? Et faire partie de la milice... C'est dans tes... J'veux dire vos... Projets ?"

"Tu peux me tutoyer ! Je n'ai que la vingtaine après tout, comme toi, non ?"

"Euh non. J'ai déjà dépassé le demi-siècle. "

"Vraiment ? Ca ne se voit pas du tout ! Tu ne fais vraiment pas ton âge !"


Myrielle était-elle seulement enthousiaste, naïve, innocente ou particulièrement stupide ? Avec les oreilles pointues qui dépassaient de sa chevelure, Nahöriel avait forcément du sang elfique dans les veines. Je relevai la tête, rivant un instant mes yeux clairs sur le profil goguenard de la jeune femme. Evidemment, à l'échelle d'un humain, un demi-siècle devait représenter une longue existence, ponctuée de maladies, d'actes de violence et de risques en général. Lentement, je sortis ma main droite de la protection de la cape, déroulant mes longs doigts d'écorce. Et moi dans cette histoire ? J'avais déjà vécu un siècle et pourtant j'étais certaine d'être loin d'avoir acquis la sagesse de l'ancien vénérable ou même une quelconque maturité. Et surtout, je ne savais pas à quel type d'existence comparer la mienne. J'avais vécu plus qu'un humain mais pouvais-je pour autant me comparer aux semi-elfes ou même aux elfes ?

J'avais bien des doutes et des interrogations liées à ma race et j'espérai bien trouver quelques éléments dans cette ville lointaine. Mon regard clair se reporta sur la cape sombre du voleur dont les traits semblaient plus détendus alors qu'il acquiesçait aux paroles de l'humaine. Il avait parlé d'un lieu où se trouvaient de nombreux livres et cette simple perspective de bâtiment collectant le savoir piqua ma curiosité. Malgré ma méfiance masquée concernant le duo devant moi, j'avais hâte d'arriver à destination. Cette petite poussée de vitalité me fit oublier un bon moment la pénibilité de la marche et les tirades aussi incessantes qu'inintéressantes, du moins à mes oreilles, de la jeune humaine. Comment Nahöriel faisait-il pour supporter ce débit ininterrompu d'anecdotes et avec ce qui me semblait être un petit sourire ? Je ne savais pas s'il était véritablement courageux, totalement intéressé ou s'il aimait simplement souffrir.

Au bout d'un long moment, alors que la route parvenait au sommet d'une petite dune, je remarquai que le soleil avait pris de la hauteur, perçant les quelques nuages restants. Dans mon dos, les remparts de la cité n'étaient plus aussi nets et après cette butte, ils ne seraient définitivement plus visibles. Ce fut à ce moment-là que la jument décida d'un seul coup de s'arrêter, déséquilibrant Myrielle lorsque la longe se tendit sans prévenir. La jeune femme se retourna, tentant vainement de faire repartir la bête. Têtue, non seulement celle-ci l'ignora superbement mais elle se permit en plus de s'écarter de la route, allant attaquer une belle touffe d'herbe proche. L'humaine poussa un soupir vif avant de regarder dans la direction du semi-elfe puis dans la mienne.

"Bon, faisons une petite pause ! Cette chère Alna l'ordonne ! Et vous savez ce que l'on dit, n'est-ce pas ? A cheval borné... Euh... Bon, j'ai oublié la suite. "

Jetant un coup d'oeil aux alentours, j'aperçus quelques rochers assez plats affleurant de la pente, qui invitaient au repos sans avoir à s'asseoir dans la terre. J'y pris place plus vite que je ne le pensais, ayant la sensation d'avoir sous-estimé mon état de fatigue. En quelques pas souples, Nahöriel m'avait rejoint, me lançant un regard appuyé. Je n'y répondis tout d'abord pas, observant Myrielle défaire la bête de l'attelage et nouer la longe à l'un des montants de la charrette. Alna huma bruyamment les environs puis se mit à brouter, fouettant l'air de ses crins sombres. Je n'osais même pas imaginer ce que la jument pourrait faire à un cavalier qui chercherait à la faire avancer alors qu'elle voulait une pause. Etre victime d'un arrêt brutal et se faire désarçonner me semblaient être les plus grands risques.

Alors que l'humaine fouillait dans ses affaires, je finis par reporter un regard neutre sur le semi-elfe. Ses yeux teinte terre scrutèrent les miens un instant, passant de l'un à l'autre.

"Ca va ? T'arrives à suivre, Mytha ?"

Je plissai les yeux, n'aimant décidément pas ce diminutif. Moi qui tentais de ne pas établir de lien avec le voleur, je me retrouvais affublée d'un surnom utilisé comme si nous avions toujours été proches. Et c'était maintenant qu'il s'en préoccupait ? Et pourquoi d'ailleurs me posait-il la question comme s'il était vraiment intéressé par ma réponse ? J'émis un court souffle agacé mais pris tout de même la peine de lui répondre, usant malgré moi d'un ton un peu ferme.

"Je suis toujours là, n'est-ce pas ?"

En retour, le voleur me gratifia d'une expression presque peinée. Pourquoi avais-je la sensation que chacun de mes mots comportant une pique lui faisait autant de mal que si j'avais utilisé une javeline ? J'espérais pour son bien qu'il ne s'attendait pas à ce que je le traite comme un ami simplement parce que je l'avais autorisé à utiliser mon prénom, sans quoi, il allait au-devant de sérieuses désillusions. Du coin de l'oeil, je le vis un instant faire tourner son anneau doré d'oreille dans son orifice, regardant ailleurs. D'un geste rapide, il rabattit sa capuche, masquant en partie son visage. Rien à faire. J'avais beau tenter de ne pas éprouver de surprise, chacune de ses réactions me semblait tout à fait incongrue.

Un brusque bruit sourd suivi de multiples sons ramena mon attention sur l'humaine. Plusieurs objets étaient à terre ou roulaient encore, étalés depuis ses pieds jusqu'aux miens alors qu'elle tenait une sacoche de belle taille, à l'envers. Dans sa main pendait un objet, lui aussi retourné.

"Rah ! Quelle cervelle de Sturb ! Je savais que j'avais oublié quelque chose ! Voilà pourquoi ce chenapan avait un tel sourire ! Et il n'a rien dit en prime ! "

Elle nous adressa un regard infantile, presque larmoyant.

"J'ai oublié de remplir ma gourde."

Une répartie cinglante se forma dans mon esprit mais que je gardais heureusement pour moi. Elle m'arracha néanmoins un léger sourire moqueur que je chassai vivement. Cela ne me ressemblait pas de prendre les gens de hauts ou de chercher à les blesser moralement sans raisons. Ce n'était pas parce que je n'étais pas en grande forme que je devais passer mon agacement sur les autres participants de ce voyage. M'attendant par contre à une réplique impulsive du semi-elfe, je fus surprise qu'il n'en fasse rien, restant assis sur son rocher, son avant-bras gauche posé sur son genou relevé du même côté. Je lui adressai un bref regard mais mes yeux se heurtèrent au manque de couleur de sa capuche immobile. Tournant la tête vers la jeune femme qui semblait d'un coup plus sérieuse, je surmontai l'épreuve de la prise de parole.

"Cela a l'air de vous troubler."

En un instant, Myrielle était venue devant moi, plongeant ses yeux verts dans les miens. Un poing sur la hanche gauche, elle gardait la droite levée où ballotait le récipient vide.

"Troublée ? Un peu que je suis troublée ! D'abord parce que je vais moi-même avoir soif et que si Alna ne boit pas après avoir brouté, elle ne fera pas un pas de plus !"

Je reculai doucement la tête et l'orientai vers l'animal. J'imaginais mal cette jeune personne repartir à Yarthiss en sens inverse, à pied et moins encore à cheval si la jument refusait de se remettre en route. Connaissant l'état du voleur, je ne le pensais pas non plus capable d'endurer un trajet pareil et dans mon cas, la réponse était évidente. Je levai doucement la main, la plaquant contre mon visage. Il semblait bien qu'il s'agissait là de l'une de ces situations d'urgence sans alternative. Cela me chagrinait mais déjà que je ne supportais pas bien les tirades de la jeune femme, son attitude démunie me paraissait plus difficile encore à endurer.

Frottant lentement ma tempe en me levant du rocher, je repris la parole.

"Prêtez-moi votre gourde, je vous prie."

Myrielle, un instant dubitative, me la tendit en la retenant par une lanière. Je la regardai un court moment. C'était somme toute un récipient banal, circulaire mais pas très épais dont la matière ne me rappelait rien de ce que j'avais pu connaitre. Alors que je l'examinais, je pus sentir le regard de Nahöriel sur moi, ce dernier rabaissant les yeux juste après avoir croisé les miens. En le voyant faire, je fus quasiment persuadée qu'il avait mal pris ma remarque. Mais était-il vexé ou peiné ? Avoir un voleur dont j'avais été victime dans mon entourage n'était déjà pas spécialement agréable mais si en plus il se murait dans un silence capable de me faire culpabiliser, je n'allais pas du tout apprécier le restant du voyage.

Rapidement, je réfléchis puis il me vint une idée toute simple. Doucement, et pour la première fois, je l'appelai par son prénom.

"Nahöriel ?"

Ses yeux se braquèrent dans ma direction, son expression demeurant pourtant indéchiffrable, ombrée par sa capuche. Sortant mon grimoire de sous ma cape, je le lui tendis.

"Pouvez-vous me tenir ceci, je vous prie ?"

"Euh. Oui. Oui, bien sûr."

Je lui confiai le grimoire avec un petit air satisfait. Bien sûr, j'aurais parfaitement pu le poser sur le rocher derrière moi mais en apercevant le visage d'un coup éclairé d'une certaine incrédulité ravie du semi-elfe, j'eus la sensation d'avoir bien fait. Détournant mon regard de lui, je pris le récipient dans la main gauche, amenant la droite au-dessus du goulot.
Lentement, je manipulais mes fluides d'eau, les amenant avec précaution jusqu'au bout de mon index végétal. Cette fois-ci, j'avais bien pris soin d'user de ma main droite que je dédiais à la formation de l'élément liquide non altéré. Concentrée, je pouvais sentir l'eau affluer, même si seuls son idée et les fluides pour la créer se déplaçaient réellement sous mon écorce végétale. Je n'avais pas besoin de faire croître la pression dans mon bras puisque je cherchais simplement à faire jaillir une petite quantité d'eau claire. Veillant à rester concentrée, je matérialisai de l'eau en une petite fontaine uniforme, remplissant peu à peu la gourde. Contrairement à une projection de ce même liquide, le faire apparaître sous cette forme était plutôt simple. Je fis néanmoins attention pendant tout le processus, gardant mon esprit fixé sur cette tâche.

Le récipient rempli, je le fermai avec un souffle soulagé et le tendis à Myrielle. Je fus surprise par le regard qu'elle me lança. Elle finit par se taper le poing serré dans la paume, tout son être irradiant d'une lueur de compréhension. J'eus un frisson d'appréhension, me demandant un instant si j'avais bien fait de me servir de ma force intérieure. M'arrachant quasiment la gourde des mains, elle se tourna vers les objets encore au sol et agrippa un petit bol qu'elle remplit avec le liquide, tendant le tout à la jument. L'animal renifla l'objet puis trempa vivement les lèvres dedans.

Décidant d'ignorer le manège de l'humaine, je reportai mon attention sur le semi-elfe discrètement. Je fus quelque peu touchée par cette scène. Nahöriel avait ouvert le grimoire et lissait très légèrement les écritures du bout du doigt, comme s'il touchait à un objet hautement précieux. D'un geste rapide, il repoussa sa capuche en arrière, tournant ensuite doucement une page et posant sa main sur le grimoire. En l'observant, je vis son regard balayer la page d'une façon étrange mais avec une lueur curieuse. Il s'attardait sur un point, une forme particulière de l'écriture et puis une autre. Lorsqu'il se rendit compte que je le regardais et qu'il referma avec attention l'ouvrage, j'étais quasiment convaincue d'une chose. Il n'avait pas été en train de lire, son regard ne suivant pas les lignes mais bondissant d'un caractère à l'autre. Etait-ce parce qu'il ne comprenait pas certains mots dont un bon nombre m'étaient encore difficiles à concevoir ou, peut-être plus simplement, n'avait-il jamais appris à lire ?

Reprenant mon grimoire avec un léger signe de tête traduisant ma gratitude, je le masquai de nouveau sous ma cape. Le semi-elfe semblait pratiquement envoûté et ne se reprit que lorsque la jument s'ébroua dans un mouvement sonore. Je vis Myrielle revenir vers nous et tendre un petit objet rond au semi-elfe, m'en proposant un également.

"Allez, on mange un morceau et on repart. Et on ne gaspille pas, c'est moi qui ai fait ces galettes."

Je lui fis un bref signe de tête négatif, refusant poliment son offre. Végétaux, sédiments et eau me suffisaient amplement pour me sustenter et j'avais déjà avalé un gobelet d'eau sableuse deux jours auparavant. Elle haussa les épaules, cassant l'aliment en deux qu'elle partagea avec le semi-elfe.

Alors que les deux êtres à sang coloré mangeaient, un bruit régulier se répercuta non loin. Je tournai mon regard sur la route que nous allions bientôt reprendre, quasiment certaine de reconnaitre ce bruit.

Le rythme rapide des sabots d'un cheval.


=> Route entre Tulorim et Yarthiss -Vision macabre-

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Sœur de la Confrérie d'Outremer, Capitaine de la Rascasse Volante, au corps de bois et cœur de bête océane
"Y'a pas à dire, la mer, ça vous change quelqu'un !"

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Thème actuel & Nouvelle Voix


Dernière édition par Mythanorië le Lun 9 Avr 2012 15:14, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Jeu 15 Mar 2012 03:51 
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=> Route entre Tulorim et Yarthiss Matin 1

[:attention:] Ce post contient un passage pouvant perturber le public sensible (description morbide tendant vers le gore). Il sera mis en évidence et vous pourrez sauter ces paragraphes pendant la lecture.




Le rythme sec que je percevais était donné sur trois coups, preuve que le cheval qui se dirigeait vers nous avançait rapidement. Toutefois, même en braquant mon regard sur la route cabossée, je ne voyais pas l'animal en question. La force du son augmentant au fur et à mesure, je ne doutais pas voir bientôt poindre un coursier ou tout du moins un cavalier pressé de rallier Yarthiss. Faisant quelques pas pendant que Nahöriel et Myrielle se restauraient en discutant, activité exclusive de la jeune humaine en vérité, je me rendis bientôt compte que la jument avait cessé de brouter ou même de boire. Les naseaux sous le vent, ses oreilles s'orientant en direction du bruit de la course, elle émit un étrange hennissement de gorge.

Une bonne vingtaine de secondes plus tard, arrivant d'une butte proche de la route, un équidé surgit. L'animal avait une belle robe d'un brun chaud et me paraissait plus grand que la jument, soudainement consciente de sa présence. Rapidement, l'animal parvint à notre hauteur, ralentissant pour s'immobiliser à quelques mètres. Myrielle, finissant par le voir, braqua son regard sur lui et, d'un geste lent, elle nous intima l'ordre de rester immobile. Je gardais une fois de plus un commentaire en moi, songeant que j'étais déjà en train de le faire. Pas après pas, le nouvel arrivant s'avança, reniflant d'abord la jument puis s'en désintéressant. Les naseaux bruns de cet équidé allèrent finalement trouver le bol encore quelque peu rempli d'eau, laissé à la disposition d'Alna. Pendant qu'il se rafraîchissait, la jeune humaine se risqua à bouger, allant attraper une lanière de cuir qui pendaient contre son encolure.

Maintenant qu'il était là, je pus remarquer plusieurs choses concernant l'animal. En premier lieu, il était étrangement harnaché. Il portait bien l'équipement pour le diriger, à savoir mord et rênes mais il n'était paré d'aucune selle. Sa robe était tachetée par endroit de traces de boue, ses sabots quant à eux, se voyaient couverts de terre. A n'en pas douter, la bête avait du faire quelques bons kilomètres. Une autre trace attira mon attention mais la soudaine voix de Myrielle m'en fit détourner les yeux.

"Eh ? Vous ne trouvez pas qu'on dirait l'étalon dérobé hier ?"

Je jetai un coup d'oeil rapide à Nahöriel qui me le rendit en haussant les épaules. L'humaine prit un air dubitatif.

"Quoi ? Vous n'êtes pas au courant ?"

Mes sourcils se froncèrent légèrement, peu avant que le semi-elfe fasse un signe de tête négatif. En quelques instants, la jeune femme nous évoquait toute l'histoire.

"Faut se tenir au courant un peu ! Hier, dans la soirée, alors qu'il tombait des cordes, quelqu'un a piqué un étalon à l'écurie de Yarthiss. Je le sais parce que j'ai une amie d'enfance qui habite juste à côté, là où j'ai passé quelques jours en attendant les meubles... Oui, bon. Pour en revenir à l'histoire, le voleur était tellement pressé qu'il est monté à cru et a poussé l'animal à galoper hors de la ville. Forcément, le temps que la milice comprenne ce qu'il se passait, il devait être loin... Attendez... "

Mes yeux clairs suivirent chaque geste de l'humaine, cette dernière examinant la pièce de cuir entourant la tête de l'animal. Sa main longea enfin la lanière servant de rêne et, s'arrêtant bientôt, elle poussa une exclamation ravie.

"Ahah ! Je le savais ! Regardez, c'est le poinçon de l'écurie !"

Effectivement, imprimé dans la pièce souple, un étrange dessin était perceptible. Toutefois, même en le regardant longuement, il me fut impossible d'identifier le motif. Myrielle fit rapidement le tour de la bête, tâtant ses membres, vérifiant son état général. Elle se stoppa net en apercevant la trace dont sa brusque intervention m'avait détourné. Vu qu'elle tenait la bête en main, je m'approchai, suivie par le voleur se débarrassant des miettes de galette. Sur la croupe de l'étalon, une trace brunie s'étalait, prenant étrangement une forme de paume. Plus exactement, j'y distinguai une moitié de paume et les premières phalanges de chaque doigt, comme si quelqu'un, la main salie par une substance quelconque, avait vivement frappé la bête. Vu la taille de l'empreinte, son propriétaire devant avoir la main large.
En mon for intérieur, je songeais à celle d'un adulte mais c'était tout ce que je pouvais imaginer. La matière me semblait vaguement familière mais je ne parvenais pas à visualiser ce à quoi cela me faisait penser.

Nahöriel entra dans mon champ de vision et, sans forcer, il gratta légèrement du bout de l'ongle la trace. Détachant de fines parcelles de cette dernière, il fit l'étrange geste de porter la substance sous son nez, reniflant doucement. Une ombre passa sur son visage alors qu'il se redressait. Du revers de la main, il tapota la robe de l'étalon.

"J'sais pas d'où tu viens, mais ça, c'est du sang."

Alors que Myrielle, soudainement inquiète, inspectait avec minutie la trace à la recherche d'une plaie, mes yeux s'arrondirent. Avec ce nouvel élément, d'autres suites quelque peu logiques se formaient.
Une demie paume ensanglantée... Si cela avait été le cavalier qui aurait chu, je doutais qu'il gifle ainsi sa monture, au risque de la voir détaler. Et quand bien même, qui disait sang, disait généralement blessure ou même événement fâcheux. Qu'avait donc bien pu voir cet animal qui, bientôt, se mit à piaffer, tirant sur ses rênes. A le voir faire, j'avais l'impression qu'il voulait plus que tout retourner vers la cité.

Tapotant l'encolure de la bête, l'humaine le guida jusqu'en haut de la butte. Enroulant les rênes autour du licol de l'équidé, elle lui donna une gentille tape sur le flanc, encouragement suffisant pour que la monture sans cavalier se mette à trotter en direction de la ville. De son côté, Alna s'ébrouait, poussant des naseaux l'une des branches de la charrette. Sans perdre de temps, l'humaine la replaça entre elles, s'assurant que le harnachement était bien en place avant de reprendre la longe en main.

"On est repartis !"

Lentement, je secouais la tête, faisant un pas en avant, arrivant à la hauteur du voleur, resté immobile. Relevant mon grimoire sous ma cape, je l'observai, lui trouvant un air songeur. J'allais reprendre la marche quand sa voix m'en prévint.

"Mytha ?"

Malgré mon envie de l'ignorer parce qu'il m'avait encore appelé par ce satané diminutif, son intonation mal assurée me poussa à lui répondre.

"Oui ?"

Ses yeux sombres se rivèrent aux miens, reflétant l'espace d'un instant un brin d'inquiétude, sauf qu'elle ne me semblait pas destinée. Il entrouvrit les lèvres, les referma puis, après avoir longuement soufflé par le nez, il esquissa un sourire.

"Non, en fait c'n'est rien. Allez, Myrielle va râler si on s'attarde."

Je haussai les épaules, certaine que quelque chose tracassait le voleur. Ma résolution de le considérer comme un simple compagnon de voyage m'empêcha toutefois de lui en demander la raison. Il rallia vivement l'humaine, se soumettant une fois de plus à son flot de paroles.





La fin d'après-midi approchait, charriant dans quelques souffles de vent des relents humides. Vu notre allure, je ne doutais pas que nous nous approchions de la zone marécageuse figurant sur les anciennes cartes que j'avais vu. Déjà l'herbe se faisait un peu plus haute sur les bords du chemin et je pouvais distinguer au loin quelques plantes de grande taille, marquant généralement les abords humides. De part et d'autre, des animaux faisaient entendre des sons étranges, comme s'ils clamaient leurs droits sur cette parcelle de terre détrempée.
Pendant ces longues heures, le semi-elfe avait eu un air étrangement songeur mais cela n'avait pas eu l'air de sauter aux yeux de la jeune humaine, celle-ci continuant d'évoquer des commérages et autres inepties.

Bientôt, alors que nous n'étions plus qu'à une trentaine de mètres du premier jonc, Alna s'arrêta, tendant les oreilles sur la droite de la route. Ses sabots se plantèrent légèrement dans le sol humide alors qu'elle reniflait bruyamment l'air. Peu après, un bruissement dans les hautes herbes proches attira notre attention. De concert, Myrielle et Nahöriel posèrent la main sur la garde de leur arme, le semi-elfe étendant même le bras sur le côté, comme pour me protéger d'un éventuel danger. Je ne savais vraiment pas ce qui passait par la tête du voleur, ce dernier semblant oublier sa propre condition. Courageux ou inconscient, tout dépendait du point de vue. Comme le duo, je reportai mon attention sur les herbes, les sens en alerte.

Soudain, un craquement horrible se fit entendre. C'était comme si on cognait deux pierres blanches l'une contre l'autre tout en brisant un lot de petites branches. Le bruit fut si dérangeant que la jument poussa un sourd hennissement craintif. D'un seul coup, comme si cela avait été l'élément déclencheur, une ombre émergea en rampant des fourrés, accompagnée de sons atroces et surtout d'une odeur pestilentielle. Rapide, la chose que je ne parvenais pas à identifier, comme un long serpent verdâtre mais sans écailles, se faufila sur la route, glissant presque entre les antérieurs de la jument. Apeurée, celle-ci se cabra autant que le poids de la charrette le lui permettait, tirant vivement sur la longe. Lorsque l'équidé toucha de nouveau le sol, ses sabots retombèrent avec violence sur la créature tétanisée. Etrangement, au contact d'Alna, la chose se changea littéralement en poussière, laissant toutefois une étrange substance collante sur le sol.
Reprenant enfin le dessus sur la jument, Myrielle la flattait, cherchant à la calmer. Entre les pattes de la bête, quelque chose attira mon regard mais je préférai attendre un peu avant de m'approcher et de risquer prendre un coup de sabot.

Après un court silence permettant de réaliser ce qu'il s'était passé, la voix du voleur fut la première à s'élever.

"C'était quoi, ça ?"

"Beuh. A vue de nez et si je reconnais bien ces traces par terre, je pencherais pour un rogneur. "

"Un... Ces créatures dévoreuses de cadavre ?"

"Exact."

"J'pensais pas en croiser. Pas d'mon vivant en tous cas. Qu'est-ce qu'elle faisait ici c'te bestiole ?"

Myrielle haussa les épaules, repartant dans une tirade à rallonge sur ce qu'elle imaginait concernant l'alimentation des rogneurs. De mon côté, sentant que la jument s'était enfin calmée, je m'approchai de l'objet au sol. Déroulant mon index, j'écartai une petite touffe d'herbe du bout du doigt. La découverte que j'y fis balaya ma timidité. Déglutissant légèrement, résistant à un violent frisson, je tirai l'objet vers moi, le mettant hors de portée des sabots de l'animal. Sans aucune considération pour ce que déblatérait l'humaine, je lui coupai la parole.

"Nous l'avons dérangé en plein repas."

Je ne regardai pas les deux autres malgré la certitude qu'eux me fixaient. L'objet en question était un morceau de corps humanoïde, parfaitement reconnaissable. Malgré quelques lacérations peu profondes, je pouvais distinguer sans difficulté les cinq doigts rattachés à la paume de cette main froide et grise, en partie maculée de résidu verdâtre et puant. Lentement, je me redressai, plongeant un regard direct dans les yeux du voleur. Ma curiosité se mêlait à de l'appréhension car le bruit atroce que nous avions entendu avant de voir le rogneur suggérait que le corps allant avec cette main ne devait pas être loin. L'expression du semi-elfe, inquiète, laissa la place à une certaine résolution alors qu'il se tournait en même temps que moi en direction des herbes d'où le charognard avait surgi.
Pour une fois, Myrielle gardait le silence, reportant toute son attention sur la jument.

Le voleur me précéda, usant de sa dague pour trancher un peu maladroitement les premières touffes. Il ne nous fallut que quelques mètres pour trouver l'endroit où les herbes étaient en partie couchées. Nahöriel s'arrêta, interdit, rivant son regard sur la forme humanoïde. Parvenant à ses côtés, mes yeux s'agrandirent, témoins muets de ma sidération devant cette vision effroyable.


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Le cadavre reposait sur une petite levée de terre, le dos arqué, l'extrémité de ses membres barbotant dans une eau saumâtre, sauf pour sa main droite, arrachée par le rogneur. Au plus proche de nous se trouvaient ses jambes, dans un état monstrueux. Les deux formaient un angle dérangeant vers leur milieu, laissant pour la gauche apparaître la pâleur d'un os. Après un bref coup d'oeil en direction de ses rotules, je m'obligeai à regarder plus haut quand je compris qu'elles n'étaient pas à leur place normale. Un amas de chair pendait à leur niveau, retenu par des filins organiques. Les cuisses du cadavre, encore recouvertes par un semblant de tenue, étaient ternies de sang bruni, venant sans doutes des nombreuses lacérations et perforations peu profondes, laissant entrevoir pour certaines la chair des muscles.

Le torse de la victime était nu et ce fut parce que j'avais tenté de l'imaginer sans blessures que je sus qu'il s'agissait d'un être de sexe féminin. La poitrine du cadavre était lacéré au même titre que ses cuisses mais avec une minutie telle que les mamelles semblaient prêtes à se décrocher d'un moment à l'autre. Il me semblait même entrevoir la blancheur d'une côte entre deux traces sanglantes. Conséquence directe de cette affreuse blessure, la peau grisée était striée d'un nombre incalculable de filets de sang qui luisaient encore sous l'effet de l'humidité ambiante. J'avais presque la sensation qu'il continuait à couler, cherchant à rejoindre l'eau stagnante proche. Ayant de plus en plus de mal à tenir debout devant ce spectacle atroce, j'orientai mon regard sur ses épaules et ses bras.

Eux aussi étaient nus et vu la distance anormale entre le torse et le haut du bras, un frisson glacé me parcourut. Les deux épaules étaient démises et sur les bras, outre des blessures nettes faites sans doute par des lames acérées, des traces visibles de semelles boueuses maculaient les plaies. Quelqu'un avait délibérément marché dessus, me causant un haut-le-coeur de plus. Une hypothèse terrifiante naissait dans mon esprit à mesure que les détails sur le cadavre s'ajoutaient. J'avais reculé jusqu'au dernier moment cet instant mais je finis néanmoins par porter mon attention sur la tête de la victime.

La première chose que je vis fut l'entaille sur sa gorge. Elle était faite sur l'avant, parfaitement à l'horizontale, avec une netteté impressionnante. Plus j'y laissai mes yeux et plus j'étais convaincue que cette entaille n'avait fait que léser les vaisseaux sanguins de la gorge. Les traces visibles et la mare brunâtre teignant les cheveux et les oreilles pointues du cadavre suggéraient que le liquide de vie s'était écoulé avec une lenteur atroce depuis cette plaie.
Le visage, plus pâle que le reste du corps, était barré d'un duo de filet de sang provenant de la bouche ouverte de la victime. Lentement, je fis un pas mal assuré dans cette direction, sentant mes jambes trembler. Le bras de Nahöriel passa dans mon dos, me soutenant en agrippant le haut de mon bras droit. Pour une fois, je le laissai faire. Ensemble, nous fîmes quelques pas de plus, nous approchant du tronc de la victime. En observant sa bouche béante, ma sève se mit à couler au ralenti. Emplie de sang, elle laissait entrevoir une langue qui avait été à moitié sectionnée de gauche à droite, retombant mollement vers l'intérieur. Surplombant les lèvres, le nez du cadavre était brisé, comme victime d'un rude coup de poing.

Vint enfin le moment où mes miroirs clairs allèrent se river aux yeux de la victime. Grands ouverts, presque exorbités, ils étaient voilés de blanc, laissant toutefois leur couleur ambrée encore un peu visible. De part et d'autre de leurs coins, des traces blanchies étranges démarraient, allant se perdre sur les côtés du visage relativement intact. C'était du sel, de fins cristaux de sel. Sur les joues et les tempes de ce cadavre abandonné étaient accrochés ce que je devinai être les restes d'un flot de larmes amères. Une évidence terrifiante s'imposa à moi. La victime avait pleuré toutes les larmes de son corps alors que ce dernier se vidait inexorablement de son sang, sans qu'elle puisse y faire quoique ce soit. Ses dernières heures avaient du être inimaginables, marquées d'une cruauté indescriptible et emplies d'un désespoir certain.


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Je me sentais mal, horrifiée par cette vision. Le bras du semi-elfe qui me soutenait était le seul repère que j'avais et, cette fois-ci, je n'avais absolument aucune envie de perdre ce contact. Je détournai le regard, cherchant à me reprendre, quand un tissu entra dans mon champ de vision, flottant entre deux eaux. Inspirant profondément, j'effleurai du bout des doigts la main du voleur, faisant un signe de tête lent. Il me lâcha, allant s'accroupir près du corps tandis que je retirai le vêtement de l'élément liquide. Alors que Nahöriel fermait doucement les yeux de la victime, je reconnus la cape grisée que je tenais en main.

Après un court instant, le semi-elfe se redressa, venant me rejoindre tandis que je m'éloignai quelque peu de la scène. Lorsqu'il parvint à ma hauteur, je rivai mes yeux aux siens, détaillant son expression. Il avait pâli mais il semblait surtout préoccupé et très inquiet. Levant la main, je lui montrai la cape trempée, certaine qu'il l'avait lui aussi reconnue. Il me la prit doucement des mains, son regard paraissant encore plus sombre dans la pénombre naissante se rivant dessus. Il acquiesça, souffla longuement par le nez et alla la poser sur le corps. Ses pas rapides soulevèrent quelques gerbes boueuses alors qu'il arrivait à ma hauteur.

"Faut... Faut pas laisser Myrielle seule. Viens vite."

Lentement, j'opinai, persuadée que le voleur avait des pensées bien sombres en tête. Malgré moi, je commençais à espérer qu'il saurait faire part de ce que cette vision lui avait évoqué. Mais plus encore, j'avais hâte de mettre de la distance entre cet être sans vie et moi. La nuit approchait et s'accompagnait d'une appréhension croissante. Comment réussir à trouver le repos alors que ce regard vide restait imprimé dans ma mémoire ?


=> Route entre Tulorim et Yarthiss -Jour 1 -soirée et nuit-

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Dernière édition par Mythanorië le Lun 9 Avr 2012 15:24, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Jeu 22 Mar 2012 02:49 
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Avançant au même rythme, Nahöriel et moi retournions silencieusement auprès de l'humaine. Son expression n'était plus aussi joyeuse. C'était compréhensible vu la scène qui s'était déroulée plus tôt et encore, elle n'avait pas vu ce qui restait de ce que je pensais être une elfe grise. Je rajustai mon grimoire contre mon torse sous la cape, l'étreignant comme s'il avait pu m'apporter du réconfort. C'était un peu le cas, surtout lorsque je pouvais sentir ma peau d'écorce se soulever un peu au rythme lent de ma sève. Elle pulsait. Je sentais mon existence persister près de ce marais emplis de chants d'animaux. Chaque nouvelle voix qui s'élevait portait une connotation étrange. C'était comme si la vie du lieu savait qu'une entité décédée reposait là. Ces bruits pouvaient alors soit signifier que la Vie se perpétuait ou que les vivants entamaient un chant d'adieu pour cette inconnue.

Je ne me retournai pas, bien consciente d'une évidence. J'étais en vie, elle non.

Mon regard clair se posa sur la silhouette du semi-elfe qui reprenait un peu de couleur. Lorsqu'il parvint au niveau de Myrielle, celle-ci le dévisagea puis elle se permit un geste presque intime. La main libre de l'humaine vint doucement se poser contre la joue à cicatrice du voleur, écartant une mèche sombre. Le regard vert pâle cherchait son homologue marron, passant d'un oeil à l'autre. Elle avait l'air sincèrement concernée par l'état moral de son interlocuteur. Le plus curieux dans tout cela était que Nahöriel ne disait rien et surtout ne rechignait pas à se laisser ainsi manipuler. Il devait avoir besoin de réconfort. Pourtant, il ne rendit pas le contact de l'humaine, gardant les bras le long du corps. Moi aussi j'aurais apprécié un peu de soutien mais je me savais incapable de supporter un contact de ce type sans l'avoir déclenché. L'absence de Païvhane se fit cruellement sentir. Eloignée d'eux de quelques pas, j'avais presque l'impression d'avoir été oubliée. Mon regard se posa sur la main froide abandonnée par terre. C'était idiot mais je n'avais pas la moindre envie de la laisser là. Je me décidai à détourner le regard et à m'en charger quand je me rendis compte que Myrielle tapotait le dos du brun, finissant par venir l'encercler d'un bras protecteur.

(Décidément. Est-ce à ce point normal d'agir aussi familièrement avec des inconnus ? Donc ce serait moi qui me comporterais étrangement ? Non. Enfin, je ne pense pas.)

A travers ma cape aux reflets verts, j'attrapai cette main gluante que j'allai prestement poser à côté du corps. J'y attardai mon regard un court moment. Bizarrement, le voir recouvert par ce tissu donnait un air presque tragique à la scène. J'avais envie de savoir ce qu'il s'était passé. Qui lui avait fait cela et surtout pourquoi. Etait-ce elle qui avait dérobé la monture ? Mais n'était-ce pas un peu disproportionné pour une fuite devant un aubergiste ? Quand bien même elle aurait été rattrapée, pourquoi l'aurait-on malmené aussi horriblement ? Si cela avait été pour le cheval, il n'aurait jamais été laissé derrière.

Je la revoyais encore, bondissant avec grâce entre les bras de l'aubergiste. Son talent était visible, presque envoûtant et pourtant, il ne subsisterait que dans certaines mémoires.

(... Quel... Gâchis...)

Je me détournai du corps, revenant sur mes pas. Le visage tourné vers le sol pour ne pas glisser dans la boue, je surpris quelques bribes de la conversation de mes compagnons de voyage.

"... Peine et il fait presque nuit en plus."

"Mais on n'peut pas laisser c'corps ici. I'faut l'enterrer ou quelqu'chose."

"Je n'ai pas de pelle et je nous vois mal creuser à la main dans la boue. Et pas la peine de penser à un bûcher. Le seul bois que j'ai c'est pour le camp et il nous manquerait du combustible rituel."

"J'aurais au moins voulu... Lui donner une sépulture... Plutôt que c'tas d'herbe marécageux..."

Levant les genoux, je ralliai la route et m'approchai d'eux. Le voleur baissait la tête sous la main presque caressante de l'auburn, les poings serrés. Leur discussion était telle qu'ils ne firent aucunement attention à moi.

"Je comprends, Nahö. Mais je n'ai aucun talisman à lui donner pour protéger son corps. Et si un rogneur était déjà sur place, tu peux être sûr que d'autres charognards ne vont pas tarder à arriver. La pluie a peut-être masqué en partie l'odeur mais maintenant..."

"On n'peut vraiment pas..."

"Nahö, il nous faut bouger. Qui sait quelles créatures peuvent apparaître avant la nuit ? Mieux vaut pousser encore un peu et s'éloigner de cet endroit."

"Mais..."

"Ecoute, je sais que cela n'est pas un choix facile mais claquer à cause de bestioles pour protéger un mort, pardonne-moi ma rudesse, mais c'est vraiment stupide. Pas la peine de risquer nos vies, pas vrai ?"

Je vis le semi-elfe ouvrir la bouche puis la refermer aussi sec. Toute sa personne semblait accuser le coup mais il acquiesça avec résignation. Lorsque la main de l'humaine s'ôta après l'avoir amicalement ébouriffé, il se retourna vers les herbes proches. Ce fut ce mouvement qui lui permit de se rendre compte que je me tenais là. Il m'adressa d'ailleurs un regard surpris puis le déporta sur la charrette qui commençait à avancer. Sous ma cape, ma main libre tremblait encore de ce que j'avais vu et du froid qui semblait avoir figé la scène. Il n'empêchait que je me posais de nombreuses questions.
Le voleur semblait excessivement atteint par cette découverte et il s'inquiétait d'une sépulture. J'avais beau cogiter, je ne voyais pas pourquoi il aurait voulu ainsi honorer une personne qui avait tenté, la veille, de l'étrangler. Il me l'avait dit lui-même, même si cela n'était pas dans le même contexte. Si cela avait été lui, il ne se serait pas privé de se venger. Malgré l'état du corps, s'il n'était pas au moins soulagé que son agresseur ne soit plus de ce monde cela ne signifiait pour moi qu'une seule chose. Il connaissait cette personne. Leur relation me paraissait d'ailleurs différente de la nôtre. Le semi-elfe avait l'air d'avoir un lourd poids sur les épaules et malgré ma résolution de rester en dehors de ses affaires, j'avais presque envie de le pousser à parler. Ce n'était cependant pas le moment.

Je secouai la tête, hâtant le pas en voyant la charrette me distancer. Myrielle avançait rapidement, ses foulées faisant le double des miennes. Nahöriel avait du lui décrire brièvement ce que nous avions trouvé et elle avait l'air bien décidée à mettre le plus de distance possible entre cet endroit et le convoi.


***


Quelle portion de la voie avions nous pu parcourir ? Je n'en avais pas la moindre idée. Tout ce que je savais c'était que nous longions à quelques kilomètres un paysage marécageux bruyant. Finalement, à la nuit presque tombée, la jument planta ses sabots dans le sol, ne faisant pas un pas supplémentaire. Pendant que je tentai d'oublier la sensation désagréable de mes jambes fatiguées, la jeune femme détachait l'équidé tout en incitant le semi-elfe à préparer le matériel pour la nuit. Non soutenu par l'animal, le véhicule pivota, se calant sur le sol par les branches de bois. Suivant ses indications, je déroulai alors un long tissu rigide qui s'accrochait au bord le plus long de la charrette et le dépassait d'une bonne longueur.
Plantant une longue tige en forme de "T" dans le sol à la verticale, j'y liai le tissu au moyen de cordelettes dans lequel elles étaient cousues. Les pans au sol étaient maintenus écartés de la tige par des pierres trouvées non loin. Ce ne fut qu'une fois l'ouvrage terminé que je compris. La toile tirée s'étendait sur une largeur humaine, longue comme deux personnes au niveau du sol. Le tout formait un abri triangulaire suffisamment grand pour pouvoir s'y tenir assis sans se prendre le visage dans le tissu. Un second tissu servait simplement à masquer le vide laissé au niveau de la charrette ainsi que l'essieu. Il restait contre le sol, offrant une surface où l'humaine plaça son couchage ainsi qu'une seconde couverture. Maintenant que j'y songeais, il n'y avait que deux espaces. Sans même avoir besoin de formuler ma question, Myrielle y répondit.

"Bon ! Eh bien nous ferons des tours de garde pendant la nuit. Cela nous permettra de prendre du repos tour à tour et d'assurer notre sécurité. Pratique, pas vrai ? Mais d'abord, il faut dîner !"

Je lui jetai un bref coup d'oeil, surprise de voir son entrain revenu. Cette humaine était étrange, alternant entre le sérieux de l'adulte, la douceur d'un parent et l'humour d'un enfant. Encore un être dont la personnalité se constituait d'une multitude de facettes.



Bientôt, venant du cercle de pierres proche, quelques crépitements se firent entendre. Un genou à terre, le semi-elfe contemplait avec un air satisfait le démarrage du feu. De son côté, Myrielle attrapait un lourd sac d'où elle extirpait des lamelles de viande séchées et des fruits ridés ayant subi le même traitement. Dégageant encore un objet de son bardas, elle posa ce dernier sur le feu déjà bien parti. C'était une sorte de chaudron portatif dans lequel elle versa une portion du contenu d'une outre. A vue de nez, il s'agissait là d'un bouillon de légumes. Sautant presque dans le récipient, une louche en bois vint assurer le mouvement du liquide. La jument grise, retenue par sa longe, broutait paisiblement, ignorant les flammes orangées faisant danser son ombre au sol. Myrielle, délaissant un moment sa soupe, sortit trois petits rondins de bois sur lesquels nous prenions place. Tour à tour, avec un sourire digne du carnassier qui voit sa proie à portée de croc, l'humaine huma la soupe, en versant un peu dans des bols. Il n'y avait pas à dire, elle était équipée pour bivouaquer en pleine nature et ses gestes assurés trahissaient une certaine expérience. Je l'enviais un peu.

Le grimoire calé contre mon torse, je reçus un bol aussi, y trempant les lèvres. Les yeux d'un vert pâle se posèrent sur moi.

"Euh. J'espère que tu ne considères pas cela comme du cannibalisme, hein, Mytha ?"

Je lui jetai un coup d'oeil surpris puis compris en voyant flotter un morceau de légume. Amusée, je poussai un petit souffle par le nez.

"Guère plus que vous et cette viande. Sauf si... Vous nous cachez des choses."

A ma tirade, je lui lançai un regard insistant puis finis par esquisser un sourire à son expression confuse. Elle y répondit en un éclat vocal amusé. Apparemment, ce que je lui avais dit venait de raviver un souvenir qu'elle s'empressa de raconter, à grand renfort de gestes et de grimaces. Je n'écoutai que d'une oreille, me rendant compte de la mine grise de Nahöriel. Je ne l'avais pas entendu articuler une parole depuis que nous nous étions remis en chemin. D'ailleurs, il touchait à peine à son repas, se contentant de faire tourner le liquide. Peut-être n'avait-il pas faim, ce que je pouvais comprendre après avoir vu ce spectacle horrible. Pourtant, il s'efforça de manger, les yeux rivés sur le feu. Par moments, il faisait tourner sa boucle d'oreille dans son orifice, ne relevant le nez que lorsque la voix de Myrielle l'interpellait. Il devait parvenir à suivre car pas une fois il ne donna de réponse hasardeuse ou ne fit répéter son interlocutrice.

Le repas terminé, l'humaine s'étira en bâillant. Elle prit tout de même le temps de rincer les couverts et de ranger le tout avant de se tourner dans notre direction.

"A moins que vous ne soyez pas d'accord, on va assurer trois heures de surveillance chacun. Pour se repérer dans le temps... "

Tendant l'index vers la voûte céleste, elle désigna l'astre lunaire, mimant sa course. A un moment donné, elle s'arrêta.

"Suivez cette jolie lumière. Quand elle sera ici, ce sera la fin d'un tour. Et quand elle sera là, cela signifiera la fin du deuxième. Vous comprenez ?"

J'acquiesçai, imitée par Nahöriel dont les traits se tiraient un peu. Maladroitement, il tenta de camoufler un bâillement. Estimant que, malgré la marche rapide, j'étais en meilleure forme qu'eux, je me permis d'intervenir.

"Je prends le premier tour. Allez vous reposer tous les deux."

"J'me charge du deuxième."

"Parfait ! Allons-y Nahö et, pendant que j'y pense, excuse-moi si je parle en dormant."

Déroulant mes doigts végétaux, je masquai un souffle amusé. Pendant un court instant, j'eus une pensée compatissante pour le cousin qui voyageait habituellement avec elle. Elle fut vite supplantée par celle qui me rappelait que j'allais forcément passer au moins trois heures à ses côtés sous la tente.
D'un geste amical, le duo me salua puis se glissa sous le tissu rigide. J'entendis un court moment des voix chuchotées et des bruits de tissu. Mon regard clair se perdit un instant dans la danse des flammes. Assise sur mon rondin, j'avais envie de lire mon grimoire mais je m'en abstins. D'une, je risquais d'être trop plongée dedans pour m'apercevoir d'un danger potentiel et de deux, en voyant sauter quelques flammèches, j'avais peur qu'un accident se produise. Je me contentai donc de rester attentive aux bruits de la nuit, avant de remarquer la tache du liquide de rogneur au bas de ma cape. Je venais de trouver de quoi m'occuper.

**


L'astre lunaire n'avait pas parcouru le tiers de la distance requise lorsqu'un léger bruit me parvint. Mes yeux clairs se portèrent sur le tissu rigide de la tente d'où émergea le semi-elfe, la cape à la main, la crinière en bataille et pieds nus. J'attendis un instant puis quand je perçus son regard sur moi, je lui fis un bref signe, enroulant ensuite mes doigts pour les replacer sous la cape. Avec précautions, il prit place à ma gauche, rapprochant le rondin du foyer crépitant. D'un geste rapide, il fit s'envoler sa cape, la calant sur ses épaules. Penché en avant, il la retenait d'une main, son autre avant-bras posé contre ses genoux.

Après un court silence, je m'autorisai à lui adresser la parole. Je ne lui avais pas encore pardonné son agression mais cela ne m'empêchait pas d'être polie. Son air vulnérable, loin de l'image du vil bandit dangereux qui m'avait sauté dessus, me poussait à relâcher un peu ma méfiance. Un peu seulement.

"Le sommeil vous fuit ?"

Il acquiesça brièvement et à plusieurs reprises, sans pour autant me regarder. Malgré cela, sa voix s'éleva.

"Myrielle m'a d'jà raconté trois fois l'vol d'sa pâtisserie par son oncle. A chaque fois, la fin est différente. C'est vraiment amusant sauf qu'elle, elle dort."

Le feu crépita, son aura chaude se reflétant dans les miroirs du semi-elfe. Je demeurai un instant silencieuse à le regarder sans chercher à le questionner. Je n'eus pas besoin de le faire. Quelques crépitements plus tard, Nahöriel soufflait puis enchaînait, sa voix déjà moins assurée.

"Dès qu'j'ferme les yeux, j'revois son visage. Son expression... J'arrive pas à m'sortir tout ça du crâne. J'peux pas croire..."

Il se tut subitement, comme s'il venait de réaliser qu'il s'apprêtait à dire quelque chose de tabou. Il avait l'air en proie à un certain malaise. Devant son soudain silence, ma curiosité prit le dessus.

"Cette personne... C'était bien celle qui vous a agressé à l'auberge, n'est-ce pas ?"

Il opina.

"Je me trompe peut-être mais j'ai l'impression que vous vous connaissiez avant cet incident."

"Non, tu t'trompes pas. "

Une certaine frustration découlait de ces réponses. C'était comme s'il voulait parler mais que quelque chose de plus fort l'en empêchait. Il se fit silencieux un long moment. Son regard était ailleurs, perdu, mais difficile de dire si c'était dans les flammes ou dans ses souvenirs. Je l'imitai, regardant ces danseuses oranges léchant avec avidité le bois offert en sacrifice pour les amadouer. Ce ne fut qu'à sa profonde inspiration que je reportai mon attention sur lui.

"Elle a fait partie d'la troupe avant moi. Elle s'était installée à Yarthiss pour... Pour qu'notre vocaliste puisse être rapidement au fait des derniers événements en ville, à chaque passage. "

"Des événements ?"

"Comme des unions, des rumeurs, des décès, des ouvertures de boutiques ou de nouvelles lois par exemple."

( Ce qui ne me dit pas comment vous l'avez connu. Accueilli chez elle ? Pourquoi louer une chambre en auberge alors... Non, cela n'a pas de sens.)

Nahöriel se tut à nouveau, ses doigts jouant distraitement avec les bords de sa cape. L'atmosphère était étrange, comme si cet espace autour du feu était dédié à la confidence. Pourtant, j'avais l'impression que le voleur cachait encore bien des choses derrière les silences pesants et ses réponses lacunaires. D'un autre côté, je ne pouvais pas lui en vouloir. Pourquoi révéler des choses à une personne que l'on a agressé et envers qui l'unique lien est celui forgé sur une dette financière ? Il fallait d'ailleurs ajouter à ce fait le peu de temps que nous nous connaissions.
Le marron de ses yeux se posa sur moi, ou plutôt au coeur de mes propres yeux, comme s'il cherchait à me sonder. Je le vis clairement passer de l'un à l'autre puis baisser légèrement le nez. J'avais cette impression qu'il cherchait à se convaincre d'en dire plus mais sans pour autant me mettre réellement dans la confidence.

"En souvenir d'son passé avec la troupe, elle... Elle nous a aidé pour un travail. C'est pour ça que..."

Ses longs doigts vinrent se perdre dans ses cheveux et il se tut de nouveau. J'étais vivement intriguée et en même temps agacée. Il coupait ses tirades en leur milieu, me privant d'un élément qui pourrait m'aider à comprendre. S'il ne voulait pas parler, pourquoi s'ouvrir ? Est-ce que voir le corps de cette jeune elfe l'avait ébranlé au point de faire vaciller son assurance ? De lui donner envie de partager ses pensées ?
Je le vis plisser les yeux et grimacer. Il avait l'air de se parler à lui-même plus qu'à moi.

"Pourquoi une telle punition ? "

Comme s'il se rendait d'un coup compte que j'étais là, il tourna son visage dans ma direction. Ses yeux se mirent à luire et sa voix trembla, comme sur le point de se briser. Une douleur certaine, mais pas physique, l'étreignait.

"Quand j'pense... A ses derniers moments... Seule, abandonnée, sans r'voir un ami en s'sentant claquer... A quoi elle a pu penser en dernier ? Qu'est-ce qu'elle aurait dit ? Elle... Elle n'méritait pas c'genre d'châtiment. "

Une grimace déforma ses traits alors que seule une certaine amertume m'étreignait. A peu de chose près, c'était cette pensée qui m'avait empêché de prendre la vie du semi-elfe. Apparemment, il s'agissait là de la considération qui avait manqué à l'assassin ou aux assassins de cette elfe grise. Nahöriel tremblait légèrement, semblant se perdre dans des pensées toujours plus sombres. Je ne lui devais rien et pourtant sa détresse ne me laissait pas indifférente.
Quels mots employer pour le réconforter ? Pourquoi d'ailleurs le réconforter ? Il parlait d'elle et de son trépas presque comme s'il savait ce qu'il lui était arrivé. Etait-ce le cas ? Pourquoi en faire un tel mystère alors ?

Je me levai et accolai mon rondin au sien avant de reprendre ma place assise. Je ne savais pas trop comment le soutenir dans ces circonstances. Il n'était pas un proche envers qui je pourrais être familière mais il n'était plus un inconnu depuis quelques jours. S'il culpabilisait, je pouvais lui dire que j'étais là lorsqu'elle s'était enfuie et que c'était aussi de ma faute. Si je l'avais retenue, elle serait sans doute encore en vie. Sauf que je ne voulais pas risquer de voir le semi-elfe reporter tout son mal-être sur moi, ce qui se serait sans doute traduit par de la colère. D'un autre côté, faire éclater sa colère aurait sans doute un effet bénéfique mais je n'étais pas certaine de pouvoir endurer un tas de reproches sans broncher.

Alors que je cherchai un moyen de soulager sa peine, je sentis un léger impact qui persista contre mon bras gauche. Sans rien dire, le semi-elfe était venu coller son bras au mien, restant en contact avec mon épaule. Je le soutenais au sens propre du terme. Le feu crépitait toujours mais il semblait se mettre au diapason du calme ambiant. Même les mouvements de la jument semblaient ne pas brasser d'air. De longues minutes s'écoulèrent pendant lesquelles, même si mes yeux restaient rivés sur les flammes, j'étais attentive au comportement du voleur. Ses yeux brillants ravalèrent sans doute les gouttes fades. Son souffle irrégulier reprit peu à peu un rythme plus stable alors que la chaleur provenant du contact se faisait plus présente. Aussi étrange que cela pouvait me paraître, j'avais presque l'impression de me tenir auprès d'un proche.

Nahöriel émit un bâillement discret et se leva, allant ajouter une bûche préparée à cet effet dans le cercle de pierre. Les danseuses orangées crièrent leur joie de voir ce buffet sacrificiel, envoyant des gerbes de feu flotter dans les airs pour fêter l'événement. Le semi-elfe m'adressa un regard appuyé.

"J'vais retourner m'coucher. J'pense pouvoir dormir un peu."

Je lui adressai un petit signe affirmatif du chef, le suivant du regard. Aux abords de la tente, il se retourna dans ma direction.

"Eh... Mythanorië ?"

"Hum ?"

"Merci."

Un fin sourire se peignit sur mes lèvres alors qu'il se penchait, repoussant ses bottines de son chemin et se défaisant de sa cape. Quelques mots s'envolèrent depuis ma gorge tandis que j'orientai mon visage vers lui.

"Je t'en prie."

Il stoppa son mouvement et me fixa avec un regard un instant incrédule. Finalement, un sourire doux, plus marqué que le mien, se peignit sur ses traits. Son regard s'illumina un peu avant qu'il n'aille prendre place aux côtés de l'humaine. Je reportai mon attention sur l'astre lunaire avant de les rabaisser sur le feu, un sentiment d'accomplissement papillonnant dans ma poitrine.

C'était la première fois que je le tutoyais.





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MessagePosté: Sam 24 Mar 2012 17:52 
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Etrangement, j'avais passé une nuit assez paisible si l'on exceptait les paroles incohérentes de l'humaine pendant son repos. Après mon tour de garde, j'avais réveillé Nahöriel pour sa surveillance et ne m'étais plus éveillée jusqu'à son retour. Assise sous la tente, comme toujours lorsque je sommeillais, je l'avais davantage deviné que sentis se tourner vers moi. J'avais eu un peu d'appréhension mais en le voyant rapidement s'endormir, je parvins à me détendre. Malgré la vision horrible de cette elfe malmenée, la fatigue devait avoir été trop importante pour me causer des cauchemars. Il me faudrait sans doute y faire face plus tard, quand mon esprit aurait assimilé le choc.

Réveillés à l'aube par une Myrielle débordante d'énergie, nous avions repris la route sur une voie terreuse et cabossée, non loin de la zone marécageuse. Pendant le trajet, l'humaine avait délibérément cherché à s'écarter de la route. Dans une brève tentative pour s'expliquer, elle nous avait dit que la véritable voie passait dans les marais mais qu'Alna, plus bornée que jamais, aurait refusé d'y poser les sabots. Dans un sens, même si cela nous faisait perdre un peu de temps, j'éprouvais un certain respect pour la jument. Après tout, l'endroit devait grouiller de bêtes se cachant dans les hautes herbes ou même dans l'eau couverte de végétaux flottants. Nahöriel avait approuvé et s'était même lancé à raconter comment la troupe avait, pendant un trajet, aperçu un groupe d'Elyds en chasse. Heureusement pour eux, les petites créatures voraces avaient déjà une proie sous la main et ne leur avaient pas prêté attention. A la description qu'il en fit, je frissonnai. Un humanoïde seul, agressé par une petite bande de ces créatures, aurait sans doute rapidement fini en plat de résistance.

En chemin, et malgré l'écart fait par rapport à la voie, nous routes croisèrent celles de deux cavaliers, visiblement en route pour Yarthiss. Le premier portait un duo de lourdes sacoches, accrochées de part et d'autre des flancs de sa monture. Il n'avait même pas accordé un bref regard à notre étrange trio. Le second, lourdement équipé, ressemblait davantage à un soldat. Un heaume recouvrant intégralement son visage, une armure épaisse et une longue lance m'invitèrent à penser qu'il s'agissait peut-être d'un combattant équestre. Lui fit ralentir sa monture en passant à côté de nous, nous adressant un signe d'une main gantée luisant sous le soleil.
Leur passage fut cependant si bref que je ne parvins pas à les détailler davantage.
Pendant cette période, Myrielle parlait encore et toujours mais elle racontait surtout des péripéties d'enfance. Un "emprunt" de pomme pour lequel elle avait été punie, un miroir brisé, une utilisation de dague ainsi qu'un tas d'autres petits événements qui avaient marqué sa mémoire infantile. A voir la lueur dans son regard, j'aurais pu jurer que cela ne faisait que quelques années.

La journée était rapidement passée, entre les bivouacs ordonnés par la jument, les échanges entre le voleur et l'humaine ainsi que les esquives pas toujours réussies, des creux dans l'herbe. Finalement, vers la fin de l'après-midi, nous quittions enfin la zone de marécages, même si elle restait à portée de vue. Nous n'avions parcouru que quelques kilomètres de plus quand la jument fit savoir qu'elle considérait la journée terminée. Sabots plantés dans le sol, hennissement sonore et mécontent ainsi que décalage vers une belle zone herbeuse étaient l'équivalent d'ordres indiscutables. Etrangement, l'endroit qu'elle avait choisi se trouvait non loin d'un cercle de pierres emplies de cendres froides. Je l'avais oublié mais il était évident que nous n'étions sans doute pas les seules personnes à voyager ainsi. Je doutais cependant qu'il s'agissait là d'un feu de camp préparé par l'un des cavaliers aperçus en journée car non seulement leurs montures allaient vite mais en plus ils n'avaient pas eu l'air largement équipés en bois. Enfin, ceci n'était pas vrai s'ils avaient juste prévu assez de bois pour que ce feu soit le dernier.

Je haussai les épaules, sentant poindre la lassitude. J'étais reconnaissante envers Alnathéa ou qu'importait son véritable nom, pour nous obliger à nous arrêter. Comme la veille, notre trio mit le campement en place, Nahöriel se chargeant de déblayer les cendres et de rallumer un feu.

**


Le repas du soir consistait en un bol de soupe et, pour les sangs colorés, du poisson séché. Entre deux bouchées, Myrielle, une lueur curieuse dans les yeux, interrogeait le semi-elfe.

"On dirait que tu y tiens beaucoup à cette troupe."

"Ils m'ont sauvé la peau alors forcément, ça marque."

"Je n'en doute pas. Mais elle fait quoi au juste ?"

Nahöriel semblait avoir mis de côté ses troubles et répondait avec une apparente sincérité. Toutefois, à la question de l'auburn, il mit quelques secondes avant de se prononcer. Son regard s'était détourné sur le côté un court moment puis étaient revenus rencontrer les miroirs d'un vert pâle.

"Eh bien, on est un p'tit groupe de... Comment dire... d'artistes ? On va d'ville en ville en divertissant les gens avec d'la musique, du chant et parfois des acrobaties si on a l'temps."

Pendant que je finissais ma soupe, ayant pris du retard sur les deux autres, j'observai la scène. Avec un petit sourire sournois, l'humaine rebondit sur un détail de la tirade.

"Tu as bien dit "on" ?"

Nahöriel resta un court instant silencieux, comme revenant mentalement sur ce qu'il avait dit. Ses longs doigts vinrent s'engouffrer dans sa chevelure avant qu'il ne se gratte la tête avec un air presque coupable. Il finit par sourire. A sa façon de faire, j'avais l'impression qu'il n'attendait que cette remarque et avait tendu exprès quelques perches pour que la question lui soit posée. Je le vis déposer son bol vide, essuyer brièvement sa main sur son pantalon et plonger ensuite ses doigts dans sa sacoche. Il en extirpa ce que je pris d'abord pour une tige de bois. A y regarder de plus près, cet étrange bâtonnet s'affinait à une extrémité et était percée de deux trous à l'autre.
Je jetai un vif coup d'oeil à Myrielle qui semblait, elle, parfaitement savoir ce dont il s'agissait. Les mains libres, elle applaudissait un peu, un sourire ravi sur le visage. Soudain, un son étrange s'éleva dans les airs.
Je braquai immédiatement mon regard dans la direction du semi-elfe.

Il était assis, le plat de son pied reposait contre le rondin de sorte que son genou surélevé supportait son avant-bras. Son bras droit avait porté à ses lèvres le bout fin du morceau de bois, retenant le bas de ce dernier entre son petit doigt et son auriculaire. Les yeux plissés, il soufflait dedans, bouchant les deux trous visibles avec ses doigts. Le bruit modulé me fit prendre conscience que ce n'était pas un simple morceau de bûche. C'était un instrument de musique au timbre aigu. Soufflant un peu plus vite, Nahöriel donna un air guilleret à sa musique. J'étais presque certaine de le voir sourire contre l'embout de cette étrange flûte. Tout en jouant en boucle les notes claires, il nous lança un regard.

Myrielle bondit sur ses pieds et se hâta vers moi. Elle me tendit une main, une expression encore énergique et surtout teintée de joie s'y lisait. Devant mon incompréhension, elle s'expliqua, ou plutôt m'encouragea, par la parole.

"Allez ! Debout Mytha ! Pose ton bouquin et lève-toi !"

Je ne voyais pas où elle voulait en venir mais ma curiosité me poussa à lui obéir. Je posai donc mon ouvrage sur le rondin, loin du feu, et me levai. L'humaine me fit signe, à une bonne distance des flammes, pendant que le voleur continuait de jouer cette mélodie aiguë et rythmée. Avancée à sa hauteur, elle m'invita à tendre les mains devant moi. Je déroulai mes longs doigts d'écorce, vivement intriguée. D'un geste rapide, elle me prit les mains puis elle amorça des gestes étranges. Elle leva d'abord ma main gauche, abaissant la droite puis elle inversa. Tout en faisant cela, elle penchait la tête d'un côté ou de l'autre avec un sourire marqué. Bientôt, elle leva mes deux mains et fit un tour sur elle-même, m'obligeant à la suivre sinon je risquai de me tordre un poignet. Elle faisait tout cela en rythme que le semi-elfe accentuait en tapant avec régularité de sa main libre contre sa cuisse.
Bientôt, Myrielle lâcha mes mains et m'attrapa le bras de son coude, se mettant à sautiller. Elle tapait du pied sur le sol au diapason du choc que Nahöriel produisait, faisant un pas sur le côté puis du côté opposé entre chaque percussion. Par moments, sur une note plus haute, elle se permettait même d'effectuer un petit saut sur place.

Intriguée, je suivais son mouvement, tentant de laisser le rythme guider mes pas. Ce n'était pas simple. A côté d'elle, je me sentais plus rigide encore qu'à l'ordinaire. Ce que j'avais enfin fini par comprendre c'était qu'elle dansait et surtout qu'elle m'entrainait avec elle. Le voleur souriait contre son instrument. C'était un sourire franc, véritablement enjoué. Je comprenais mieux pourquoi les gens de l'auberge se mouvaient ainsi à l'unisson. C'était simplement parce que la musique avait un effet communicatif. En l'occurrence celle-ci, bien que simple, me donnait une certaine envie de bouger. Malgré ma réticence au contact, je rendis ce dernier à Myrielle, faisant de mon mieux pour accompagner ses mouvements.
Au bout d'un moment, je parvins à comprendre sa logique et à ne plus faire de faux-pas. Je pus sentir un sourire orner mes traits, comme si pendant un instant, toute la lassitude du jour avait été évacuée. L'atmosphère était si agréable qu'il fallut qu'Alna hennisse avec désapprobation pour que l'on s'aperçoive que la soirée était bien avancée. Myrielle s'empara alors vivement de sa gourde et en vida quelques gorgées.

"Ouah ! Ca, ça fait du bien ! Je sens que je vais dormir sans problèmes !"

Il me fallut un petit instant pour constater le rouge de ses joues et ses yeux brillants. Elle était fatiguée mais ravie, impression que toute sa personne laissait entrevoir. Elle se passa un peu d'eau sur la nuque avant de défaire sa coiffure et de se lisser les cheveux. Nahöriel semblait content de la tournure des événements lorsqu'il rangea son instrument dans sa besace. Il paraissait un peu fatigué aussi mais une lueur identique à celle de l'humaine brillait dans le marron de ses yeux. Je ne savais pas si je pouvais dire de lui qu'il était talentueux mais aucune de ses notes ne m'avait vrillé les tympans. Mieux encore, pendant un instant, le son qu'il avait produit avait effacé toute pensée négative que j'avais vis-à-vis de lui. Temporairement en tous cas.

L'humaine bâilla longuement et se dirigea vers la tente sans attendre. Alors qu'elle se penchait, elle finit par se tourner dans ma direction.

"Même chose qu'hier, sauf qu'il faudra que tu attendes jusqu'à ce qu'elle soit au-dessus de cette dune et toi, Nahö, ce sera ici."

J'acquiesçai, la regardant disparaitre. Je sentis bientôt l'attention du semi-elfe sur moi. Son air satisfait était toujours présent.

"Alors ? Ca va ?"

"Je suis un peu surprise et essoufflée mais je vais bien."

"T'as jamais dansé avant ?"

"Pas que je sache, non."

Un air intrigué se peignit sur ses traits, chassant son sourire et lui faisant hausser un sourcil.

"Mais comment tu t'distrais, alors ?"

"Comment je ?"

Je pris quelques instants de réflexion avant de ramener mon grimoire dans mes bras. C'était une bonne question et j'essayais de me rappeler le genre d'activité qui m'aurait procuré une sensation de détente comme celle-ci. Je finis par me lisser la tempe puis, levant mon index, je rivai mes yeux aux siens.

"En lisant. En profitant de la pluie. En écoutant des anecdotes et en regardant les autres s'amuser. "

Ses yeux s'arrondirent.

"Quoi ? T'as jamais été à une fête ? Couru à en perdre haleine juste par envie ? Fais des ricochets avec une belle pierre plate ? Grimpé dans un arbre pour connaître le point de vue d'un oiseau ?"

A chaque fois qu'il terminait une question, je secouai négativement la tête. Son expression se faisait à chaque fois plus intriguée, presque peinée, et je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir. Ses questions ne me gênaient pas, pas plus que je ne ressentais de honte de lui répondre par la négative. Je le vis croiser les bras puis se rasseoir un peu plus confortablement sur son rondin. Sa voix se fit un peu plus calme pour poser sa question suivante.

"T'avais des parents stricts à c'point ?"

Pourquoi voulait-il connaître ce genre de choses ? Etait-ce parce que je l'avais tutoyé la veille, marquant ainsi un certain rapprochement entre nous ? Peut-être l'effet de la musique persistait-elle. Ce devait être le cas puisque j'avais beau réfléchir, je ne voyais pas quel mal il y avait à lui apporter une réponse. Toutefois, un détail me perturba et je préférai lui demander de préciser quelque chose.

"Par "parent", qu'as-tu en tête ?"

Il fit une petite moue avant de poursuivre.

"Bah, ceux qui t'ont donné le jour. Les... Les... Enfin, les gens qui te ressemblent."

"Eux ? Je ne les ai jamais connu. A ma sortie de terre, les premiers que j'ai vu sont les mages."

"Les mages ?"

"Du cercle de la for..."

Je me figeai, consciente d'en avoir trop dit. Déroulant mes doigts, je les portai à mes lèvres sombres, masquant ma bouche. Un court silence prit place. Toussotant un peu, Nahöriel le rompit. Il effleura sa cicatrice du pouce en détournant le regard vers le feu. Un peu mal assuré, il reprit la conversation, ramenant le sujet sur lui.

"J'ai toujours cru qu'ma mère était comme une mage. 'Lui suffisait d'un sourire m'faire m'sentir mieux. C'qu'est drôle c'est qu'Myrielle lui r'ssemble un peu. "

Le regard du semi-elfe se reporta sur la tente d'où des sons incompréhensibles de personne endormie provenaient. Toute son expression semblait rêveuse, comme perdue dans ses souvenirs. Une nouvelle fois, j'étais persuadée qu'il avait pris en compte mon malaise et changé de sujet en conséquence.
A parler d'elle au passé, j'en vins à la conclusion que sa génitrice n'était plus de ce monde. Peut-être avais-je tort mais s'il avait dépassé le demi-siècle, même si sa mère l'avait eu très jeune, elle devait à présent être une dame âgée. Ce serait le cas si elle était humaine mais peut-être était-ce elle qui avait donné son sang elfique au voleur.

Curieuse, je risquai une question.

"Comment pourrais-tu la décrire ?"

Il m'adressa un bref regard puis leva le nez au ciel. Sa voix se fit nostalgique.

"Humaine, douce, attentive. De longs cheveux libres flottant au vent. Un parfum de mer calme. Une mère aimante et intelligente. "

Il se tut, ayant répondu sans le vouloir à une question que j'avais gardé pour moi. Malgré mon envie d'en rester là, je poussai le vice jusqu'à l'interroger encore un peu.

"Donc ton sang elfique vient de ton père ?"

Instantanément, son regard se braqua sur moi. La soudaine rancoeur que j'y lus me fit froid dans le dos. Toute sa personne venait de se tendre, ses poings se serrèrent. Le contraste offert par la lueur des flammes lui donnait un aspect sauvage, dangereux. Je n'avais pas à poser de question supplémentaire pour savoir qu'évoquer son père, ou peut-être sa nature elfique, suffisaient à irriter profondément le voleur. Je m'attendais à ce qu'il explose ou m'ignore mais il prit la peine de me répondre. Sa voix était glacée, amère.

"Ce fils de... Oui, c'en était un ! J'sais pas qui il était, juste que j'ai hérité d'sa sale teinte de ch'veux et d'ses oreilles. Et d'sa foutue longue vie aussi ! Si j'savais à quoi i'r'ssemble, j'lui f'rais r'gretter d'm'avoir engendré ! S'il est vivant, qu'il crève ! Et s'il est mort, je crache sur sa mémoire !"

Il joignit le geste à la parole, envoyant une petite giclée de salive mourir dans les flammes. Tout cela se passait dans mon esprit et pourtant j'étais persuadée ressentir un picotement dans les plaies qu'il m'avait causé quelques jours auparavant. L'atmosphère s'était tendue mais, après avoir senti mes yeux s'écarquiller, je m'obligeai à me reprendre. Vu sa réaction quand je l'avais auparavant traité d'elfe, je n'aurais pas du ramener ce sujet sur le tapis. Au moins, j'avais une piste sur ce qui était à l'origine de l'animosité entre le voleur et le terme "elfe"... Mais à quel prix ?
Me sentant en tort, je repris la parole, dominant de la voix le crépitement du feu.

"Je n'aurais pas du évoquer ce sujet. Je te prie d'accepter mes excuses."

Le marron de son regard prit une teinte orangée à cause des flammes alors qu'il scrutait mon visage. Son expression sembla un instant afficher de la confusion. Il tendit la main dans ma direction puis changea d'avis, s'en servant pour se frotter l'arrière du crâne.

"Oui mais non... Enfin, c'est pas... Rhaaa."

Il souffla longuement, accolant ses avant-bras contre ses cuisses, puis il secoua la tête.

"Tu pouvais pas d'viner. Juste... Evitons d'en parler, d'accord ?"

J'acquiesçai et reportai mon attention sur les flammes. Un silence s'installa, seulement troublé par les lueurs chaudes dansant sur le bois mort. Un son de raclement de terre se fit entendre alors que le voleur rapprochait son rondin du mien, allant d'ailleurs l'y accoler. Je restais quelque peu perturbée par la froideur qu'il avait manifesté, incapable de ne pas m'interroger sur le pourquoi de ce comportement. J'avais beau avoir une piste, ne pas avoir d'explications de sa part ne pouvait que me faire émettre des hypothèses toutes plus farfelues les unes que les autres. J'ignorais s'il se sentait coupable mais, après avoir repris place sur le morceau de bois, il se risqua à accoler son épaule contre la mienne. Je le laissai faire, sa présence ne me gênant finalement plus. Je ne savais pas vraiment si je pouvais l'interpréter de cette façon mais je voyais dans ce geste un moyen de s'assurer que je ne lui en voulais pas et que la réciproque était vraie. Je me surprenais même à accepter la chaleur de cet être à sang coloré à travers ma cape. La pensée qu'à la fin de ce voyage nos routes allaient diverger fit naître une étrange impression qui me resserra un peu la gorge. C'était incompréhensible. Etais-je en train de commencer à apprécier la compagnie de Nahöriel ? C'était stupide, illogique... Et pourtant ?

Le craquement du feu sembla se faire moins bruyant quand le semi-elfe se mit bientôt à fredonner la mélodie qu'il avait joué à sa flûte. Etrangement, alors qu'à l'instrument le tempo était rapide, il l'avait ralenti pour chantonner. Cette mélodie était assez apaisante et douce. Je me sentais un peu étrangère à moi-même, comme si toutes mes pensées étaient attirées par ce son. Immobile, je prêtai une attention particulière à sa voix. Je n'arrivais presque plus à me rappeler de l'intonation froide qu'il avait employé pour me menacer. Je ne m'autorisai pourtant pas à lui accorder un trop-plein de confiance. Cela aurait été naïf de ma part, surtout envers quelqu'un qui avait l'air de dissimuler bien des choses. Maintenant que j'y songeais, c'était aussi ce que je faisais sauf que lui avait des gestes amicaux envers moi. Je ne savais plus trop quoi penser, sans doute était-ce la lassitude du jour qui revenait à la charge.

Il continua quelques minutes à produire cette mélodie agréable avant qu'un long bâillement ne l'oblige à s'interrompre et à se lever.

Un bref signe de tête de sa part précéda sa disparition dans la tente et la reprise de mon tour de garde dans le silence percé par les crépitements des flammes.



=>Route entre Tulorim et Yarthiss Jour 3

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Dernière édition par Mythanorië le Ven 30 Mar 2012 22:36, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Ven 30 Mar 2012 22:28 
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Une nouvelle fois à l'aube, notre trio ou quatuor si l'on prenait la jument en compte, reprenait la route. Ce matin-là, j'étais un peu morose et abattue sans bien comprendre pourquoi. Ce n'était pas lié à la température qui augmentait quelque peu par rapport à ce que je connaissais. Je n'avais pas non plus cauchemardé ni n'avais été spécialement dérangée par les phrases incohérentes de l'humaine pendant son repos. Je n'arrivais pas vraiment à comprendre ce qu'il m'arrivait. Peut-être était-ce simplement la lassitude de la marche qui commençait à se faire sentir. Peut-être était-ce de l'appréhension par rapport à ce qui nous attendait sur le chemin. Peut-être qu'aucune de ces raisons n'était la bonne et y penser n'avait comme conséquence que de me rendre plus attristée encore.
Cette sensation devait se voir d'une façon ou d'une autre sur mes traits car, avec la régularité d'un mécanisme, le semi-elfe se tournait dans ma direction.

Sa propre expression était indéchiffrable. Pourtant, ce n'était pas la tension de la veille qui pouvait en être à l'origine. Après tout, je ne lui en voulais pas d'avoir ainsi élevé la voix. Quoique ? En faisant bien attention, je pouvais percevoir un étrange pincement dans le fond de ma gorge. J'avais beau me concentrer dessus, impossible de savoir s'il s'agissait d'agacement, de peine ou même d'angoisse. C'était idiot. Pour quelle raison aurais-je ressenti un tel embarras ? Ce n'était pas comme si ce que Nahöriel pensait de moi pouvait m'influencer. A quoi bon s'inquiéter du fait qu'une personne qui n'est pas spécialement importante pense du mal de vous ?
Un coup intérieur m'obligea à inspirer fortement, comme si une partie de moi me tenait rigueur de ces pensées. Impossible. Ce voleur n'était rien de plus qu'un compagnon de voyage, un être qui n'était lié à moi que parce qu'il me devait des yus et surtout portait la responsabilité de ma crainte de la proximité des autres. Développer ne serait-ce qu'une ébauche d'attachement paraissait totalement inconcevable.
Il ne manquerait plus que cela, qu'une victime finisse par ressentir de l'intérêt pour son agresseur.

Alors qu'il se retournait dans ma direction pour la énième fois depuis que nous avions repris la route, je me permis de l'ignorer. Il n'y avait aucune satisfaction à me poser toutes ces fichues questions. Plus que deux journées de voyage après celle-ci et notre collaboration prendrait fin, tout comme ces soirées au coin du feu, d'ailleurs. Bizarre. Moi qui haïssais ces manifestations de chaleur et de destruction, j'étais parvenue à les tolérer. Est-ce que mon mal-être était du à la nostalgie de la tranquillité du cercle ou bien parce que je commençais au contraire à m'accoutumer à ce style d'existence nomade ? Non, définitivement peu probable. Après tout, cela ne faisait que quelques jours que nous voyagions.
Je me sentais perturbée mais impossible de savoir exactement pourquoi. Ne pas savoir m'agaçait énormément, rajoutant sans doute de la rigidité sur mon visage d'écorce déjà fermé.

Bientôt, la voix ravie de Myrielle s'éleva, tout comme son bras libre.

"Enfin à mi-parcours ! On arrive sur les terres de Tulorim !"

Mes yeux clairs, jusque-là rivés sur le chemin chaotique pour empêcher une chute stupide, se relevèrent et s'écarquillèrent. Le chemin continuait aussi droit que possible mais ce n'était pas lui qui venait de capter mon attention. De part et d'autre de ce dernier, deux immenses statues le bordaient. Même en étant trois fois plus grande que ma taille actuelle, j'étais sûre de ne même pas leur arriver aux épaules. Cette sensation se renforçait à mesure que nous nous en rapprochions. La voix amusée du semi-elfe s'éleva.

"J'ai beau les connaître, à chaque fois qu'j'passe près d'elles, ça m'fait l'même effet."

Une fois à leur pied, je pus les détailler. Face à face de part et d'autre de la voie, les statues représentaient des individus féminins, revêtus de drapés soigneusement sculptés. Elles étaient toutes deux assises sur leur talon gauche et tenaient contre elles une sorte de bouclier à motifs. L'un me faisait penser à l'emblème présent sur l'une des tours du château de Yarthiss. L'autre m'était totalement inconnu. Les deux personnages étaient humains mais aucun trait caractéristique racial ne permettait de préciser l'ethnie employée comme modèle. Leurs cheveux étaient longs, raides et libres, uniquement ceints d'une couronne florale passant sur leur front et contre leurs tempes. Leur socle était recouvert de traces de mousse et de sillons griffonnés dans la pierre, sans doute par des passants peu scrupuleux. Par endroits, j'étais certaine de deviner de l'enduit coloré, rongé par les éléments. Je n'arrivais pas à leur donner d'âge tant leur expression douce semblait éternelle. Pourtant, on avait bien du les tailler mais aussi les transporter. Aucunement instruite sur l'art sculptural, je ne pouvais que me demander combien de temps leur création avait pu demander tant les détails, bien qu'érodés, me paraissaient soignés.

Myrielle passa assez rapidement son chemin, me laissant derrière avec le semi-elfe. Je m'attardai un moment, observant le voleur en admiration devant celle de droite portant le symbole de Yarthiss. Lorsqu'un timide rayon de soleil vint frapper le pied visible de la statue, Nahöriel sembla remarquer quelque chose et se mit à frotter de l'index la mousse accumulée. Je détournai un instant les yeux de lui quand l'humaine, déjà éloignée, nous intima l'ordre de nous dépêcher. Je ne l'entendais pas très bien mais elle insista suffisamment sur les mots "punition" et "retard" pour que je comprenne qu'elle se plaignait encore du risque de se faire taper sur les doigts. Rapidement, la silhouette du semi-elfe entra dans mon champ de vision. Sous sa cape, je pouvais deviner ses mains occupées à frotter vigoureusement quelque chose qu'il gardait camouflé au niveau de son torse. Sans doute avait-il trouvé un yu oublié par chance. En tous cas, il irradiait presque d'un bonheur sincère ou alors c'était un effet d'optique lié au soleil.

Avec un sourire retrouvé, il m'adressa un regard.

"La journée commence fort !"

J'esquissai un sourire en retour même si mes pensées n'étaient pas aussi joyeuses. Je n'aimais pas voir son faciès refléter de l'inquiétude, m'incitant à ne pas lui faire part de mon état. A quoi bon lui confier un mal-être que moi-même je n'arrivais pas à comprendre ?
Allongeant le pas, j'adressai mentalement une prière à Moura, pressentant que la force intérieure que j'avais retrouvé au temple s'estompait déjà. Je reportai mon attention sur le sol pendant quelques heures, m'écartant de la voie quand une butée de terre rude me faisait obstacle.

La route se faisait à chaque pas plus sèche et, en regardant alentours, je ne pus que constater de la terre si aride qu'elle semblait poussiéreuse. Dessus poussaient pourtant quelques plantes mais leur aspect était loin d'être aussi agréable à l'oeil que les troncs de ma forêt natale. Elles étaient couvertes d'épines, de feuilles à l'aspect rude et, même si elles n'étaient pas bien hautes, elles poussaient en si grand nombre que j'avais du mal à distinguer le sol entre elles.

Ou peut-être pas.

Mes yeux restèrent rivés à une forme arrondie, d'une teinte proche de la poussière avoisinante, mais qui bougeait. La créature, car c'en était forcément une puisqu'elle se mouvait, disparut sous une plante épaisse. Je ne l'avais pas remarqué jusque-là mais il était vrai que rien n'empêchait la vie animale de se développer dans les environs, que le sol sois sec ou non.
La charrette s'avança encore de longues minutes sur la voie cabossée qui se poursuivait à bas d'une pente taillée avec un angle important et couverte de végétation. Un certain calme étreignait l'endroit, comme si la chaleur présente et montante menaçait toute existence ou tout bruit importun. Il y avait quelque chose d'étrange dans l'air.



Du coin de l'oeil, j'aperçus Nahöriel mettre la main à la garde de sa dague, son visage se braquant sur la droite. Il n'avait pas l'air tranquille et, maintenant que je la regardais, Myrielle non plus. Lentement, l'humaine dégaina son arme tout en obligeant Alna à continuer sa route en pressant le pas. Aucun des deux ne prononça un mot mais s'ils étaient d'un coup sur leurs gardes, j'avais intérêt à me méfier aussi. Allongeant la foulée à mon tour, je me tenais à deux pas du semi-elfe, tendant l'oreille à la recherche d'un bruit susceptible de m'indiquer ce qu'il se passait.

A peine quelques pas plus tard, un bruit de plantes brutalement écartées me parvint. Il fut presque immédiatement couvert par la voix du voleur.

"Attention !"

Accompagnant son éclat de voix, sa main libre m'avait asséné une poussée suffisante au milieu du buste pour m'obliger à reculer de quelques pas. Je luttai brièvement pour rester debout. J'eus le réflexe de me retenir de justesse au bord de la charrette puis je relevai le nez. Un lourd "toc" sonore se fit entendre contre l'essieu, suivit d'un bruit d'atterrissage au sol poussiéreux. Le son se répéta deux autres fois dans les instants qui suivirent puis un vif impact sonore fit hennir la jument d'une façon suraiguë. Les yeux masqués par les oeillères, Alna n'avait pas vu le coup venir et elle se cabra comme elle le put, agitant les antérieurs dangereusement. Le son produit par l'équidé fit monter une bouffée d'angoisse dans ma gorge et se propager une onde glaciale dans mon dos. Malgré la force de Myrielle retenant la longe, l'animal sembla paniquer et, tirant le lourd chargement comme s'il ne pesait rien, la bête se mit à avancer avec rapidité. La corde autour du poignet, l'humaine fut entrainée à sa suite.

"Mytha ! Baisse-toi !"

Je n'eus pas le temps de voir davantage la scène que le bras puissant du voleur m'entourait les épaules. Tension, poussée. Je finis courbée sous la force employée. Juste au-dessus de ma tête, je perçus le déplacement d'air. Mes yeux s'arrondirent alors que je sentais l'angoisse m'étreindre. Qu'est-ce que c'était ? Projectile ? Créature rapide ? Quoi que ce fut, cela disparaissait ensuite dans les herbes environnantes. Dague sortie, le voleur se pencha un peu en avant, retirant son bras de mon dos.
Je serrai mon grimoire, sentant mon corps trembler. La peur naissante était liée à l'inconnu. Si j'avais su ce qu'il se passait, j'aurais pu réagir en conséquence.

Nahöriel me tourna le dos, s'orientant sur sa gauche. Alors qu'il était tourné de ce côté, mon regard décela un mouvement vif. Ma voix n'eut pas le temps de sortir qu'une étrange boule hérissée venait percuter violemment la cape du voleur, à hauteur de sa hanche. Celui-ci, à l'instant même où il perdit son appui, fut victime d'une autre boule piquante visant l'épaule. Un grondement lui échappa alors qu'il abaissait sa dague, frappant le vide. Une douleur soudaine enflamma mon épaule droite. Je pris conscience que je venais aussi d'être frappée, réveillant la peine de mes cicatrices.

Je me retournai juste à temps pour voir la créature au sol. Une vingtaine de centimètres, grisée, recouverte de petits piquants. Un museau fin et pointu mais surtout deux yeux ronds et noirs braqués sur moi. Je la vis se reculer mais pas pour fuir. Penchée, les pattes griffues raclèrent le sol avant qu'elle se ne jette sur moi. Enroulée sur elle-même, tous pics dehors, elle me frappa. Fort heureusement, son coup fut amorti par le grimoire. L'animal se réfugia à couvert d'une plante épineuse. Immédiatement après l'assaut, le semi-elfe colla son dos au mien.

"Rana ! Quelles saletés !"

"Qu'est-ce ?"

"Hérissons. Hostiles et attaquant en... A terre !"

Luttant contre mon instinct, je pliai mes membres inférieurs, sentant le déplacement d'air non loin. Un bruit de tissu me parvint et je tournai la tête vers Nahoriel. Un genou à terre, il serrait fortement quelque chose contre sa cape. L'un des animaux avait raté son saut et s'était retrouvé coincé contre l'intérieur du vêtement. Sans aucune pitié, le voleur changea l'angle de sa dague et abattit celle-ci sur la bête. Une giclée de sang atterrit sur la voie, éclaboussant au passage le visage à cicatrice, lorsque l'arme fut brutalement retirée du corps chaud et immobile. Les herbes proches demeurèrent un court instant silencieuses, nous laissant le temps de nous relever.

L'atmosphère figée aurait pu paraître calme sans le commentaire peu rassurant que s'empressa de faire Nahöriel.

"Ils sont toujours là. Ils n'abandonnent jamais."

"Combien sont-ils ?"

Je crus entendre une esquisse de sourire dans son intonation.

"Un d'moins, c'est sûr."

Je trouvais son trait d'humour un peu déplacé avant de me rendre compte qu'il tremblait légèrement contre mon dos. Peut-être avait-il peur autant que moi malgré ses airs courageux. J'ignorai si les créatures qui nous observaient, tapies dans les végétaux, avaient la moindre idée de ce qu'il avait dit. J'en fus presque convaincue quand trois boules épineuses jaillirent de concert de leur abri. Deux d'entre elles se ruèrent avec force contre le voleur. La dernière fit une chose étrange. D'abord elle bondit vers Nahöriel puis elle changea de direction, nous obligeant à nous séparer. Pour l'éviter, je fus même obligée de reculer sur plusieurs pas.

Le hérisson roula dans les airs, venant percuter mon grimoire une nouvelle fois. La force du coup fut suffisante pour me faire chuter en arrière, renvoyant mon assaillant par la même occasion. De nouveau au sol, elle poussa comme un cri de défi à mon intention. N'ayant pas d'arme, je ne pouvais que me fier à ma magie pour espérer me défaire de cette créature. Tout en la gardant dans mon champ de vision, je me relevai aussi vite que possible. Serrant mon grimoire de mon bras gauche, je me concentrai, ramenant mes fluides d'eau dans ma paume, la tendant avec menace. Mal m'en prit car au moment où je fis émerger mes longs doigts végétaux de ma cape, le hérisson les prit pour cible. Je l'esquivai de justesse mais perdis du même coup ma concentration fluidique.
La crainte qui m'étreignait céda peu à peu la place à de la frustration. Le phénomène se réitéra lorsque la bête m'obligea une nouvelle fois à m'interrompre pour ne pas recevoir le choc de plein fouet. Après son saut, elle roula un instant et se réfugia dans la végétation. Ma sève pulsait si fortement que mes tympans étaient comme emplis d'une matière cotonneuse. Je profitai de ce court moment pour jeter un regard au semi-elfe.

Il était en mauvaise posture. Les deux bêtes qui l'avaient pris pour cible alternaient leur saut de sorte que, lorsqu'il s'apprêtait à en frapper une, la deuxième le déstabilisait en l'obligeant à esquiver ou parvenait à frapper son bras armé. Malgré le choc, sa main restait serrée sur le pommeau de l'objet tranchant sans ciller. Il tenait encore debout et luttait avec vaillance, jurant alternativement entre Rana et Moura à chaque frappe manquée. Sans aucune raison apparente, les mots de la vieille Nanny me revinrent. "Jeune pousse inutile, encombrante et dépendante". Une étrange amertume me submergea. Je refusai de me croire victime d'une telle faiblesse. J'avais des fluides magiques et si une situation pareille n'était pas urgente, aucune ne le serait.
Lorsque la bête reparut, j'étais bien décidée à ne pas me laisser faire. Pour le bien du voleur, je devais faire vite.

Une nouvelle fois, j'esquivai son assaut de justesse, entendant les pics frôler le tissu de ma cape. Je déglutis d'un coup, percevant la sécheresse de ma bouche par laquelle je respirait depuis le début de l'assaut. Cette attaque me convainquit que je n'aurais jamais le temps de concentrer mes fluides et surtout de les matérialiser sans qu'elle réagisse. M'attaquer aux hérissons s'en prenant à Nahöriel ? Trop dangereux. Je risquais de blesser le semi-elfe en agissant ainsi voire de le gêner dans ses mouvements. Ce court temps de réflexion fut suffisant pour que je sois victime d'une nouvelle attaque bondissante. Le choc fut brutal, tamponnant lourdement mon torse. Sous la cape dégagée par le mouvement de mon bras, je sentis quelques pics tirer des fils du drapé usé, malmenant l'attache tordue au passage. Le souffle un instant coupé, je vis la bête se reculer une nouvelle fois.

( Trop rapide. Je dois... La ralentir. L'immobiliser. L'entraver... )

D'un geste aussi rapide que possible, je détachai mon drapé sous la cape, cachant au mieux ce que je faisais aux yeux noirs de la créature.

( Comment faire ? Lui jeter dessus ? Non, elle esquiverait. Attendre son prochain saut ? Trop aléatoire pour savoir comment me préparer. Je dois la piéger... )

Une idée me vint et, coinçant le tissu entre mon grimoire et moi, je manipulai mes fluides, ne faisant émerger ma main qu'au dernier moment. Mes doigts étaient à peine visibles que le hérisson bondit dans leur direction, m'obligeant à prestement rabattre mon membre et faire un pas de côté. La pression gagna un cran lorsque j'aperçus le semi-elfe mettre un genou à terre suite à un coup bien placé. Il lança un juron monumental avant de lacérer l'air de sa dague. Je l'entendis plus que je ne le vis bondir sur ses pieds et se ruer vers l'un de ses assaillants.

Agrippant le drapé, j'imitai ma gestuelle de manipulation du fluide d'eau, me préparant à piéger l'animal. Cette fois-ci, le hérisson bondit alors que seul le dessus de ma main était visible. Roulant sur lui-même, l'agresseur à piquants s'empêtra malgré lui dans le tissu, tirant sur des fibres qui hurlèrent leur peine. Je lâchai immédiatement le vêtement qui tomba lourdement sur le sol. La créature, coincée dans les fibres comme dans un filet, se débattait.

J'en profitai.

Concentrant mes fluides d'eau, je les poussai violemment dans mon bras droit. Faisant un pas en arrière, je projetai ensuite un jet d'eau sous pression contre la bête. J'avais beau y mettre toutes mes forces, j'avais l'impression que mon fluide magique avait faibli. Le flot fit reculer le petit tas, le plaquant contre la pente rêche. Un bref cri de l'animal fut rapidement noyé sous l'élément liquide. Je voulais arrêter, ne pas prendre sa vie mais un grondement du voleur suite à un impact chassa cette pensée. Sur le coup, ma culpabilité subit le même sort que le hérisson. Je ne cessai la matérialisation du flot que lorsque les pattes du hérisson cessèrent de remuer sous le tissu.

Venant de derrière moi, un bruit horrible et gluant me parvint. Sur le qui-vive, je me retournai, la main menaçante. Nahöriel était parvenu à piéger d'un des hérissons entre son torse et son bras gauche, payant pour cela de sa personne. Son avant-bras était en sang et sa tunique griffée sur plusieurs centimètres. Son attaquant à sa merci, sa lame avait alors plongé directement dans la petite dépression creusée dans la boule hérissée par le museau de l'animal. Je le vis jeter avec force le corps sanguinolent contre la pente et se redresser péniblement alors que le dernier des assaillants visible allait se réfugier dans les épines proches. Tout en gardant les yeux braqués dans la direction prise par la bête, je me postai entre elle et le semi-elfe. Je me savais plus fragile que le semi-elfe mais au moins ma présence faisant barrage pourrait lui faire gagner un court instant de sécurité.
Manipulant mes fluides sans pour autant les pousser dans un bras où l'autre, j'appelai avec inquiétude le semi-elfe dans mon dos.

"Nahöriel ?"

"Ca va. C'est rien qu'des égratignures. "

"Le dernier nous observe."

"Faut s'en débarrasser. Tant qu'ça vit ces bêtes-là, ça continue d'attaquer. C'est plus borné qu'un garzok en mal de bagarre."

J'acquiesçai brièvement, à l'affut du moindre mouvement ou bruit susceptible de trahir la position de la bête. Je changeai mon grimoire de bras, étendant le gauche en protection du semi-elfe. Respirant lentement, je focalisai toute mon attention sur les fleurs rigides ou plutôt juste en-dessous. Je ne distinguai rien. Impossible de le localiser dans l'immédiat. Le souffle du voleur, ponctué de sons de gorge traduisant sa peine, suivait le même rythme que ma sève.
Sa voix s'éleva.

"Il est là. Juste en face. Deuxième plante rouge à gauche."

Suivant les indications du jeune combattant, j'obligeai mon regard à se focaliser sur l'endroit. Bientôt, je repérai un détail. Quelque chose de sombre luisait un peu sous certaines plantes. Par moment, l'éclat disparaissait puis revenait aussitôt. Etait-ce le regard de cet être ? Attendait-il une opportunité pour frapper ? C'était fort probable, surtout s'ils ne cessaient jamais leurs assauts comme l'avait évoqué Nahöriel.

Rivant mon regard dans les fourrés, j'étais persuadée de voir l'animal. Manipulant mes fluides, je ne perdis plus un instant et, tendant l'index gauche, je projetai une giclée d'acide. Tout d'abord, je n'entendis rien, même si le regard noir avait disparu. D'un coup, un sifflement ou plutôt un cri presque humanoïde émergea des fourrés. Malgré son état, le voleur rallia l'origine du cri, écartant de son bras déjà blessé le feuillage épais et épineux. L'éclat de la dague plongea directement vers la source du cri sans la moindre retenue. Un craquement sinistre s'ensuivit, talonné par un silence lourd de sens. Je le vis se redresser et agiter sa dague d'un geste méprisant, faisant tomber des gouttes de sang au sol.
Attentif, il tourna la tête d'un côté puis de l'autre. Son regard balaya l'étendue végétale, précédent la venue d'un souffle soulagé.

"Y'a plus d'bestioles."

Malgré son intonation amusée, l'état de son bras m'indiquait qu'il n'y avait pas de quoi rire. Certes, c'était surtout de belles éraflures suffisamment profondes pour saigner mais si ces bêtes étaient sales, et vu la quantité de poussière soulevée elles l'étaient, les plaies risquaient de vite s'infecter. Je détournai les yeux de lui et allai récupérer mon drapé trempé. Je pus sentir un dégoût marquer mes traits alors que le cadavre du hérisson, gorgé d'eau, en tombait dans un bruit humide. Je n'avais pas à me sentir mal. Je n'avais fait que me défendre, quand bien même un certain vide et malaise auraient pu me persuader du contraire.
Tout en essorant le tissu, j'emboîtai le pas au semi-elfe qui venait de se remettre en route. Rapidement, je nouai le vêtement imbibé de liquide à l'une des boucles de ma sacoche, accrochant l'attache tordue au rabat du contenant.

Le semi-elfe souriait bizarrement, allongeant la foulée. Il semblait hésiter à poser la main contre le sang rouge glissant contre sa peau. Sa voix comportait comme de l'amusement.

"J'espère que Myrielle va bien. La pauvre Alna... La façon dont t'as débusqué l'dernier, c'était très malin ! T'aurais même pas eu b'soin d'moi pour finir la besogne."

Il parlait vite, comme pour meubler le silence. Plus intriguant encore, il évitait de me regarder même en parlant de moi. J'avais beau ne pas vouloir m'appesantir sur ce fait, il n'empêchait que le voleur avait un comportement étrange. Malgré moi, je sentais poindre de l'inquiétude. Je me risquai à l'interrompre.

"Nahöriel ?"

"J'aurais pas aimé être à la place de ce hérisson. Quoique j'l'ai d'jà été ! Haha !"

"Nahöriel..."

"J'me d'mande c'qu'il leur passe par la tête à ces..."

"Nahöriel !"

Agacée, j'agrippai sa cape et tirai dessus. Il s'arrêta et resta immobile à regarder par terre. Gardant le tissu en main, je fis un pas de plus, arrivant à sa hauteur. Je l'avais senti trembler et entendu jurer sous les impacts, quand bien même il s'était vaillamment défendu. Je n'étais pas dupe. Il était vrai que je ne le connaissais pas depuis bien longtemps, que je ne m'étais pas véritablement intéressée à lui, principalement parce que nos routes allaient se séparer. Pourtant, derrière cette attitude un brin désinvolte, j'avais la certitude qu'il avait aussi été secoué.

Je plissai les yeux et, relevant le grimoire, j'appuyai mon index contre mon torse meurtri.

"Moi aussi j'ai eu peur."

Il braqua son visage dans ma direction, rivant son regard au mien.

"Mais ? Mais non ! Pou... Pourquoi tu crois qu'j'ai..."

Ses yeux sombres semblant receler de la surprise, j'eus finalement un doute. Peut-être que j'avais mal analysé la situation et qu'il avait tremblé d'anticipation et non de peur. Il m'arrivait aussi de commettre des erreurs et peut-être en était-ce une. Je délaissai sa cape, ramenant mon bras à l'abri sous la mienne. Il soutint mon regard un moment puis s'en détourna. Après avoir enfin rengainé sa dague, il appliqua sa main libre contre son visage, frottant les traces de sang animal. D'un coup, il serra les dents, plaquant son poing contre son nez. Il y avait quelque chose de touchant dans son attitude mais qui me mettait également un peu mal à l'aise. Comment étais-je censée réagir dans un tel cas ? Je m'en voulus un instant. Il devait avoir été en train de combattre sa crainte et je n'avais fait que la raviver.

Gênée, je reportai mon attention sur son bras blessé. Je ne pouvais pas laisser cette blessure dans cet état, d'autant que je commençais à voir un bleu se former sur la peau. Rangeant momentanément mon ouvrage dans ma sacoche, je déroulai mes doigts et vins enserrer sans forcer le poignet du jeune semi-elfe. Il ne résista pas mais grimaça légèrement lorsque l'eau claire que je matérialisai nettoya sa peau meurtrie. Je sentis son regard sur moi et pris la parole.

"Aurais-tu de quoi bander ces petites plaies ?"

"Non. Myrielle peut-être... Faut vite la rejoindre."

J'émis un souffle lent puis relâchait son poignet. Je me sentais vidée, comme si j'avais employé toute mon énergie intérieure trop rapidement. La sensation était étrange et désagréable. Je me sentais encore plus vulnérable qu'en temps normal. Pourtant, en voyant le liquide carmin perler de nouveau, je n'eus pas la patience d'attendre que l'on rejoigne l'humaine. Relevant ma cape, je détachai rapidement la bretelle en tissu clair reliée à celle de mon buste.

La voix surprise du voleur m'interpella.

"Que fais-tu ?"

"J'improvise."

Sur ce, j'inspectai le tissu pour m'assurer de sa propreté et l'enroulai autour de son avant-bras meurtri. Dès que j'eus achevé ma besogne, je me remis en route, détournant les yeux d'un cadavre de hérisson proche. Nahöriel me rejoignit rapidement et conserva un moment une attitude étrange. Il gardait la main au-dessus du pansement improvisé, comme s'il craignait d'y toucher et qu'en parallèle il le fascinait. Une fois de plus, il agissait d'une façon surprenant et totalement indéchiffrable. Pour moi en tous cas. Maintenant que le calme était revenu, mon corps se manifesta par de la douleur faible en divers endroits.

Après un virage contournant la pente, la charrette entra enfin dans notre champ de vision. Myrielle était perchée sur le dos de la jument, penchée en avant. Ses mains recouvraient apparemment les oeillères. Lorsque notre duo parvint enfin à sa rencontre, elle descendit de sa monture d'un geste souple et courut vers nous. Sa tenue était poussiéreuse et quelque peu abimée sur le côté, comme si elle avait chu contre ce sol rigide.
Avant même que nous n'ayons eu le temps de dire un mot, elle nous serra en même temps contre elle. Sa voix était entre les pleurs et la colère.

"Pardon ! J'aurais voulu vous aider mais Alna a eu si peur qu'elle m'a entrainé avec elle. J'ai mal partout mais vous aussi, pas vrai ? Viles bestioles ! comme je souhaiterai que les marchands ordonnent l'éradication de ce fléau ! Mais non, bien sûr ! Trop occupés à se remplir la panse et les poches ! Mais qu'est-ce que je raconte ! On s'en fiche d'eux ! Ce qui compte c'est vous ! Et vous êtes en un seul morceau ! Je suis si contente ! S'il vous était arrivé malheur, je m'en serai voulue à mort !"

"..."

"..."

"Oui, je sais, le choix de mots aurait pu être meilleur.

Je jetai un coup d'oeil au semi-elfe qui me le rendit. Une esquisse de sourire se glissa sur ses lèvres et un souffle soulagé lui échappa quand elle daigna enfin nous lâcher. Vivement, je repris mon grimoire en main. Lentement, nous nous remettions en route. Malgré la mauvaise rencontre, aucune grosse blessure n'était à déplorer, nous permettant de poursuivre droit devant.

Il n'empêchait, même si je savais que prendre la route n'était pas sans danger, jamais je n'aurais cru pouvoir subir l'assaut d'animaux acrobates. Etrangement, je comprenais un peu mieux les paroles de Nahöriel à l'auberge.

( Une belle cicatrice pour une leçon bien retenue. Leçon du jour, même si un danger n'est pas visible, cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas. )

Et tout en continuant sur la voie cabossée, l'humaine avait repris son flot de paroles, écoutée par un Nahöriel blessé et ignorée par mes soins. Enfin, presque.



=> Route entre Tulorim et Yarthiss -Fin du voyage-

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Mythanorië - Oudio / Shamane Hippocampe


Sœur de la Confrérie d'Outremer, Capitaine de la Rascasse Volante, au corps de bois et cœur de bête océane
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Dernière édition par Mythanorië le Ven 6 Avr 2012 15:06, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Ven 6 Avr 2012 15:05 
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=>Route entre Tulorim et Yarthiss -Jour 3-



En voyant approcher des constructions de pierres, je sus que le voyage touchait à son terme. La fin de journée accompagnait nos derniers pas en direction de la ville, nous apportant étrangement de brusques bourrasques chaudes et sèches, filant entre des arbres plantés en ordre. Je ne savais pas trop ce que je ressentais exactement. Mon esprit était partagé entre le soulagement de quitter enfin cette voie dangereuse, l'anticipation craintive de faire une entrée dans un nouveau lieu et une certaine amertume à penser que la relative paix du feu de camp ne serait plus qu'un souvenir. Ces deux derniers jours étaient passés à une vitesse incroyable et pourtant, j'avais eu pour la première fois l'impression de véritablement vivre quelque chose. Croiser d'autres passants sur ces routes, réparer hâtivement un essieu fragilisé et profiter d'un moment auprès de voyageurs contant leurs anecdotes avaient été les points les plus présents du reste de la route. Le plus remarquable dans tout cela avait été le fait que j'avais apprécié chaque instant écoulé.

Je levai le regard en direction de l'humaine puis du semi-elfe qui marchaient à deux pas devant moi. Ma gorge se serra un peu alors que je les voyais se parler à voix audible, mais avec moins d'entrain que la veille. Sans doute la lassitude commençait aussi à les gagner. Je ralentis mon allure, gravant cette image des deux personnes plus grandes que moi dans ma mémoire. Je trouvais presque amusant cette impression que j'avais tissé un petit lien avec eux. Logiquement, pour éviter de trop souffrir d'être séparée d'eux, j'aurais du commencer à mettre de la distance entre nous, autant moralement que physiquement. Le problème était que je n'arrivais pas à me résoudre à une telle chose. J'ignorais comment mais ces deux êtres avaient réussi à se frayer un chemin en moi, de sorte que je ne parvenais plus à faire abstraction de leur présence.

J'avais beau me dire que ma réaction était idiote, je ne parvenais pas à chasser ce petit élan de mélancolie qui m'étreignait. La sensation était moins forte qu'avec Païvhane mais elle était là tout de même. Le seul moyen pour moi d'amoindrir ce ressenti était de me dire que le voleur gardait encore bien trop de secrets pour que je lui offre ma confiance, et que l'humaine ne savait pas tenir sa langue.

Mon regard se porta sur ma gauche d'où provenait un léger son grinçant. Il y avait en haut d'une colline un étrange bâtiment, doté de pales tournant au vent. J'en détournai les yeux quelques instants après lorsque Nahöriel, s'étant arrêté, m'obligea à m'écarter de ma route au dernier moment. Il avait un air un peu nerveux et ses yeux vifs alternaient entre scruter Myrielle et moi. L'humaine, remarquant qu'il s'était arrêté, fit stopper Alna à son tour. La jument se laissa faire, fouettant l'air de sa queue sombre.

"Eh bien ? Nous sommes presque arrivés ! Vous n'allez pas me dire que vous allez faire demi-tour maintenant ? Pas vrai ? Ne faites pas comme l'oncle euh... Comment il s'appelait... Celui qui arrêtait sa tâche dès qu'elle prenait un peu forme !"

"Joldry ?"

"Oui, merci Nahö !"

J'eus du mal à camoufler un regard surpris. Non seulement Nahöriel écoutait vraiment Myrielle, mais en prime il retenait ce qu'elle lui racontait. Une brève esquisse de sourire naquit sur mon visage, expression que je masquai en feignant frotter une mèche végétale et la chasser de mes lèvres.

"Pars devant, Mymy, on t'rejoint. Mytha et moi, on doit causer."

Là, je pus sentir une certaine méfiance contraindre mon visage à se fermer. L'humaine, elle, resta une seconde interdite puis un étrange sourire se peignit sur ses traits. Elle fit un geste encourageant, sans que je comprenne bien ce qu'il pouvait signifier. Suite à cela, elle tapota le flanc de la jument et fit avancer la charrette en sifflotant gaiment. Je rivai mon regard au semi-elfe, sentant mes pensées s'assombrir un peu, surtout lorsque le fourreau de sa dague entra dans mon champ de vision. Malgré mon début d'attachement pour lui, je songeai d'un coup que le lieu était presque idéal. Aucun habitant à proximité, des arbres qui masquaient en partie les alentours et une fatigue certaine dans les jambes qui empêcherait tout tentative éperdue de fuite.

Je le vis attendre que Myrielle soit hors de vue et à mesure qu'elle s'éloignait, son sourire s'affadissait. Il finit par se tourner dans ma direction et me scruter sans un mot. Je fis de même, ne sachant pas à quoi m'attendre mais serrant mon grimoire contre moi. Finalement, il se décida à prendre la parole. Sa voix semblait un peu distante.

"Y'a bien une semaine, j'aurais jamais cru qu'c'genre d'chose m'arriverait. T'sais Mytha, c'est la première fois qu'j'me retrouve séparé de la troupe. Elle compte beaucoup pour moi."

Je restai immobile, le laissant parler.

"Mais... J'dois avouer qu'ces derniers jours... J'sais pas... J'ai eu l'impression d'me réveiller d'un long rêve."

Il regarda ses mains un moment, les ouvrant et les fermant plusieurs fois. J'inclinai un peu le visage sur le côté, tentant de comprendre ce qu'il tentait de me dire. Il reprit avec une certaine énergie.

"J'me croyais bon à rien, toujours couvert par les autres. Mais là, pendant c'voyage, j'me suis rendu compte qu'j'étais pas si inutile... Et c'est un peu... Enfin, grâce à toi."

J'ouvris des yeux ronds. Etait-il en train de me remercier ? Mais pourquoi ? Avait-il oublié que je m'étais défendue contre lui à coups de jet d'acide ? Que j'avais menacé de le tuer à l'auberge ? Et qu'il avait été quelque peu contraint de venir avec moi à Tulorim ? Quoique peut-être le dernier fait était l'inverse. Etrangement, je vis le semi-elfe agir avec timidité. Il parlait mais ne me regardait plus dans les yeux et se frottait l'arrière du crâne comme s'il confessait quelque chose de gênant. Son expression s'assombrit légèrement, comme s'il venait de penser à quelque chose.

"La troupe est... Etait... Mon seul point d'repère, mais maintenant... Quelque chose a changé. J'veux en avoir le coeur net."

Ses yeux sombres se rivèrent finalement aux miens, passant de l'un à l'autre avec une telle intensité que je me sentis un peu mal à l'aise. Il n'avait pas porté la main à sa dague pour le moment et je n'avais pas la sensation qu'il comptait le faire. Ses derniers mots contenaient sans doute du sens, mais uniquement pour lui si je me fiais à la confusion que ses phrases firent naître en moi. Ses lèvres formèrent bientôt un petit sourire alors qu'il fouillait adroitement dans sa sacoche. Ses trait s'illuminèrent quand il trouva ce qu'il cherchait. D'abord sans le sortir, il reprit la parole.

"J'sais qu'c'est pas grand-chose mais j'voudrais qu'tu prennes ça."

Sur ce, doucement, il fit émerger un objet métallique de sa sacoche et me le tendis, posé en partie contre sa paume de main. A première vue, c'était un bijou argenté. En m'y intéressant un peu, je constatai qu'il s'agissait d'un ornement que certaines personnes portaient dans leur chevelure, une tiare. Celle-ci était assez fine. Le bijou était constitué de motif de feuilles de type lierre, apposées les unes sur les autres, et se rejoignant sous une unique pièce végétale au milieu. Je le trouvais très joli à regarder mais j'avais bien du mal à comprendre d'où il le tenait.
Je jetai un regard au voleur puis à l'objet et tendis la main. De mes doigts, j'effleurai la tiare puis, doucement, refermai les phalanges de Nahöriel dessus. Devant son air intrigué, je m'efforçai de parler distinctement et d'oublier ce léger pincement intérieur.

"Je ne peux pas l'accepter."

"Pourquoi pas ? Il doit bien valoir autant que ma dette, non ?"

Ma poitrine fut intérieurement percée par une pointe de peine. Ainsi, s'il voulait m'offrir quelque chose d'une telle valeur, c'était simplement pour effacer sa dette ? C'était logique, je comprenais sa façon de penser. Pourtant, savoir que seul le prix de l'objet motivait son geste me procurait une sensation de peine, presque de gêne. J'inspirai lentement et secouai un peu la tête.

"Cette tiare est très belle. Elle doit valoir bien plus que quelques malheureuses nuits d'auberge... Tu... Tu ne devrais pas t'en séparer aussi facilement. Qui sait ? Sa valeur pourrait t'être utile là-bas."

Un silence s'abattit sur l'endroit. Je pouvais sentir mes yeux posés sur le visage du semi-elfe sans pour autant parvenir à discerner son expression. Je l'entendis inspirer longuement et souffler sur autant de temps. J'ignorai ce qu'il lui passait par la tête mais je vis sa gêne se muer en une légère peine.

"Si ça t'rassure, j'peux t'dire que j'l'ai pas volé. J'l'ai trouvé, j'lui ai rendu son éclat d'origine et j'voulais t'en faire cadeau."

Malgré moi, mes mots jaillirent de ma gorge avant que j'ai eu le temps de bien peser leur impact.

"Uniquement pour couvrir ta dette."

"Mais non ! Oh..."

Surprise par sa brusque répartie, je sondai son visage, à la recherche d'une réponse. Si la raison de ce cadeau n'était pas que pour me rembourser, pour quel autre motif agir ainsi ? Il venait de plaquer sa main libre contre ses lèvres et s'était presque retourné pour masquer son visage. Interloquée, j'avais bien des difficultés à le comprendre. Peu importait en vérité. Tout ce que j'avais besoin de savoir c'était que son acte le gênait, comme s'il faisait cela pour la première fois et craignait de mal s'y prendre. D'un coup, il se reprit et tint la tiare ostensiblement entre lui et moi.

" Prends-le juste comme un souvenir de ma part !"

" Un souvenir ?"

Pris de court, le semi-elfe ne parvint pas à répondre immédiatement. Curieuse, je me lançai à sa place.

"Aurais-tu peur que je t'oublie ?"

Son expression perdue répondit à sa place. Il avait l'air d'un jeune enfant, cherchant à attirer l'attention de quelqu'un lui étant proche. Pourtant ce n'était pas le cas entre nous qui n'avions que quelques jours de proximité. Il releva la main vers sa cicatrice, semblant un instant confus. Je retins difficilement mes questions. Il fit brusquement volte-face et s'éloigna de quelques pas rapidement. Je secouai la tête m'avançai à sa suite quand, après quelques enjambées, il stoppa brutalement son avancée. Il sembla déterminé lorsqu'il me fit face avec résolution. Ses mots brisèrent un silence certain mais en y échangeant une atmosphère étrange.

" Ecoute... J'veux juste... J'veux pas qu'tu gardes de moi cette image du jour où... Où..."

Je portai la main à mon épaule droite doucement, y jetant un bref coup d'oeil avant de reporter mon attention sur lui. Il acquiesça brièvement, scrutant avec force cette épaule arborant les marques de son acte.

"J'arrive même pas à m'rappeler pourquoi j'ai... Mais j'veux qu'tu saches que j'lèverai plus jamais la main sur toi. Enfin, c'est pas difficile vu qu'nos chemins s'séparent."

Au diapason du semi-elfe, je sentis une brusque boule se former dans ma gorge. Je secouai la tête, espérant l'en chasser et resserrai un peu le bijou contre moi. A mon geste, Nahöriel esquissa un sourire et, sans me demander mon avis, m'emprunta puis m'apposa la tiare dans ma chevelure végétale. Après cela, il m'incita à me remettre en chemin à sa suite d'un vif signe de tête.
En quelques minutes d'une marche soudainement intensive, trop pour que je puisse cogiter en continu, notre duo rallia l'humaine rayonnante.

Moins d'une heure après, notre petit convoi parvint à hauteur d'une bâtisse bruyante que Myrielle désigna comme l'auberge. Elle stoppa la charrette non loin et vint prendre une de nos mains dans les siennes.

"C'est la fin du voyage, les enfants."

( Enfants ? C'est pourtant toi la plus jeune, il me semble. )

" Je suis bien contente de vous avoir eu à mes côtés. Qui sait quelle compagnie cette sacrée Alna aurait pu faire à elle seule ! Ah, Nahö, pense à changer ton pansement régulièrement et à surveiller ta plaie. Et toi, Mytha... Sérieusement, apprends à sourire un peu plus."

( Hum ? Mais je sais sourire. Pourquoi une telle remarque ? )

"Haha. Et toi, fais attention à ne pas abimer tes meubles en rentrant."

Myrielle rendit son sourire au semi-elfe qui fut le premier à marquer son intention de partir. Il nous salua rapidement d'un geste de la main droite puis il remit sa capuche sur sa chevelure noire bleutée. Pendant de longues secondes, il resta là, immobile sans prononcer la moindre parole. Il finit toutefois par se retourner, jetant un bref regard par-dessus son épaule. J'avais du mal à avoir des pensées claires et neutres, perturbée par son cadeau, attristée par ce voyage achevé et envahie d'une sensation douloureuse à l'idée que j'allais me retrouver de nouveau seule. En le voyant s'éloigner, mon corps, pourtant fatigué, bougea de lui-même. Mes longs doigts d'écorce se déroulèrent et agrippèrent sa cape.

"Nahöriel !"

Il se retourna, ses yeux invisibles sous sa capuche. Je pouvais pourtant percevoir sur moi l'intensité de son regard. Ce fut ce poids qui me fit oublier ce que je voulais lui dire. Lâchant sa cape, je formulai un peu hâtivement une phrase.

"Tu... Prends soin de toi."

Je crus déceler un léger souffle déçu puis un sourire dans l'ombre de son vêtement avant qu'il ne fasse un signe de tête affirmatif. Il fit un pas en arrière.

"Toi aussi. J'espère qu'on... Que tu trouveras c'que tu recherches."

Un autre pas puis un troisième. Au quatrième, il fit volte-face et s'enfonça dans la ville. En quelques instants, l'écho de ses pas se perdit, me frappant du souvenir de ma séparation avec la liykor. Je me sentais étrange. La mention de ce que je recherchais me rappela la raison de ma venue. J'étais là pour consulter la bibliothèque, apprendre des choses sur ceux de ma race. Pourtant, en cet instant, cet objectif me semblait étrangement secondaire.

La voix de l'humaine, dont j'avais occulté la présence, s'éleva avec une intonation agacée.

"Ah lala... Aussi idiot les uns que les autres."

Sans la regarder, je sentis mon regard se durcir à la pique. Qui insultait-elle au juste ? Et surtout, de quel droit ? Sa main se posa sur l'arrière de ma tête, ébouriffant un peu mes crins végétaux.

" Pourquoi ne pas simplement dire à cette personne qu'elle va te manquer ? "

Je braquai mon regard en biais vers Myrielle avec agacement. Mon état d'esprit s'évanouit sur l'instant en découvrant son expression peinée. Ses propres yeux étaient embués et je pouvais voir les efforts qu'elle faisait pour ne pas pleurer. L'humaine grimaçait, retenant mal un souffle se faisant quelque peu entrecoupé. Son poing frotta bientôt ses pommettes, marquant sa peau de traces rougies.

Une fois ses adieux faits entre deux hoquets emplis d'émotion, elle s'empressa à la suite du semi-elfe, disparaissant à son tour. Seule, je demeurai dubitative puis regardais la bâtisse proche et m'y dirigeai.

Un poids, comme une chape de plomb, venait de me tomber sur les épaules. Mon esprit, un peu embrumé, allait avoir besoin d'un peu de calme pour m'aider à faire le point. La question était de savoir si un tel lieu pourrait m'offrir l'environnement adéquat.


=> Auberge du Pied Levé

[[[Acquisition RP de la Tiare en argent]]]

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Mythanorië - Oudio / Shamane Hippocampe


Sœur de la Confrérie d'Outremer, Capitaine de la Rascasse Volante, au corps de bois et cœur de bête océane
"Y'a pas à dire, la mer, ça vous change quelqu'un !"

Ancien thème
Thème actuel & Nouvelle Voix


Dernière édition par Mythanorië le Mar 11 Juin 2013 00:01, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Mar 17 Juil 2012 23:17 
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Leena inclina la tête en signe de respect, à la fois résignée et pensive. Trop de choses paraissaient étranges dans cette mission, et même les explications poussées du conseiller ne l’avaient pas convaincue. Quelles que soient les raisons officielles, il y avait un but, et celui-ci semblait bien plus profond et secret que les détails anodins dont on lui avait fait part.

« Très bien. Je pars sur le champ. »

L’elfe agenouillée se releva en replaçant sa cape dans son dos, et pris le chemin de la sortie sans remarquer tous les regards braqués sur elle. Son oreille perçante distinguait des interrogations, des critiques sur son attitude, et des rumeurs infondées. Rien de plus que ce qu’elle n’affrontait depuis sa présence au palais, mais avec une différence palpable : rien ne semblait plus la protéger.

Elle se rappelait bien, Tulorim, et sa dernière visite. Le temps passé avec sa sœur, l’auberge, la lettre, et son départ en trombe. Elle sourit en haussant les épaules, comme elle faisait à chaque fois que quelque chose lui semblait évident. Maara lui pardonnerait de toute façon. Leur complicité avait été éprouvée à maintes reprises, et avec succès. Cela prendrait juste du temps. Ou du moins c’est ce qu’elle espérait.
Son pas décidé ne laissait que peu d’espace pour ceux qu’elle croisait, et ses pensées la rendaient maladroitement inattentive. C’est une fois sortie à l’air libre qu’elle tourna la tête vers le côté, chassant une mèche devant ses yeux. Elle posa le pied sur l’étrier pour se mettre en route, mais faillit perdre l’impulsion pour monter sur son cheval. Un froid glacial venait de parcourir son dos, stoppant net son effort et aiguisant ses sens par instinct de survie. Quelqu’un, ou quelque chose, s’intéressait de très près à elle. Et ce n’était pas de bon augure.

Leena serra les dents et enfourcha la bête. Une toile touffue était en train de se tracer dans sa tête, mettant en jeu des éléments jusqu’ici complètement séparés. Elle fouetta le flanc du cheval d’un coup sec, et disparu rapidement sur la route derrière un nuage de poussière.

[…]

Le voyage était long et perturbant. Elle avait du faire une partie de sa route avec des mercenaires, déjouer des embuscades, et user de ruse pour survivre. Elle avait parfois même à user du sceau royal pour faire fuir ses agresseurs, jouant d’un pouvoir qui possédait surtout une valeur symbolique.

L’elfe s’était renseignée, usant habilement de son réseau de connaissances dans la région. Attaques de bandits, larcins et mythes des légendes. Beaucoup d’histoires et de banalités, sauf une en particulier. Une attaque de « démons » ou assimilés qui avait eu lieu peu de temps auparavant, entre Tulorim et Yarthiss. La description était presque trop parfaite pour être vraie, mais il fallait tenter. Son chemin était tout tracé, il ne fallait pas perdre de temps.

[…]

La nuit était sombre et à peine éclairée sous la lumière astrale. Dart le mercenaire s’était à moitié assoupi, se curant le nez avec la lanière d’une sacoche de cuir délabrée. L’épée fétiche que son père lui avait léguée rouillait dans un fourreau imposant, si bien qu’il n’avait jamais eu à la sortir pour intimider ses adversaires. Son vieux casque glissait en arrière sur des cheveux poisseux, et lui cachait la vue. Aveuglé et à moitié endormi, il ne vit pas la silhouette silencieuse s’approcher de Leena.

L’elfe dormait au milieu d’innombrables couvertures, qui lui garantissaient le confort dont elle n’avait jamais pu se passer. Le sourire niais et satisfait qui occupait ses lèvres une second auparavant se teinta en visage horrifié quand une main se posa sur son front. Sa bouche s’ouvrit en grand comme pour crier, mais elle fût coupée par une voix tranchante, monocorde et calme.

« Tu n’est pas assez rapide. Accélère ta recherche. »

Le temps de retrouver ses esprits et Leena écarquilla les yeux de surprise et de peur. Le visage qui se tenait à quelque centimètres du sien était celui d’un enfant, un jeune humain d’une dizaine d’années tout au plus. Ses yeux étaient d’un bleu sombre, obscur comme la nuit, et son côté impassible le rendait de glace.

L’elfe se jeta sa dague et avant qu’elle ai eu le temps de se retourner, l’enfant marchait plus loin, couvert par une lourde armure et une longue cape noire digne d’un chevalier des enfers. Elle se redressa dans un bond et reprit ses esprits, s’assurant que leur invité était parti. Pendant quelques secondes cette peur lui était revenue, se sentant nue et vulnérable devant un danger trop grand. Elle ferma les yeux pour se calmer, puis se leva pour aller projeter au sol le garde endormi d’un bon coup de pieds

« Bande de bons à rien, à quoi on aurait pu me tuer trois fois que vous seriez encore en train de jaillir dans vos glaires nauséabonds ! »

Elle était hors d’elle et à la fois pensive, contrariée, et inquiète. Il lui fallait prendre conseil, et elle n’avait pas de temps à perdre. Sans demander leur avis aux gardes, elle fit tout ranger et ils reprirent leur chemin vers Tulorim.

[…]

Sortie de Tulorim. Cette ville bruyante et marchande n’était pas de goût de Leena et en même temps la rapprochait de ce qu’elle aimait le plus, le luxe, la considération et l’importance. Le sceau royal avait été un plus non négligeable pour la négociation de vivres de bonne qualité, mais dont la quantité forçait la séparation de son escorte.
Kacem le fou avait été une source de renseignements précieuse, et la description d’une tuerie dans un village sur sa route vers Yarthiss concordait avec ses informations initiales. Il restait juste un détail : Maara. L’aubergiste avait confirmé son départ quelques temps auparavant, et par la même occasion précisé un des liens qui se créaient dans la tête de Leena.

Il fallait maintenant trouver des réponses.

[…]

Deux heures s’étaient écoulés depuis son départ du camp. L’elfe courrait bruyamment dans les herbes, sautant habilement au dessus des arbustes qui parsemaient la plaine. Il fallait qu’elle trouve un refuge, un endroit ou se mettre assise et comprendre ce qu’il venait juste de lui arriver. Elle avait tout laissé derrière elle, son escorte, son cheval, ses rations. La seule chose qui la faisait avancer était la silhouette qu’elle apercevait au loin, et qui semblait l’appeler d’une voix familière.


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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Mer 18 Juil 2012 22:17 
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Jour 3


Cette nouvelle nuit à la belle étoile se passe sans embuches, à peine troublée par les grattements de la faune locale.
Le feu est presque entièrement consumé, une unique braise de la taille d'un petit poids rougeoie encore faiblement lorsqu'elle émerge de son sommeil paisible. Et paisible est le mot juste, un sommeil reposant, profond, sans perturbation, et un réveil naturel, sans bruit suspect, sans boule au ventre. Il ne lui en faut pas beaucoup plus pour retrouver un moral serein et des pensées unilatéralement tournées vers son futur proche et son voyage à la recherche d'une relique qui, selon Morëla, l'aidera à mieux contrôler et se servir de ses pouvoirs encore naissants … et si sujet à controverse.

Mais le moment n'est pas à l'introspection, bien au contraire. Et ce n'est d'ailleurs pas une activité où Maâra fait preuve de beaucoup de talent.
En ce début de matin, elle ne pense qu'au soleil prêt à s'élever au dessus de l'horizon, à la route qui l'attend en solitaire, au paysage quasi désertique qui s'ouvre à elle pour une journée ... ou du moins l'espère-t-elle avec cette ferveur caractéristique des ermites.

Elle grignote vite fait quelques fruits secs et rempli de terre le trou creusé pour le feu.

C'est ainsi qu'elle découvre une vieille cape noir, poussiéreuse, à moitié enfoncée sous le tas de terre et de brindilles qu'elle pousse du pied pour enfouir son feu de camp. Elle la déterre par curiosité et la secoue, mais même là son aspect n'est pas plus reluisant qu'au premier regard. Elle s'apprête à la remettre dans son linceul naturel lorsque son Faera lui fait part de l'importance de cette trouvaille, et de sa déception quant au fait qu'elle n'a pas réussi à reconnaître en lui un vêtement spécial.

- Comment cela, elle est spéciale ? Demande alors l'elfe en fronçant le nez au milieu du nuage de poussière qu'occasionna son dernier secouement.
- Tu verras, lui répond son rat avec ce petit air supérieur favori.
- C'est toi qui l'a rendue spéciale, l'accuse Maâra.
- Pas du tout !
- Et comme par hasard … je la trouve au milieu de nulle part ?
- Mais dis-moi, deviendrais-tu sceptique ?
- Alors c'est juste une merveilleuse …. Coincidence ?
- Le hasard n'existe peut être pas, continue Morëla sur un ton professoral que Maâra n'arrive pas distingué comme étant sérieux ou moqueur. Peut être que tu étais destinée à venir par ici.
- Surement pas !!! Mais le ton n'y est plus et elle a d'ailleurs plié et rangé la cape dans son baluchon.
- Dis-toi que tu as probablement, par tes différents choix, manqué d'autres objets bien plus précieux !

Comme prévu par le Faera, l'elfe grise le regarde en silence et laisse ensuite échapper un soupir d'ennui avant de prendre la route.

Le paysage change lentement au fur et à mesure des kilomètres parcourus et au loin Maâra commence à apercevoir des collines et des vallons plus verts. Prochaine étape de son périple avant d'apercevoir sa destination finale, une forêt qui d'après son Faera, rivalise en mystère avec celle de son pays natal.

((Quelqu'un approche !!))

L'alerte est si soudaine que Maâra s'accroupit instantanément et guette un mouvement, un bruit au loin, afin de déterminé si ce quelqu'un est solitaire ou faisant parti d'un tout hargneux.

Sa journée avait pourtant si bien commencée.

Au loin se dessine alors une silhouette qui semble se rapprocher malgré toutes les prières de Maâra. Quelque chose dans l'allure générale de l'étranger intrigue l'elfe grise qui semble pâlir à vue d'œil.

Elle a beau ne pas le croire, ses instincts parlent pour elle. Ses cheveux, ses mouvements, sa peau, sa démarche ...
Maâra est figée, incapable de bouger ses membres, incapable de penser … ou plutôt d'arrêter l'avalanche de souvenirs qui dévalent ses pensées.
La douleur de l'abandon était encore là, profondément enfouie, et une part d'elle accusait sa sœur de tous les malheurs qui s'étaient abattus sur elle après la fuite de cette dernière. La colère des premiers jours a disparu bien sur, mais elle a laissé place à un sentiment plus froid et plus violent en bien des sens.
La totale impassibilité avec laquelle elle observe sa sœur la rejoindre n'est pourtant qu'une protection de plus qu'érige Maâra pour ne plus être celle qui subit, celle qui souffre, celle qui suit.

Lorsque Leena arrive suffisamment proche pour pouvoir compter les gouttes de sueur qui coule sur son front, Maâra se met à reculer doucement pas à pas, les yeux exorbités face à la brusque réalité. Elle reste interdite devant sa sœur, ne sachant si elle allait la gifler, la serrer dans ses bras ou se retourner et s'en aller comme s'il ne s'agissait que d'un mirage.

Aucun mot, aucune question, aucun signe de tête … Leena allait devoir poser la première pierre de leur nouvelle relation car la précédente est morte avec le contenu de sa lettre.



_________________
Maâra - Nécromancienne - Sindel
Ceux qui pensent que les morts appartiennent au passé, ne savent rien du futur


Dernière édition par Maâra le Mer 21 Mai 2014 11:50, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Tulorim et Yarthiss
MessagePosté: Sam 28 Juil 2012 16:32 
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Araksis était parti droit devant lui sans se préoccuper de Loupsage. Bien décidé à ne pas se laisser distancer par un demi-elfe ! Il enchaina les mètres durant une bonne partie de la première journée, les pavés défilaient sous ses pas et ses pieds les battaient avec acharnement. Il ne prêtait nullement attention à ce qui l’entourait, les marais avec leur beauté morbide, leurs lumières fades, filtrées par une végétation à la fois luxuriante et moribonde était pourtant d’un intérêt tout particulier. Qu’importe il avançait. Accélérant dès que Loupsage parvenait à sa portée pour remettre de la distance.

Mais il dut bien vide arrêter cette comédie, malgré son incroyable endurance il était évident qu’un complot se jouait contre lui et que la route prenait un malin plaisir à s’allonger sous ses pieds et le vent à souffler uniquement sur lui des bourrasques incroyables pour le ralentir.

Au détour d’un chemin il stoppa net comme figé, touché par un doigt glacial et il se laissa tomber sur le dos les bras en croix, immobile. En s’approchant on pouvait voir son torse de taureau se soulever et s’abaisser profondément à une fréquence effrénée. Il était haletant essayant de reprendre sa respiration. Lorsque Loupsage parvint à côté de lui il ne put s’empêcher de se défendre selon un argumentaire imparable développé par un lointain ancêtre.

Nous les torkins … nous sommes des sprinteurs, redoutable sur les courtes distances !

_________________
Araksis Fareiss : J'ai deux haches. Une pour me battre et une pour ... bin pour me battre aussi.

Actuellement Araksis est en route


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